La « capacité » numérique
La « capacité » numérique
Rapport du 117e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2021
– Capacité civile. – Autre attribut civil de la personne avec l'identité, la capacité est la faculté pour une personne d'être titulaire de droits (capacité de jouissance) et de les exercer seule et par elle-même (capacité d'exercice). Selon l'article 1145 du Code civil : « Toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité prévue par la loi ». L'article 1146 précise que : « Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi : 1o Les mineurs non émancipés ; 2o Les majeurs protégés au sens de l'article 425 ».
– Prolongements de l'incapacité civile dans le monde numérique. – L'incapable bénéficie de la même protection juridique dans sa vie numérique et dans sa vie civile. À titre d'exemple, l'inscription d'un mineur à une compétition de jeux vidéo est conditionnée par le recueil de l'autorisation de son représentant légal
CSI, art. L. 321-10, issu de l'article 101 de la loi no 2016-1321 du 7 octobre 2016, dite « loi pour une République numérique ».
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– Distinction de la capacité civile et de l'autonomie technique ou numérique. – La loi ne subordonne pas la capacité juridique à des connaissances particulières, techniques ou numériques notamment derrière les cas d'incapacité qu'elle prévoit. Ainsi la personne ne sachant ni lire ni écrire, techniques dont la maîtrise pourrait paraître indispensable à la vie quotidienne, n'est pas frappée d'incapacité. Pour autant l'absence d'incapacité reconnue comme telle par la loi n'exclut en rien les éventuelles problématiques de protection ou d'accompagnement. Il importe dès lors de s'intéresser à la « capacité » numérique, distincte de la capacité civile au sens strict, en prenant en compte le degré d'autonomie numérique de la personne et en réfléchissant aux solutions à déployer lorsque cette autonomie fait totalement ou partiellement défaut.
Le manque d'autonomie numérique constitue une forme de vulnérabilité
Cf. Rapp. C. cass. 2019 consacré à la vulnérabilité : www.courdecassation.fr/IMG/pdf/rapport_CC_2009.pdf
susceptible d'entraver l'exercice de droits et libertés chaque fois que ceux-ci s'exercent de manière dématérialisée. Par analogie avec l'illettrisme, cette vulnérabilité numérique est aujourd'hui habituellement qualifiée d'illectronisme
V. supra, no
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. Selon un rapport d'information remis au Sénat le 17 septembre 2020
Rapp. Sénat no 711 (2019-2020), « L'illectronisme ne disparaîtra pas d'un coup de tablette magique ! » : www.senat.fr/rap/r19-711/r19-711.html
: « Cette notion est duale : elle correspond à la fois à des situations d'exclusion par la compétence (incapacité, totale ou partielle, à faire), des situations d'exclusion matérielle (incapacité ou impossibilité d'accès aux outils permettant la connexion). Elle peut toucher n'importe quel public, bien que des facteurs de risque, sociaux et générationnels, soient identifiés (…) Qu'elle qu'en soit sa forme, l'exclusion numérique constitue un handicap majeur, fragilisant les populations atteintes dans l'accès à l'emploi, aux services publics, à l'éducation ou, plus fondamentalement encore, aux autres, comme le souligne avec acuité la crise sanitaire liée à la Covid-19 ».
– Premières solutions dans la loi pour une République numérique. – La question de la protection ou de l'accompagnement de certains utilisateurs a commencé à être traitée par la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016. D'une part, en favorisant le déploiement des réseaux modernes de télécommunication dans les zones qui en étaient alors exclues, les zones blanches
L. no 2016-1321, 7 oct. 2016, dite « loi pour une République numérique », art. 69.
, permettant ainsi, à terme, à l'ensemble de la population française d'accéder aisément aux services numériques en ligne.
Et, d'autre part, en créant des mesures spécifiques d'accessibilité aux services numériques (services téléphoniques et sites internet publics) pour les personnes handicapées
L. no 2016-1321, 7 oct. 2016, dite « loi pour une République numérique », art. 105.
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Ces dispositions répondent à des critères traditionnels de vulnérabilité que sont l'isolement géographique ou le handicap. En revanche, elles ne concernent pas les personnes pour qui l'usage en tant que tel d'un service numérique crée une difficulté.
L'identification des difficultés dans l'utilisation des outils informatiques et des services dématérialisés
(Chapitre I)
est un préalable à l'étude de solutions qui pourraient être apportées à la vulnérabilité numérique ou illectronisme
(Chapitre II)
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Les contours de la vulnérabilité numérique et de l'illectronisme
L'identification des personnes concernées repose tout autant sur la caractérisation des facteurs de vulnérabilité numérique et d'illectronisme
(Section I)
que sur la projection des conséquences de cette nouvelle vulnérabilité
(Section II)
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La protection de l'autonomie numérique
En conséquence, la protection de son autonomie, ou a minima l'accompagnement qu'est en droit d'attendre une personne en situation de vulnérabilité numérique à qui l'usage d'outils ou services numériques abscons est imposé, doit s'articuler autour de ces deux causes. Ainsi, afin de lutter contre la vulnérabilité procédant des outils ou services numériques, il convient certainement de tenir compte de la nature de ceux-ci pour qualifier les actes et faits juridiques afférents et en déduire des règles de protection appropriées
(Section I)
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