L'équivalence ou la prise en considération des actes notariés circulants

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

L'équivalence ou la prise en considération des actes notariés circulants

Si peu d'études portent sur la compétence internationale des actes notariés 1543153456004, il est encore moins d'études doctrinales recensées qui portent sur la méthode de l'équivalence appliquée à l'acte notarié dans un contexte international 1543153632066.
D'ailleurs, faut-il plutôt parler d'équivalence, de reconnaissance, ou encore de prise en considération ? L'absence de réflexion sur cette question laisse planer un certain «flottement terminologique et notionnel» sur la matière 1543296049704.
Cela empêcherait-il pour autant de soulever la question de la prise en considération de l'acte notarié circulant en droit international privé ? L'acte authentique qui retranscrit une situation de droit ou de fait est tout aussi concerné par la circulation internationale qu'une décision de justice.
Si le notaire, lorsqu'il instrumente, est tenu de respecter lalex auctoris 1543155693328afin que sa manière de rédiger demeure conforme à la loi française, il peut en revanche appliquer une loi étrangère pour la substance de son acte 1543155253454.
Tenir informés ses clients de la faculté qui leur est offerte de choisir une autre loi que celle avec laquelle il instrumente son acte relève d'ailleurs de son devoir de conseil 1543156320316.
De même que le juge, l'officier public qu'est le notaire est tenu de mettre en œuvre les règles de droit applicables, et pour cela il ne peut se dispenser de l'application de la règle de conflit 1543160039843.
Dans ces conditions, lorsqu'une situation de droit est créée dans un État et doit produire ses effets dans un autre État, les autorités de cet autre État doivent-elles apprécier cette situation selon leurs propres règles de conflit, ou bien peuvent-elles la reconnaître en faisant abstraction de leurs règles de conflit ?
Dit autrement, quelle méthode doit prévaloir, entre celle de l'équivalence (ou la reconnaissance) et celle du conflit de loi ?
Si, en doctrine, la distinction entre décision de justice et acte authentique doit être respectée, en pratique, même si l'acte notarié n'a besoin d'aucune procédure de type exequaturpour produire ses effets dans son État d'accueil, il demeure cependant soumis à l'application de vérifications autres que la légalisation ou l'apostille 1543157473855.
Le notaire doit vérifier la validité et la force probante des actes authentiques étrangers qui lui sont présentés 1543160470160.
La reconnaissance de l'acte notarié à l'international par la méthode de l'équivalence paraît être la seule susceptible d'être pratiquée en la matière. Il y a alors prise en considération, et «la jurisprudence donne à cette méthode une place de choix en matière d'acte authentique, démarquant celui-ci des jugements» 1543161980494.
L'équivalence (ou la prise en considération, ou la reconnaissance, les synonymes sont ici possibles) 1543162440567une fois constatée, l'acte authentique étranger rentre dans le présupposé de la règle, «laquelle va déterminer les effets qu'elle entend faire produire à l'acte. Lesquels sont multiples : validité de l'opération, opposabilité aux tiers d'un droit, force probante de l'acte» 1543162654745.
C'est ainsi qu'un notaire français a pu procéder à un changement de régime matrimonial permis par la loi de l'État de New York, sans que les époux aient eu à faire homologuer leur contrat : la loi applicable au régime matrimonial des époux étant en effet la loi américaine, qui ne prévoit aucune procédure judiciaire, c'est par conséquent cette dernière qui s'applique pour rendre possible en France le changement de contrat de mariage sans homologation judiciaire 1543159410722.
Avec la prise en considération, l'acte authentique étranger se trouve assimilé à un acte authentique français correspondant, et il convient dans ces conditions d'en tirer «toutes les conséquences au regard de leur force probante, sans se référer à une loi quelconque» 1543163012628.
Dans une affaire de 2008 1543164835171, la Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi à l'encontre d'un acte de partage amiable dressé en Tunisie devant deux notaires. Le pourvoi soutenait que l'acte reçu par deux notaires tunisiens ne pouvait être établi à l'étranger du fait qu'il portait sur des immeubles situés en France. Les hauts magistrats ont rejeté le pourvoi, considérant que l'acte de partage, même reçu à l'étranger, restait pleinement valable et qu'il obligeait les parties, même si la loi applicable à la succession était la loi française 1543226580262.
C'est précisément parce que l'acte authentique étranger s'intègre dans l'ordre juridique interne que sa prise en considération lui assure une efficacité internationale.
Une nouvelle tâche incombe alors au notaire, au même titre que celle que connaît le juge : celle de rechercher le contenu du droit étranger, afin de reconnaître dans l'ordre interne la validité de l'acte présenté au regard du droit matériel étranger.