Primes manifestement exagérées et contrats d'assurance vie souscrits à l'étranger

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Primes manifestement exagérées et contrats d'assurance vie souscrits à l'étranger

En droit interne, les stratégies mises en place pour avantager le conjoint survivant, un descendant ou un tiers en cas de décès s'articulent autour des régimes matrimoniaux et des successions, notamment des libéralités.
En droit international privé (DIP), avantager une personne en cas de décès atteint ses limites lorsqu'est envisagé le traitement successoral. En effet en DIP, ce traitement relève de la loi successorale. Or celle-ci couvrant le domaine de la quotité disponible, de la réserve, le rapport et la réduction, il s'ensuit que même consenties dans un cadre international, les libéralités se trouvent enserrées dans le carcan de la loi successorale, avec son arsenal de règles d'ordre public, et sa cohorte de dispositions relatives aux restitutions. Afin d'échapper partiellement à ce carcan, la personne souhaitant avantager au-delà des limites autorisées par la loi française l'un de ses héritiers ou même simplement son conjoint se tourne vers l'assurance vie.
En France, en application de l'article L. 131-12 du Code des assurances, lorsqu'il s'agit d'un contrat avec bénéficiaire désigné, le capital échappe aux règles du rapport et de la réduction. En revanche, il n' en est pas de même pour les primes versées. Elles n'échappent aux règles du rapport et de la réduction que si elles n'ont pas « été manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur ». L'article L. 132-13 du Code des assurances introduit une limite afin d'éviter l'affectation par l'assuré d'une trop grande partie de son patrimoine.In fine, le juge du fond est souverain pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes versées.
En pratique, il devient de plus en plus fréquent de rencontrer des successions comprenant descontrats d'assurance vie souscrits auprès de compagnies étrangères(type luxembourgeoise ou suisse).Peut-on dans ce cas conseiller aux héritiers « désavantagés » d'agir sur le fondement de l'article L. 131-12 du Code des assurances ?Nous comprenons ici l'enjeu en présence d'enfant.
Pour répondre à cette question, il semble nécessaire de faire une distinction selon le lieu de la résidence habituelle du souscripteur au moment de son décès.
– 1) Si le souscripteur décède en ayant la qualité de résident habituel français. – Dans ce cas, la succession dude cujusrelève des règles civiles de la loi successorale française en application de l'article 21-1 du règlement (UE) n° 650/2012 (sauf cas de l'exception de l'article 21-2). Cela est-il suffisant pour que le juge français puisse être compétent et qu'il rende une décision sur la base de l'article L. 132-13 du Code des assurances ?
  • Dans l'hypothèse d'un contrat souscrit auprès d'une compagnie française et soumis à la loi française, une réponse positive peut être apportée.
  • Dans l'hypothèse d'un contrat français soumis à une loi étrangère ou d'un contrat souscrit auprès d'une compagnie étrangère et ayant désigné une loi applicable étrangère, la réponse semble moins évidente. Pour certains auteurs 1544205513639, que le contrat ait été conclu avant ou après le 17 décembre 2009, on peut penser que l'article L. 132-13 du Code des assurances répond davantage à une qualification successorale que contractuelle. Si nous retenons cette analyse, une action serait possible, quelle que soit la loi du contrat, dès lors que la loi successorale est la loi française.
En sens inverse, si le juge venait à qualifier l'article L. 132-13 du Code des assurances contractuellement, on ne pourrait l'invoquer alors même que la succession du souscripteur serait réglée en France. Cette solution serait en décalage avec les règles actuellement applicables.
– 2) Si le souscripteur décède en ayant la qualité de non-résident habituel français. –Dans ce cas, il faut distinguer deux possibilités :
  • la loi successorale est la loi française en application de l'article 21-2 du règlement (UE) n° 650/2012 et l'action semblerait alors possible ainsi que développée précédemment ;
  • la loi successorale est une loi étrangère en application de l'article 21-1 dudit règlement : dans ce cas, pour qu'une action puisse être possible, il faudrait considérer que l'article invoqué a le caractère d'une loi de police ou que la notion de prime manifestement exagérée existe dans cet autre pays (tel est le cas de la Belgique).À défaut, faut-il considérer que seul le jugement obtenu à l'étranger dans le cadre de l'ordre public international aurait vocation à s'exécuter ?
Il faudrait préalablement pouvoir affirmer que l'article L. 132-13 du Code des assurances relève des lois de police.
On comprend les limites à intenter une action judiciaire en France, en cas de succession régie par une loi étrangère. En effet, quelle serait l'utilité d'obtenir une décision ordonnant la réintégration d'une partie des primes, si les règles successorales du pays compétent pour le règlement civil ne connaissent pas le mécanisme de la réserve ? Dans ce cas, il y aurait lieu de s'abstenir car la réintégration ne profiterait pas aux héritiers réservataires.
Par conséquent, une action judiciaire basée sur la théorie des primes manifestement exagérées ne doit être envisagée que si le pays en question prévoit le mécanisme de la réserve héréditaire et que le jugement français a vocation à s'exécuter en vertu des règles de circulation des décisions judiciaires.
Qu'en serait-il de la procédure de requalification en donation déguisée ?