Les rattachements subsidiaires à défaut de choix de loi applicable

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Les rattachements subsidiaires à défaut de choix de loi applicable

Le règlement Rome I a réécrit l'article 4 de la convention de Rome. Le système mis en place par cette convention reposait sur un principe général de proximité : la loi applicable à défaut de choix de loi était la loi du pays avec lequel le contrat entretenait « les liens les plus étroits ». Ce principe général était ensuite encadré par une présomption désignant la loi du pays où était établie la partie qui devait fournir la prestation caractéristique du contrat et par des présomptions spécifiques à certaines catégories de contrats. Une clause d'exception permettait d'écarter ces présomptions s'il résultait de l'ensemble des circonstances que le contrat entretenait les liens les plus étroits avec un autre pays.
Le nouveau texte rompt avec ce système. Il énumère une série de rattachements spécifiques pour certains contrats et s'en remet pour les contrats non visés à la loi de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique. La loi du pays des liens les plus étroits n'intervient que de manière subsidiaire par la voie d'une clause d'exception.
Dans la mesure où la convention de Rome demeure applicable aux contrats conclus entre le 1er avril 1991 et le 17 décembre 2009, il est préférable d'examiner plus en détail le système mis en place par cet instrument (§ I), avant de se pencher sur celui mis en place par le règlement (§ II).

Le système mis en place par la convention de Rome

L'article 4 de la convention de Rome énonce : « 1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays.
 2. Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l'exercice de l'activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l'établissement principal, celui où est situé cet autre établissement.
 3. Nonobstant les dispositions du paragraphe 2, dans la mesure où le contrat a pour objet un droit réel immobilier ou un droit d'utilisation d'un immeuble, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où est situé l'immeuble.
 4. Le contrat de transport de marchandises n'est pas soumis à la présomption du paragraphe 2. Dans ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l'établissement principal de l'expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays. Pour l'application du présent paragraphe, sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d'affrètement pour un seul voyage ou d'autres contrats lorsqu'ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises.
 5. L'application du paragraphe 2 est écartée lorsque la prestation caractéristique ne peut être déterminée. Les présomptions des paragraphes 2, 3 et 4 sont écartées lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ».
Le texte pose donc un principe général de rattachement du contrat à la loi du pays avec lequel il entretient les liens les plus étroits (A), assorti d'une présomption générale (B), de présomptions particulières (C) et d'une clause d'exception (D).

Principe général : application de la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits

Ce principe, qui est posé par le paragraphe 1 de l'article 4 de la convention de Rome, correspond aux solutions antérieurement données par la jurisprudence de plusieurs États contractants, dont le Royaume-Uni et la France. « Il s'agit pour le juge de "localiser objectivement" le contrat, selon l'expression utilisée en France, à partir des différents indices qu'il peut présenter » 1545992214363.
Normalement, cette recherche effectuée par le juge aboutit à la désignation d'une loi unique pour régir le contrat. Mais la seconde phrase de l'article 4, § 1 permet au juge de ne pas faire régir intégralement un contrat par une seule loi et de soumettre une partie « séparable du reste » à une autre loi. Ce dépeçage judiciaire, qui n'a pratiquement jamais été mis en œuvre, devrait jouer de manière exceptionnelle, uniquement dans les cas où une partie du contrat peut faire l'objet d'une solution séparée, indépendamment de la solution donnée aux autres éléments du contrat 1545992282005.
C'est également ce qu'a décidé la Cour de justice dans l'arrêt ICF du 6 octobre 2009 1545992436016. Interrogée à titre préjudiciel sur les circonstances où il est possible d'appliquer, en vertu de l'article 4, § 1, seconde phrase de la convention de Rome, différents droits à une relation contractuelle, la Cour de justice a répondu que le dépeçage judiciaire n'est possible « que lorsque le contrat rassemble une pluralité de parties qui peuvent être considérées comme autonomes l'une par rapport à l'autre » et qu'« afin d'établir si une partie du contrat peut être soumise à une loi différente, il y a lieu de déterminer si son objet est autonome par rapport à celui du reste du contrat » (pts 45 et 46 de l'arrêt). Elle a refusé ainsi que la prescription puisse être régie par une autre loi que celle gouvernant le contrat. Le règlement, quant à lui, ne mentionne plus la possibilité pour le juge de procéder au dépeçage du contrat.

Présomption générale : loi du pays de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique

Pour faciliter la tâche du juge dans la recherche de la loi des liens les plus étroits, le paragraphe 2 de l'article 4 de la convention de Rome pose une présomption générale suivant laquelle : « Le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale ». Et s'il s'agit d'une personne physique contractant dans l'exercice de son activité professionnelle, ce pays « est celui où est situé son principal établissement ou si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l'établissement principal, celui où est situé cet autre établissement ».
À défaut de choix de loi, la loi applicable est donc celle du pays de résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique. Cette loi a été préférée à la loi du lieu d'exécution de la prestation caractéristique pour des raisons de commodité. La localisation du lieu de la résidence habituelle est apparue plus facile que celle du lieu d'exécution. En outre, il est apparu que le débiteur est souvent amené à conclure plusieurs contrats identiques, de sorte que donner compétence à sa loi favoriserait la standardisation de ses documents contractuels et diminuerait les coûts de leur rédaction. La convention évite en outre tout risque de conflit mobile puisqu'elle précise que la résidence habituelle à prendre en compte est celle qui existe « au moment de la conclusion du contrat ».
La notion de prestation caractéristique, inspirée de la jurisprudence suisse du XIX e siècle, n'est pas définie par la convention. Selon le rapport Giuliano-Lagarde, cette prestation « vise la fonction que le rapport juridique en cause exerce dans la vie économique et sociale du pays » et « permet de rattacher le contrat au milieu socio-économique dans lequel il va s'insérer » 1545992561336. Dans les contrats synallagmatiques, le rapport précise que « c'est la prestation pour laquelle le paiement est dû », et le rapport en donne quelques exemples : « le transfert de propriété, la livraison d'objets mobiliers corporels, l'attribution de l'usage d'une chose, la fourniture d'un service, du transport, de l'assurance, de l'activité bancaire, de la caution, etc. » 1545992569922. La loi applicable au contrat de vente est donc la loi du pays de résidence habituelle du vendeur.
Pour certains contrats, la détermination de la prestation caractéristique ne soulève pas de difficultés. Dans un contrat de donation, la prestation caractéristique est celle fournie par le donateur ; dans un contrat de garantie, c'est celle fournie par le garant 1545992674646. Dans un contrat de cession (cession d'un brevet, d'une marque, cession entre éditeurs), la prestation caractéristique est celle exercée par le cédant 1545992644998 ; dans un contrat de commission de transport, c'est celle fournie par le commissionnaire de transport 1545992654029.
En revanche, pour d'autres contrats, la détermination de la prestation caractéristique se révèle particulièrement ardue. En témoigne la jurisprudence intervenue dans le domaine de la distribution internationale. Alors qu'avant l'entrée en vigueur de la convention de Rome la Cour de cassation estimait que « la loi applicable au contrat était celle du pays où s'exécutait l'obligation principale, c'est-à-dire celle du lieu où le concessionnaire exerçait son activité » 1545994046051, sous l'empire de la convention elle a décidé que pour un contrat de distribution, « la fourniture du produit est la prestation caractéristique » 1545994056583, en précisant dans un arrêt du 23 janvier 2007 que pour le contrat-cadre, la prestation caractéristique consiste à assurer l'exclusivité de la distribution des produits 1545994067159. Elle a ainsi mis fin à une vive controverse doctrinale entre ceux qui estimaient que le débiteur de la prestation caractéristique était le distributeur et ceux qui au contraire estimaient que c'était le fournisseur ou concédant 1545994125126. Cependant, la solution retenue par la Cour de cassation n'est pas nécessairement partagée par les autres pays contractants 1545994136094. Et le règlement Rome I a pris le contre-pied de cette jurisprudence en soumettant le contrat de distribution à la loi de résidence habituelle du distributeur Règl. Rome I, art. 4, § 1 f. .

Présomptions particulières

La présomption en faveur de la loi de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique souffre deux exceptions, prévues par les paragraphes 3 et 4 de l'article 4 de la convention de Rome.

Contrat ayant pour objet un immeuble

Selon l'article 4, § 3 de la convention de Rome : « Dans la mesure où le contrat a pour objet un droit réel immobilier ou un droit d'utilisation d'un immeuble, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où est situé l'immeuble ».
Cette présomption traduit la traditionnelle force d'attraction de l'immeuble en droit international privé. Elle s'applique à tous les contrats qui ont pour objet le transfert ou la constitution de droits réels portant sur un immeuble (vente, constitution d'usufruit ou de servitude, mais non la cession de parts de société civile immobilière) ainsi qu'au contrat de bail.
La règle permet d'assurer l'unité de la loi applicable aux différents aspects de l'opération, car si au contraire les parties ont choisi en tant que loi applicable au contrat une autre loi que la loi de situation de l'immeuble, l'opération sera soumise à deux lois différentes.
En revanche, le rapport Giuliano-Lagarde précise que le texte ne concerne pas les contrats ayant pour objet la construction ou la réparation d'immeubles 1545995154375.

Le transport de marchandises

Selon l'article 4, § 4 de la convention de Rome : « Le contrat de transport de marchandises n'est pas soumis à la présomption du paragraphe 2. Dans ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l'établissement principal de l'expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays. Pour l'application du présent paragraphe, sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d'affrètement pour un seul voyage ou d'autres contrats lorsqu'ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises ».

La clause d'exception

L'article 4, § 5 de la convention de Rome dispose : « L'application du paragraphe 2 est écartée lorsque la prestation caractéristique ne peut être déterminée. Les présomptions des paragraphes 2, 3 et 4 sont écartées lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ».
Ce texte accorde au juge, par le jeu d'une clause d'exception, le pouvoir d'écarter les présomptions des paragraphes 2, 3, et 4 s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays.
Le jeu d'une telle clause doit normalement rester exceptionnel et n'intervenir que lorsque les présomptions des paragraphes 2, 3 et 4, conduisent à une loi qui, dans une espèce déterminée, n'a pas de valeur réelle de rattachement.
En pratique, cependant, la jurisprudence française a fait parfois application du paragraphe 5 en se contentant d'une référence purement formelle à la règle de principe 1545995281580. Parfois même, surtout en matière de transport, la chambre commerciale de la Cour de cassation a déterminé la loi applicable directement à partir de l'article 4, § 5, de la convention de Rome, sans se référer aux présomptions posées aux alinéas précédents 1545995253472. Elle est ensuite revenue à une interprétation plus restrictive et conforme aux intentions des rédacteurs de la convention en imposant au juge « de procéder à une comparaison des liens existant entre le contrat et, d'une part, le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle et, d'autre part, l'autre pays en cause, et rechercher celui avec lequel il présente les liens les plus étroits » 1545995260424.
Quant à la Cour de justice, elle a, dans l'arrêt ICF précité, précisé que : « L'article 4 paragraphe 5 de la Convention de Rome du 18 juin 1980 doit être interprété en ce sens que, lorsqu'il ressort clairement de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui qui est déterminé sur la base de l'un des critères prévus audit article 4, paragraphes 2 à 4, il appartient au juge d'écarter ces critères et d'appliquer la loi du pays avec lequel ledit contrat est le plus étroitement lié ». En d'autres termes, la clause d'exception ne devrait pas jouer en cas « d'équilibre des rattachements ». En ce cas, les règles des paragraphes 2 à 4 doivent conserver leur avantage 1545995562755. Pour que la clause joue, il faut que les rattachements avec la loi d'un autre pays soient plus importants 1545995590986. Mais il n'est pas imposé par la Cour que soit d'abord démontrée l'absence de valeur de rattachement des présomptions des paragraphes 2, 3 et 4.
En tout état de cause, dans le cadre d'un contrat de vente immobilière, il apparaît difficile que la loi du lieu de situation de l'immeuble puisse être détrônée par une autre loi.
Comme dans la convention de Rome, le règlement Rome I contient une clause d'exception qui permet de soumettre le contrat à une autre loi que celle qui résulterait de l'application de l'article 4, § 1 ou 2. Cependant, dans un souci de prévisibilité, le règlement Rome I retient une conception restrictive de la clause d'exception. L'article 4, § 3, dispose que ce n'est que « lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2 » que la loi de cet autre pays s'applique. L'utilisation de l'adverbe « manifestement » montre bien que le législateur communautaire a entendu que le recours à la clause d'exception demeure exceptionnel. La clause d'exception ne peut donc s'appliquer que lorsque le constat d'une plus grande proximité s'impose avec la force de l'évidence 1545996439385.
Le considérant 20 du règlement Rome I autorise cependant les juges à tenir compte des « liens étroits » que présente le contrat litigieux avec un ou plusieurs autres contrats. Ainsi, pourront être soumis à une loi unique le contrat de cautionnement et le contrat principal, les contrats d'application et le contrat-cadre, les contrats préparatoires et le contrat final et, plus généralement, tous les ensembles contractuels. Ce considérant ne devrait donc jouer qu'en présence d'une multitude de rattachements permettant de s'écarter des règles des paragraphes 1 et 2 de l'article 4 et pas seulement en présence d'un lien fonctionnel du contrat litigieux avec d'autres contrats.
Ni le règlement ni la Cour de justice ne précisent si les juges du fond doivent d'office examiner si le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec une autre loi que celle qui résulte de l'application des paragraphes 1 ou 2 de l'article 4. La Cour de cassation a, quant à elle, dans le cadre de la convention de Rome, considéré que les juges du fond n'ont pas à effectuer une telle recherche si elle ne leur a pas été demandée 1545996502357. La solution se comprend dès lors qu'en présence de droits litigieux disponibles, les juges du fond ne sont tenus de mettre en œuvre la règle de conflit de lois que dans les cas où une des parties a revendiqué l'application de la loi étrangère. Elle semble conforme également à l'esprit du règlement qui est de garantir davantage de prévisibilité et de sécurité juridique 1545996511700.

Le système mis en place par le règlement Rome I

L'article 4 du règlement Rome I dispose :
« 1. À défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :
a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ;
b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ;
c) le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'immeuble ;
d) nonobstant le point c), le bail d'immeuble conclu en vue de l'usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu'il ait sa résidence habituelle dans ce même pays ;
e) le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle ;
f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ;
g) le contrat de vente de biens aux enchères est régi par la loi du pays où la vente aux enchères a lieu, si ce lieu peut être déterminé ;
h) le contrat conclu au sein d'un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, au sens de l'article 4, paragraphe 1, point 17), de la directive 2004/39/CE, selon des règles non discrétionnaires et qui est régi par la loi d'un seul pays, est régi par cette loi.
 2. Lorsque le contrat n'est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ».
Le législateur de l'Union a donc privilégié la prévisibilité et la sécurité juridique en édictant, à l'article 4, § 1, des règles de rattachement fixes pour toute une série de contrats et non de simples présomptions comme celles qui figurent aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 4 de la convention (A) ; pour les contrats qui n'appartiendraient à aucune des catégories prévues au paragraphe 1 ou au contraire relèveraient à la fois de plusieurs de ces catégories, le paragraphe 2 donne compétence à la loi du pays dans lequel le débiteur de la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ; là encore il s'agit d'une règle et non d'une simple présomption (B) ; un élément de souplesse est toutefois maintenu puisque l'article 4, § 3 admet le jeu d'une clause d'exception ; mais cette clause est entendue de façon restrictive : il faut que le contrat présente des liens « manifestement » plus étroits avec un autre pays que celui visé aux paragraphes 1 et 2 (C).

Les règles de rattachement fixes

– La vente de biens. – L'article 4, § 1, a) du règlement Rome I contient la règle générale selon laquelle la vente de biens est régie par la loi du pays de la résidence habituelle du vendeur. La convention de Rome parvenait elle aussi au même résultat. Le considérant 17 indique que l'interprétation du mot « biens » devrait être la même que celle adoptée pour l'article 5, § 1, du règlement Bruxelles I dont le b) vise la vente de « marchandises ». Comme la « vente de biens aux enchères », la vente immobilière, la vente d'instruments financiers sur un marché réglementé et la cession d'objets incorporels échappent à cette règle générale, il faut considérer que la « vente de biens » vise toute vente d'un objet ou d'objets, mobilier(s) corporel(s) 1545995993166. Cependant, en France, c'est l'article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 qui s'appliquera, article qui désigne aussi la loi de la résidence habituelle du vendeur.
– La « vente de biens aux enchères ». – L'article 4, § 1, g) du règlement Rome I prévoit que la vente de biens aux enchères est soumise à la loi du pays où la vente aux enchères a lieu si ce lieu peut être déterminé. Si donc ce lieu ne peut être déterminé parce que les enchères se sont faites sur une place de marché « virtuelle », il faut revenir au rattachement prévu pour les ventes de biens ordinaires. En France, cependant, cette disposition du règlement sera écartée au bénéfice de la Convention de La Haye du 15 juillet 1955, laquelle dans son article 3, alinéa 3, donne également compétence à la loi du pays « dans lequel se sont effectuées les enchères ». Mais si, dans le cadre de la convention, la localisation reste impossible, il faut également revenir à la règle générale désignant la loi de résidence habituelle du vendeur Conv. La Haye 15 juill. 1955, art. 3, al. 1er. .
– La vente en bourse. – Le règlement prévoit une règle particulière, lorsque les parties n'ont pas choisi la loi, pour les contrats portant sur des instruments financiers, conclus au sein d'un système multilatéral entre acheteurs et vendeurs, et selon des règles non discrétionnaires Règl. Rome I, art. 4, § 1, h. . Lorsque ce système multilatéral est régi par une seule loi, cette loi sera également applicable aux contrats passés au sein de ce système. C'est donc la loi du marché financier qui s'applique, précision étant faite que cette règle ne s'applique pas aux contrats d'instruments financiers entre consommateurs et professionnels Règl. Rome I, art. 6, § 4, e. .
– La vente immobilière. – L'article 4, § 1, c) du règlement Rome I dispose que le contrat « ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'immeuble ». La règle rejoint la présomption posée par la convention de Rome, mais tandis que cette dernière visait aussi « un droit d'utilisation sur l'immeuble », le règlement ne vise que le « bail d'immeuble », laissant ainsi de côté les autres droits d'utilisation qui peuvent porter sur un immeuble et ne seraient pas des droits réels (prêt d'immeuble, convention d'occupation précaire par exemple). Cette règle particulière ne s'applique pas par ailleurs aux locations de vacances, l'article 4, § 1, d) précisant qu'un tel contrat est soumis à la loi du pays de résidence habituelle du propriétaire, à condition que le locataire soit une personne physique et qu'il ait sa résidence habituelle dans ce même pays.
– La prestation de services. – L'article 4, § 1, b) du règlement Rome I dispose que : « Le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ». La présomption en faveur de la loi du pays du débiteur de la prestation caractéristique aboutissait au même résultat. S'agissant de la notion de « contrat de prestation de services  », le considérant 17 du règlement renvoie à la « fourniture de services  » mentionnée à l'article 5, § 1, b) du règlement Bruxelles I. Il faut donc se reporter à la jurisprudence de la Cour de justice qui, dans l'arrêt Falco du 23 avril 1999, a précisé que la notion de services implique « l'exercice d'une activité déterminée en contrepartie d'une rémunération » 1545996064127. Pour toute prestation de services à titre gratuit, il faudra donc faire application de la règle de l'article 4, § 2 du règlement Rome I, mais cela aboutira tout autant à la loi de la résidence habituelle du prestataire. Par ailleurs, dans ce même arrêt, la Cour a décidé que la licence de droits d'auteur n'est pas une fourniture de services au sens du règlement Bruxelles I, car « le titulaire du droit de propriété intellectuelle n'accomplit aucune prestation en en concédant l'exploitation et s'engage seulement à laisser son cocontractant exploiter librement ledit droit » 1545996074149. Ainsi, la licence du droit d'auteur, de brevets, de marques…, le bail mobilier, le prêt d'argent, le crédit-bail, le cautionnement ne relèvent pas de la règle particulière de l'article 4, § 1, b). Quant aux contrats de franchise et de distribution, bien qu'ils constituent des contrats de prestation de services, ils relèvent de rattachements particuliers Règl. Rome I, art. 4, § 1, e et f. , de même que les contrats de transport, qu'ils soient de marchandises Règl. Rome I, art. 4, § 1. ou de personnes Règl. Rome I, art. 4, § 2. .
– Contrats de franchise et distribution. – L'article 4, § 1, e) du règlement Rome I précise que : « Le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle » et l'article 4, § 1, f) ajoute que : « Le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ». Il est donc mis fin aux controverses soulevées dans le cadre de la convention de Rome pour la détermination de la prestation caractéristique dans ces contrats-là. En revanche, les difficultés se déplacent quant à la définition du « contrat de distribution ». Faut-il y inclure toutes les commandes auxquelles il donne lieu ou faut-il les soumettre au rattachement de l'article 4, § 1, a) ? Cette question devra être tranchée par la Cour de justice 1545996169425.

La règle subsidiaire

L'article 4, § 2 du règlement Rome I prévoit que lorsque le contrat en cause ne relève d'aucune des catégories (par ex., le bail portant sur objet mobilier) énumérées à l'article 4, § 1, ou « lorsque les éléments du contrat sont couverts par plusieurs points » (hypothèse du contrat complexe comportant par exemple à la fois vente et la prestation de services), le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.
Pour l'identification de la prestation caractéristique en présence d'un contrat complexe, le considérant 19 du règlement Rome I donne une indication : « Dans le cas d'un contrat consistant en un faisceau de droits et d'obligations qui peuvent être rattachés à plusieurs des catégories de contrat définies, la prestation caractéristique du contrat devrait être déterminée par rapport à son centre de gravité ». Il appartient donc au juge de rechercher le centre de gravité du contrat. À cet égard, certains auteurs 1545996309060proposent, lorsque le contrat associe plusieurs catégories spéciales, de rechercher si, dans l'agencement contractuel, l'une des catégories apparaît comme principale et l'autre comme secondaire ou accessoire. Dans ce cas, il faudrait s'en tenir à la qualification principale et appliquer la règle particulière correspondante. Or, si cela aura peu d'impact dans le cas où une partie cumule les qualités de vendeur et de prestataire de services, puisque dans tous les cas ce sera la loi de la résidence habituelle qui sera appliquée, il en ira différemment lorsque le contrat est tiraillé entre règles spéciales qui désignent des lois différentes. Ces mêmes auteurs donnent l'exemple d'un vendeur d'un terrain qui accepte aussi de le dépolluer et d'y édifier un bâtiment : « En raison du transfert de propriété de l'immeuble ; par sa dimension entrepreneuriale, cependant, le contrat penche vers la loi de la résidence habituelle du vendeur, qui ne sera pas forcément établi dans le pays du situs de l'immeuble. Faudrait-il pour autant, si le transfert de propriété de l'immeuble paraît constituer la prestation caractéristique de cet arrangement, appliquer la loi de la résidence habituelle du vendeur ? Le bon sens impose de répondre par la négative. C'est la loi du lieu de situation de l'immeuble qui régira un tel contrat » 1545996330856. Tout dépend donc de l'agencement contractuel qui a été voulu par les parties. La recherche de la prestation caractéristique ne devrait donc intervenir que lorsqu'aucune des règles spéciales ne peut être appliquée.
Comme la convention, le règlement s'attache non pas au lieu d'exécution de la prestation caractéristique, mais au lieu de résidence habituelle de la partie qui la fournit, au moment de la conclusion du contrat. Et il est précisé que la résidence habituelle est pour une personne physique son établissement principal, et pour une personne morale le lieu où elle a établi son administration centrale Règl. Rome I, art. 19. .

La clause d'exception