Les pièces justificatives de l'identité d'une personne

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les pièces justificatives de l'identité d'une personne

Les pièces justificatives de l'identité d'une personne ne peuvent relever que de deux catégories de pièces officielles : soit la pièce d'identité est une pièce d'identité nationale (§ I), soit il s'agira d'une pièce d'identité internationale, sur un modèle standard, afin de pouvoir être acceptée dans les tous les États. Il sera alors question du passeport (§ II).

Les pièces d'identité nationales

Fondement légal du contrôle, de la présentation et de la conservation d'une copie de la pièce d'identité du client par le notaire

Bien que le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 prévoit à l'article 5 1531647049616une obligation pour le notaire de connaître l'identité de ses clients, ainsi que la production de tous documents justificatifs à lui remettre, aucune précision n'est donnée quant à la nature des justificatifs d'identité 1531646715743.
Dans un premier temps, dès 1979, la Cour de cassation a précisé les modalités, en imposant au notaire le contrôle de l'identité des parties qu'il ne connaît pas, par la demande de production de pièces officielles comportant photographies et signatures, afin de conforter les mentions figurant dans les livrets de famille, actes d'état civil ou autres pièces qui peuvent lui être présentées 1531647706363.
Mais aujourd'hui, aux obligations d'identification sont venues s'ajouter les obligations de vigilance imposées aux notaires dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Avec ces nouvelles obligations de vigilance et de déclarations de soupçons 1531649061231, tout un arsenal de dispositions législatives et réglementaires constitue désormais la base légale confirmant le devoir de contrôle du notaire de l'identité de son client, que ce dernier soit un client habituel ou occasionnel de l'office.
Parmi toutes ces dispositions étudiées par la quatrième commission (V.infra, nos et s.), seules celles justifiant la nécessité de se voir présenter la pièce officielle retiendront ici l'attention : il s'agit des dispositions de l'article L. 561-5 du Code monétaire et financier qui prévoit qu'avant d'entrer en relation d'affaires avec le client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, le notaire doit non seulement identifier son client, et le cas échéant le bénéficiaire effectif de la transaction, mais encore contrôler les éléments d'identification, sur présentation de tout document écrit ayant un caractère probant.
Tout comme le décret de 1971, le terme générique utilisé par le Code monétaire et financier ne permettait pas de connaître avec précision les documents d'identification.
C'est le décret du 18 avril 2018, et plus particulièrement son article 13 qui, en prévoyant l'instauration d'un article R. 561-5-1 dans le Code monétaire et financier, précise enfin les documents exacts à demander, pour en faire une copie destinée à être conservée.
Le nouvel article R. 561-5-1 dudit code prévoit que : «Pour l'application du 2° du I de l'article L. 561-5, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 vérifient l'identité du client selon les modalités suivantes :
  • en recourant à un moyen d'identification électronique délivré dans le cadre d'un schéma français d'identification électronique notifié à la Commission européenne en application du paragraphe 1 de l'article 9 du Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, ou d'un schéma notifié par un autre État membre de l'Union européenne dans les mêmes conditions et dont le niveau de garantie correspond au niveau de garantie élevé fixé par l'article 8 de ce même règlement ;
  • en recourant à un moyen d'identification électronique présumé fiable au sens de l'article L. 102 du Code des postes et de communications électroniques ;
  • lorsque le client est une personne physique, par la présentation de l'original d'un document officiel en cours de validité comportant saphotographieet soir par la prise d'une copie de ce document, soit par la collecte des mentions suivantes : lesnom,prénoms,date et lieu de naissancede la personne, ainsi que la nature, les date et lieu de délivrance du document et les nom et qualité de l'autorité ou de la personne qui a délivré le document et, le cas échéant, l'a authentifié ;(...)Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 vérifient également l'identité des personnes agissant pour le compte du client selon les modalités prévues au présent article».
Pour un client de nationalité française, il n'existe aucune difficulté particulière : le notaire instrumentaire demande à son client que lui soit présentée sa carte nationale d'identité, telle que le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 l'a instituée.
Pour un client de nationalité étrangère, le notaire instrumentaire demande également que lui soit présentée une pièce officielle d'identité, peu importe qu'elle ait été délivrée à l'étranger, dans la mesure où toutes les indications prévues à l'article R. 561-5-1 du Code monétaire et financier peuvent y figurer.
Au regard de ces éléments visés dans l'article R. 561-5-1 dudit code, des difficultés techniques apparaissent dans le cadre de la lutte contre le blanchiment : en effet, comment demander des documents officiels justifiant de l'identité d'un client comme il a été indiquésupra, tout en méconnaissant la règle de traduction systématique évoquée, imposée par le paragraphe 586-1 de l'instruction générale de l'état civil (V. supra, n°) ? Une adaptation du paragraphe 586-1 avec ces nouvelles règles de lutte contre le blanchiment serait opportune. Cette adaptation permettrait au notaire de conserver sans difficulté la copie du document original étranger détenu par le client, sans contrainte de traduction obligatoire, le document étranger détenu par le client étant par nature non traduit et sa traduction sans utilité.
La carte de nationalité française répond aux conditions de délivrance et de renouvellement 1531652952091instaurées par le décret de 1955, dont la dernière modification remonte au 2 novembre 2017. Les empreintes digitales du demandeur sont recueillies et numérisées.
Si le client ne détient pas de carte nationale d'identité ni de passeport (qui sera évoqué un peu plus loin), il peut être suggéré au notaire de veiller avec plus de prudence et de précaution, tout en acceptant de se «contenter de consulter d'autres pièces (permis de conduire, carte de transport», contenant les indications prévues par l'article R. 561-1 (une photographie, le nom, les prénoms, les date et lieu de naissance), l'essentiel étant qu'en tout état de cause, il faut que même s'il multiplie «les pièces consultées, de sorte qu'elles puissent se corroborer les unes les autres» 1531658105768, «le notaire [conserve] les diligences effectuées» 1531657853525.
Malgré le caractère biométrique de la carte d'identité nationale française actuelle, elle n'existe pas à ce jour, dans une version électronique ou numérique, à la différence de certains pays dont les ressortissants, potentiels clients de nos études, peuvent être munis d'une telle version.

À retenir 

Le caractère officiel des pièces d'identité délivrées par une autorité publique étrangère doit être accepté, et une copie (numérique ou papier) doit être conservée par le notaire dans le cadre de ses obligations de contrôle, d'identification et de vigilance à l'égard du client, occasionnel comme habituel.

Quelques exemples de pièces d'identité étrangères

La pièce d'identité électronique belge

La carte d'identité électronique – dénommée eID – est la carte d'identité électronique des Belges. Elle est la preuve de l'inscription des ressortissants belges au Registre national des personnes physiques.
L'eID permet aussi de s'identifier pour prouver son identité, sa nationalité, son âge ; elle permet encore de signer électroniquement en tant que personne majeure, étant précisé qu'en Belgique une signature électronique a la même valeur juridique qu'une signature manuscrite.
Le notariat belge a élaboré, sur son site «Notaire.be», un onglet dénommé «My Box». Cette application donne à l'internaute, citoyen de nationalité belge et titulaire d'une eID, un aperçu des contrats de cohabitation ou de mariage qu'il a pu contracter, ainsi que les coordonnées de l'étude notariale dans laquelle ses contrats sont conservés.
Cette application est liée au Registre central des contrats de cohabitation et de mariage, une base de données gérée par Fednot (Fédération royale du notariat belge). Le contrat proprement dit ne se trouve pas en ligne, mais demeure conservé au sein de l'étude notariale 1531660032528.
Le client «connecté», en rentrant sa eID dans le lecteur de carte 1531660468358, insère un code PIN et accède directement aux informations le concernant dans le Registre central des contrats de cohabitation et de mariage (CRH).

La pièce d'identité numérique néerlandaise

La loi du 26 septembre 1991 relative à la délivrance des documents de voyage dispose que la carte d'identité est un document de voyage.
Par ailleurs, les registres communaux néerlandais contiennent toutes les informations nécessaires à l'établissement des cartes d'identité. La loi de 1994 régissant ces fichiers autorise les communes à fournir aux autres administrations les données nécessaires à l'accomplissement de leur mission. De ce fait, l'agence chargée de la fabrication des cartes d'identité utilise les informations des registres communaux 1531664887632.
Le ressortissant néerlandais, quant à lui, est titulaire d'une carte d'identité électronique qui lui permet de communiquer avec les administrations étatiques et semi-gouvernementales. La solution adoptée est intitulée «DigiD».
Le notariat néerlandais a développé des solutions électroniques particulièrement performantes : par le biais d'une application dénommée «NotarisNet», le confrère néerlandais accède à un système de vérification d'identité des clients (dénommé «VIS»:Vérificatie Informatie Systeem) qui permet, sur les numéros uniques des cartes d'identité, de vérifier leur validité. Si une carte a été volée ou déclarée perdue ou invalide pour les Pays-Bas, l'application l'indique instantanément au notaire qui consulte.
En fonction du résultat de l'interrogation, le document d'identité présenté par le client est soit conforme (No Hit), soit pose un problème (Hit).
Le résultat «Hit»indique un degré élevé de certitude que le document pose problème. Dans ces conditions, le notaire néerlandais doit refuser le document comme pièce d'identité valide, et exiger du client qu'il s'identifie autrement 1531666922622.
Ce système permet une identification fiable des parties à une transaction en ligne, contribuant ainsi à la confiance des consommateurs.
Après avoir abordé les caractéristiques de la carte électronique belge ainsi que de la carte électronique néerlandaise, une troisième étude de cas a paru des plus intéressantes : l'exemple de l'Estonie, «la modernité technologique étatisée» 1531681690873.

La e-carte d'identité numérique évolutive estonienne

Ce pays balte est connu pour les efforts considérables qu'il a déployés dès les années 2000 pour tendre vers un e-gouvernement. Dès 2001, une loi a été adoptée pour munir tous les citoyens de nationalité estonienne d'une carte d'identité avec un microprocesseur.
Depuis une loi de 2002, la e-carte d'identité, basée sur la technologie Java Card, est détenue par tous les Estoniens à partir de l'âge de quinze ans. Cette e-carte d'identité est un élément-clé pour des services en lignes avancés.
La e-carte d'identité estonienne se branche sur un ordinateur et centralise un très grand nombre d'informations, tout en permettant la réalisation de signatures électroniques et l'accès aux registres administratifs.
Il suffit de rentrer et de valider deux séries de codes secrets, après avoir connecté la e-carte d'identité 1531682642342.
Les fonctionnalités de cette carte répondent à toutes les exigences des cahiers des charges standards de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), pour les documents de voyage 1531683287642. Cette e-carte d'identité permet entre autres à tous les citoyens estoniens de se déplacer dans l'espace de liberté, de justice et de sécurité de l'Union et de l'Association européenne de libre-échange sans aucun autre document pour justifier de leur identité.
Les services numériques développés par la Chambre des notaires de l'État libre estonien sont intégrés dans un programme dénommé «E-Notaries Programme», au moyen duquel tous les actes notariés sont élaborés et interconnectés à tous les registres de l'État. De plus, par le biais de ce programme, les notaires ont également accès à tous les registres étatiques qui leur sont utiles en vue d'obtenir tous types d'informations administratives. Ce programme leur permet également d'alimenter les registres avec lesquels les notaires sont en lien.
Quelques exemples de services en ligne avec la e-carte d'identité estonienne :
  • la e-carte d'identité permet à son titulaire de bénéficier des nombreux services notariaux développés par la Chambre des notaires de l'État libre estonien et de procéder notamment à la signature numérique ;
  • l'application eKool est un système de gestion scolaire couvrant 90 % des écoles et plus de 95 % des élèves estoniens y sont connectés ;
  • le permis de conduire national estonien est intégré dans la e-carte d'identité, permettant aux véhicules de police équipés d'un lecteur de carte et d'une station de travail mobile d'avoir accès à toutes les informations sur le permis de conduire, son titulaire, ainsi que son statut ;
  • l'application DigiDoc, en matière de santé, fait de la e-carte d'identité estonienne un outil performant, qui permet aux personnels autorisés d'accéder au fichiers de l'assurance santé et aux dossiers médicaux. Elle est également utilisée pour les ordonnances numériques et la délivrance des médicaments, jusqu'au remboursement de l'assurance maladie ;
  • l'application PKI permet à la e-carte d'identité d'accéder à des services bancaires, ou encore à des programmes de fidélité des super-hypermarchés ou des stations-service 1531730244161.
Mais certains pays, et «non des moindres», ne connaissent pas de «carte d'identité» 1531652261324.
Ces ressortissants voyageurs qui ne détiennent pas de pièce d'identité nationale, pour être arrivés jusqu'à l'Étude pour requérir un acte à rédiger, sont au moins titulaires d'une pièce d'identité internationale : le passeport.

La pièce internationale justificative de l'identité : le passeport

Le passeport reste une réalité au-delà du périmètre spatial de Schengen qui permet aux personnes de se déplacer. Plus qu'un outil d'identification, il est aussi un outil de contrôle des déplacements des individus.
S'il est vrai qu'en vertu des accords de Schengen, qui organisent la libre circulation des personnes entre les États signataires, les citoyens européens se meuvent dans cet espace sans avoir à produire ni passeport ni visa, mais simplement une carte d'identité nationale (lorsqu'ils en détiennent une), il n'en est pas de même pour tous les autres ressortissants des autres États non signataires.
Avant de constater l'utilité du passeport comme justificatif de l'identité (B), une brève histoire du passeport en France (A)permettra d'en comprendre son origine et son utilité actuelle.

Bref rappel historique du passeport en France

Il fut un temps où en France, cohabitaient deux types de passeports : le passeport «intérieur» et le passeport «extérieur» 1531737651917.
Existant sous l'Ancien Régime, ces deux catégories de passeports furent supprimées par la Révolution. La loi du 28 mars 1792 rétablit le passeport obligatoire pour tout Français souhaitant sortir du territoire et pour tout étranger désireux d'y séjourner.
La raison principale était, d'une part, la crainte de voir la noblesse française fuir massivement pour rejoindre les armées contre-révolutionnaires et, d'autre part, d'empêcher les étrangers appartenant aux nations voisines de pénétrer librement sur le territoire afin de participer à la réalisation d'actions de diverses natures 1531737208971.

Le passeport, document suffisant pour le contrôle d'identité d'une partie à l'acte authentique

Aujourd'hui, les passeports standardisés doivent être lisibles par une machine dont les spécifications sont établies par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
Cet organisme des Nations unies a notamment pour mission l'élaboration de techniques de conception et de traitement des passeports, afin de protéger leur intégrité et de rester à la pointe de la technologie internationale en matière de sécurité.
Du point de vue européen, le passeport international est intégré dans un système de gestion des déplacements des personnes au sein des États, dont l'objectif est de contrôler les déplacements des personnes, entre leur sortie de leur territoire d'origine, leur entrée dans un pays étranger et leur retour dans le pays d'origine.
Il demeure le justificatif par excellence de l'identité du client comparaissant pour la réception de l'acte 1531849777599. Il remplit en effet les conditions posées par l'article R. 561-5-1 du Code monétaire et financier.