Un droit peu lisible
Un droit peu lisible
Le notaire, témoin
– Urbanisme et environnement sont-ils conciliables ? –
Il est désormais évident que l'urbanisme doit prendre en compte l'environnement. La chose n'est pourtant
pas aisée. De par sa définition, l'urbanisme est l'aménagement des agglomérations humaines. Par suite, le
développement du droit de l'urbanisme est lié à la croissance urbaine, et notamment à l'essor du «
tout-voiture » à partir des années 1960-1970. Lotissements, zones commerciales périphériques,
etc., ont participé à l'étalement urbain, au détriment de la Nature sous toutes ses formes
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– Urbanisme et environnement sont-ils conciliables ? –
Il est désormais évident que l'urbanisme doit prendre en compte l'environnement. La chose n'est pourtant
pas aisée. De par sa définition, l'urbanisme est l'aménagement des agglomérations humaines. Par suite, le
développement du droit de l'urbanisme est lié à la croissance urbaine, et notamment à l'essor du «
tout-voiture » à partir des années 1960-1970. Lotissements, zones commerciales périphériques,
etc., ont participé à l'étalement urbain, au détriment de la Nature sous toutes ses formes
. Les aires urbaines couvrent aujourd'hui 22 % du pays – en 1936, 7 % seulement
.
Depuis 1981, les terres artificialisées sont passées de 3 à 5 millions d'hectares (+70 %), soit une
croissance nettement supérieure à celle de la population (+19 %). Pour la période 2019-2030, il est
anticipé l'artificialisation de 280 000 hectares de terres supplémentaires – plus que la superficie du
Luxembourg
. Les conséquences environnementales de cette croissance sont multiples : amplification des risques
d'inondations (les sols n'absorbent plus l'eau par infiltration en raison de leur imperméabilisation),
perte de la biodiversité (par disparition des écosystèmes ou rupture des continuités écologiques),
réchauffement climatique (moindre absorption de CO2, augmentation de l'albédo, îlots de chaleur
urbains), pollutions, et, surtout, réduction de la surface allouée aux terres agricoles.
Sauf à accepter la dépendance alimentaire – ce qui, avec le réchauffement climatique, serait assez peu
avisé –, il est évident que ce phénomène doit finir par cesser. Aussi, le droit de l'urbanisme est en
train d'inverser le sens de ses priorités : non plus amplifier l'étalement l'urbain, mais, au contraire,
l'arrêter. Ainsi, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation
nette (ZAN), à l'horizon de 2050. Ce thème sera largement traité par la troisième commission – nous ne
faisons donc que l'évoquer.
Mais, même en supposant que la ville puisse être contenue en ses murs – ce qui n'a rien de certain en
cet instant –, le problème environnemental n'en serait que diminué. Car, les villes contribuent
significativement aux changements climatiques. En effet, selon ONU-Habitat, les villes mondiales comptent
pour 78 % de la consommation énergétique mondiale et produisent plus de 60 % des émissions de gaz à effet
de serre.
– « Vers un urbanisme durable ? » –
Depuis un certain temps déjà, le droit de l'urbanisme poursuit son
aggiornamento
. Désormais, la préoccupation environnementale innerve le droit de l'urbanisme, tant à l'étape de la
planification qu'au niveau opérationnel des autorisations de construire
. Et l'objectif du « développement durable » est affirmé dès le deuxième article du Code de l'urbanisme,
avec une liste de déclarations d'intentions : une « utilisation économe des espaces naturels », la «
p... Lire
– L'urbanisme « durable » requiert l'état-stratège. –
S'il est facile pour l'urbanisme d'orienter, selon ses vues, l'aménagement d'un quartier sur une friche en
reconversion, il n'en va pas de même lorsque la ville se conserve telle qu'elle est, et que celle-ci ne
manifeste aucune intention de « se reconstruire sur elle-même », parce que les habitants qui la composent
se satisfont de ne pas conduire de travaux nécessitant des autorisations d'urbanisme. Or, le gros du tissu
urbain français est dans cet état de somnolence, et n'est pas sur le chemin de l…
– L'urbanisme « durable » requiert l'état-stratège. –
S'il est facile pour l'urbanisme d'orienter, selon ses vues, l'aménagement d'un quartier sur une friche en
reconversion, il n'en va pas de même lorsque la ville se conserve telle qu'elle est, et que celle-ci ne
manifeste aucune intention de « se reconstruire sur elle-même », parce que les habitants qui la composent
se satisfont de ne pas conduire de travaux nécessitant des autorisations d'urbanisme. Or, le gros du tissu
urbain français est dans cet état de somnolence, et n'est pas sur le chemin de l'écoquartier « durable ».
D'autres législations que l'urbanisme doivent alors être mobilisées afin, par la contrainte ou
l'incitation, de susciter l'élan constructif que l'urbanisme peut ensuite canaliser. Il en va ainsi de
l'interdiction progressive de la location des logements les moins bien classés au titre de leur
performance énergétique. Seulement, aides et injonctions produisent, pour l'instant, un résultat assez
maigre. Ainsi, pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et éliminer la précarité énergétique, la
France s'est donnée pour objectif de rénover 370 000 logements par an d'ici 2030, et 700 000 au-delà.
L'évolution est en cours, mais avec un retard certain : moins de 100 000 rénovations globales en 2022 –
alors que plus de 8 milliards par an sont dépensés pour la rénovation énergétique
.
Pour l'instant, le modèle achevé de reconstruction de la ville sur la ville reste encore l'immense
chantier du « baron » Haussmann. Celui-ci fut préfet de Paris de 1853 à 1870, mais l'influence de son
impulsion se poursuit jusqu'aux années 1920. 60 % du Paris actuel résulte de cette époque. Le projet
d'Haussmann couvrait tous les domaines de l'urbanisme : rues et avenues, réglementation des façades,
espaces verts, égouts et réseaux d'adduction d'eau, équipements et monuments publics, etc. Qui
plus est, on redécouvre aujourd'hui les vertus écologiques de cet aménagement : une très forte densité
(donc une ville qui consomme peu de terre), où l'on peut se déplacer à pied, des bâtiments avec un bilan
thermique satisfaisant en toutes saisons, une mixité fonctionnelle, un changement d'usage aisé et une
harmonie esthétique d'ensemble
.
Or, une telle réalisation a été permise par une intervention publique à une échelle qu'il semble
impossible de reproduire aujourd'hui. Edgar Pisani, dans les années 1970 déjà, se faisait le témoin lucide
de tout ce qui empêche un aménagement ambitieux
. La réalisation d'Haussmann a impliqué un recours massif à l'expropriation, une revente des abords des
voies créées afin d'encaisser la plus-value générée par les aménagements, un cahier des charges lors des
reventes pour harmoniser les constructions, etc. Le budget de ses travaux fut supérieur à 2
milliards de francs-or – un an de budget du Second Empire
.
– La ville est dépendante des territoires alentour. –
Sur la question de l'urbanisme « durable », on peut renvoyer aux travaux de la deuxième commission du 114
e
Congrès des notaires
, qui abordait déjà très largement les thèmes suivants : la densification du bâti, la multifonctionnalité
des immeubles, la végétalisation des villes, la place de l'automobile, la sobriété énergétique, la
smart city, et même l'agriculture urbaine. Il est d'ailleurs intéressant de souligner que ce congrès
envisageait cet urbanisme durable dans son lien avec son environnement : la première commission traitait
du territoire agricole, la troisième de la forêt ; sachant que surfaces agricoles et forêts représentent,
ensemble, un peu...
La complexification de l'ordre juridique
– L'ordre juridique initial. –
Au début des « Trente Glorieuses », la situation du logement est catastrophique en France. à peine 30
000 logements sont construits en 1949 – 3,4 fois moins qu'en Belgique ! Tout le secteur de la
construction doit se moderniser ; la notion de « promoteur immobilier » appara ît d'ailleurs à cette
époque.
Pour aller plus loin
L'enchevêtrement des législations : l'exemple de l'éolien
– Un problème de frontière. –
En 1355, à la suite de conflits incessants, le traité de Paris fixa au lit du Guiers la frontière entre
le Dauphiné (donc, la France) et la Savoie. Redoutable imprécision, puisque le Guiers n'existe sous ce
nom qu'entre le Rhône et la commune d'Entre-deux-Guiers.
La stratégie de la rustine permanente
– Un législateur perdu dans son œuvre. –
Cette législation dans l'urgence est compréhensible. Mais le législateur s'abuse quand il croit
simplifier. On ajoute rustine sur rustine, au point que l'on ne voit plus la roue. La création du «
référent préfectoral » n'est-elle pas une forme de reconnaissance que la matière est devenue si touffue
qu'il convient d'avoir une personne à son secours pour s'y retrouver au milieu des « douze travaux
d'Astérix » ?