Le choix de la loi applicable par les parties

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Le choix de la loi applicable par les parties

Dans la lignée de ce qui était prévu par les droits nationaux des États membres, le règlement Rome I, comme la convention, consacre le principe de l'autonomie de la volonté à l'article 3, § 1 : « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». La recherche de sécurité juridique et de prévisibilité des solutions, qui constitue l'objectif principal du règlement (consid. 6), explique sans doute la place prépondérante de l'autonomie de la volonté dans le système mis en place. Le choix de la loi applicable s'impose ainsi aux parties et au juge 1545989812753 (§ I).
Le choix de la loi applicable n'est pas cependant sans limites. Les paragraphes 3 et 4 de l'article 3 limitent la portée de l'autonomie de la volonté lorsque tous les éléments sont localisés sur le territoire d'un seul État ou sur le territoire de l'Union européenne (§ II).

La consécration de l'autonomie de la volonté

L'article 3 du règlement Rome I apporte des précisions quant aux modalités du choix (A), quant à son objet (B) et quant à son moment (C).

Modalités du choix

L'article 3, § 1 du règlement Rome I indique : « Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat des circonstances de la cause ».

Le choix peut tout d'abord être exprès

Il s'agira le plus souvent d'une clause de choix de loi applicable insérée dans le contrat, mais on peut concevoir une expression purement orale, sous réserve alors des difficultés de preuve 1545989771435. Dans tous les cas, il faut s'assurer du consentement des parties à cette clause de choix. Aux termes de l'article 3, § 5 du règlement Rome I : « L'existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont régies par les dispositions établies aux articles 10, 11 et 13 », articles relatifs à la loi applicable au fond, à la forme et la capacité. Autrement dit, il résulte de l'article 3, § 5 que la clause de choix de loi obéit aux mêmes règles que toutes les autres clauses du contrat. En particulier, sa validité au fond dépendra de la loi choisie. L'article 10, § 1 prévoit en effet que : « L'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu du présent règlement si le contrat ou la disposition étaient valables ». Le contrat de choix de loi, ou contrat d'electio juris, est donc présumé valable ab initio, les parties pouvant à bon droit choisir la loi du contrat qui, à son tour, rétroagira pour décider de la validité ou de la nullité de ce contrat 1545989710226.
Quant à la forme, le contrat de choix est valable s'il obéit aux conditions de forme de la loi choisie ou de la loi du lieu de conclusion. Si ce contrat est conclu entre des personnes ou leurs représentants qui se trouvent dans des pays différents au moment de sa conclusion, il est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme de la loi qui le régit au fond en vertu du présent règlement ou de la loi d'un des pays dans lequel se trouve l'une ou l'autre des parties ou son représentant au moment de sa conclusion ou de la loi du pays dans lequel l'une ou l'autre des parties avait sa résidence habituelle à ce moment-là Règl. Rome I, art. 11, § 2. . Cependant, le paragraphe 5 de l'article 11 contient des dispositions propres pour la forme des contrats ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail. Il peut arriver en effet que la loi choisie par les parties soit autre que la lex rei sitae. Dès lors, si tel est le cas, les dispositions impératives de la loi du pays où l'immeuble est situé interviennent si, selon cette loi, elles s'appliquent indépendamment du lieu de conclusion du contrat et de la loi le régissant au fond.
S'agissant enfin de la capacité à conclure un contrat de choix de loi, si la question relève des règles de conflit nationales, l'article 13 réserve l'hypothèse d'un contrat conclu entre personnes se trouvant dans un même pays et où une personne physique serait capable selon la loi de ce pays. Dans ce cas, cette personne ne peut invoquer son incapacité résultant de la loi d'un autre pays que si, au moment de la conclusion du contrat, le cocontractant a connu cette incapacité ou ne l'a ignorée qu'en raison d'une imprudence de sa part.

Le choix peut ensuite être tacite

Le choix tacite devra découler « de façon certaine », soit des dispositions du contrat, soit des circonstances de la cause.
Il résultera de façon certaine des dispositions du contrat en cas d'acceptation d'un contrat type ou d'un contrat d'adhésion régi par un système juridique particulier 1545989927014, ou encore, en cas de référence à des articles d'un code d'un pays déterminé 1545989958514. Mais encore faut-il, dans ce dernier cas, que la référence soit significative d'un choix de loi et que le texte visé ne s'impose pas à un autre titre, notamment en tant que loi de police, ou qu'il porte sur des aspects secondaires de l'opération contractuelle, telle la stipulation d'une clause pénale 1545990001544. Ainsi, les références qui peuvent exister dans un acte de vente dressé par un notaire français à des textes de droit français, notamment au Code de la construction et de l'habitation ou au Code de la santé publique pourraient être interprétées comme valant choix implicite de la loi française pour l'ensemble du contrat 1545990034559. En revanche, la langue employée pour la rédaction du contrat ou la monnaie choisie ne devrait pas être comprise comme un choix tacite de loi applicable.
Le choix tacite peut résulter ensuite de façon certaine des circonstances de la cause. L'intervention d'un officier public hors de son pays (consul) pourrait faire présumer que les parties ont entendu voir appliquer la loi de l'État dont cette autorité tient ce pouvoir 1545990099408. Mais la question du choix tacite se pose généralement au sujet de contrats liés. Le considérant 20 du règlement Rome I indique que les liens entre plusieurs contrats sont à prendre en compte pour faire jouer la clause d'exception et ces liens sont également mentionnés au considérant 21 pour décider du pays qui a les « liens les plus étroits » avec le contrat. La doctrine estime cependant que l'existence de contrats liés ne doit pas conduire systématiquement à les soumettre à la loi choisie pour l'un d'eux et que même si la prévisibilité et la sécurité juridique doivent en souffrir, il convient de laisser aux tribunaux le soin d'apprécier dans chaque espèce si le lien entre deux ou plusieurs contrats justifie ou non de les soumettre à la même loi 1545990140242.
La question de la loi applicable au contrat de cautionnement est une illustration des tensions qui peuvent exister entre la loi applicable au contrat principal et la loi applicable au contrat accessoire. À cet égard, avant l'entrée en vigueur de la convention de Rome, la Cour de cassation avait posé pour principe que « le contrat de cautionnement est soumis à sa loi propre », ajoutant toutefois qu'« il y a lieu de présumer, dans le silence de la convention à cet égard, qu'il est régi par la loi de l'obligation garantie » 1545990197123. Elle avait ensuite confirmé ce principe sous l'empire de la convention de Rome 1545990268856avant de laisser penser, par un arrêt du 12 octobre 2011, qu'elle avait abandonné l'autonomie conflictuelle du contrat de cautionnement au profit de la soumission à la loi du contrat principal garanti 1545990259910. Plus récemment, tout en réaffirmant l'autonomie du contrat de cautionnement, la Cour de cassation a retenu que la loi applicable au contrat principal constituait un indice au moment d'établir le pays des liens les plus étroits avec le contrat de cautionnement 1545990212491. L'existence d'un choix tacite en faveur de la loi désignée par les parties au contrat principal ne pourra donc résulter uniquement du caractère accessoire du contrat de cautionnement, mais ce dernier pourra être pris en compte au titre des circonstances de la cause.
L'existence d'un choix tacite peut-elle résulter d'une clause attributive de juridiction ? Le considérant 12 du règlement Rome I prévoit qu'un « accord entre les parties visant à donner compétence exclusive à une ou plusieurs juridictions d'un État membre pour connaître des différends liés au contrat devrait être l'un des facteurs à prendre en compte pour déterminer si le choix de la loi a été clairement énoncé ». La présomption en faveur de la loi de l'État dont les tribunaux ont été désignés qui était initialement prévue par la proposition de la Commission n'a pas été reprise par le règlement. La clause attributive de juridiction constitue simplement un indice au moment d'établir l'existence d'un choix tacite. En revanche, le considérant 12 reste muet sur la valeur d'une clause d'arbitrage.
Quoi qu'il en soit, cette recherche de volonté tacite risque de s'avérer malaisée, la jurisprudence ne se satisfaisant pas d'une volonté simplement implicite 1545990572555.
C'est pourquoi, si les parties s'entendent sur l'application d'une loi en particulier, il est important qu'une clause de choix exprès soit insérée au contrat, sans pouvoir s'en tenir à un choix tacite. Dans le cadre du contrat de vente immobilière, elles pourront choisir comme loi applicable à leur contrat une autre loi que la loi du lieu de situation de l'immeuble, mais, dans la mesure où cette loi aura vocation à s'appliquer à de nombreux aspects (V. infra, n° ), il est souhaitable que les parties ne désignent pas une loi différente. Il appartient donc au notaire d'éclairer les parties sur ce point et de leur conseiller de soumettre le contrat de vente à la loi du lieu de situation de l'immeuble.

L'objet du choix

Comme la convention de Rome, le règlement confère aux parties la liberté de choisir n'importe quelle loi, même si elle ne présente aucun lien objectif avec le contrat. Bien que le règlement ne le prévoie pas, on s'accorde à dire cependant que ce choix ne doit pas être entaché de fraude 1545990711173.
La loi choisie par les parties doit être une loi étatique. Le règlement n'a pas suivi la proposition faite par la Commission en 2005 qui prévoyait au paragraphe 2, alinéa 1, de l'article 3 du règlement Rome I que les parties pouvaient « également choisir comme loi applicable des principes et règles de droit matériel de contrats, reconnus au niveau international ou communautaire », en ajoutant à l'alinéa 2 : « Toutefois, les questions concernant les matières régies par ces principes ou règles et qui ne sont pas expressément tranchées par eux seront réglées selon les principes généraux dont ils s'inspirent, ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable à défaut de choix en vertu du présent Règlement ». Il appartiendra donc à la loi étatique choisie par les parties de dire si, éventuellement, elle intègre dans son ordre juridique les principes Unidroit ou toute autre codification privée qui paraîtrait pertinente. Le considérant 13 du règlement suivant lequel : « Le présent Règlement n'interdit pas aux parties d'intégrer par référence dans leur contrat un droit non étatique ou une convention internationale » reste cependant difficile à interpréter. S'il signifie que les parties peuvent directement se référer à un droit non étatique, il se trouve en contradiction frontale avec l'article 3, § 1. Le considérant 14 ajoute en outre que : « Si la Communauté adopte dans un instrument juridique spécifique des règles matérielles de droit des contrats, y compris des conditions générales et des clauses types, cet instrument peut prévoir que les parties peuvent choisir d'appliquer ces règles ». Certains auteurs estiment que rien ne s'oppose à ce que les parties puissent décider qu'aucune loi ne s'impose à elle ou qu'elles se réfèrent à des règles non étatiques sous réserve de l'application des lois de police du for ou même étrangères 1545990758397.
L'article 3 du règlement Rome I consacre la possibilité d'un dépeçage en énonçant que par leur choix, « les parties peuvent désigner la loi applicable à totalité ou à une partie seulement de leur contrat ». Théoriquement, les parties peuvent donc soumettre chacun des aspects du contrat (indexation, lésion, résolution pour inexécution…) à une loi différente. En pratique, par souci de cohérence et de respect des ensembles législatifs, il est préférable qu'il ne soit pas procédé à un découpage du contrat et que le tout soit soumis à une même loi. Si les parties soumettent différents aspects du contrat à des lois différentes, elles pourraient se trouver dans une situation inextricable. Ainsi en est-il, par exemple, si elles font régir les obligations de l'une des parties par une loi A et les obligations de l'autre par une loi B et que, selon la loi A, l'inexécution de la première obligation est si grave qu'elle doit provoquer la résolution du contrat tandis que, selon la loi B, l'exécution réciproque reste exigible. Dans ce genre de situations, il a été proposé de considérer que le dépeçage pratiqué par les parties devrait être considéré comme ineffectif et que le juge devrait rechercher la loi objectivement applicable 1545990861992. Ces difficultés pourraient être aggravées dans le cadre d'un contrat de vente immobilière dans la mesure où, en cas de choix de loi applicable par les parties, cette loi-là se trouvera déjà en concurrence avec la loi du lieu de situation de l'immeuble. C'est pourquoi il est préférable que les parties soumettent expressément le contrat de vente immobilière à la loi du lieu de situation de l'immeuble.
Les modifications de la lex contractus choisie par les parties s'imposent-elles à elles ou au contraire y a-t-il pétrification de la loi choisie par les parties ? Il est généralement admis que si la loi choisie vient à être modifiée après la conclusion du contrat et que les dispositions nouvelles sont applicables aux contrats en cours, elles s'appliqueront au contrat 1545991124486. Cette solution est justifiée par cette idée que le choix des parties « s'est porté en fait sur un ordre juridique, qui n'est pas une somme de règles existant à un moment donné, mais un système de sources de normes rattaché à un État ; c'est à ce système qu'elles sont soumises » 1545991144904. Quant à la possibilité pour les parties de prévoir une « clause de gel » ou « de stabilisation » qui permettrait par exemple d'assurer l'équilibre d'un acte dans lequel aura été pratiqué le dépeçage, la doctrine reste partagée. Certains auteurs ne l'admettent pas et prônent de s'en remettre à la loi objectivement applicable s'il est exceptionnellement démontré que les parties n'ont entendu choisi une loi que dans la mesure où elles croyaient pouvoir en geler les règles 1545991156872. D'autres estiment qu'il appartient à la loi choisie de dire si une telle clause est valable et d'autres encore proposent, dans le cas où la modification intervenue se veut applicable aux contrats en cours 1545991175028, d'écarter la loi choisie – s'il s'agit d'une loi étrangère au for – pour contrariété à l'ordre public si la modification bouleverse l'économie du contrat au détriment d'une part 1545991184185.

Le moment du choix

Les limites à l'autonomie de la volonté

L'article 3, § 3 et 4 du règlement Rome I réserve l'application des dispositions impératives de la loi normalement applicable au contrat dont tous les éléments sont localisés dans un État (A), et des dispositions impératives des textes de l'Union européenne au contrat dont tous les éléments sont localisés dans un ou plusieurs États membres (B).

Hypothèse du contrat « purement interne  »

« Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord » Règl. Rome I, art. 3, § 3. .
Ce texte envisage l'hypothèse d'un contrat purement interne dans lequel les parties auraient fait figurer une clause de choix de loi et l'auraient, de ce fait, « internationalisé ».
Dans ce cas, la loi choisie par les parties ne peut porter atteinte à l'application des dispositions auxquelles il n'est pas possible de déroger par contrat de la loi du pays dans lequel sont localisés tous les éléments. Les parties seront donc soumises aux règles d'ordre public interne de la loi naturellement applicable au contrat, leur choix restant applicable uniquement aux questions qui, selon cette loi, relèvent de la volonté des parties. On parle généralement de dispositions simplement impératives par opposition aux dispositions internationalement impératives que sont les lois de police 1545991802324.

Hypothèse du contrat interne à l'Union européenne

L'article 3, § 4 du règlement Rome I dispose : « Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un ou plusieurs États membres, le choix par les parties d'une autre loi applicable que celle d'un État membre ne porte pas atteinte, le cas échéant, à l'application des dispositions du droit communautaire auxquelles il n'est pas permis de déroger par accord, et telles que mises en œuvre par l'État membre du for ».
Ce texte, qui est une innovation du règlement Rome I, envisage l'hypothèse d'un contrat intra-européen pour lequel les parties auraient choisi la loi d'un État tiers.
Dans ce cas, la loi choisie par les parties ne peut porter atteinte à l'application des dispositions des textes de l'Union européenne auxquelles il n'est pas possible de déroger par contrat. Les contrats intra-européens ne peuvent donc être soustraits aux dispositions impératives du droit de l'Union.
Cette disposition devrait conduire la Cour de justice de l'Union européenne à infléchir sa jurisprudence issue de l'arrêt Ingmar dans lequel elle avait imposé l'application d'une directive sur les agents commerciaux à un contrat d'agence commerciale entre un agent au Royaume-Uni et un commettant en Californie que les parties avaient choisi de soumettre à la loi californienne 1545991912658. L'arrêt revenait ainsi à ériger toutes les dispositions impératives des textes de l'Union en lois de police communautaires.
Désormais, ce n'est que lorsque tous les éléments du contrat (à l'exception du choix de loi) sont localisés sur le territoire de l'Union que les dispositions impératives des textes communautaires ne pourront être éludées.