L'information sur les symptômes environnementaux
L'information sur les symptômes environnementaux
Le notaire, conseil
– Reconstruire la ville sur elle-même. –
Le foncier, un bien « à consommer avec modération ». Cette formule, bien connue dans un autre contexte,
pourrait devenir le slogan de la planification urbaine pour les prochaines décennies en France
. L'impératif de zéro artificialisation nette (ZAN), instauré par la loi Climat et Résilience du 22 août
2021, impose aux collectivités de réduire le rythme de l'artificialisation
. Celle-ci se définit « comme l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol,
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– Reconstruire la ville sur elle-même. –
Le foncier, un bien « à consommer avec modération ». Cette formule, bien connue dans un autre contexte,
pourrait devenir le slogan de la planification urbaine pour les prochaines décennies en France
. L'impératif de zéro artificialisation nette (ZAN), instauré par la loi Climat et Résilience du 22 août
2021, impose aux collectivités de réduire le rythme de l'artificialisation
. Celle-ci se définit « comme l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol,
en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel
agronomique par son occupation ou son usage »
.
Cette loi affiche le principe d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, avec un
rythme décroissant de l'artificialisation avant cette date. Un nouvel article L. 101-2-1 inséré au Code de
l'urbanisme émet le vœu d'un équilibre entre la ma îtrise de l'étalement urbain, le renouvellement urbain,
l'optimisation de la densité des espaces urbanisés, la qualité urbaine, la préservation et la restauration
de la biodiversité et de la nature en ville, la protection des sols des espaces naturels, agricoles et
forestiers, et la renaturation des sols artificialisés.
Malgré tout, les besoins en sols sont là, et une sobriété absolue ne saurait répondre aux besoins non
seulement du logement, mais également de l'industrie. Les changements démographiques et de composition des
familles se révèlent incompatibles avec une raréfaction du foncier : familles monoparentales,
individualisation des logements
. Autant de foyers mobilisant du logement, donc du terrain.
La volonté annoncée du Président de la République, lors de la deuxième campagne présidentielle, de
réindustrialiser la France suppose également, à première vue, une ressource suffisante en foncier
. En ces temps de disette foncière, il faut parvenir à concilier sobriété, enjeux écologiques et
sociaux-économiques. La solution passe par l'introspection : il faut donc se recentrer, se retourner sur
soi-même, et trouver de l'espace à construire, de « nouveaux terrains de jeu » en vue de l'implantation
des projets immobiliers
. Les friches en font partie et sont, en raison de leur potentiel et de la convoitise qu'elles créent, au
cœur d'une littérature de plus en plus abondante
.
– « Friche, oh ma friche ». –
Existe-t-il une définition juridique du terme « friche » ? Les codes y font référence
. Mais aucune définition n'était posée jusque très récemment, ce que déploraient les auteurs et praticiens
. Le Larousse définit la friche comme « un terrain dépourvu de culture et abandonné ». Une connotation
rurale ressort donc en premier lieu. La notion de friche renvoie le plus souvent à l'idée d'un terrain
pollué ; mais elle résulte, en réalité, de la réunion d'un faisceau d'indices : un terrain bâti, intégré…
– « Friche, oh ma friche ». –
Existe-t-il une définition juridique du terme « friche » ? Les codes y font référence
. Mais aucune définition n'était posée jusque très récemment, ce que déploraient les auteurs et praticiens
. Le Larousse définit la friche comme « un terrain dépourvu de culture et abandonné ». Une connotation
rurale ressort donc en premier lieu. La notion de friche renvoie le plus souvent à l'idée d'un terrain
pollué ; mais elle résulte, en réalité, de la réunion d'un faisceau d'indices : un terrain bâti, intégré
ou non au tissu urbain, ayant accueilli des activités (industrielles, commerciales, artisanales ou
administratives), susceptibles de présenter un degré élevé de pollution du fait de ces activités, qui a
cessé partiellement ou totalement d'être occupé pour ses fonctions d'origine, et qui présente des espaces
vacants
.
La loi Climat et Résilience est venue pallier le défaut de définition juridique de la friche, en
complétant le Code de l'urbanisme par l'ajout d'une section 8 dénommée « Friches » au chapitre Ier du
titre Ier du livre Ier. L'article L. 111-26 dudit code dispose désormais que : « Au sens du
présent code, on entend par « friche » tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et
dont l'état, la configuration ou l'occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un
aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d'application du présent article sont fixées par
décret ».
Sont donc visés au premier chef les friches commerciales, ferroviaires, militaires, chantiers
abandonnés, ancienne usine ou site industriel, ou encore bâtiments laissés à l'abandon. C'est de cet
aspect dont nous traiterons essentiellement ici, avec, en toile de fond, l'idée prégnante d'une pollution
plus ou moins importante. Deux siècles d'industrialisation ont laissé dans le sol des polluants de toutes
sortes, qui sont diffusés dans l'air et dans les eaux souterraines, ou sont absorbés par les plantes, les
animaux et par l'homme
. La dépollution est un impératif.
– Recensement des friches. –
Les friches sont estimées, en 2015, à environ trois millions en Europe. En France, et selon les données du
Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 300 000 à 400 000 sites, représentant environ 100 000
hectares, font l'objet de toutes les vigilances, tandis que 4 000 friches ont été identifiées comme
nécessitant toutes les attentions et précautions
. Une proposition de loi « visant à favoriser la reconversion des friches industrielles », enregistrée à
la Présidence de l'Assemblée nationale... Lire
– De l'incitation du Code de l'urbanisme et du Code de l'environnement... –
Afin d'amoindrir leur caractère rédhibitoire, des mesures incitatives ont été insérées dans le Code de
l'urbanisme, avec notamment des possibilités de dérogation au PLU : par décision motivée de l'autorité
compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme, possibilité de déroger aux règles relatives au
gabarit, dans la limite d'une majoration de 30 %, et aux obligations en matière de stationnement lorsque
ces constructions ou travaux visent à permettre le réemploi de la friche
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– De l'incitation du Code de l'urbanisme et du Code de l'environnement... –
Afin d'amoindrir leur caractère rédhibitoire, des mesures incitatives ont été insérées dans le Code de
l'urbanisme, avec notamment des possibilités de dérogation au PLU : par décision motivée de l'autorité
compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme, possibilité de déroger aux règles relatives au
gabarit, dans la limite d'une majoration de 30 %, et aux obligations en matière de stationnement lorsque
ces constructions ou travaux visent à permettre le réemploi de la friche
.
Un dispositif expérimental de certificat de projet dédié aux friches a également été mis en place,
durant trois ans
. Voulu comme « facilitateur », avec une volonté de remédier à la multiplication (source de contentieux et
de manque de sécurité juridique) des autorisations nécessaires pour finaliser un projet de réhabilitation
de friches, ce certificat est établi par le préfet à la demande du porteur de projet. Le projet concerné
doit être : intégralement situé sur une friche (au sens de l'article L. 111-26 du Code de l'urbanisme) et
soumis à une ou plusieurs autorisations au titre du Code de l'urbanisme, du Code de l'environnement, du
Code de la construction et de l'habitation, du Code rural et de la pêche maritime, du Code forestier, du
Code du patrimoine, du Code de commerce et du Code minier.
En fonction de la demande et des informations fournies avec celle-ci, le certificat de projet permet
d'éclairer le demandeur sur les régimes, décisions et procédures applicables à son projet ; sur les délais
associés à ces décisions ou sur la possibilité d'un calendrier d'instruction de ces décisions qui se
substitue aux délais réglementairement prévus ; voire aussi, le cas échéant, sur des difficultés
techniques ou juridiques repérées, et qui seraient susceptibles de faire obstacle à la réalisation du
projet.
Parallèlement, la mise en place du « certificat de projets friches » s'accompagne de mesures pouvant
faciliter : l'articulation de ce certificat avec les demandes d'examen « au cas par cas » et de cadrage
préalable (au titre de l'évaluation environnementale), ou encore avec la demande de certificat d'urbanisme
; la stabilisation dans le temps de certaines dispositions opposables au projet (dans certaines conditions
et limites).
La loi no 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte vise également à favoriser la
réhabilitation des friches. L'objet de cette loi est large, puisqu'il s'agit de faciliter l'implantation
des sites industriels, financer les projets industriels verts, permettre une commande publique plus verte,
et conditionner les aides publiques à la transition écologique. Dans le cas des friches, spécialement, la
procédure de cessation d'activité des anciens sites industriels est facilitée ; et, en cas de liquidation
des entreprises, le remboursement de la créance relative aux frais de mise en sécurité d'un site pollué
est priorisé.
L'aspect urbanistique et environnemental ne suffit pas. Les projets doivent bien évidemment être
réalisables, mais surtout viables économiquement pour le porteur de l'opération. Or, la tâche est non
seulement ardue, mais coûteuse.
– ... aux aides financières. –
Le gouvernement a déployé, dans le cadre du plan de relance post-crise sanitaire, un « fonds friches » de
plusieurs millions d'euros sur la période 2021-2022, en vue du financement des opérations de recyclage de
friches
. Initialement de 300 millions, ce fonds a été abondé d'une dotation supplémentaire de 350 millions en mai
2021.
– ... aux aides financières. –
Le gouvernement a déployé, dans le cadre du plan de relance post-crise sanitaire, un « fonds friches » de
plusieurs millions d'euros sur la période 2021-2022, en vue du financement des opérations de recyclage de
friches
. Initialement de 300 millions, ce fonds a été abondé d'une dotation supplémentaire de 350 millions en mai
2021.
Cette dotation se décline, d'une part, en un appel à projets national lancé par l'ADEME pour la
reconversion des friches polluées issues d'anciens sites industriels ICPE ou sites miniers et, d'autre
part, en des appels à projets consacrés au recyclage foncier pour favoriser la production de logements en
zones tendues, la relance de la construction au sein de projets d'aménagement urbain, de revitalisation
des cœurs de ville et de périphérie urbaine, et pour des projets de requalification à vocation productive
comprenant une part de relocalisation d'activités industrielles.
Le succès de l'opération en révèle toute la nécessité.
Aussi, une enveloppe supplémentaire de 100 millions a été annoncée par le Premier ministre en 2022, et la
troisième édition du fonds friches a été lancée la même année par l'ADEME et les préfets de région. Le
cumul des trois éditions porte à plus de 3 000 hectares les friches qui seront traitées.
Notons également qu'une enveloppe particulière d'un million d'euros est dédiée à la mise en place de
divers outils :
- de connaissance du foncier, tel que Cartofriches (une aide au recensement des friches pour les qualifier et faciliter leur réutilisation). Ce dispositif s'adresse à tout porteur de projet, dans le cadre des appels à projets présentés ci-dessus ;
- d'aide à la reconversion des friches avec le dispositif UrbanVitaliz, service public gratuit, répondant aux questions et aux blocages des collectivités dans le recyclage de leurs fonciers artificialisés (construits, bétonnés, pollués) qui ont perdu leur usage. Le suivi des projets est assuré par les urbanistes de l'équipe ainsi que par les conseillers publics .
– Les attributions du notaire en la matière. –
L'accompagnement est donc public, et politique. Le rôle du notaire n'est pas négligeable, puisqu'il
assiste les porteurs de projets dans le recyclage de ces espaces délaissés ou oubliés. Le rôle du
rédacteur d'actes appara ît même comme essentiel dans la protection de l'environnement, puisque les
problématiques de pollutions, qu'elles soient du sol, de l'air, de l'eau ou de l'atmosphère sont le plus
souvent liées à un immeuble, qui en est la cause ou le réceptacle – la question se posant le plus souvent
au moment du changement de propriétaire ou d'exploitant du bien
.
Le contrat permet donc d'assurer l'efficacité du droit de l'environnement. La profession a d'ailleurs
été précurseur en la matière, puisqu'en 1994, le 90e Congrès des notaires de France traitait déjà
du sujet : « La protection de l'environnement, de la contrainte au contrat ». La connaissance précise par
le notaire du site en état de friche et des charges qui le grèvent permet, dans les actes qu'il reçoit,
d'informer les parties. Un défaut d'anticipation conduira à un regrettable défaut d'information des
parties, ce qui sera porteur de défauts dans la rédaction de l'acte, entra înant des difficultés
génératrices de responsabilité.
– Plan. –
Le notaire joue un rôle essentiel s'agissant des obligations d'information d'ordre général – et ce rôle
revêt une acuité particulière dans la matière qui nous préoccupe –, de par sa double casquette d'officier
public garant de l'application de la réglementation environnementale et de conseil des parties, en charge
de la sécurité juridique des transactions
.
Face à une nécessaire analyse des biens avec des symptômes environnementaux, objet des contrats, la
récolte la plus large possible d'informations fiables et pertinentes est requise. Un développement
croissant du droit de l'environnement dans notre système de normes et une nécessité accrue de recycler le
foncier rendent la collecte d'informations environnementales de plus en plus indispensable et
contraignante pour le notaire.
Il ressort de l'état du droit et de la jurisprudence que le notaire ne peut avoir, ici, le rôle d'un
simple rédacteur. Il a un véritable devoir d'investigation, qui découle de son devoir de conseil (Section III). Mais, afin de mieux cerner ce dernier, il convient de
bien saisir la portée des normes qui régissent la question : d'une part, l'appréhension du site pollué par
le droit commun des obligations (Section I) ; d'autre part,
l'incidence des législations spéciales (Section II).
La pollution et le droit commun des obligations
– Plan. –
Partant du postulat général que les conventions doivent être exécutées de bonne foi (C. civ., art.
1134), nous verrons que plusieurs outils permettent de récolter les informations nécessaires à la bonne
exécution des contrats portant sur les biens à symptômes environnementaux
.
L'incidence des législations spéciales
– Vers une systématisation d'un diagnostic environnemental ? –
Nous ne reviendrons pas sur le dossier de diagnostic technique prévu par l'article L. 271-4 du Code de
la construction et de l'habitation, et ses diagnostics « historiques »
.
Le devoir d'investigation du notaire
– Le devoir d'efficacité implique la suspicion du notaire. –
Nous venons d'examiner, tour à tour, le volet environnemental du droit commun des obligations, ainsi que
l'incidence des législations spécifiques relatives aux activités polluantes. Dans ce cadre, le notaire
ne peut se borner à être le scribe des informations transmises par les parties.