La mort dans le monde numérique

La mort dans le monde numérique

Protéger la personne et le citoyen dans le monde numérique
– La mort. – La mort est avant tout un événement biologique ; « le seul auquel le vivant ne s'adapte jamais », disait Vladimir Jankélévitch La mort, Flammarion, 1977, p. 276. .
Sa définition a été, et demeure encore largement débattue dans le corps médical, tant il est difficile de saisir l'instant irréversible qui fait basculer un être de la vie à la mort.
Avec le progrès des connaissances scientifiques, la définition biologique de la mort évolue. À la perte des seules fonctions cardiaque et respiratoire, a été ajoutée celle, définitive, de la conscience et des fonctions cérébrales.
Par nécessité, le législateur s'est également risqué à apporter une définition juridique de la mort, que l'on trouve dans un chapitre de la partie réglementaire du Code de la santé publique, relative au prélèvement d'organes sur une personne décédée, et inscrite dans l'article R. 1232-1 dudit code :
« Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :
1o Absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée ;
2o Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ;
3o Absence totale de ventilation spontanée ».
– Esquisse d'une définition de la mort dans le monde numérique. – Qu'en est-il de la notion de mort dans le monde numérique ? Y a-t-il une définition de la mort comprise sous son angle numérique ?
Dans le silence des textes, il est possible d'en esquisser une, en empruntant à la définition juridique de la mort biologique le caractère relatif à l'absence d'activité spontanée.
En effet, comme dans le monde matériel, une activité humaine peut se poursuivre artificiellement dans le monde numérique au-delà de la mort. Il peut s'agir d'actions programmées sommaires, tels de simples courriels à envoi retardé, jusqu'à des robots numériques utilisant l'image d'un individu, exploitant les données laissées par celui-ci de son vivant et dont l'exploitation peut donner l'illusion d'échanger avec lui, pourtant décédé depuis longtemps.
La mort numérique d'un individu pourrait ainsi être définie comme l'arrêt (total et définitif) de toute interaction humaine d'une personne physique dans la sphère numérique, consécutive à son décès biologique.

La mort numérique

Mort numérique : arrêt (total et définitide toute interaction humaine d'une personne physique dans la sphère numérique, consécutive à son décès biologique.
– Une disparition numérique ? – Force est de constater que cette mort biologique, que le langage courant évoque par euphémisme sous le terme de « disparition », ne fait pas disparaître, dans le monde numérique, les innombrables traces laissées sur la toile par un individu biologiquement décédé. Le numérique conserve au contraire toutes ces traces, et au besoin continue de les répliquer.
Lire
INTRODUCTIF – Prolégomènes : La mort à l'aune du droit de la protection des données
Le droit de la protection des données est le fruit d'une histoire récente (Section I) ayant défini des notions juridiques nouvelles (Section II) .
La disparition numérique de son vivant
« Avec Google le droit à l'oubli n'existe pas », a déclaré Éric Léandri, cofondateur du moteur de recherche concurrent Qwant Allocution au salon Tech Not, Paris, sept. 2019. , précisément créé pour offrir aux internautes un moteur de recherche ne conservant pas et n'exploitant pas leurs traces numériques.
La survie numérique après la mort
« Il n'est probablement pas loin le jour où, en accompagnement de l'urne funéraire qui recèle les cendres du défunt, sera proposé aux familles l'ensemble des données numériques accumulées au cours de sa vie, comme l'historique indigeste de son existence contenant son dossier médical, ses émotions, ses habitudes de consommation, ses préférences sexuelles et intellectuelles » M. Dugain et C. Labbé, L'homme nu, la dictature invisible du numérique, Robert Laffont, Plon, 2016, p. 12. .