Protéger les proches

Protéger les proches

- Une évolution sociale. - On ne reviendra pas sur la fonction sociale de la famille et nous nous bornerons à rappeler qu'elle est le siège de l'affection, de l'éducation, du soutien matériel et financier dans les épreuves de la vie. Le couple est à l'origine de la famille et il en est aussi le socle. En ce premier quart du xxi e siècle, tant la cellule familiale que le couple sont en profonde évolution : le nombre de mariages s'amenuise, leur durée diminue, les unions libres se multiplient et les partenariats enregistrés (Pacs) sont un réel succès. Le mariage et la famille légitime ne sont plus les standards . À l'image de cette évolution sociale, le couple est désormais protéiforme et la famille l'est tout autant. Le couple constitue le socle d'une organisation de la vie privée et de structuration de la société, complexe car à entrées diverses . Notre société se construit et repose sur ces modes de conjugalité. La famille est « le berceau de l'État » , puisque toute société est composée d'un agrégat de familles et que cet ensemble constitue l'État . Pour assurer la survie de l'espèce, les humains procréent et s'organisent au sein de famille. Sur le plan juridique, le couple s'organise aujourd'hui selon trois modèles lesquels, s'ils sont exclusifs les uns des autres, peuvent pour un même couple se succéder . Tout d'abord, le plus ancien et le plus protecteur, car depuis longtemps organisé et réglementé par le Droit objectif : le mariage ; puis le dernier-né, le Pacs ; et enfin le concubinage (tout aussi ancien que le mariage mais, situation de fait par nature, qui n'a été que très peu réglementé).
- Les trois formes de conjugalité : une gradation dans les effets et dans la protection. - Si le mariage et le Pacs instaurent des effets à la fois personnels et patrimoniaux, le concubinage ne produit que des effets patrimoniaux, qui d'ailleurs ne lui sont pas propres car relevant du droit commun (responsabilité contractuelle ou délictuelle, indivision, etc.).
L'intensité de l'engagement du mariage a pour corollaire une protection accrue des époux. Cette force du mariage se constate dans sa célébration même avec une puissante solennité : présence de l'officier d'état civil, publication des bans, présence de témoins. Le mariage est une forme de « sacrement public ». Le mariage crée une véritable structure familiale identifiable socialement par le port d'un même nom (l'époux peut prendre le nom d'usage de son conjoint). Le mariage impose le respect d'un devoir de fidélité, de secours, d'assistance et de respect (C. civ., art. 212) . Il a des effets en matière de filiation (présomption de paternité). Les conséquences de ces obligations du mariage retentissent sur sa dissolution soit par décès (droit viager au logement), soit par divorce (prestation compensatoire).
Les conditions de formation mais aussi de dissolution du pacte civil de solidarité (Pacs) sont d'une exigence moindre. Les obligations qu'il engendre se rapprochent de celles du mariage (C. civ., art. 515-4, al. 1), mais s'en démarquent en ce sens que n'y figurent ni le devoir de fidélité ni le devoir de secours . Les engagements du Pacs sont moins puissants que ceux du mariage en ce qu'il peut y être mis fin unilatéralement par un des partenaires (C. civ., art. 515-7, al. 5) . Le concubinage est, quant à lui, une union de fait caractérisée par la seule vie commune stable et continue de deux personnes vivant en couple (C. civ., art. 515-8). Aucun acte ni aucune solennité ne président à la naissance d'un concubinage, seuls les critères de l'habitation commune, de la continuité et de la stabilité le caractérisent . De cette absence d'acte constitutif résulte une conséquence immédiate : c'est la difficulté de la caractérisation et de la preuve du concubinage (de son début à sa fin). Le concubinage n'a que très peu de conséquences juridiques, les obligations qu'il implique sont très maigres .
La différence entre mariage et Pacs se constate également dans leurs effets patrimoniaux , même si l'inexécution de ces devoirs extrapatrimoniaux entraîne peu de conséquences et n'est plus sanctionnée avec la sévérité d'antan. Les devoirs personnels des époux sont si affaiblis que force est de constater qu'ils n'ont plus que le sens qu'entendent leur donner les époux ou les membres de chaque couple . Pour autant leur existence reste le fondement de leur union et leur non-respect ne sera jamais anodin dans la survie de ce lien conjugal. Les devoirs personnels demeurent la règle de vie que le couple s'est donnée.
Le choix d'un statut conjugal par un couple peut résulter de la recherche d'une certaine protection. Cette quête de sécurité est évolutive et fonction de la situation de chacun. Elle peut dépendre de l'âge des membres du couple, de leur situation familiale (présence ou non d'enfants), mais aussi de leur patrimoine. Il est donc nécessaire d'adapter cette protection conjugale aux différentes étapes de la vie du couple, selon ses besoins, sa volonté et ses convictions.
- Le dénominateur commun des couples : la cohabitation. - Pour autant, ces trois modèles conjugaux ont en commun le partage d'un même toit, cette cohabitation qui résulte soit d'un devoir librement contracté (mariage ou Pacs), soit d'une volonté de vivre ensemble se traduisant dans les faits (concubinage). Le logement commun, élément essentiel caractérisant tout couple et siège de la famille, fait l'objet d'une protection particulière. L'absence de toit conduit inévitablement à l'exclusion sociale. Le logement, c'est la protection contre la nature (événements climatiques : le froid, les intempéries, etc.), c'est le siège de l'intimité et de la vie privée (droit supérieur de la personnalité), c'est également une fixation du siège de la famille puisque c'est le domicile de ses membres (au sens juridique). C'est là aussi que se constate un des critères de qualification du couple : la vie commune (surtout pour le concubinage).
Cette attention du législateur est alors graduée en fonction de la nature du lien qui unit le couple. C'est ce que nous verrons dans un premier temps (Titre I).
- Le changement de régime conjugal. - Si jadis le mariage était le lien du couple de référence et très largement majoritaire, l'existence des trois formes de conjugalité et leur succès impliquent une certaine mutabilité entre elles. Ainsi, on commence par vivre en union libre, puis on se pacse pour enfin se marier, et au sein de ces deux derniers types d'union on peut encore changer de régime pacsimonial ou matrimonial. C'est ce que nous verrons dans un second temps, car ces changements impliquent une certaine protection soit des membres du couple, soit plus généralement de leur famille (Titre II).
- L'importance de la protection du logement de la famille. - Il est nécessaire de protéger le logement lorsqu'une crise éclate au sein du couple ou quand l'un des deux décède. Il convient également de protéger le logement de la famille contre les atteintes extérieures qui peuvent l'affaiblir.
- L'évolution du couple dans le temps. - Nous l'avons déjà dit, l'histoire patrimoniale du couple n'est plus linéaire ni pérenne. Désormais le lien unissant le couple évolue ; il peut débuter par un concubinage, lequel au fil des temps se stabilise et se concrétise par une acquisition en indivision (en dehors de la famille que le couple peut fonder en donnant la vie à des enfants), puis se transforme en Pacs pour enfin aboutir à un mariage. Et même marié, le couple va adapter son régime matrimonial à sa situation présente ou à celle qu'il prédit pour son avenir.
- Donner des moyens à ceux que l'on doit ou que l'on veut protéger. - Protéger, nous avons déjà eu l'occasion de l'écrire, c'est donner des moyens pour mettre à l'abri du besoin, des risques ou des dangers de la vie. Ces dangers peuvent être la perte d'un emploi, les mauvaises affaires, la maladie, les ruptures familiales et conjugales, le décès de celui qui procurait les revenus permettant de subvenir au train de vie quotidien. Donner des moyens, c'est donc transmettre du patrimoine, des biens. Protéger signifie alors abandonner un droit de propriété sur ses propres richesses pour les transmettre aux personnes à protéger. Deux questions se posent alors : quels sont les biens que l'on peut transmettre pour protéger, mais surtout quelles sont les personnes que l'on veut ou que l'on doit ainsi protéger ? Le Droit, et c'est bien là « l'art du juste et du bon », se doit d'organiser un juste équilibre entre le devoir de protection plus ou moins fort qui existe entre certains proches (Titre I) et la volonté de protéger prioritairement d'autres proches (Titre II).
- La protection des héritiers. - Les développements qui suivent sont consacrés à la détermination par la loi des proches à protéger. Cette protection légale part de l'idée qu'il relève de la loi de classer les personnes qui doivent recueillir le patrimoine au décès de son titulaire. Ces personnes font donc l'objet d'un classement, d'une hiérarchie. C'est la dévolution légale. Elle va s'appliquer bien évidemment en l'absence de désignation volontaire d'un ou plusieurs successeurs (Sous-titre I).
- L'anticipation de la protection de ses proches. - Dans le titre précédent, nous nous sommes attachés à présenter cette protection légale des proches, ce qui revient à la détermination des proches que l'on doit protéger, et ce de manière plus ou moins obligatoire. La transmission successorale que nous venons d'étudier porte davantage sur les personnes désignées par cette protection que sur les biens qui doivent leur être transmis. Dans ce second titre, nous verrons que cette protection basée sur la transmission est fondée sur la volonté de son auteur.