À l'instar de la convention de Rome, le règlement Rome I contient des dispositions relatives au renvoi (§ I), à l'ordre public (§ II) et aux lois de police (§ III).
Mécanismes pouvant bouleverser l'application des règles sur la détermination de la loi applicable
Mécanismes pouvant bouleverser l'application des règles sur la détermination de la loi applicable
Le renvoi
L'exception d'ordre public
Le règlement réserve la possibilité d'écarter la loi désignée si son application est « manifestement incompatible avec l'ordre public du for »
1546843489110. Il faut donc se livrer à une appréciation in concreto de la conformité avec l'ordre public international du for : une loi qui, in abstracto, serait contraire à l'ordre public n'entraînerait pas forcément dans l'espèce dont le juge est saisi une application contraire à l'ordre public. En pratique, il est rare qu'en matière contractuelle la loi étrangère soit écartée pour sa non-conformité à l'ordre public local.
Le jeu des lois de police
La convention de Rome et le règlement Rome I réservent également le jeu des lois de police. La convention le fait dans son article 7, le règlement dans son article 9 qui, s'inspirant directement de la définition qui en est donnée classiquement
1546004025156, définit la loi de police comme « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent Règlement ». A priori donc, les dispositions protectrices des intérêts privés d'une partie au contrat ne devraient pas pouvoir être qualifiées de lois de police.
Les deux instruments distinguent le jeu des lois de police du for (A) et le jeu des lois de police étrangères (B).
Les lois de police du for
L'article 7, § 2 de la convention de Rome prévoit que : « Les dispositions de la présente Convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat ». L'article 9, § 2 du règlement précise en des termes assez proches que : « Les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi ». Autrement dit, en présence d'une loi de police du for, la règle de conflit de lois est écartée.
Toute la difficulté est d'identifier la loi de police. Une disposition impérative en droit interne ne l'est pas forcément en droit international. Le législateur ne prenant généralement pas le soin de préciser si telle ou telle loi constitue une loi de police, la qualification des lois de police revient normalement au juge. L'article 9 du règlement offre une définition des lois de police, mais qui n'est pas de nature à éviter toute difficulté.
Dans le cadre de la convention de Rome, la Cour de justice a eu l'occasion de préciser que le dispositif de protection issu de la directive du 18 décembre 1986 sur les agents commerciaux devait s'appliquer impérativement à un agent travaillant sur le territoire communautaire, nonobstant le contenu différent de la loi californienne choisie par les parties au contrat
1546004146395. D'après la Cour, le régime communautaire de l'agence commerciale poursuivait le double objectif d'assurer la liberté d'établissement et d'éviter les distorsions de concurrence. Il a pu être considéré que cet arrêt retenait une conception trop large des lois de police, laissant entendre que toutes les dispositions nationales de transposition des directives seraient des lois de police. Quelques jours plus tard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé cependant qu'un tel dispositif n'était pas constitutif d'une loi de police
1546004164683, ce qu'elle a encore confirmé récemment
1546004171331. Mais le statut des agents commerciaux a ultérieurement conduit la Cour de justice
1546004331442à juger que le juge d'un État membre pouvait appliquer sa propre loi de transposition de la directive et celle d'un autre État membre ayant transposé la directive dans des termes moins favorables au demandeur dès lors que « la juridiction saisie constate de manière circonstanciée que, dans le cadre de cette transposition, le législateur du for a jugé crucial, au sein de l'ordre juridique concerné, d'accorder à l'agent commercial une protection allant au-delà de celle prévue par ladite directive, en tenant compte à cet égard de la nature et de l'objet de telles dispositions impératives ». L'existence de directives d'harmonisation minimale laisse donc place au jeu des lois de police.
Ont été jugées en France comme des lois de police, la loi du 8 février 1995 sur le surendettement des particuliers
1546004343722, les règles relatives à l'action en revendication à l'encontre d'une société en procédure collective
1546004351682ou encore les dispositions de l'ancien article L. 311-37 (ancien) du Code de la consommation
1546004358128.
Les lois de police étrangères
L'article 7, § 1 de la convention de Rome prévoit l'application des lois de police étrangères en ces termes : « Lors de l'application, en vertu de la présente convention, de la loi d'un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d'un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application ».
Ce texte accorde au juge la possibilité d'appliquer une loi de police étrangère à quatre conditions : que la disposition en cause émane d'un État « avec lequel la situation présente un lien étroit », que la disposition en cause soit effectivement considérée comme loi de police dans son État d'origine, que l'application des dispositions impératives étrangères se justifie par « leur nature et leur objet », et qu'il soit tenu compte des conséquences qui découleraient de l'application ou de la non-application de la loi de police étrangère. Il lui impose donc de se livrer à une appréciation in concreto de la situation particulière.
L'article 9, § 3 du règlement Rome I a durci les conditions d'application des lois de police étrangères : « Il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l'exécution du contrat illégale. Pour décider si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet, ainsi que des conséquences de leur application ou de leur non-application ». Il réduit donc le domaine d'intervention des lois de police étrangères à celles-là seules du pays dans lequel les obligations du contrat doivent être ou ont été exécutées et limite l'effet des lois de police étrangères à la seule hypothèse où elles rendraient l'exécution du contrat illégale.