La méthode d'interprétation de la Cour de Luxembourg

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

La méthode d'interprétation de la Cour de Luxembourg

Certains textes européens utilisent des termes ou expressions connus en droit interne. Afin de neutraliser le risque d'une divergence d'interprétation de ces textes par les juridictions des États membres, il était nécessaire de leur donner une définition autonome au niveau européen. Les règlements européens, de même que les conventions de Bruxelles et de Rome ont confié la mission d'interpréter les textes européens à la Cour de justice de l'Union européenne. Cette interprétation autonome a été également utilisée par de nombreuses juridictions internationales ou européennes, et notamment par la Cour européenne des droits de l'homme.
La Cour internationale de justice avait eu elle-même recours à l'interprétation autonome en 1958 dans une affaire Boll 1545540589650. Cette affaire concernait Marie-Élizabeth Boll, mineure, née et résidente en Suède, de nationalité néerlandaise. Au décès de sa mère, les autorités néerlandaises confient la tutelle de l'enfant, conformément à la loi néerlandaise, dans un premier temps au père puis en 1954 à une autre personne. La même année, les autorités suédoises appliquant leur propre loi, autorisent des mesures administratives au titre de l'éducation protectrice de l'enfant et la placent sous leur garde et protection. Le gouvernement néerlandais saisit alors la Cour internationale de justice pour violation par la Suède de la Convention de La Haye du 12 juin 1902 sur la tutelle des mineurs, signée par les deux pays, qui donne la compétence de principe à la loi nationale du mineur. La Cour internationale de justice rejette la demande des Pays-Bas et recherche une signification commune, et donc uniforme et autonome, aux ordres juridiques néerlandais et suédois des termes « tutelle » et « protection de la jeunesse ».
La Cour européenne des droits de l'homme utilise, quant à elle, de manière habituelle l'interprétation autonome se référant à des notions telles que « tribunal impartial », « délai raisonnable » ou encore « loi » 1544983544953.
Toujours est-il, que compte tenu de l'implication du droit de l'Union dans celui des États membres, l'interprétation autonome y a une place toute particulière.
La Cour a eu recours pour la première fois à la méthode de la qualification autonome dans un arrêt Unger 1545541526615au sujet de la notion de travailleur salarié ou assimilé.
Puis son utilisation s'est généralisée, surtout dans le domaine de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, modifiée par le règlement Bruxelles I concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale adopté le 22 décembre 2000. Ainsi, dans un arrêt Eurocontrol 1545540720536où était en question l'application de ladite convention de Bruxelles, la Cour affirme : « Pour l'interprétation de la notion de "matière civile et commerciale" (…) il convient de se référer non au droit de l'un quelconque des États concernés, mais, d'une part, aux objectifs et au système de la Convention et, d'autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes nationaux ».
La Cour a, depuis, dégagé un nombre important de définitions communautaires, sans toutes les énoncer, comme celles de « régime matrimonial » 1544999238300, de « matière contractuelle » 1544999341257ainsi que de « matière délictuelle ou quasi délictuelle » 1544999437575.
La multiplication des règlements européens est une source d'augmentation de « notions communautaires ».
Parfois ces textes européens définiront eux-mêmes les institutions qui en sont l'objet. Ainsi, récemment, dix-huit États membres de l'Union européenne ont choisi, dans le cadre d'une procédure de coopération renforcée, de se doter d'un instrument commun afin de redéfinir la loi applicable aux régimes matrimoniaux et aux partenariats enregistrés. Le règlement sur la loi applicable au régime matrimonial définit pour la première fois la notion de régime matrimonial comme l'ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution.
Parfois en l'absence de définition ou de certitude, les juges des États membres saisiront par voie préjudicielle la Cour de justice de l'Union européenne afin de l'interroger sur l'interprétation qu'il y a lieu de faire. Cette interprétation s'imposera pour l'avenir à toutes les autres juridictions des États membres.
L'objectif est d'avoir non seulement des textes communs à l'Union, mais également une interprétation commune de ceux-ci. Cette harmonisation permettra ainsi d'éviter un forum shopping qui naîtrait de la diversité des réponses que pourraient avoir les États membres.
Pour cela, la Cour de justice de l'Union européenne crée des notions « autonomes » par rapport aux législations des Etats membres, en veillant à interpréter les textes communautaires par référence aux objectifs poursuivis par ces textes plutôt que par un renvoi au droit interne 1541949267233.