L'ingénierie notariale au service des familles
– Anticiper, conseiller et pacifier pour une société harmonieuse. – Selon le 106e Congrès des notaires de France, le couple peut se définir comme « l'union d'un homme et d'une femme ou de deux personnes de même sexe résidant ensemble, c'est-à-dire ayant établi entre eux une relation affective et physique, stable et continue caractérisant une véritable communauté de vie ».
« Couples, patrimoine : les défis de la vie à 2 », tel était le titre de ce congrès. Le thème avait été étudié autour des quatre « saisons » du couple : la formation de l'union (le printemps), la constitution d'un patrimoine (l'été), la désunion (l'automne) et la transmission (l'hiver). Leur réflexion était « guidée par la volonté d'assurer une meilleure protection du couple et de favoriser la gestion amiable des conflits ». Cette première partie, portant sur l'anticipation, le conseil et la pacification au sein du couple s'inscrira, logiquement, dans la continuité de ces travaux.
« L'ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde. Songez à l'éclairage des rues, soit ; mais songez aussi, songez surtout, à l'éclairage des esprits ».
Le large spectre afférent aux couples, à l'union, aux modes de conjugalité et aux régimes matrimoniaux est loin d'être maîtrisé par l'ensemble des concitoyens. C'est précisément dans cette logique de l'ignorance, mise en lumière par Victor Hugo, que notre profession détient une responsabilité à l'égard du plus grand nombre.
– Modes de conjugalité. – À l'heure actuelle, chaque couple peut choisir entre les modèles de conjugalité limitatifs prévus par le législateur que sont le mariage, le pacte civil de solidarité (Pacs) et le concubinage (autrement appelé « union libre »). À titre liminaire, il convient de rappeler brièvement quelques fondamentaux de droit civil pour chacune de ces trois formes d'union.
– Concubinage. Union libre. – Sans statut juridique véritable, le concubinage est pourtant doté d'une définition légale depuis la loi no 99-944 du 15 novembre 1999. Selon l'article 515-8 du Code civil, il s'agit d'une « union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Ainsi, ce mode d'union recouvre une grande diversité de situations de fait, pour lesquelles il n'existe aucune conséquence ni personnelle ni patrimoniale.
Pour une présentation de l'union libre, nous renvoyons au rapport du 106e Congrès des notaires de France.
– Pacs. – Le pacte civil de solidarité (Pacs) apparaît, quant à lui, « comme un mode d'organisation reposant sur un lien de nature personnelle existant entre deux personnes qui vivent en couple ». Depuis la loi du 15 novembre 1999, et surtout celle no 2006-728 du 23 juin 2006, le législateur a organisé pour les partenaires un véritable régime, essentiellement patrimonial. À l'instar du mariage, à travers le devoir de vie commune et l'obligation d'assistance réciproque, il contient désormais quelques éléments d'ordre personnel.
Pour une présentation du Pacs, nous renvoyons au rapport du 106e Congrès des notaires de France.
Le 106e Congrès des notaires de France s'est basé sur cette définition pour affirmer que « le mariage est :
- un accord de volonté ;
- un rite : c'est la solennité du mariage, acte social ;
- et l'union de deux personnes de sexes opposés ».
Depuis la loi no 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, il conviendrait d'actualiser cette définition en modifiant le troisième point en ces termes : « et l'union de deux personnes de sexes opposés ou de même sexe ».
– Mariage. – Le mariage était décrit par le doyen Carbonnier comme « l'acte par lequel un homme et une femme qui se sont mutuellement choisis s'engagent à vivre ensemble jusqu'à la mort (que l'engagement ne soit pas toujours tenu ne change rien, seule compte la volonté au moment de l'acte initial) ».
Pour une présentation du mariage, nous renvoyons au rapport du 106e Congrès des notaires de France.
– Nature juridique des trois modèles. – Nos écrits ne reviendront pas sur la nature juridique propre à chacun de ces trois modes de conjugalité. Pour plus de précisions, nous vous invitons à vous référer aux travaux et analyses effectués par le 106e Congrès des notaires de France.
À l'occasion de ce congrès, il avait été procédé à un recensement des formes légales de conjugalité ainsi que de leur mode de formation. Puis une étude comparative de ces régimes avait été menée. Les évolutions législatives qui ont eu lieu dans la seconde moitié du XX
e siècle avaient également permis d'étayer les réflexions, aboutissant notamment à proposer au législateur l'insertion d'un nouveau titre au sein du Code civil. Ce dernier devait être consacré au couple et comprendre un chapitre dédié à chacun des trois modes de conjugalité.
– Ingénierie notariale : par les conseils et à travers les contrats. – Accompagner chaque couple afin d'aboutir à une union parfaitement éclairée ; telle est notre mission d'anticipation, de conseil et de pacification pour une société harmonieuse. Force est de constater qu'aujourd'hui, encore plus qu'hier, le rôle des notaires est d'accompagner l'ensemble des concitoyens tout au long de leur vie de couple pour mener une réflexion sur leur union au sens large.
Les conseils apportés ainsi que les contrats rédigés seront au cœur de l'ingénierie notariale en matière d'union. À travers ses connaissances juridiques, chaque notaire est en mesure d'intervenir, au meilleur moment, auprès des couples, afin de leur prodiguer des conseils avisés de la manière la plus pédagogique possible (Titre I). De même, ce professionnel du droit est apte à rédiger les contrats qui s'avèrent les mieux adaptés à la situation de chaque couple, et à leurs aspirations (Titre II).
– Des contrats pour tous les couples. – Au-delà de sa mission légale d'authentification et de conservation des actes, le notaire « tient la plume », en qualité de rédacteur impartial de la volonté des personnes.
« Le droit étant humain et l'homme étant sensible non moins qu'intelligent, il serait humain, pas trop humain, que le cœur eût sa place dans le droit au même titre que la raison.
Ce serait une nouvelle ligne de recherches à entamer : la logique du cœur ».
Appliquée à la transmission familiale, la logique du cœur devrait permettre à chaque famille de s'entendre, dans le parfait respect des droits de chacun, sur la transmission qui lui est la plus appropriée, et qui ne peut, évidemment, pas être la même que celle de son voisin.
La transmission au sein des familles revêt plusieurs aspects : celle qui est innée et imperceptible, les valeurs morales, parfois aussi religieuses, l'éducation, le patronyme, le mode de vie. Mais au-delà de ces éléments extra-patrimoniaux, il y a celle, à laquelle il faut s'intéresser, la transmission du patrimoine familial.
Pour ce dernier tout est bien organisé par les dispositions législatives, qui pour la plupart trouvent leurs fondements dans les aspirations de la Révolution française (suppression du droit d'aînesse, égalité entre les enfants…). Il s'agit de la transmission organisée par la raison.
Bien qu'un souffle de liberté ait été insufflé par les réformes que la matière a connues ces dernières décennies, il n'en reste pas moins que les volontés des familles se heurtent encore, trop souvent, à des règles dites « impérieuses », les privant d'agir conformément à leur logique du cœur.
Le notaire joue un rôle primordial dans l'accompagnement de ces familles, afin de les aider à accomplir leur objectif de transmission, et surtout à atteindre ce but ultime de la cohésion et de l'harmonie familiale.
La famille s'entend, dans un sens large, comme l'ensemble des personnes que représentent d'un côté le couple, et de l'autre les autres membres de la famille, et qui seront classiquement les enfants communs ou issus de lits différents.
Au sein de la famille, dans le cadre de l'organisation d'une transmission apaisée, le rôle des enfants pourra se limiter à une simple acceptation de la proposition de transmission formulée par le couple, qui reste le seul acteur de la transmission, il s'agit d'une transmission acceptée (Titre I). Mais le rôle des enfants pourrait être plus important, puisqu'ils pourront devenir, eux aussi, avec le ou les parents, les acteurs de la transmission. Il s'agit, dès lors, d'une transmission concertée (Titre II).
Dans la transmission acceptée, les enfants n'auront qu'un rôle passif au titre de la transmission, mais un rôle déterminant. Ils devront accepter l'opération proposée par le couple, que ce soit au moment de la constitution de l'acte – pour les donations – ou bien lors de son exécution, quand celle-ci est reportée dans le temps – lors du dénouement du contrat d'assurance-vie, ou de l'exécution du legs.
La concertation est l'action, pour plusieurs personnes, de s'accorder en vue d'un projet commun. Ainsi, le rôle des autres membres de la famille ne se limite plus à accepter un acte ou l'exécution de celui-ci. Maintenant, ils sont les acteurs de la transmission, au même titre que le couple. Il sera question ici du mécanisme de la réincorporation dans les donations-partages (Sous-titre I) et des pactes sur succession future (Sous-titre II).