Les stratégies contentieuses

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les stratégies contentieuses

Lorsque deux époux de nationalité différente, ou demeurant dans un pays différent de leur nationalité, divorcent en Europe, il faut se poser la question du tribunal compétent.
Comme il a été indiqué dans la première section, le règlement Bruxelles II bis organise une compétence alternative : ainsi les juges de plusieurs États membres pourront-ils être compétents.
Compte tenu de cette pluralité de compétences, est né le forum shopping 1538317148706qui est, pour le futur divorcé, la possibilité de choisir le pays dont la législation lui sera la plus favorable ou dont il pense que le juge rendra une décision la plus conforme à ses intérêts.
Bien entendu le choix de la juridiction n'est pas le seul élément pouvant entrer en confédération.
En effet, il faut aussi envisager quelles seront les lois qui seront appliquées par le tribunal choisi :
  • s'agissant des causes du divorce, le juge d'un État membre appliquera le règlement Rome III s'il fait partie des dix-sept États liés par ce règlement 1538311338764 ;
  • s'agissant des effets pécuniaires du divorce, le juge appliquera le règlement « Aliments » du 18 décembre 2008.
Au-delà de l'application des textes, le juge va rendre une décision en fonction de sa propre tradition juridique.
– Cas particuliers des divorces « Thalys ». – Les époux français qui résident en Belgique peuvent, au choix, saisir la juridiction française ou la juridiction belge pour statuer sur leur divorce, en vertu du règlement Bruxelles II bis. À défaut d'option pour la loi française, la loi applicable aux causes de leur divorce sera la loi belge, loi de la résidence commune désignée par le règlement Rome III.
Les obligations alimentaires sont également soumises à la loi belge, loi de la résidence habituelle du créancier d'aliments.
Il y a lieu de rechercher en droit belge les modalités de versements entre les ex-époux : en Belgique, il n'existe pas de prestation compensatoire. Cependant, l'un des époux peut être tenu de verser une pension alimentaire à celui qui se trouve dans une situation économique inférieure et qui est en situation de besoin. Celui-ci doit par ailleurs établir que sa situation est la conséquence d'une décision commune des époux et que les circonstances qui y ont conduit persistent au jour où il formule sa demande. Il doit par ailleurs démontrer que ce sont les besoins de la famille qui sont à l'origine de la décision commune. Contrairement à la prestation compensatoire du droit français, la pension alimentaire post-divorce du droit belge n'a pas pour vocation de compenser la disparité de situation des époux, mais la couverture de l'état de besoin. Elle ne peut, en vertu de l'article 301, alinéa 2 du Code civil belge, excéder le tiers des revenus de l'époux débiteur ni la durée du mariage, sauf circonstances exceptionnelles.
Ainsi un époux plus fortuné pourra-t-il avoir intérêt à saisir la juridiction belge qui connaît mieux la législation belge et qui en fera une exacte application. À l'inverse, l'époux le moins fortuné peut avoir intérêt à saisir une juridiction française, ne serait-ce que pour bénéficier de mesures provisoires plus avantageuses et espérer que le juge français fera une application plus généreuse du droit belge.
Reste donc à déterminer qui a intérêt en premier de saisir un juge et de prendre éventuellement le premier Thalys pour le faire…
– Cas particulier du divorce « Eurostar ». – De l'autre côté de la Manche, les différences peuvent être encore plus importantes.
Un couple de Français expatriés en Angleterre aura le choix, en vertu du règlement Bruxelles II bis, de saisir les juridictions françaises ou anglaises qui rendront des décisions sensiblement différentes.
Tout d'abord, le juge anglais n'est pas nécessairement tenu de reconnaître un contrat de mariage conclu en France. Partant, il n'est pas nécessairement tenu de reconnaître le régime matrimonial choisi 1538314567281.
Ensuite, les conséquences financières de la séparation sont différentes s'agissant de la prestation compensatoire qui a pour objet de compenser la disparité engendrée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux.
En France, les juges la déterminent au regard des besoins du créancier et des ressources du débiteur et ils allouent une prestation compensatoire destinée à compenser les disparités existantes. Ils tiennent notamment compte de la situation présente et future des époux, de leur situation personnelle et professionnelle, de leurs revenus, leur patrimoine, ou encore des charges qu'ils supportent. La prestation prend généralement la forme d'un capital et seulement exceptionnellement celle d'une rente.
En Angleterre, en règle générale les juges sont plus généreux dans la détermination du montant de la prestation compensatoire. Pour eux, le critère déterminant lors de la fixation de la prestation est celui de l'équité (fairness). Le système anglais est l'un des plus favorables au monde en ce qui concerne l'époux le moins fortuné. Plusieurs facteurs permettent d'expliquer cette situation : le juge anglais ne tient en principe pas compte des contrats de mariage qui ont pu être signés, et par conséquent n'est pas lié par le régime matrimonial des époux. De plus, il prend en compte tous les biens détenus par les époux, incluant ceux qu'ils détenaient avant le mariage, ainsi que les biens dont chaque époux hérite. Il accorde aussi de manière régulière des rentes viagères.
William Healing, avocat spécialiste du droit de la famille au cabinet Kingsley Napley, considère que « saisir Londres pour divorcer, c'est le jackpot pour l'époux le plus faible, le plus souvent la femme. La juridiction anglaise est très généreuse et laisse une vaste marge de manœuvre au juge ». Selon lui, même les accords prénuptiaux signés au Royaume-Uni peuvent être contournés par le juge et une jurisprudence White versus White de 2000 a établi le principe de la répartition à parts égales d'une fortune amassée durant des années d'union.
Pour l'époux le moins fortuné, et si les époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens, il est donc souvent plus intéressant de saisir la juridiction anglaise. D'où la course à la saisine du juge.