La « capacité » numérique

La « capacité » numérique

Les attributs numériques de la personne
– Capacité civile. – Autre attribut civil de la personne avec l'identité, la capacité est la faculté pour une personne d'être titulaire de droits (capacité de jouissance) et de les exercer seule et par elle-même (capacité d'exercice). Selon l'article 1145 du Code civil : « Toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité prévue par la loi ». L'article 1146 précise que : « Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi : 1o Les mineurs non émancipés ; 2o Les majeurs protégés au sens de l'article 425 ».
– Prolongements de l'incapacité civile dans le monde numérique. – L'incapable bénéficie de la même protection juridique dans sa vie numérique et dans sa vie civile. À titre d'exemple, l'inscription d'un mineur à une compétition de jeux vidéo est conditionnée par le recueil de l'autorisation de son représentant légal CSI, art. L. 321-10, issu de l'article 101 de la loi no 2016-1321 du 7 octobre 2016, dite « loi pour une République numérique ». .
– Distinction de la capacité civile et de l'autonomie technique ou numérique. – La loi ne subordonne pas la capacité juridique à des connaissances particulières, techniques ou numériques notamment derrière les cas d'incapacité qu'elle prévoit. Ainsi la personne ne sachant ni lire ni écrire, techniques dont la maîtrise pourrait paraître indispensable à la vie quotidienne, n'est pas frappée d'incapacité. Pour autant l'absence d'incapacité reconnue comme telle par la loi n'exclut en rien les éventuelles problématiques de protection ou d'accompagnement. Il importe dès lors de s'intéresser à la « capacité » numérique, distincte de la capacité civile au sens strict, en prenant en compte le degré d'autonomie numérique de la personne et en réfléchissant aux solutions à déployer lorsque cette autonomie fait totalement ou partiellement défaut.
Le manque d'autonomie numérique constitue une forme de vulnérabilité Cf. Rapp. C. cass. 2019 consacré à la vulnérabilité : www.courdecassation.fr/IMG/pdf/rapport_CC_2009.pdf">Lien susceptible d'entraver l'exercice de droits et libertés chaque fois que ceux-ci s'exercent de manière dématérialisée. Par analogie avec l'illettrisme, cette vulnérabilité numérique est aujourd'hui habituellement qualifiée d'illectronisme V. supra, no . . Selon un rapport d'information remis au Sénat le 17 septembre 2020 Rapp. Sénat no 711 (2019-2020), « L'illectronisme ne disparaîtra pas d'un coup de tablette magique ! » : www.senat.fr/rap/r19-711/r19-711.html">Lien : « Cette notion est duale : elle correspond à la fois à des situations d'exclusion par la compétence (incapacité, totale ou partielle, à faire), des situations d'exclusion matérielle (incapacité ou impossibilité d'accès aux outils permettant la connexion). Elle peut toucher n'importe quel public, bien que des facteurs de risque, sociaux et générationnels, soient identifiés (…) Qu'elle qu'en soit sa forme, l'exclusion numérique constitue un handicap majeur, fragilisant les populations atteintes dans l'accès à l'emploi, aux services publics, à l'éducation ou, plus fondamentalement encore, aux autres, comme le souligne avec acuité la crise sanitaire liée à la Covid-19 ».
– Premières solutions dans la loi pour une République numérique. – La question de la protection ou de l'accompagnement de certains utilisateurs a commencé à être traitée par la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016. D'une part, en favorisant le déploiement des réseaux modernes de télécommunication dans les zones qui en étaient alors exclues, les zones blanches L. no 2016-1321, 7 oct. 2016, dite « loi pour une République numérique », art. 69. , permettant ainsi, à terme, à l'ensemble de la population française d'accéder aisément aux services numériques en ligne.
Et, d'autre part, en créant des mesures spécifiques d'accessibilité aux services numériques (services téléphoniques et sites internet publics) pour les personnes handicapées L. no 2016-1321, 7 oct. 2016, dite « loi pour une République numérique », art. 105. .
Ces dispositions répondent à des critères traditionnels de vulnérabilité que sont l'isolement géographique ou le handicap. En revanche, elles ne concernent pas les personnes pour qui l'usage en tant que tel d'un service numérique crée une difficulté.
L'identification des difficultés dans l'utilisation des outils informatiques et des services dématérialisés (Chapitre I) est un préalable à l'étude de solutions qui pourraient être apportées à la vulnérabilité numérique ou illectronisme (Chapitre II) .
Les contours de la vulnérabilité numérique et de l'illectronisme
Il est un fait, tout le monde n'a pas la même habileté avec les outils numériques, 17 % de la population française était même en situation d'illectronisme en octobre 2019 selon l'Insee Une personne sur six n'utilise pas internet, plus d'un usager sur trois manque de compétences numériques de base : Insee Première oct. 2019, no 1780. . En soi, ce constat de différence d'aptitude n'a rien de spécifique à la matière numérique. C'est l'ampleur du phénomène de transition numérique qui impose le questionnement.
La protection de l'autonomie numérique
Il ressort des contours de la vulnérabilité numérique et de l'illectronisme mis en exergue dans le précédent chapitre que le défaut total ou partiel d'autonomie numérique peut être causé tant par les caractéristiques des outils et services numériques que par des facteurs propres à certains utilisateurs – ces deux causes n'étant pas exclusives l'une de l'autre.