Si les parties choisissent une monnaie de paiement différente de l'euro, le notaire doit identifier les points sensibles potentiellement source de litiges.
Le premier d'entre eux est l'homonymie de certaines monnaies. Le notaire doit bien préciser la monnaie choisie afin d'ôter tout doute sur la monnaie utilisée : livre sterling, livre turque ou livre égyptienne, dollar américain, australien, de Singapour, Hong Kong, néo-zélandais ou canadien, dinar algérien ou irakien, couronne suédoise, norvégienne ou tchèque, peso mexicain ou argentin…
Le second est l'imprévision en raison de l'évolution inéluctable de la monnaie étrangère par rapport à l'euro. Le notaire doit veiller à que les parties signent l'avant-contrat de vente en connaissant parfaitement leurs engagements : l'acquéreur doit connaître le montant de la somme qu'il devra dépenser pour payer le prix de vente et le vendeur doit savoir quel est le prix de vente qu'il va recevoir pour notamment désintéresser ses créanciers. Aucun des deux ne doit subir de perte en raison de la variation des taux de change entre la signature de l'avant-contrat et celle de l'acte de vente. À défaut, l'article 1195 du Code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016, prévoit que si « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ». En d'autres termes, si la dépense initialement prévue par l'acquéreur dans sa monnaie de paiement étrangère augmente sensiblement entre l'avant-contrat et l'acte authentique de vente parce que l'euro a une valeur accrue, celui-ci peut solliciter une renégociation du prix de vente.
L'article 1195, alinéa 2 du Code civil poursuit en indiquant qu'en « cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation ». Cela signifie que le contrat de vente demeure fragile et incertain, car si les parties ne parviennent pas à un accord sur un nouveau prix ou de nouvelles modalités de paiement, elles peuvent décider de l'annuler. Pire, à défaut d'accord entre les parties, le juge peut « réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ». Il pourra alors être reproché au notaire de ne pas avoir anticipé la dégradation du taux de change de la monnaie étrangère dans la période précontractuelle.
Il est à noter que le principe de la force obligatoire des contrats est a priori respecté puisqu'un contrat doit être appliqué dès lors qu'il est clairement établi. Mais il n'en demeure pas moins que le notaire supporte la lourde responsabilité de le sécuriser, car sinon il peut être résolu amiablement ou judiciairement.
Le notaire ne devrait donc pas prévoir que le prix de vente fixé à un certain montant dans l'avant-contrat sera payé au moment de l'acte authentique de vente selon le taux de change en vigueur au moment de la réitération par acte authentique.
En conséquence, lorsque les parties prévoient dans l'avant-contrat de vente que le prix en euros sera payé dans une monnaie de paiement étrangère (par ex. en livres sterling), le notaire doit leur conseiller de fixer le prix de façon ferme et définitive dès ce stade du processus de vente.
Le coin du praticien
Il convient de mentionner que le prix « X » en euro correspond au jour de l'avant-contrat à la somme de « X' » livres sterling selon le taux de change du jour et que ce prix ne variera pas, quel que soit le cours de la monnaie étrangère par rapport à l'euro au moment de la signature de l'acte authentique de vente.
Voici un modèle de clause qui peut être proposé en la matière : « Les parties conviennent que le prix de vente est de : … euros. D'un commun accord entre elles, les parties déclarent que ledit prix correspond à la somme de … + devise étrangère convenue entre les parties, selon le taux de conversion de change en vigueur à la date du …, d'un montant de … équivalent pour UN EURO ».