L'usufruit ne s'exporte pas toujours bien. Peu connu à l'échelle mondiale, sa mise en œuvre pourrait s'avérer très délicate et compliquée dans les pays ignorant cette institution.
Après avoir déterminé la loi applicable : loi successorale en ce qui concerne un legs d'usufruit, loi du régime matrimonial en ce qui concerne un avantage matrimonial en usufruit (V. toutefois infra, n° , l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 1er mars 2018, qui pourrait faire douter du rattachement à la loi du régime matrimonial), le notaire doit s'assurer de la bonne réception de cet usufruit et de sa possible mise en œuvre sur les biens situés à l'étranger concernés par cet usufruit.
Aussi, préconiser un usufruit au profit de son conjoint portant sur des biens situés dans un pays ignorant cette institution posera des difficultés de mise en œuvre à terme. Il conviendra alors de se renseigner sur des institutions équivalentes et bien connues de l'État du lieu de situation des biens afin de conseiller au mieux le client et de faciliter la mise en œuvre de la protection du conjoint le moment venu.
Bien souvent les législations confèrent (dans les successions ab intestat) au conjoint survivant une part en pleine propriété et lui accordent une protection au regard du logement de la famille et des meubles et objets s'y trouvant.
De façon générale, les besoins des populations sont les mêmes partout : protection du logement en faveur du conjoint, transmission équilibrée de ses biens entre le conjoint et les enfants ; il serait surprenant qu'aucune institution ne puisse assurer ces besoins.
Au Royaume-Uni, la règle de conflit de lois en matière successorale soumet les immeubles à la loi du lieu de leur situation et les meubles à la loi du domicile. L'usufruit étant méconnu au Royaume-Uni, ce serait inutilement compliquer le traitement de la succession que de conseiller un usufruit sur des biens immobiliers régis par la loi anglaise, y compris dans le cadre d'une succession que le notaire français soumettrait au droit français en raison de la résidence habituelle du défunt en France. Dans ce cas, l'approche du notaire français se doit d'être pragmatique. Il devra travailler de concert avec un juriste anglais compétent en la matière, qui mettra en place un système visant à conférer la jouissance du bien immobilier situé en Angleterre et les revenus de ce bien au conjoint survivant, si telle est la volonté du testateur. Généralement le montage passera par la mise en place d'un trust sur ce bien.
Dans de nombreux États de civil law, la jouissance du logement de la famille en faveur du conjoint survivant est assurée au moyen d'un droit d'habitation, de sorte qu'il sera possible de lui attribuer ce droit concordant dans les législations française et étrangère et, pour pallier l'absence de revenus qu'il aurait reçus en qualité d'usufruitier, lui allouer un capital lui permettant d'assumer le paiement des charges liées au logement peut s'avérer une solution plus sûre dans sa mise en œuvre.