La présence ou la représentation du client à l'acte authentique

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

La présence ou la représentation du client à l'acte authentique

L'acte authentique est reçu par le notaire en la présence des clients qui comparaissent devant lui. Si les modalités de réception ont pu déjà être étudiées dans les parties précédentes de la présente commission, tant pour ce qui concerne la fin des clercs habilités (V. supra, nos et, le renforcement d'une coopération entre notariats (V. supra, n°, ou encore l'évocation d'une instrumentation à distance internationale (V. supra, n°), les propos qui suivent porteront sur un sujet complémentaire et fondateur : la présence du client lors de la cérémonie de signature.
À côté de la présence traditionnelle, la présence physique (§ I), qui a toujours été la règle en la matière – l'exception étant la représentation dont il sera parlé plus loin –, une nouvelle forme de présence apparaît avec l'évolution technologique du métier : la présence dématérialisée du client à la signature (§ II).

La présence à l'acte

La présence physique à l'acte

Les principes relatifs à la solennité de l'acte authentique ont été rappelés au titre III (V. supra, n°), auquel il est ici renvoyé. De même, au titre II, où est abordé le thème du lieu de signature, l'importance de la présence physique du notaire a été précisée lors de la cérémonie de signature (V.supra, n°). En définitive, la présence physique d'une personne majeure de nationalité étrangère n'appelle pas d'observation supplémentaire à celles déjà détaillées et évoquées dans les règles d'état civil générales (V. supra, n°) ou les règles européennes (V. supra, n°), lorsqu'il est nécessaire d'avoir à l'esprit la particularité de l'état des personnes étrangères ; tout comme les règles relatives au contrôle d'identité (V. supra, n°) que le notaire doit effectuer à l'égard de son client physique étranger présent face à lui lors de la signature.
Seront simplement repris, sous forme de récapitulatif, les points de vigilance que le notaire doit respecter en présence d'un client majeur, de nationalité étrangère, qui comparaît à l'acte.
Tous ces points vérifiés et respectés, la présence physique du client étranger à l'acte permet au notaire de recevoir son acte dans les meilleures conditions possibles de comparution.
En plus de la présence physique, traditionnelle, une autre forme de présence va apparaître dans les années à venir : au regard de l'évolution technologique et des besoins des clients qui ne souhaitent plus perdre de temps en déplacements et voyages, la présence de la personne physique sera bientôt dématérialisée.
Au moyen d'écrans interposés,viaune transmission par visioconférence sécurisée, la cérémonie de signature de l'acte authentique, au cours de laquelle le notaire reste physiquement présent, deviendra un nouveau standard.

La présence physique d'un client étranger à l'acte : ce qu'il faut retenir

SON ÉTAT CIVIL :
Règles générales de droit commun : les actes d'état civil bénéficient d'une présomption de force probante, résultant de l'article 47 du Code civil (V. supra, n°). Cependant, les actes établis à l'étranger en langue étrangère doivent être présentés au notaire qui doit exiger l'original accompagné de sa traduction jurée : cf. Instr. gén. relative à l'état civil, 11 mai 1999, § 586-1 (visée en note de bas de pagesupra, sous n°), le tout conformément apostillé, sauf exceptions (V. infra, n° ).
Nouvelles règles européennes depuis le 16 février 2019 : les actes d'état civil concernant des ressortissants d'un État membre devant comparaître à un acte notarié n'ont plus à faire l'objet d'aucune traduction ni de légalisation (par apostille ou autre) : dans la mesure où les documents présentés au notaire sont des copies certifiées simplement par l'autorité locale qui les délivre, ils suffisent désormais pour justifier de la situation personnelle du client présent physiquement devant le notaire lors de la signature de l'acte : V.supra, n°.
SA CAPACITÉ – MAJORITÉ
La capacité du client est généralement acquise quand il atteint la majorité. L'âge de la majorité diffère selon les États, et la règle de conflit en matière de capacité est soit rattachée à la nationalité (loi française issue de l'article 3 du Code civil (V. supra, n°), soit à son domicile (règle de conflit decommon law : V. supra, n°).
SON IDENTITÉ
Les obligations d'identification ajoutées aux obligations de vigilance dans la lutte contre le blanchiment imposent au notaire de conserver une copie d'une pièce officielle d'identité, peu importe qu'elle ait été délivrée à l'étranger, dans la mesure où toutes les indications réglementaires y figurent (V. supra, n°).
SA COMPRÉHENSION DE L'ACTE
Le notaire doit s'assurer que le client étranger comprend bien le français. Au moindre doute, si le client ne maîtrise pas, peu ou mal la langue française, le notaire doit l'inviter à recourir à un interprète. Sa responsabilité peut être engagée s'il n'est pas en mesure d'apporter la preuve qu'il a bien averti les parties des conséquences de l'acte (V. supra, n°).
Sur ce point, la caisse de garantie collective préconise lemodus operandisuivant (V. supra, n°).
  • adresser d'office, et préalablement à la signature de l'acte notarié, un projet de l'acte aux parties (sans nécessité de traduction), surtout si elles ne maîtrisent pas la langue ;
  • le notaire doit se ménager la preuve d'avoir invité le client à se faire assister par un interprète ;
  • la faute commise par le client de ne pas se faire assister n'exonère pas le notaire de sa responsabilité d'avoir à l'inviter à le faire ;
  • l'intervention d'un interprète assermenté permet d'avoir l'assurance de la fidélité de la traduction, mais aussi de sa neutralité ;
  • l'intervention de l'interprète sera mentionnée au pied de l'acte.

La présence dématérialisée à l'acte authentique électronique à distance

Le notariat, un écosystème digitalisé reconnu

L'évolution technologique fulgurante qu'entraîne la révolution numérique en marche est à l'origine de la loi du 7 octobre 2016 (V. supra, n°), «Loi pour une République numérique».
Le notariat n'est pas en reste, ainsi qu'il a pu être démontré précédemment (V. supra, n° ). Il devient même sujet de recherche pour la Mission de recherche Droit et Justice du ministère de la Justice, qui a demandé à une équipe d'experts (composée d'universitaires et de praticiens – juristes et développeurs d'outils numériques) de mener sur le notariat et le numérique des travaux de recherche pluridisciplinaire et collaborative, à la fois fondamentale et appliquée.
Le thème de cette mission de recherche est intitulé : «Le cybernotaire au cœur de la République numérique».
Le gouvernement a lancé ces travaux scientifiques non seulement parce que le numérique est au cœur du notariat dans la production de ses actes, mais aussi parce que le notariat est lui-même un acteur de la révolution numérique, dans toutes les composantes de son métier.
De plus, son utilité sociale, par la sécurité juridique qu'il apporte – participant de la sorte activement à la justice préventive – démontre la légitimité de la confiance publique que lui accorde l'État français, et d'une façon plus générale et européenne, le Parlement européen 1533568002662et les juridictions européennes 1533564972865.
Les attentes du gouvernement reposent sur l'accompagnement et la compréhension de la mutation numérique de la profession, étroitement liée aux citoyens et à l'État, dans un seul but : «conforter la République numérique» 1533562407676.
Dans cette perspective, le projet est prévu sur deux années, devant se terminer avec la parution des travaux en août 2020.
En collaboration avec la Chambre des notaires des Hauts-de-Seine et l'Université de Paris-Nanterre, cette équipe pluridisciplinaire étudie en profondeur les divers aspects de la numérisation du notariat, pour mieux en mesurer les avantages, autant que les risques et les dangers, afin de renforcer dans cette République numérique française, «l'ancrage du notariat» 1533563114097.

Les chantiers de la justice pour une transformation numérique

Par ailleurs, le 6 octobre 2017, le Premier ministre et la garde des Sceaux ont présenté, au tribunal de grande instance de Nantes, les cinq grands chantiers de la justice. Ces cinq chantiers conduiront à une transformation du secteur en collaboration avec les acteurs du terrain. Le premier chantier intitulé «Transformation numérique» retient ici l'attention, dans la mesure où un premier rapport a été mis en ligne dès le mois de janvier 2018 1533566350153.
Une des mesures phares proposées par les rapporteurs référents 1533566557653fait écho avec la cérémonie de signature de l'acte notarié : il s'agit, pour les rapporteurs de ce premier chantier, de penser «une audience civile, facilitée, interactive et intelligente» 1533566680641.
Ces travaux tendant à assurer la transition numérique de la justice ne sont pas les seuls en réflexion : la Conférence internationale de La Haye a également ouvert un chantier, en 2008, achevé en 2016, par l'édition duGuide d'utilisation des liaisons vidéos pour les audiences judiciaires et les commissions rogatoires internationales, ce guide constituant l'annexe 6 de la Convention n° 20 du 18 mars 1970 visant à adapter ladite convention internationale à la nécessité de moderniser l'approche de la preuve.

La visioconférence, ses technologies modernes et la Conférence internationale de La Haye

Dans le cadre de cette réflexion portant sur la nécessité d'adapter la Convention «Preuves» aux nouvelles technologies, le Bureau permanent de la Conférence internationale de La Haye a établi un rapport en 2009 1541092009990dans lequel l'utilisation de la visioconférence est reconnue comme permettant à des parties géographiquement très éloignées l'une de l'autre de communiquer instantanément et de disposer de l'image et du son en temps réelviaun écran 1541092261881.
Ce rapport a donné suite à plusieurs réunions de travail du groupe d'experts internationaux 1544504519797, qui a édité en avril 2016 leGuide d'utilisation des liaisons vidéo, constituant à ce jour l'annexe VI de la Convention «Preuve» ci-dessus visée.
Ce guide indique qu'une liaison vidéo offre par conséquent la possibilité à des personnes se trouvant physiquement dans un État d'entendre un témoin situé dans un autre État.
Il est également indiqué dans le rapport de 2009 que la visioconférence offre les mêmes activités et les mêmes avantages que la présence physique à l'audience 1541092308359. En outre, la comparution par liaison vidéo offre une alternative utile et économique à la présence physique, épargnant aux parties les coûts et difficultés engendrés par des déplacements à l'étranger 1541092423063.
Le rapport conclut qu'un État qui dispose des installations nécessaires à la visioconférence dans ses salles d'audience est tenu, en vertu de la convention, d'exécuter une commission rogatoire visant à obtenir des preuves par liaison vidéo, sous réserve des disponibilités des équipements de liaison vidéo et sous réserve de la compatibilité des technologies utilisées par l'État requis et l'État requérant 1541092853329.
LeGuide d'utilisation des liaisons vidéoénonce dans son introduction, en reprenant les avantages de l'emploi de ces nouvelles technologies, qu'«en abolissant la distance entre le tribunal, les parties, leurs représentants et le témoin, les liaisons vidéo permettent de réduire les délais, les frais, les dérangements, l'incapacité de se rendre au tribunal et l'impact environnemental des déplacements et donc d'améliorer l'efficacité des procédures judiciaires».

Le notaire et la réception dématérialisée

La volonté de développer la visioconférence, au cœur de laquelle se loge l'interactivité de la cérémonie de signature, est déjà inscrite pour le notariat.
Le 16 janvier 2018, en assemblée générale (V.supra, n°), conformément à la consolidation d'une République numérique dans laquelle est ancrée son institution, le Conseil supérieur du notariat a adopté une résolution tendant à développer la réception des actes authentiques électroniques à distance, dont les limites administratives des frontières ne constitueront plus de difficultés matérielles et techniques 1541698446848.
La réception et la signature de l'acte authentique par écrans interposés, dans la mesure où les protocoles de sécurisation des données et des flux seront respectés 1541699276909, pourront s'appliquer au-delà des frontières, dans un strict respect de la souveraineté nationale des États. Le respect de la souveraineté nationale des États est d'ailleurs une question essentielle intégrée dans l'objet des recherches et développements de la Mission Droit et Justice sur les travaux du «cybernotaire au cœur de la République numérique» 1533567251457.
Cette dématérialisation, en abolissant la distance entre les parties, leurs représentants et le notaire, permet de réduire en outre les délais, les frais, les dérangements, ainsi que l'impact environnemental de l'empreinte carbone grâce aux déplacements évités.
Au point que dans le guide d'utilisation pour l'application de la Convention «Preuves», il est indiqué que : «la possibilité d'accomplir un acte d'instruction par liaison vidéo est une bonne pratique mondiale» 1541699934009.

La représentation internationale d'un adulte à l'acte authentique

La représentation internationale qui retiendra ici l'attention ne sera ni la représentation légale ni la représentation judiciaire, mais la représentation conventionnelle. C'est celle que le notaire est amené au quotidien à utiliser pour la signature de l'acte, lorsque l'une des parties ne peut être présente.
En effet, la procuration (autrement dénommée «mandat») est l'acte par lequel une personne (dénommée «le mandant») donne à une autre personne (dénommée «le mandataire»), le pouvoir de faire quelque chose pour le compte et au nom du mandant 1535204883818.
Son usage pour le notariat est quotidien, tout comme sont quotidiens les éléments d'extranéité qui feront rentrer dans le champ d'application des instruments internationaux la procuration : la nationalité étrangère d'une des parties, son domicile, ou encore le lieu d'établissement ou d'exécution du mandat.
Un paradoxe doit être souligné : l'importance du mandat et son usage quotidien pourraient donner à penser que les règles internationales de son établissement, de sa validité, de son application et de son exécution relèvent de mécanismes d'une grande simplicité et d'une grande clarté de fonctionnement.
Au fil des développements qui vont suivre, il sera démontré qu'il n'en est rien, tant le contrat de mandat est singulier.
Le contrat d'intermédiaire est singulier parce qu'il crée une relation juridique triangulaire entre : le mandant, son mandataire et le tiers.
Mais cette singularité ne se limite pas au caractère triangulaire de la relation juridique : il existe en outre deux autres spécificités qui concernent, d'une part, l'intermédiaire (que l'on nommera indifféremment «intermédiaire», «représentant», ou «mandataire»), qui se trouve être le seul contractant connu à la fois du mandant (qui sera dénommé dans ce qui suit indifféremment «mandant», «représenté» ou «constituant») et du tiers 1535035271476(qui sera dénommé «le tiers», ou «l'acquéreur») ; d'autre part, le tiers, qui n'étant pas contractant au contrat de mandat, se trouve pourtant être contractant au contrat principal.
Il sera démontré, au moyen de l'analyse d'un cas concret rencontré au quotidien par chaque notaire, que rien n'est plus singulier qu'une procuration établie dans un contexte international.
L'exemple concret qui servira de fil rouge pour la démonstration dans les prochaines lignes est le suivant :
Si cette procuration, préparée en France, régularisée à l'étranger, doit respecter certaines conditions au regard des règles d'authenticité, cela ne pose aucune difficulté particulière si sa régularisation est faite dans un pays connaissant le notariat latin (V. infra, n°). Mais dans un pays ne connaissant pas le notariat de «type latin», des difficultés à la fois techniques et juridiques apparaissent (V. infra, n°).
Le mandat de représentation est en effet une matière où tous les notaires, sans aucune exception, appliquent les règles de droit international privé.
Bien que faisant partie à l'origine de cette catégorie de contrat appelée «petits contrats» par la doctrine 1534956900025, le mandat revêt pour la pratique notariale «une importance si considérable, d'une utilisation fréquente» 1534957300917, que certains auteurs n'hésitent plus à le qualifier de «grand, (...) ! mieux (...), de super grand» contrat 1534999096751, eu égard notamment au nombre de mandats dont l'utilisation avait doublé en l'espace de vingt ans, entre les années 1970 et 1990 1534999403532.
Le contrat de mandat, véritable «couteau suisse»du notaire, sert de support à de nombreux instruments juridiques, pour leur conclusion ou leur exécution : tous les jours des procurations pour recueillir une succession, pour vendre, ou acheter, sont établies par tous les notaires de France ; tous les jours ces contrats spéciaux, «contrats à tout faire», sont utilisés «pour leur souplesse et leur efficacité» 1534960532059.
Pour cette raison, il est apparu naturel d'étudier ici les différents instruments internationaux qui le régissent, car ce contrat spécial, pratiqué dans un contexte international, répond à une série de règles spécifiques, issues à la fois de la Convention internationale de La Haye du 14 mars 1978 et des règlements Rome I et Rome II.
Ce sont ces règles qu'il est proposé d'analyser, de manière pratique, en commençant par la détermination de la loi applicable quant au fond du mandat (A), pour aborder dans un second temps les règles de validité formelle du mandat (B).

Énoncé du cas pratique, «fil rouge» des développements qui suivent : le cas «Van Morgen»:

M<sup>e</sup>Dupond, notaire à Cannes, est chargé d'établir l'avant-contrat puis l'acte de vente d'une propriété située à Antibes, quartier du cap, moyennant un prix de 3,5 millions d'euros. Il s'agit d'une résidence secondaire appartenant à un ressortissant de nationalité néerlandaise.

Le vendeur, M. Cornélius Van Morgen, est un riche industriel hollandais, demeurant à Amsterdam. Accaparé par ses obligations, il n'est pas disponible pour venir signer l'avant-contrat, ni l'acte de vente. Son conseiller, M<sup>e</sup> Droit, un avocat parisien, demeurant rue de la Paix, accepte de le représenter lors de la signature des actes.

L'acquéreur, M. Peter Smith, est de nationalité anglaise, et demeure à Ashford, dans le Kent (sud de Londres). Il envisage dans un premier temps de faire cette acquisition sans prêt, puis pour les besoins de la cause, il préférera finalement solliciter un prêt, par «confort», d'un montant de 1,5 million d'euros, auprès de sa banque habituelle, la Barclay's Bank située à Londres
<sup class="note" data-contentnote=" L&#039;analyse du contrat de vente et de prêt, et toutes les incidences y relatives est traitée en profondeur par la commission 4 (V.&lt;em&gt;infra&lt;/em&gt;, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt;
et s.), à laquelle il est renvoyé. Dans ce qui va suivre, seules seront retenues les questions limitées au mandat de représentation de l&#039;acquéreur.">1535000185490</sup>.

Il est demandé au notaire de préparer la procuration pour vendre et de l'adresser au mandant pour signature.

Loi applicable au mandat quant au fond

Rappel du cas : M. Cornélius Van Morgen, domicilié à Amsterdam, demande à Me Dupond l'établissement d'une procuration à l'effet d'être représenté par son «homme d'affaires», avocat, Me Droit, demeurant à Paris, pour vendre à M. Smith, domicilié à Ashford, un bien situé au cap d'Antibes.
Il convient, dans un premier temps, de rechercher la loi applicable au mandat, quant au fond, dans le rapport de droit liant le mandant (M. Van Morgen) et son mandataire (Me Droit) (I), avant de rechercher la loi applicable dans le rapport de droit résultant du contrat avec le tiers (M. Smith) (II). Une fois ces développements posés, il conviendra alors de se pencher sur l'articulation existant entre les différents instruments internationaux gouvernant la matière (III).

Quant au rapport de droit entre mandant et mandataire

La première difficulté qui apparaît est de nature conflictuelle, se situant au niveau des sources de droit.
En effet, la matière du contrat de mandat est régie à la fois par la Convention internationale de La Haye n° 27 du 14 mars 1978 et par le règlement Rome I, pour ce qui concerne les obligations contractuelles, ainsi qu'il va être dit dans ce qui suit.
Application de la Convention de La Haye n° 27 du 14 mars 1978
Le chapitre III de la Convention n° 27 est entièrement consacré aux relations avec le tiers. Lorsque son article 11 érige deux principes, le principe d'établissement de l'intermédiaire et le principe d'exécution du contrat d'intermédiaire (ii), son article 14 prévoit, au regard du principe fondamental de l'autonomie de la volonté, la possibilité pour les parties de désigner la loi applicable à leur relation juridique (i). C'est ce qu'il est proposé d'aborder maintenant dans ce qui suit.
Détermination de son champ d'application
Le contrat de mandat est d'abord régi par la Convention internationale de La Haye n° 27 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaire et à la représentation du 14 mars 1978, entrée en vigueur en France au 1er mai 1992 1535002618521.
Le chapitre premier de la convention prévoit dans son article 1 1535010313587qu'elle ne s'applique qu'aux mandats relevant de situations exclusivement «internationales», que le mandataire, appelé intermédiaire, agisse à titre habituel ou occasionnel 1535010459029.
L'article 2 prévoit que la convention ne s'applique pas : à la capacité des parties, la forme des actes, la représentation légale dans le droit de la famille, des régimes matrimoniaux et des successions, ni à une représentation liée à une procédure de caractère judiciaire.
L'article 3 exclut également du champ d'application de la convention : les mandataires sociaux, qui représentent l'entité (société, association…) en vertu des pouvoirs conférés par la loi ou les actes constitutifs de l'entité légale ; et letrustee, qui n'est pas considéré comme un intermédiaire agissant pour le compte dutrust, du constituant, ou du bénéficiaire.
Comme la plupart des conventions internationales de La Haye, l'article 4 de la convention lui reconnaît un caractère universel, de sorte que même si la loi désignée est celle d'un État non contractant, celle-ci doit s'appliquer.
Par ailleurs, la convention régit également le cas de l'intermédiaire qui a le pouvoir d'agir, mais qui n'agit pas ou qui agit sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs 1535011645924.
Une dernière observation avant de conclure en reprenant notre cas pratique : la convention internationale ne désigne comme loi que la loi substantielle de l'État, de sorte que le renvoi n'est pas admis (art. 5). Autrement dit, la loi désignée est directement celle matérielle de l'État, dont les règles de droit international privé ne trouvent pas matière à s'appliquer en l'espèce.

En pratique, dans le cas «Van Morgen»

Il résulte de ce qui précède que la procuration préparée à Cannes par M<sup>e</sup>Dupond, rédigée en langue française
<sup class="note" data-contentnote=" Pour l&#039;usage de la langue française dans les actes et les annexes, V. &lt;em&gt;supra&lt;/em&gt;, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt;
et s.">1535012192266</sup>, régularisée et signée par M. Van Morgen à Amsterdam où il réside, et en vertu de laquelle ce dernier nomme, à titre occasionnel, pour son mandataire, M<sup>e</sup> Droit, installé professionnellement et personnellement à Paris, rentre bien dans le champ d'application de la convention.

Après l'analyse du champ d'application, et vérification faite que la procuration se trouve bien régie par la convention, il est proposé de passer à l'analyse de la loi applicable.

Désignation de la loi applicable
La convention internationale laisse la primauté à l'autonomie de la volonté, de sorte que les parties au mandat choisissent la loi interne applicable à leur relation. Dans l'hypothèse où les parties n'ont pas expressément désigné la loi applicable à leur relation, ce qui est généralement le cas, en pratique, l'article 5 prévoit que la désignation résulte avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause 1535006185421.
Si les parties n'ont pas choisi la loi applicable à leur relation résultant du mandat de représentation, l'article 6 prévoit que la loi applicable est la loi interne de l'État dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel, ou à défaut, sa résidence habituelle 1535123634872.
La Convention internationale de La Haye n° 27 n'est pas le seul instrument régissant le rapport de droit entre représenté et intermédiaire : depuis le 17 décembre 2009, est entré en application le règlement Rome I.

Application au cas pratique «Van Morgen»

Dans le cas sous examen, M<sup>e</sup>Dupond, qui n'a pas été sollicité par les parties, n'a pas prévu de désignation expresse de la loi applicable au mandat par M. Van Morgen au profit de M<sup>e</sup> Droit
<sup class="note" data-contentnote=" Il aurait pu en effet prévoir une clause de désignation de loi en vertu de l&#039;article 5 de la convention, mais ce n&#039;est en pratique pas fréquent, pour deux raisons : d&#039;une part, le notaire n&#039;a pas forcément – encore – le réflexe automatique de faire stipuler une désignation de loi dans ses actes (ou les pièces annexes qu&#039;il est appelé à préparer et rédiger à la demande des clients) et, d&#039;autre part, les clients ne le lui demandent pas.">1535016725389</sup>. En conséquence, l'article 6 trouve matière à s'appliquer : la loi française régit de ce fait les rapports entre représenté et intermédiaire, dans la mesure où M<sup>e</sup>Droit, avocat, est domicilié à Paris, d'une part, où il y exerce son activité d'avocat, d'autre part.

Une observation ici peut être faite concernant l'expression «certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause» indiquée à l'article 5, 2<sup>e</sup> alinéa : en effet, si la détermination de la loi est laissée au libre choix des parties, l'article 5 prévoit qu'à défaut, la loi est celle avec laquelle le contrat présente les liens les plus étroits. Or en l'espèce, la procuration étant rédigée en langue française, pour réaliser un acte de vente par un notaire français, concernant un bien immobilier situé en France, il semble possible de se prévaloir des dispositions de l'article 5<em>in fine</em>.

Il résulte de ce qui précède que le mandat de représentation sera en tout état de cause soumis à la loi française, soit par application des dispositions de l'article 5<em>in fine</em>– circonstances de la cause, liens les plus étroits –, soit de l'article 6 de la convention – établissement ou domicile de l'intermédiaire.

Au regard de ces variantes possibles, un auteur a fait part de ses craintes : «Il faut souhaiter qu'une interprétation trop souple de cette formule déjà peu ferme [certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause] ne vienne pas ôter toute portée pratique au rattachement subsidiaire prévu à l'article 6»
<sup class="note" data-contentnote=" P. Lagarde,&lt;em&gt;op. cit.&lt;/em&gt;, p. 36, n° 5.">1535017400925</sup>.

À l'instar de la Convention internationale sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaire et à la représentation, le règlement Rome I laisse la primauté à l'autonomie de la volonté, en vertu de l'article 3-1 1535020788775.
Il revient aux parties au mandat de choisir la loi interne applicable à leur relation. Dans l'hypothèse où les parties ne l'ont pas fait, ce qui est généralement le cas en pratique, l'article 3-1 prévoit que la désignation résulte alors de façon certaine des dispositions du contrat et des circonstances de la cause.
Par ailleurs, il résulte de l'article 4-2 du règlement que la loi applicable, à défaut de choix exprès des parties, est celle du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.
Il résulte de ce qui précède qu'un conflit de sources existe entre la Convention internationale de La Haye du 14 mars 1978 et le règlement Rome I du 17 juin 2009, en matière de mandat de représentation pour le rapport de droit entre mandant et mandataire.
Les auteurs relativisent cette concurrence, du fait que les solutions envisagées sont identiques dans les deux instruments 1535022762618.
À ce titre, un dernier point reste à approfondir, celui justement concernant le rapport de droit résultant du contrat de représentation à l'égard du tiers.

À retenir : l'efficacité d'une clause de désignation de loi

Afin de contourner cette difficulté, il doit être proposé aux parties d'inclure expressément dans le mandat une clause de désignation de loi, ainsi qu'il sera rappelé plus loin.
Cette désignation de loi assurera aux relations entre représenté et intermédiaire une meilleure sécurité juridique, la compétence concurrente constatée entre les deux instruments pouvant s'avérer être source de confusion.
Cette désignation s'imposera au juge qui aurait à connaître d'un litige.
Cette désignation sera surtout opposable au tiers, qui est directement concerné par l'exécution du mandat, sans pour autant être partie à ce contrat.

Application au cas «Van Morgen» sous examen

Comme il n'a pas été prévu de désignation expresse de la loi applicable au mandat, il y a lieu de faire application de l'article 3-1<em>in fine</em>, en vertu duquel la loi française est applicable pour régir les rapports entre représenté et intermédiaire : en effet, les dispositions du contrat et les circonstances de la cause sont les suivantes : la procuration est rédigée en langue française ; les effets de la procuration établie à Amsterdam vont se produire en France ; l'acte de vente est reçu par un notaire français ; l'acte de vente a pour objet un bien immobilier situé en France ; enfin, M<sup>e</sup> Droit est domicilié à Paris, où il exerce son activité d'avocat.

Il est ici fait observer que le mandat de représentation sera en tout état de cause soumis à la loi française, soit par application des dispositions de l'article 3-1 – façon certaine, circonstances de la cause –, soit de celles de l'article 4-2 du règlement – résidence habituelle de l'intermédiaire qui fournit la prestation caractéristique.

À l'instar de la Convention de La Haye n° 27, le règlement Rome II prévoit deux possibilités : la première, selon laquelle les parties désignent la loi applicable, dans le respect du principe essentiel de l'autonomie de la volonté, en vertu de l'article 14 (§ 1). La seconde, à défaut de choix exprimé par les parties, repose sur l'application d'un critère de rattachement objectif, en vertu de l'article 4 (§ 2). C'est dans cet ordre qu'il est proposé de poursuivre les développements.
– En cas de choix de loi. – L'article 14 du règlement Rome II prévoit la possibilité pour les parties de choisir la loi applicable à l'obligation non contractuelle. En matière civile, cet accord de choix de loi doit être postérieur à la survenance du fait générateur du dommage.
En matière commerciale, il peut être antérieur ou postérieur à l'événement, pourvu qu'il ait été librement négocié.
À la différence de l'article 14 de la Convention de La Haye n° 27 qui ne prévoit qu'un choix exprès, le choix de l'article 14 de Rome II peut être soit exprès, soit tacite 1535184038946.
À défaut de choix de loi, le règlement prévoit un seul critère de rattachement pour désigner la loi applicable, ce qui constitue une importante différence par rapport à la Convention internationale n° 27 de La Haye. C'est ce qu'il convient maintenant d'aborder.
– À défaut de choix de loi par les parties. – À défaut de choix exprimé par les parties, Rome II prévoit dans son article 4 une règle générale de détermination du critère de rattachement en matière de fait dommageable. Cette règle générale repose sur un principe de rattachement qui connaît deux exceptions.
Application du règlement dit «Rome I»
À titre liminaire, il est ici rappelé que les développements qui suivent n'ont aucunement la prétention d'analyser le règlement n° 593/2008 du Parlement et du Conseil de l'Europe du 17 juin 2008, étudié de manière approfondie par la quatrième commission dans le cadre du contrat de vente internationale (V. infra, n°).
Les propos sont limités à la seule mise en lumière des incidences du règlement Rome I dans les relations entre représenté et intermédiaire, puisque le contrat de mandat se trouve également soumis audit règlement qui détermine la loi applicable aux obligations contractuelles.
Champ d'application de Rome I aux contrats d'intermédiaire et à la représentation
Comme il est de tradition dans les instruments européens, le chapitre 1 du règlement définit son champ d'application, et son article 1-1 en définit le périmètre : le règlement s'applique dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.
Par ailleurs, l'article 1-2 exclut de nombreuses matières (l'état et la capacité, les relations découlant des relations de famille, des régimes matrimoniaux, des successions, comme la Convention internationale n° 27 ; V. supra, n°), dont une particulière qui retient ici l'attention : il s'agit des dispositions du paragraphe g) qui prévoit l'exclusion des conséquences de l'engagement par le représentant envers les tiers de la personne pour le compte de laquelle il prétend agir.
Il doit être conclu de cette exclusion de Rome I aux relations avec les tiers, qu'«a contrario, les relations entre le représenté et l'intermédiaire relèvent du règlement de Rome I» 1535019393349.
De plus, à l'instar de la Convention internationale de La Haye n° 27 (V. supra, n°), le règlement prévoit dans son article 2 un caractère universel, de sorte que la loi désignée par le règlement est applicable même si ce n'est pas la loi d'un État membre.
Enfin, avant de conclure en reprenant le cas pratique servant de fil rouge, l'article 20 du règlement exclut le renvoi, car la loi désignée s'entend de la loi interne, celle définissant les règles de droit matériel en vigueur, «à l'exclusion des règles de droit international privé».
Après l'analyse du champ d'application, et vérification faite que la procuration se trouve bien régie par Rome I pour les relations entre le mandant, M. Van Morgen, et l'intermédiaire, Me Droit, il est proposé de passer à l'analyse de la loi applicable.

En pratique, dans le cas «Van Morgen»

Il résulte de ce qui précède que la procuration préparée à Cannes par M<sup>e</sup>Dupond, rédigée en langue française
<sup class="note" data-contentnote=" Pour l&#039;usage de la langue française dans les actes et les annexes, V. &lt;em&gt;supra&lt;/em&gt;, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt;
et s.">1538656013481</sup>et régularisée à Amsterdam, en vertu de laquelle M. Van Morgen constitue pour mandataire, à titre occasionnel, M<sup>e</sup> Droit, rentre bien dans le champ d'application du règlement Rome I, s'agissant d'obligations contractuelles en matière civile souscrites directement entre représenté et intermédiaire, étant précisé que les engagements pris par M<sup>e</sup> Droit à l'égard de M. Smith sont exclus du champ d'application du règlement.

Désignation de la loi applicable

Quant au rapport de droit avec le tiers

Comme il a été indiqué plus haut (V.supra, n°), le contrat de mandat est singulier en ce qu'il crée une relation juridique triangulaire : le mandant, son mandataire et le tiers, même si ce dernier n'est pas contractant.
Pour cette raison, l'analyse juridique se répartit selon que les engagements souscrits résultent :
  • soit directement des obligations de nature contractuelle, pour ce qui concerne les relations «représenté-représentant»;
  • soit des obligations de nature extracontractuelle, pour ce qui concerne les relations avec le tiers.
Le rapport de droit avec le tiers rencontre lui aussi un conflit de sources de droit : il rentre à la fois dans le champ d'application de la Convention internationale n° 27 et dans celui de Rome II.
Application de la Convention de La Haye n° 27 du 14 mars 1978
En cas de désignation de loi
La convention prévoit la possibilité, entre le tiers et l'intermédiaire, de désigner la loi qui sera applicable à leur relation juridique en vertu de l'article 14 1535179758219.
Le choix de loi ainsi exprimé évite l'application des principes de rattachement selon le lieu d'établissement ou d'agissement de l'intermédiaire, à défaut de choix, ainsi qu'il sera dit ci-après (V. supra, nos et s.).
Toutefois, dans l'hypothèse où le tiers prend l'initiative de proposer la désignation de loi à l'intermédiaire, dans quelle mesure ce dernier peut-il expressément accepter pour le compte de la personne qu'il représente ? Le mandataire ne doit-il pas être autorisé par le mandant pour accepter la désignation de loi proposée par le tiers ?
La rédaction de l'article 14 le laisse à penser, par l'utilisation qui est faite du terme «par» l'autre partie, et non «par ou pour le compte» de cette partie.
Cette interprétation protège le représenté du risque de se retrouver lié par l'application d'une loi qu'il ne pouvait pas prévoir lors de la conclusion du mandat avec son mandataire 1535180492452.
À défaut de choix de loi, la convention prévoit plusieurs critères de rattachement pour désigner la loi applicable à la relation juridique existant avec le tiers, qu'il convient d'étudier.
À défaut de choix de loi
Si les parties ne conviennent pas de choisir expressément une loi applicable à leur rapport de droit, la convention organise les modalités de rattachement de la loi applicable autour de deux principes : le principe du lieu d'établissement de l'intermédiaire, d'une part, et celui du lieu d'exécution (ou d'action) du mandat par l'intermédiaire, d'autre part.
Principe du lieu d'établissement
Le rapport de droit entre le mandant et le tiers, ainsi que l'existence et l'étendue des pouvoirs du représentant et les effets de ses actes, sont régis par la loi interne de l'État dans lequel le représentant avait son établissement professionnel au moment où il a agi 1535090247876.
Le rattachement au lieu d'établissement du représentant permet de prendre en considération la préservation des intérêts à la fois du représenté et du tiers, lorsque le représentant agit en ignorant, ou en outrepassant ses pouvoirs de représentation.
En effet, ce critère de rattachement permet de concilier les priorités données par certaines législations qui sont orientées d'abord vers la protection du tiers, comme cela est par exemple le cas en droit allemand, ou en droit suisse 1535090876097, tandis qu'en droit français, la priorité est surtout donnée à la protection du représenté, lorsque le représentant agit sans pouvoirs, en abuse ou les outrepasse 1535091553483.
Définir ainsi comme critère de rattachement le lieu d'établissement de l'intermédiaire permet d'éviter de trop favoriser le représenté 1535091786605ou le tiers 1535091943267.
Mais le critère de rattachement du lieu d'établissement cède la place à un autre critère : le critère de rattachement du lieu d'exécution, lorsque plusieurs conditions sont remplies. Il convient de les exposer.
Principe du lieu d'exécution ou d'action
Le deuxième alinéa de l'article 11 de la convention prévoit de rattacher le rapport de droit entre le mandant et le tiers, ainsi que l'existence et l'étendue des pouvoirs du représentant et les effets de ses actes, à la loi interne de l'État dans lequel le représentant a agi, selon un regroupement des points de contact, qu'illustrent les conditions alternatives suivantes :
  • le représenté réside habituellement (ou est établi professionnellement) dans le même État où l'intermédiaire a agi en son nom ; ou
  • le tiers réside habituellement (ou est établi professionnellement) dans le même État où l'intermédiaire a agi ; ou
  • l'intermédiaire a agi en bourse ou pris part à une vente aux enchères ; ou
  • l'intermédiaire n'a pas d'établissement professionnel.
De ces principes découle une conséquence particulière concernant la portée des pouvoirs du représentant : lorsque l'intermédiaire ignore, abuse, ou outrepasse les pouvoirs à lui conférés par le mandat, la relation juridique liant le représenté au tiers ne peut alors se former ; l'article 15 1535097294594prévoit dans ce cas la possibilité pour le tiers d'exercer une voie de recours selon la loi qui régit les effets de la représentation, puisque c'est précisément cette dernière qui se trouve être à l'origine de cette situation dommageable pour le tiers 1535097253174.
Ces principes énoncés, ils doivent maintenant être concrètement appliqués au cas «Van Morgen».

Application au cas pratique «Van Morgen»

Rappelons que le vendeur, M. Van Morgen est domicilié à Amsterdam, où il a signé la procuration au profit de son avocat qui a accepté d'être son mandataire, M<sup>e</sup> Droit, demeurant et officiant à Paris. La vente de la propriété secondaire de M. Van Morgen située au cap d'Antibes doit avoir lieu chez M<sup>e</sup> Dupond, notaire à Cannes, au profit de M. Smith, demeurant à Ahsford en Angleterre.

Cependant, pour les besoins de l'espèce, il convient ici d'ajouter au cas initial l'indication suivante :

Cette maison est entièrement meublée, et notamment figurent parmi les objets décoratifs quelques tableaux accrochés aux murs, dont un particulièrement, issu de l'École hollandaise, signé d'un élève direct de Rubens, Theodoor Van Tulden.

Pensant bien faire, M<sup>e</sup> Droit, qui ne connaît pas l'École hollandaise, accède à la demande de M. Smith, et lui confirme finalement par échange de mails que la maison sera bien vendue avec ce tableau, objet décoratif comme tant d'autres, que M. Van Morgen n'aura pas le temps de récupérer de toutes les façons, puisqu'il a encore une fois délégué à son mandataire le soin de débarrasser la maison pour la vente.

Naturellement, M<sup>e</sup> Droit confirme que le prix de vente ne change pas, ignorant totalement la valeur de ce tableau, pensant ainsi que seront évitées des formalités complémentaires tant au notaire qu'à son mandant qu'il n'a pas encore tenu informé de ces échanges mineurs.

Rendant compte par téléphone quelques jours avant la signature de la vente à M. Van Morgen, M<sup>e</sup> Droit réalise son erreur et finalement refuse la vente de la maison garnie du tableau, contrairement à ce qu'il s'était engagé de faire vis-à-vis de M. Smith. Ce dernier, qui compte sur l'effet obligatoire de l'accord conclu de bonne foi avec M<sup>e</sup> Droit, n'entend pas laisser les choses en l'état, estimant avoir subi un préjudice.

À quelle loi sera soumise la difficulté : la loi anglaise, néerlandaise ou française ?

Pour déterminer la loi applicable dans les rapports entre le vendeur (M. Van Morgen) et l'acquéreur (M. Smith), il convient de définir lequel des critères de rattachement indiqués ci-dessus est applicable au mandat donné par M. Van Morgen à son mandataire, M<sup>e</sup> Droit.

En vertu de l'article 11-1, la relation juridique entre vendeur (M. Van Morgen) et acquéreur (M. Smith), ainsi que l'existence et l'étendue des pouvoirs de l'intermédiaire (M<sup>e</sup> Droit) et les effets de ses actes, sont régis par la loi interne de l'État dans lequel l'intermédiaire est établi au moment où il agit, soit en l'espèce, la France.

Par conséquent, en vertu de l'article 11-1 de la convention, les relations entre M. Van Morgen et M. Smith se trouvent soumises à la loi matérielle française, loi d'établissement de l'intermédiaire. Sont également soumises à la loi française les conditions d'existence, d'exercice, et les conséquences pouvant découler d'un abus par M<sup>e</sup> Droit des pouvoirs à lui conférés par M. Van Morgen.

Cependant, M<sup>e</sup> Droit, avocat de métier, qui a accepté à titre occasionnel de représenter son client, M. Van Morgen, dans le cadre de cette vente (qui représente un caractère privé pour ce dernier, le bien vendu constituant sa résidence secondaire), ne semble pas être un professionnel de l'entremise à caractère commercial. C'est pourquoi la question peut se poser de savoir si l'article 11-2 serait applicable plutôt que l'article 11-1.

L'article 11-2 d) désigne en effet comme loi applicable celle de l'État dans lequel l'intermédiaire a agi, si l'intermédiaire n'a pas d'établissement professionnel, cette expression devant être entendue comme un établissement dans lequel siège l'intermédiaire, prestataire de services en qualité de professionnel de l'entremise.

Si M<sup>e</sup> Droit, avocat de métier, n'est pas considéré comme professionnel de la représentation commerciale (ou civile), la loi applicable à la relation entre M. Van Morgen et M. Smith est celle de l'État dans lequel M<sup>e</sup> Droit a agi pour le compte de M. Van Morgen, soit en l'occurrence la France.

Il résulte de ce qui précède que quelle que soit la loi applicable, la loi d'établissement de l'intermédiaire (art. 11-1), ou la loi des agissements de l'intermédiaire (art. 11-2), en l'espèce il y a identité de solutions, puisque la loi applicable est la loi française.

La Convention internationale de La Haye régit les relations entre le mandant et le tiers, selon la loi d'établissement ou d'agissement de l'intermédiaire.
La convention connaît toutes les situations possibles, que l'intermédiaire agisse dans le cadre de son mandat, comme en dehors, selon l'article 15 de la convention.
Mais si le mandataire ignore, abuse ou outrepasse ses pouvoirs, la relation avec le tiers peut également entrer dans le champ d'application d'un autre instrument, européen celui-là : le règlement Rome II, ainsi qu'il va être dit dans ce qui suit.
Application du règlement Rome II
Le règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit règlement «Rome II») peut avoir à s'appliquer, en cas d'abus de droit ou de préjudice causé par l'intermédiaire au tiers, ces éléments relevant de la matière délictuelle à plusieurs titres.
D'abord, parce que le concept d'obligation non contractuelle est une notion autonome au droit de l'Union 1545290943148. Ensuite, selon le considérant 12, parce que le règlement s'applique également à la responsabilité délictuelle.
Pour ces raisons, il est apparu utile d'analyser la relation juridique résultant du contrat de représentation avec le tiers en contemplation du règlement Rome II, en commençant par la détermination de son champ d'application.
Champ d'application du règlement Rome II
Construit selon la même architecture que Rome I (V. supra, n°), le chapitre 1 de Rome II définit son champ d'application, et son article 1-1 en délimite le périmètre : le règlement s'applique dans des situations comportant un conflit de lois ainsi qu'aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.
Par ailleurs, l'article 1-2 exclut de nombreuses matières telles que les obligations non contractuelles découlant des relations de famille, des régimes matrimoniaux, patrimoniaux, des successions, du droit des sociétés, destrusts, auxquelles s'ajoutent les obligations non contractuelles nées des lettres de change, de chèques, ou encore des dommages nucléaires…
En tout état de cause, parmi toutes les exclusions visées, ne figure pas la responsabilité du représentant en cas d'abus de pouvoirs. Il en résulte que le règlement Rome II s'applique en cas d'abus de pouvoirs portant préjudice au tiers par le représentant 1535104827733.
De plus, comme la Convention internationale de La Haye n° 27 (V. supra, n°), le règlement prévoit dans son article 3 un caractère universel, de sorte que la loi désignée est applicable, même si ce n'est pas la loi d'un État membre.
Enfin, avant de conclure en reprenant le cas pratique servant de fil rouge, l'article 24 du règlement exclut le renvoi, car la loi désignée s'entend de la loi interne, celle définissant les règles de droit matériel en vigueur, «à l'exclusion des règles de droit international privé» 1535184326456.
Après l'analyse du champ d'application, et vérification faite que la relation juridique dans le cadre du mandat de représentation à l'égard de M. Smith entre bien dans le champ d'application de Rome II, il est proposé de passer à l'analyse de la loi applicable.

En pratique, dans le cas «Van Morgen»

En reprenant à l'identique le cas «Van Morgen» selon les dernières indications portées ci-dessus (V.<em>supra</em>, n°), il résulte de ce qui précède que la procuration préparée et rédigée en langue française
<sup class="note" data-contentnote=" Pour l&#039;usage de la langue française dans les actes et les annexes V. &lt;em&gt;supra&lt;/em&gt;, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt;
et s.">1538656070947</sup>, régularisée à Amsterdam par le mandant y demeurant, qui donne pouvoir à M<sup>e</sup>Droit de vendre exclusivement à M. Smith, demeurant à Ashford, la maison située au cap d'Antibes, alors que M<sup>e</sup> Droit a accédé à la demande de l'acquéreur – bien qu'il n'en avait pas le pouvoir – de vendre la maison garnie du tableau de maître, rentre bien dans le champ d'application de Rome II, puisque les obligations relatives au tableau, de nature civile, souscrites par le mandataire à l'égard du tiers sont bien de nature non contractuelle.

Désignation de la loi applicable
Le principe de base : la loi du pays où survient le dommage
En vertu de l'article 4-1 du règlement Rome II : «Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels les conséquences indirectes de ce fait surviennent».
Le principe ainsi érigé est à la fois d'une grande simplicité et d'une grande clarté : la loi applicable est celle du pays où survient le fait dommageable qui va engager la responsabilité délictuelle à l'égard du tiers.
Ce principe s'applique, même en cas de délits complexes 1535185443494.
Par contre, il ne s'applique pas aux mandats apparents, que cette catégorie de mandat relève des contrats ou des quasi-contrats, selon la position des auteurs 1535187894368.
Les exceptions
En vertu de l'article 4-2 du règlement Rome II : «Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique».
À partir du moment où une coïncidence est constatée entre les résidences habituelles du responsable du dommage et de la victime, alors c'est la loi du pays où ils résident qui s'applique.
En outre, et en vertu de l'article 4-3 du règlement : «S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question».
Ces principe et exceptions étant énoncés, lequel d'entre eux est applicable au cas «Van Morgen»?
Une dernière précision doit être portée avant de conclure : il s'agit de définir les relations que peut entretenir la convention internationale avec Rome I et Rome II.

Application au cas «Van Morgen»

Le mandat liant M. Van Morgen à M<sup>e</sup>Droit ne prévoit aucun choix de loi.

Dans la mesure où aucun choix de loi n'est fait pour désigner la loi applicable à la responsabilité délictuelle encourue du fait de l'engagement souscrit par M<sup>e</sup>Droit vis-à-vis de M. Smith concernant le tableau du peintre Van Tulden, l'article 14 de Rome II ne peut s'appliquer.

En conséquence, l'un des critères de rattachement énoncés à l'article 4 doit s'appliquer à l'espèce. L'analyse de la situation peut être la suivante :

L'ensemble des circonstances de l'espèce ne paraît pas présenter de liens manifestement plus étroits que soit la France (où réside et agit l'intermédiaire), soit le Royaume-Uni (où est domicilié le tiers). En conséquence l'article 4-3 de Rome II ne s'applique pas au cas pratique.

Dans la mesure où l'intermédiaire et le tiers ne résident pas dans le même pays, l'article 4-2 de Rome II ne peut trouver matière à s'appliquer.

En conséquence, si aucune des exceptions prévues par le règlement ne peut s'appliquer, les obligations non contractuelles liant M<sup>e</sup>Droit à M. Smith seront soumises à la loi française, loi du pays où survient le dommage, même si en l'espèce le préjudice que considère avoir subi M. Smith est de nature psychologique et (ou) financier et qu'il n'est pas localisable dans l'espace
<sup class="note" data-contentnote=" P. Mayer et V. Heuzé,&lt;em&gt;Droit international privé&lt;/em&gt;, LGDJ, coll. «Domat», 11&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; éd. 2014, p. 505-506, n° 714.">1535190926442</sup>.

Quant à l'articulation des instruments internationaux entre eux

Entre la convention de La Haye et Rome I
Selon l'article 22 de la Convention internationale n° 27 du 14 mars 1978 : «La Convention ne déroge pas aux instruments internationaux auprès desquels un État contractant est ou sera Partie et qui contiennent des dispositions sur les matières réglées par la présente Convention».
Par ailleurs, l'article 25-1 de Rome I énonce que : «Le présent règlement n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l'adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de loi en matière d'obligations contractuelles».
Il en résulte que ces deux instruments prévoient la possibilité de laisser l'autre s'appliquer. Cela permet aux parties de choisir celui des deux qui sera applicable pour régir leurs relations.
Au-delà du débat doctrinal quant à savoir lequel des instruments est plus élevé dans la hiérarchie des normes, la matière étant contractuelle, elle relève par conséquent des droits disponibles 1535264608045.
Entre la convention de La Haye et Rome II
Lorsque l'article 22 de la convention prévoit qu'elle ne déroge pas aux autres instruments ainsi qu'il vient d'être dit (V.supra, n°), l'article 28-1 de Rome II prévoit : «Le présent règlement n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l'adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de lois en matière d'obligations non contractuelles».
En cas d'abus de pouvoir par le mandataire, les deux instruments ont alors vocation à s'appliquer, mais chacun édicte des règles de conflit différentes (V. supra, nos etpour la convention ; et nos etpour Rome II).
Ces deux instruments permettant aux parties de choisir la loi applicable à leur relation non contractuelle, d'une part, et la matière non contractuelle relevant des droits disponibles, d'autre part, les parties ont donc la possibilité de choisir celui des deux qui sera applicable pour régir leurs relations extracontractuelles 1535266796723.
Malheureusement, à défaut de choix (qui doit être postérieur à la survenance du dommage pour Rome II, alors qu'il est possible d'anticiper l'événement pour la convention), une partie de la doctrine considère que la convention doit s'appliquer et non Rome II 1535266729209.
Au-delà du débat doctrinal pouvant avoir lieu, il est du devoir du praticien d'assurer avec efficacité son instrumentation de l'acte, de sa préparation à sa conclusion.
Rien ne sera plus efficace que de suggérer aux parties, dès connaissance prise de la nécessité d'avoir à établir une procuration dans un dossier, d'exercer un choix de loi et d'insérer une clause de désignation de loi, comme il sera répété à plusieurs occasions lors de ces travaux.
Cette pratique évitera ainsi que la responsabilité du notaire ne soit recherchée quant à un possible défaut de conseil sur l'étendue des droits que la loilato sensuaccorde aux parties.
Au moyen du cas pratique «Van Morgen», viennent d'être détaillées les règles de fond régissant les conditions de validité et d'exécution du mandat relevant du droit international privé.
M. Van Morgen a établi une procuration pour donner pouvoir à son mandataire, Me Droit domicilié à Paris, à l'effet de vendre sa résidence secondaire située en France.
Une autre série de règles et de pratiques restent à détailler : les conditions de forme de la procuration établie et d'exécution du mandat dans un contexte international.

Un réflexe à acquérir : systématiser les clauses de désignation de loi dans les procurations

À la lumière de ces nombreuses particularités qui gouvernent les relations dans la procuration à dimension internationale, il est essentiel :
  • de choisir, par l'exercice de l'autonomie de la volonté, une seule loi applicable pour l'ensemble du mandat ;
  • ce choix se fait de manière expresse ;
  • les avantages de ce choix sont les suivants :

Règles applicables quant à la forme du mandat

La concurrence rencontrée dans les conditions de fond entre les instruments n'existe pas, pour les conditions de forme entre la convention et les règlements européens : l'article 2-b) de la Convention de La Haye n ° 27 exclut expressément du domaine d'application la forme des actes.
Par ailleurs, la forme de l'acte, qui est un contrat avant tout, ne relève pas non plus du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 définissant la règle de conflit pour ce qui concerne exclusivement les obligations non contractuelles.
En conséquence, le seul instrument européen applicable à la forme de la procuration est le règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 (dit «Rome I»).

Les conditions de validité formelle des procurations

Selon les dispositions du règlement Rome I
Les dispositions de l'article 11 de Rome I prévoient que :
«1. Un contrat conclu entre des personnes ou leurs représentants, qui se trouvent dans le même pays au moment de sa conclusion, est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme de la loi qui régit le fond en vertu du présent règlement ou de la loi du pays dans lequel il a été conclu».
«2. Un contrat conclu entre des personnes ou leurs représentants, qui se trouvent dans des pays différents au moment de sa conclusion, est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme de la loi qui le régit au fond en vertu du présent règlement ou de la loi d'un des pays dans lequel se trouve l'une ou l'autre des parties ou son représentant au moment de sa conclusion ou de la loi du pays dans lequel l'une ou l'autre des parties avait sa résidence habituelle à ce moment-là».
Une difficulté survient lorsque la forme est imposée par la loi française pour assurer la validité de l'acte authentiquead validitatem 1535207029081.
Car même si l'article 18 du règlement renvoie à la loi applicable à la forme ou à la loi duforpour la charge de la preuve 1535213967474, c'est également la loi applicable à la forme qui exigera uninstrumentumà titre de validité pour les actes solennels 1535214255844.
Spécificités résultant du parallélisme des formes en droit interne français
Certains actes authentiques requièrent, lorsque des procurations doivent être établies, que celles-ci soient nécessairement reçues en la forme authentique 1535213572459.
Une jurisprudence ancienne souligne l'indivisibilité du mandat avec l'acte principal : «L'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en forme authentique. Il suit de cette disposition que le mandat donné pour hypothéquer doit être également en forme authentique, la procuration dans laquelle le débiteur exprime lui-même son consentement à l'hypothèque devant, comme le contrat lui-même présenter la garantie de l'authenticité» 1542541922986.
S'agit-il d'une question de fond ou d'une question de forme, dans la mesure où cette exigence est contraire au principe de droit international privé repris par l'adagelocus regit actum ? La question mérite d'être posée, dans la mesure où le Code civil impose pour plusieurs matières le principe du parallélisme des formes.
Il en est ainsi, par exemple, de la procuration pour accepter une donation 1535207687921, constituer une hypothèque 1535208209145, ou encore acquérir un bien en l'état futur d'achèvement.
D'autres fois, la procuration devra contenir des mentions particulières 1535212018829.
Afin de verser au dossier en toute sécurité juridique une procuration en provenance de l'étranger, le respect des formalités exigées doit être vérifié. Car selon les pays, les mots similaires ne revêtiront pas nécessairement la même signification.

Les formes de procurations

Procurations en la forme sous seing privé
En matière de procurations sous seing privé (qui sont par défaut les plus utilisées lorsque la loi française ne les impose pas en la forme authentique), les pratiques au quotidien des notaires ne sont pas les mêmes selon les pays.
Ainsi le notaire italien qui est chargé de procéder à la certification de la signature du mandant sur une procuration sous seing privé pour vendre – devant produire ses effets en France – exercera un contrôle de légalité, en vérifiant entièrement le contenu de l'acte ; tandis le notaire français, chargé de certifier la signature du client portée sur la procuration sous seing privé, contrôlera seulement la correspondance entre la comparution civile portée dans la procuration et le document d'identité à lui présenté par le client 1535212658503.
Une autre différence selon les pays réside dans le fait qu'une procuration peut être passée sous seing privé en France, alors qu'elle doit obligatoirement être reçue en la forme authentique dans un autre pays.
Par exemple, alors qu'une procuration sous seing privé est suffisante pour vendre un bien immobilier en France – dans le cadre d'une vente ordinaire, en dehors d'une vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) ou d'une vente d'immeuble à rénover (VIR) – elle doit obligatoirement être passée en la forme authentique si elle doit s'exécuter sur le territoire espagnol. Il en est de même pour une procuration donnée dans le cadre de l'acceptation d'une succession ouverte en Espagne 1535271326310.
Par ailleurs, des mentions spécifiques peuvent devoir figurer sur les procurations, selon les pays de destination.
Il en est ainsi d'une procuration établie en France pour régler une succession en Italie : reçue à l'étranger, elle sera reconnue en Italie si elle respecte la forme du pays d'origine 1545291794236, à condition que le notaire (qui a reçu la procuration authentique, ou qui a certifié la signature du mandant en cas de procuration sous seing privé) indique expressément dans le corps de la procuration les textes applicables à sa propre législation et relatifs à la forme d'une telle procuration 1535273341946.
Enfin, il convient de rester prudent quant à l'acception que les juristes peuvent avoir d'un même terme qui définit l'accomplissement du contrôle et de la certification de signature dans le cadre d'une procuration sous seing privé évoluant dans un contexte international.
Il en est ainsi de la notion de légalisation : même si cette formalité (qui fait l'objet d'une étude complète dans la troisième partie de la présente commission, V. infra, n°) répond à une définition pourtant précise et contenue dans nombre d'instruments internationaux, dans le langage courant des juristes belges et français par exemple, cette notion ne revêt pas le même sens : le contrôle par le notaire belge de la concordance entre la signature et la personne qui l'a apposée et qu'il lui est demandé d'effectuer sera dénommé «légalisation de signature», alors que pour le notaire français ce même processus de vérification de l'identité entre la signature et la personne qui l'appose relèvera d'une «certification de signature» 1535274877780.
La matière des procurations sous seing privé est finalement délicate à manier, dans la mesure où le document qui circule au-delà des frontières rencontrera bien des diversités de pratique et de vocabulaire.
L'autre catégorie de procuration qu'il reste à évoquer, après la forme sous seing privé, est la procuration reçue à l'étranger en la forme authentique et devant avoir effet en France.
Procurations en la forme authentique 
Rappel des définitions de l'acte authentique
Ainsi qu'il a déjà été dit (V. supra, n°), l'authenticité inhérente à l'acte notarié résulte du respect par le notaire, lors de la rédaction et la réception de son acte, d'un certain nombre d'exigences de forme et de fond. Celles-ci sont définies notamment par les dispositions du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971.
Ces conditions de solennité sont essentielles pour permettre, par l'application de la théorie de l'équivalence, de considérer une procuration établie à l'étranger comme ayant un caractère authentique.
En droit positif, il est rappelé que la définition de l'acte authentique 1542477221166est la suivante : un acte est authentique lorsqu'il s'agit d'un acte instrumentaire, dressé, vérifié et conservé par le notaire, autorité publique. Cette définition complète celle donnée par l'article 1369 du Code civil (V. supra, n°).
Il est également rappelé que le droit de l'Union européenne, par la jurisprudenceUnibankainsi que par les règlements européens 1542470240343, définit l'acte authentique comme étant dressé ou enregistré formellement en tant qu'acte authentique et dont l'authenticité porte sur la signature et le contenu de l'acte établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire.
Ces règles rappelées, il s'agit de déterminer maintenant si elles seront reconnues ou pas, selon que l'acte sera établi dans un État connaissant le notariat latin (ii), ou bien dans un autre État (iii).
Application des règles de l'authenticité dans les pays connaissant le notariat latin
Lorsque la procuration en la forme authentique provient d'un État connaissant le notariat de «type latin», il n'y aura pas de difficulté particulière à accepter le caractère authentique, l'intervention de l'officier public étranger ayant un statut équivalent au notaire français 1542467743560, malgré la diversité possible de ses fonctions selon les États dans lesquels les notaires sont nommés (V. supra, n°).
Dans ce cas, la procuration peut être établie devant un notaire étranger puisque les règles de l'authenticité de l'acte notarié correspondent à celles du droit français au sens du notariat latin 1542474322622.
Cette situation repose sur la théorie de l'équivalence, qui fera l'objet d'une étude dans la troisième partie (V. infra, n°).
Par un arrêt récent du 14 avril 2016, la Cour de cassation a donné d'importantes précisions sur la notion d'authenticité qui ne se retrouve pas dans l'établissement de procurations devant des autorités locales dans des pays relevant duCommonwealth.
Ces précisions sont essentielles pour mieux cerner les règles d'équivalence lorsque la procuration doit être signée dans des pays decommon lawou situés dans le nord de l'Europe.

Bonne pratique pour une procuration authentique à l'étranger

Lorsque la procuration doit être reçue en la forme authentique dans un pays connaissant le notariat latin, il est de bonne pratique que :

Application dans les autres pays (Commonwealth, pays scandinaves…)
Lorsque la procuration doit être reçue en la forme authentique dans ces pays, les difficultés les plus importantes consistent principalement à reconnaître le caractère authentique de l'acte établi, puisque dans les pays duCommonwealthet ceux du nord de l'Europe (Suède, Norvège, Finlande, Danemark), le notariat latin n'est pas instauré.
Dans ces États, même établi par une autorité locale pleinement reconnue dans son pays (notary public,scrivener notaryen Grande-Bretagne ounotarius publicusou fonctionnaire des services fiscaux au Danemark ou en Finlande), l'acte ne remplit pas forcément tous les critères de solennité requis pour équivaloir un acte notarié.
En effet, depuis l'arrêtUnibanket les règlements européens donnant une définition de l'acte authentique 1544102942830, l'acte est authentique lorsqu'il a été dressé ou enregistré formellement en tant qu'acte authentique et dont l'authenticité porte à la fois sur la signature et le contenu. De plus, l'acte doit être établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire.
La Haute Cour estime, dans un arrêt du 14 avril 2016, que la forme locale d'un mandat établi dans un pays ne connaissant pas le notariat latin est considérée comme authentique 1542470989835si toutes les conditions de solennité sont remplies. Pour être remplies, les conditions de solennité doivent porter sur tous les éléments inhérents à l'authenticité.
L'analyse de l'espèce sera éclairante pour cerner exactement les enjeux, indépendamment des considérations attachées au débat doctrinal sur la question de savoir si ces conditions de validité relèvent des conditions de forme ou de fond du mandat 1542538804341.
De ce constat découlent plusieurs conséquences liées à la qualité de l'autorité locale pouvant être considérée équivalente à celle du notaire français, qui sont étudiées plus loin dans la troisième partie consacrée à la circulation internationale de l'acte authentique (V. infra, n° ).

Focus sur la procuration pour emprunter par unaustralien devant être produite en France

L'affaire concerne la régularisation d'une procuration en Australie devant unnotary publicaustralien pour consentir une affectation hypothécaire en qualité de caution sur un immeuble situé en France.
Lenotary public, qui ne parle pas le français, s'est limité seulement à recevoir la mandante, et certifier sa signature au pied de la procuration établie en langue française. Il a ensuite fait diligence pour l'accomplissement de la formalité de l'apostille.
Mais il n'a pas procédé à la lecture de l'acte ; il ne s'est pas non plus enquis de savoir si la mandante avait conscience de la pleine portée de son engagement, ni en lui lisant l'acte, ni même en l'interrogeant sur les conséquences bien comprises de l'engagement ainsi donné.
Or, parmi les critères de solennité attachés à l'acte authentique, figurent, d'une part, celui selon lequel le notaire doit attirer l'attention de ses clients sur l'importance de leurs engagements et la gravité que peuvent parfois avoir certains accords (comme celui précisément d'une affectation hypothécaire) et, d'autre part, celui précisant l'obligation qu'a le notaire de donner toutes les explications utiles qui relèvent de l'obligation de conseil, consubstantielle à l'authentification du notaire des actes qu'il reçoit 1542556126737.
La Haute Cour considère qu'en l'espèce, les conditions de solennité ne sont pas requises pour un acte authentique : la simple certification de signature même revêtue de l'apostille, diligentée par lenotary publicaustralien qui ne parlait pas le français et qui n'a pas pris préalablement la peine de lire l'acte au mandant, ne suffit pas à conférer l'authenticité à la procuration régularisée dans ces conditions.
Cette méthode n'est pas équivalente aux règles d'authenticité définies par le droit français, qu'un notaire français est amené à respecter lorsqu'il instrumente.
C'est en effet par le respect des règles énoncées à l'article 1369 (V. supra, n°) que l'officier public compétent «va permettre de conférer à l'acte sa force probante, sa force exécutoire et sa date certaine. Cependant, l'octroi de l'authenticité à un acte ne saurait se réduire à l'accomplissement de solennités. Le devoir de conseil constitue un prolongement de l'authenticité, qui bien que non inscrit dans les textes régissant le notariat, participe à la mission d'authentificateur de l'officier public» 1542557095063.
L'équivalence, permet donc, par l'application d'une règle étrangère, que des résultats équivalents soient obtenus 1542544621626.
L'équivalence repose ainsi tant sur la nature de l'acte que sur les fonctions de l'autorité qui instrumente. Quant à la nature, «il importe de s'assurer que l'autorité étrangère qui a reçu l'acte l'a bien reçu dans le cadre des missions ou de la délégation d'autorité qui lui ont été octroyées par la lex auctoris. Quant à la fonction, il convient de comparer les démarches accomplies par l'autorité étrangère avec celles qui sont requises pour établir un acte authentique par les autorités françaises» 1542544879178.
Il s'ensuit que la forme n'était pas équivalente à celle du droit français quant à la protection de la caution hypothécaire.