Liquidation fiscale

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Liquidation fiscale

Pour liquider fiscalement une succession, il faut déterminer l'assiette taxable.
Celle-ci s'obtient après diverses opérations. En premier lieu on détermine l'actif, puis on soustrait le passif déductible et les biens exonérés, on applique les abattements, et enfin on déduit le crédit d'impôt.
Il convient de déterminer l'assiette des droits de mutation à titre onéreux.

Actif

Il s'agit des biens transmis. La valeur à retenir est la valeur vénale des biens 1544048470211.

Pour les immeubles

Les biens situés à l'étranger sont également évalués selon leur valeur vénale. Il faudra par conséquent être vigilant, surtout en présence de biens immobiliers, car nos correspondants étrangers peuvent indiquer des valeurs corrigées ou cadastrales, tel que cela est permis selon le droit interne de leur pays. Il faudra exiger qu'ils indiquent la valeur vénale. L'évaluation des immeubles situés à l'étranger est faite à la valeur vénale à la date de transmission d'après la déclaration détaillée et estimative des parties, mais abstraction faite des dispositions du deuxième alinéa de l'article 761 du Code général des impôts.
L'article 761, alinéa 2 du Code général des impôts, indique : « Pour les immeubles dont le propriétaire a l'usage à la date de la transmission, la valeur vénale réelle mentionnée au premier alinéa est réputée égale à la valeur libre de toute occupation ».
Cette évaluation est faite par les héritiers. En notre qualité de notaire de France, on ne connaît pas ou mal le marché immobilier hors de France. Par conséquent, il sera prudent d'exiger la déclaration fiscale faite par les héritiers hors de France afin de s'assurer que le montant indiqué à l'administration fiscale étrangère et en France sont équivalentes. En effet, des héritiers pourraient être tentés de minorer la valeur des biens eu égard au taux souvent plus élevé d'imposition en France. Un avis de reconnaissance de conseil donné serait peut-être, selon les cas, approprié.

Pour les biens mobiliers

Le principe souffre quelques exceptions.

Principes généraux

Cas particulier des biens indisponibles

Il arrive parfois que des biens situés hors de France soient indisponibles. Un régime spécial a été créé pour s'adapter à cette difficulté fréquemment rencontrée par les contribuables. Cette notion étant française, elle ne s'applique que pour les biens imposables en France en vertu du droit fiscal français, c'est-à-dire en vertu de l'article 750 ter du Code général des impôts 1536757737166. Par conséquent ce régime ne bénéficiera pas au contribuable en cas d'existence d'une convention fiscale applicable.
Que doit-on comprendre par « notion d'indisponibilité » ? Celle-ci s'entend de toute situation de fait ou de droit qui est de nature à priver le propriétaire du droit de disposer à son gré du bien qui lui appartient. Tel est le cas des mesures de séquestre, de blocage, de contrôle des changes, lorsqu'il en résulte une impossibilité pour le propriétaire de rapatrier les capitaux. Elle doit résulter d'une mesure prise par un gouvernement étranger, que celle-ci soit générale ou particulière.

Exemple

M. Farah, de nationalité franco-marocaine, hérite de son père d'une maison située à Casablanca et d'un portefeuille de titres. En application de la loi marocaine, il ne peut, sauf accord du service des changes de Rabat, rapatrier les fonds en France eu égard à sa nationalité marocaine. Il doit, dans un premier temps, solliciter auprès du service des changes du Maroc le droit de rapatrier des fonds pour être en mesure de régler les droits dus en France.

À défaut d'accord, ces biens seront portés pour mémoire dans la déclaration souscrite en France en vue de la perception des droits de mutation par décès et le contribuable devra y joindre le refus. L'imposition sera suspendue. Lorsque les fonds seront devenus disponibles, il devra souscrire une déclaration complémentaire. Les biens sont évalués à leur valeur au jour de la cessation de l'indisponibilité ou à la date de leur aliénation. Il est fait abstraction des fruits, intérêts, dividendes ou autres produits échus postérieurement à l'ouverture de la succession. Lorsque les biens ou leur représentation ne deviennent disponibles ou ne font l'objet d'une vente, d'une cession ou d'un transfert que pour partie, seule cette partie fait l'objet de la déclaration complémentaire et les droits ne deviennent exigibles qu'à due concurrence. Les droits sont alors liquidés selon le tarif et d'après les règles applicables à la date d'ouverture de la succession et doivent être acquittés au moment du dépôt de la déclaration complémentaire.

Le forfait mobilier

Le forfait
Le forfait mobilier, en l'absence de convention, s'applique en vertu de l'article 764 du Code général des impôts, à défaut de vente publique ou d'inventaire. La valeur imposable des meubles meublants ne peut être inférieure à 5 % de la valeur des autres biens de la succession. Il s'agit d'une double présomption, d'existence et d'évaluation des biens.
L'inventaire pour déroger au forfait
Pour éviter l'application du forfait, il est souvent conseillé aux contribuables de faire procéder à un inventaire. Comment procéder en matière de succession internationale ?
Pour les biens situés en France, le notaire français en charge de la succession aura vocation à établir l'inventaire des meubles puisqu'il est compétent en application des règles matérielles françaises. Quid pour les inventaires à réaliser à l'étranger ?
L'administration précise 1536759120871qu'à défaut de vente publique, la valeur des meubles meublants est déterminée par l'estimation contenue dans les inventaires, dressés dans les formes prescrites par l'article 789 du Code civil et dans les cinq ans du décès 1544415152878. Pour répondre aux conditions de l'article 789 du Code civil, l'inventaire doit reproduire les mentions prévues à cet article, être dressé par un notaire et être clos. Il doit aussi porter sur tous les objets mobiliers présents dans l'appartement tels que papiers et titres actifs ou passifs.
Le notaire français n'ayant pas compétence pour se déplacer à l'étranger et régulariser un inventaire des meubles meublants se situant dans les résidences situées hors de France, le 115e Congrès des notaires de France préconise de faire établir l'inventaire par le professionnel compétent selon le droit interne du territoire sur lequel les meubles sont situés, c'est-à-dire en respectant les formes applicables dans cet autre État. Pour exemple, en Allemagne le notaire est compétent pour établir un inventaire 1536759217029, il faudra alors solliciter son concours. Il semble que l'acte de clôture de l'inventaire qui comprend le serment doive toutefois être reçu en France par un notaire français. Si toutefois un intitulé d'inventaire était nécessaire en France, à défaut il faudra se contenter de l'inventaire réalisé à l'étranger (tel sera le cas dans le cadre d'une succession d'un non-résident dont l'héritier est résident de France et ne possédant pas de meubles meublants sur notre territoire). En outre, il conviendra de respecter les formalités de légalisation ou d'apostille qui pourraient le cas échéant être requises.
Certains pourraient indiquer à juste titre que l'administration fiscale serait en droit de refuser l'inventaire comme ne répondant pas aux prescriptions de l'article 789 du Code civil. L'administration fiscale va devoir affiner sa doctrine, car les successions internationales vont se faire de plus en plus fréquentes et les professionnels en charge de leur règlement ont besoin d'instructions complémentaires.

Passif

En droit interne et à défaut de convention fiscale, les dettes contractées à l'étranger bénéficient des mêmes conditions de déductibilité que celles contractées en France 1536768175270.
Toutefois, si la dette est contractée auprès d'une personne qui bénéficie à l'étranger d'un régime fiscal privilégié, il faut apporter la preuve que l'opération était réelle et non excessive 1536768323510.
En application de l'article 238 A, alinéa 2 du Code général des impôts : « Les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ».
Lorsque seuls les biens situés en France sont imposables en France, alors seul le passif afférent aux biens situés en France est en principe déductible. Tel est le cas si le défunt est non-résident. Pour les successions des non-résidents, on distingue deux hypothèses :
  • le passif est affecté à un bien qui est imposable en France. La déductibilité est acquise sans conditions particulières ;
  • le passif n'est pas affecté à un bien, mais ce dernier est imposable en France. Il n'est pas en principe déductible ; tel est le cas des dettes personnelles du de cujus contractées ou non en France.
Attention, car contrairement à cette règle, il est parfois possible en application de la jurisprudence de déduire des dettes françaises non affectées au bien imposable en France. Tel est le cas de la valeur de capitalisation d'une pension alimentaire versée à une ex-épouse 1536768486096.

Liquidation des droits de mutation à titre gratuit

Application des abattements et des exonérations aux biens étrangers

Les exonérations et régimes spéciaux en matière de transmissions d'entreprises de l'article 787 B du Code général des impôts (nommé pacte Dutreil) sont applicables aux sociétés étrangères 1536768988666. Toutefois tel n'est pas le cas dans l'hypothèse de transmission à titre gratuit d'une entreprise individuelle. Les exonérations des articles 793 à 795 du Code général des impôts 1536769160078ne s'appliquent pas aux biens situés à l'étranger 1536769226316, notamment les exonérations pour les bois et forêts et les monuments historiques.
Remarque : la Commission européenne a jugé ces dispositions discriminatoires dans sa recommandation du 15 décembre 2011.

Application des abattements et des exonérations aux personnes étrangères

L'administration fiscale estime que l'abattement personnel prévu par l'article 779 du Code général des impôts en faveur des ascendants et des enfants constitue un élément du tarif de l'impôt et est applicable quelle que soit la nationalité du défunt et des successibles. Il en est de même pour les abattements entre frères et sœurs 1544415302400, pour les handicapés 1544415308671, pour les partenaires au titre de la loi TEPA 1544415304967.
Le conjoint survivant ou le partenaire de PACS survivant étranger bénéficient de l'exonération sous réserve, le cas échéant, de rapporter la preuve que le partenariat étranger était assimilable à un pacs si celui-ci ne fait pas partie de la liste visée par l'administration 1536769420146et sous réserve de l'ordre public international.
Les réductions d'impôt 1536769665425pour charge de famille (pour les successions encore concernées) bénéficient également aux non-résidents à partir du moment où il existe entre les États un accord de réciprocité.

Obligation de rappel fiscal de l'article 784 du Code général des impôts

Cette obligation concerne toutes les donations antérieures consenties par le défunt ou le donateur aux héritiers, donataires ou légataires domiciliés en France, quelle que soit la forme dans laquelle ces donations ont été constatées. Elle s'applique aux dons manuels déclarés et est étendue aux biens situés hors de France. Elle ne s'applique toutefois pas aux libéralités réalisées hors de France par un donateur domicilié au jour de la donation hors de France et ayant acquis date certaine avant le 1er janvier 1999.
Attention, la révélation de l'existence d'un don devant être rapporté à la succession peut provenir d'un jugement émanant d'une juridiction étrangère 1536769780334.

L'élimination de la double imposition : article 784 A du Code général des impôts

En l'absence de convention internationale, le droit interne français lui-même permet d'éliminer en totalité ou en partie les éventuelles doubles impositions sur les successions. Tel n'est pas le cas en matière d'impôt sur le revenu. II faudra attirer l'attention du client sur le risque existant en cas de non-mécanisme d'élimination de la double imposition dans le pays étranger.
L'article 784 A du Code général des impôts prévoit ainsi que, dans les cas définis aux 1° et 3° de l'article 750 ter du Code général des impôts, le montant des droits de mutation à titre gratuit acquitté hors de France est imputable sur l'impôt exigible en France 1539440591478.
Cette imputation est néanmoins limitée à l'impôt acquitté sur les seuls biens meubles et immeubles situés hors de France. L'impôt acquitté à l'étranger n'est donc pas imputable sur l'impôt français afférent aux biens situés en France.
Par ailleurs, l'impôt acquitté à l'étranger n'étant pas restituable, l'imputation est donc limitée au montant de l'impôt dû en France à raison des mêmes biens.
Le montant de l'impôt étranger imputable sur les droits dus en France se calcule à l'aide de la formule énoncée dans l'imprimé Cerfa n° 2740 1536771241571, qui devra être adressé en double exemplaire, assorti des pièces justificatives (généralement une attestation fiscale étrangère), au comptable de la DGFiP qui a reçu la déclaration de succession.
Conclusion : en l'absence d'une convention fiscale et en application des règles de droit interne, l'élimination de la double imposition n'est donc pas totale. Toutefois, les cas de double imposition sont rares. En pratique, les règles combinées des articles 750 ter et 784 A du Code général des impôts permettent d'éviter une double imposition, mais l'actif successoral est le plus souvent imposé selon le taux le plus élevé des deux États en cause.

Le risque de double imposition

Il peut résulter :
  • d'un conflit de domicile fiscal : chaque État revendiquant que le défunt était domicilié sur son territoire impose une base mondiale. Tel est le cas des citoyens qui peuvent être à la fois considérés, en droit interne, comme domiciliés en France et à l'étranger. En effet, un contribuable résidant avec sa famille à Paris peut être considéré comme domicilié en France en vertu de l'article 4 B du Code général des impôts et résident d'un État étranger s'il possède cette nationalité et que ce pays a défini celle-ci comme critère de territorialité 1536770886234 ;
  • d'un conflit de qualification de biens ;
  • d'un conflit sur le rattachement des biens ;
  • d'un refus de déductibilité des dettes.