Un droit peu lisible a10027
– La ville est dépendante des territoires alentour. –
Sur la question de l'urbanisme « durable », on peut renvoyer aux travaux de la deuxième commission du 114
e
Congrès des notaires
, qui abordait déjà très largement les thèmes suivants : la densification du bâti, la multifonctionnalité
des immeubles, la végétalisation des villes, la place de l'automobile, la sobriété énergétique, la
smart city, et même l'agriculture urbaine. Il est d'ailleurs intéressant de souligner que ce congrès
envisageait cet urbanisme durable dans son lien avec son environnement : la première commission traitait
du territoire agricole, la troisième de la forêt ; sachant que surfaces agricoles et forêts représentent,
ensemble, un peu plus des trois quarts du territoire français.
Car, quand on parle d'urbanisme « durable », il ne faut pas négliger ce point important : les villes
n'ont pas d'existence autonome. On n'y fait pas pousser les aliments qui y sont consommés, on n'y produit
presque rien de l'énergie dépensée, tout comme on y fabrique bien peu des produits qui y sont utilisés
. La ville ne peut exister sans des faubourgs, au sens étymologique du terme. On peut ainsi prendre
l'exemple de la ville de Lyon, particulièrement impliquée sur le sujet, et parmi les cent villes
européennes du programme des villes « climatiquement neutres en 2030 ».
Dans son dernier plan de sobriété énergétique, en 2022, la ville de Lyon affiche une volonté de diminuer
de 10 % ses consommations, à très court terme. Et, de fait, depuis l'an 2000, on constate une baisse de la
dépense énergétique (-10 %), alors que la population augmentait dans le même temps (+17 %). Il y a donc
une dynamique positive. Néanmoins, à ce jour, l'ensemble des consommations énergétiques de la métropole
(en comptant tout, donc y compris les transports, le résidentiel, l'industrie, etc.) est encore
d'à peu près 30 TWh par an
. La centrale nucléaire du Tricastin produit 24 TWh par an. Recouvrir tous les toits de la ville de
photovoltaïque aurait un potentiel maximum de 2 ou 3 TWh (sans compter les intermittences, et le cycle
jour-nuit)
. La route vers l'autonomie est donc encore longue, et la ville a donc nécessairement besoin d'une énergie
produite hors de ses murs.
Il en va de même pour l'autonomie alimentaire. Aujourd'hui, la part des produits agricoles locaux dans
l'alimentation des habitants de la métropole lyonnaise est de 4,6 % (et encore, par « local », il faut
entendre tout le territoire alentour dans un rayon de 50 km). Le projet serait de passer à 15 % dans les
prochaines années
. On est néanmoins très loin du Paris de 1800, qui était peu ou prou autonome alimentairement
. Or toute cette nourriture à bas prix, importée de loin, a un coût environnemental élevé. Sans compter
que, en cas de rupture des cha înes d'approvisionnement, les grandes villes françaises n'ont, au plus, que
quelques jours d'autonomie alimentaire
.
Bref, l'urbanisme « durable » ne peut se limiter à la dimension intra-muros. Il convient,
aussi, de prendre en compte la dimension extra-muros, sans laquelle la ville ne peut exister et
survivre. Et, pour cette dernière, la matière désormais primordiale n'est pas le droit de l'urbanisme,
mais le droit de l'environnement.
Seulement, l'ascension de ce droit de l'environnement n'est pas sans conséquences sur le droit relatif à
l'aménagement du territoire. Tout d'abord, cela conduit à un dépassement de l'ordre juridique
traditionnel, le rendant mouvant, incertain, et surtout plus complexe
(Section I). Ensuite, l'intrication du droit de l'urbanisme et du droit de l'environnement, aux
frontières pas toujours nettes, crée des solutions confuses (Section
II). Enfin, dans une stratégie permanente de la rustine, le droit de l'environnement est en
évolution rapide, mais avec une croissance désordonnée (Section
III). La conjonction de l'ensemble de ces trois facteurs contribue à l'existence d'un droit peu
lisible. Or, un droit inintelligible ne peut être efficient.