Les difficultés d'application des notions autonomes

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les difficultés d'application des notions autonomes

Cette démarche de la Cour de justice a fait l'objet de critiques. On lui a reproché de procéder plus à une analyse empirique (fondée sur l'observation des droits matériels des États membres, du droit matériel européen, ou bien des finalités du texte interprété) qu'à une véritable qualification autonome, négligeant ainsi les objectifs du droit international privé, dont celui de la recherche de l'ordre juridique présentant le lien le plus étroit avec le rapport de droit litigieux.
Par ailleurs, cette démarche n'éludera pas le problème des conflits de qualifications, y compris au sein de l'Union européenne. Un juge, lorsqu'il aura à désigner la loi applicable face à un rapport de droit, pourra ainsi être amené à ne pas le faire de façon semblable suivant que le rapport de droit concernera une situation transfrontalière intracommunautaire ou bien une situation internationale extracommunautaire. Elle n'éteindra pas non plus toutes difficultés d'interprétation. Parfois les termes utilisés par un règlement, une convention ou un arrêt pourront eux-mêmes être sujets à interprétation. Toutes les conventions internationales font référence à des concepts qui peuvent être reçus de façon différente dans chaque État partie à cette convention. À défaut de définition conventionnelle précise naissent des difficultés de qualification. Chaque juge national lui donnera le sens retenu par son propre ordre juridique, ce qui constituera un obstacle à l'objectif d'harmonisation des droits.
Ensuite le droit européen ne constitue pas un système juridique complet. La référence au droit communautaire ne pourra donc pas être systématique, ni intégrale, et parfois le juge ne pourra avoir recours qu'à un droit matériel interne non encore uniformisé au niveau européen. La question se posera de façon d'autant plus aiguë que la décision rendue par un juge national pourra être amenée à circuler sur le territoire d'autres États membres de l'Union. Les autres États se considéreront-ils liés par la qualification adoptée ?
La règle de conflit de loi européenne ressemble à la règle de conflit de loi interne. Toutes deux ont une structure bilatérale. La règle de conflit de lois européenne est donc susceptible de désigner aussi bien la loi d'un État membre de l'Union européenne que celle d'un État tiers. Par conséquent, les problématiques suscitées au niveau national ne manqueront pas de réapparaître au niveau européen. Une même notion pourra être appréhendée différemment par le droit européen et celui d'un État tiers. La qualification autonome ne présenterait pas réellement d'originalité. Elle ne constituerait que la transposition pure et simple de la qualification lege fori dans l'ordre juridique européen. Le raisonnement serait le même, seule la source de la règle à interpréter changerait, pour passer d'un niveau national à un niveau européen et la démarche des juges européens s'apparenterait à une forme de qualification lege fori. Le droit européen fait partie intégrante du système juridique des États membres, et les juges nationaux sont devenus des juges européens chargés de l'application uniforme des textes européens sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne.
Pourtant, là où l'étude de la qualification s'était focalisée, en droit international privé de source interne, sur la loi qui devait la guider, le droit européen ne peut que montrer une voie originale, si l'on garde à l'esprit que le droit matériel européen est encore loin d'être abouti et reste à l'état embryonnaire. Il n'existe pas à proprement parler de loi européenne sur laquelle le juge pourrait systématiquement s'appuyer afin de guider son travail d'interprétation. Par ailleurs, certains règlements européens laissent la qualification à la loi nationale des États membres. Pour autant la méthode de qualification lege fori peine à s'émanciper des concepts du for pour proposer des solutions adaptées aux relations internationales, alors que les juges européens ont une vision différente et prennent mieux en compte le contexte international ; la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée en faveur d'une interprétation autonome du droit européen. Lorsque le droit international privé prend le relais parce qu'on sort du champ d'application d'un règlement européen, on revient à la qualification lege fori.