Le changement de loi applicable au régime matrimonial

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Le changement de loi applicable au régime matrimonial

La mutabilité volontaire

Article 6 de la convention de La Haye

L'article 6 de la convention de La Haye pose une règle matérielle autorisant les époux, au cours de leur mariage, à modifier volontairement leur choix initial pour soumettre leur régime matrimonial à une loi autre que celle initialement applicable. Cette possibilité est offerte, que les époux aient effectué un choix initial, par l'établissement d'un contrat de mariage par exemple, ou n'aient effectué aucun choix.
Il ne sera précisé que les principales caractéristiques de ce mécanisme, celui-ci n'étant plus en vigueur au jour de la parution du présent rapport : en effet, à compter du 29 janvier 2019 tout changement de loi doit s'effectuer au regard de l'article 22 du règlement (UE) n° 2016/1103.

Les lois pouvant être choisies

L'article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 offrait trois possibilités de choix de loi applicable aux époux, qu'ils soient mariés ou non avant ou après le 1er septembre 1992, mais avant le 29 janvier 2019, qui étaient les suivantes :
  • la loi de l'État dont l'un des époux avait la nationalité au moment de la désignation ;
  • la loi de l'État de la résidence habituelle de l'un des époux au moment de la désignation ;
  • la loi de l'État dans lesquels étaient situés leurs immeubles (pour tout ou partie) en ce qui concerne ces immeubles.

Le choix du régime matrimonial lors de la désignation de la loi applicable

La Convention de La Haye du 14 mars 1978 et son rapport explicatif étaient restés silencieux sur le fait de savoir si des époux qui désignaient la loi applicable à leur régime matrimonial pouvaient, dans le cadre de cet acte, désigner l'un des régimes matrimoniaux proposés par la loi désignée, ou s'ils étaient automatiquement soumis au régime légal de la loi désignée.
Pour combler ce silence, chaque État signataire a précisé cette possibilité ou non au sein de son droit interne.
La doctrine française considérait que c'était le régime légal de la loi désignée qui s'appliquait aux époux. Le choix d'un régime conventionnel ne pouvait s'effectuer qu'en respectant les règles de changement de régime matrimonial régies par la loi désignée. Ainsi, en France, les époux devaient-ils attendre deux années d'application du régime matrimonial pour ensuite pouvoir changer de régime, sous réserve de respecter les conditions énoncées à l'article 1397 du Code civil, tandis que les Pays-Bas et le Luxembourg avaient adopté une position plus souple en acceptant le choix immédiat lors de la désignation de la loi applicable d'un régime conventionnel 1539159622716.
Afin d'unifier l'interprétation des États signataires et de contribuer à l'efficacité de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, la loi n° 97-987 du 28 octobre 1997 a inséré dans le Code civil l'article 1397-3 énonçant désormais en son troisième alinéa qu'à « l'occasion de la désignation de la loi applicable, avant le mariage ou au cours de celui-ci, les époux peuvent désigner la nature du régime matrimonial choisi par eux ».
Ainsi, les époux qui désignaient la loi française comme loi applicable à leur régime matrimonial pouvaient lors de cette déclaration désigner n'importe lequel des régimes conventionnels prévus par la loi française.

La forme de la désignation de la loi applicable

Les effets de la mutabilité volontaire

L'article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 énonce que la loi désignée « s'applique à l'ensemble de leurs biens ». Cette expression implique que la désignation s'appliquait aux biens acquis avant et après la désignation de la loi applicable, autrement dit rétroactivement, sous réserve du droit des tiers. Les époux avaient la possibilité de liquider leur régime matrimonial au moment de la désignation pour décider que la désignation ne serait pas rétroactive 1528909367238.
Cette rétroactivité était expressément mentionnée dans le rapport explicatif de la convention rédigée par le professeur Von Overbeck 1528909453521et avait été également admise par l'ensemble de la doctrine 1528909467265.
En outre, la Commission d'État néerlandaise avait opté pour la rétroactivité de la désignation de la loi applicable, en invoquant l'avantage de devoir liquider un seul régime au moment de la dissolution du mariage 1528909518027.
Cependant, la loi n° 97-987 du 28 octobre 1997 modifiant le Code civil pour l'adapter aux dispositions de la convention de La Haye a inséré dans ce dernier l'article 1397-4 qui énonce : « Lorsque la désignation de la loi applicable est faite au cours du mariage, cette désignation prend effet entre les parties à compter de l'établissement de l'acte de désignation et, à l'égard des tiers, trois mois après que les formalités de publicité prévues à l'article 1397-3 auront été accomplies ».
Il s'est alors présenté un conflit entre une loi interne 1544350167039et une convention internationale antérieure à cette loi interne 1544350188607. Or, l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 pose le principe de la primauté de la convention internationale sur le droit interne 1528910335826.
La doctrine s'est alors divisée quant à l'application dans le temps de la loi choisie au cours du mariage :
  • est-ce une rétroactivité de principe et par exception les époux pouvaient choisir pour l'avenir l'application de la loi choisie ?
  • ou est-ce une application pour l'avenir de principe et par exception les époux pouvaient choisir la rétroactivité ?
Devant cette incertitude, les notaires se devaient de se prononcer expressément sur la rétroactivité ou la non-rétroactivité de la loi choisie et envisager avec les époux la meilleure solution : par exemple lors d'un passage de communauté à séparation des biens, la rétroactivité était difficilement envisageable. Pour un passage d'un régime de séparation des biens à un régime de communauté universelle, la rétroactivité pouvait au contraire être conseillée.

La portée de la désignation de la loi applicable

En vertu de l'article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, les époux pouvaient, pour certains ou l'ensemble de leurs immeubles, désigner la loi de l'État dans lequel le ou les immeubles se situaient. Les époux pouvaient donc choisir de soumettre leurs biens immobiliers et mobiliers à des lois différentes, allant à l'encontre de la traditionnelle indivisibilité du régime matrimonial en droit français.
À défaut de précision dans la convention, ce choix portait sur l'ensemble des biens des époux.

L'opposabilité aux tiers de la désignation de la loi applicable

Des mesures de publicité devaient être accomplies tant lorsque le changement de loi était intervenu par application d'une loi étrangère 1544350285599que par application de la loi française 1544350289328.
Les formes de publicité prévues au Code de procédure civile sont énoncées aux articles 1303-3 et 1305-5 du Code civil :
  • si les époux avaient un acte de mariage conservé par une autorité française, une mention en marge devait être portée sur cet acte ;
  • si les époux n'avaient pas d'acte de mariage conservé par une autorité française, le changement de loi devait être inscrit sur un répertoire civil annexe dans deux cas :
  • si un contrat de mariage avait été reçu en France, les époux devaient informer le notaire ayant reçu cet acte de désignation de loi applicable, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en lui adressant soit un extrait de l'acte de mariage mis à jour, soit un certificat d'inscription au répertoire civil annexe ;
  • si un contrat de mariage avait été reçu par un agent diplomatique ou consulaire français, dans ce cas les époux devaient informer de la désignation de loi applicable le ministre des Affaires étrangères.
Bien que des formalités de publicité aient été imposées aux fins d'opposabilité aux tiers, l'article 1397-4, alinéa 2 du Code civil permettait de rendre opposable aux tiers la désignation de la loi applicable en l'absence d'accomplissement de ces formalités si « dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré la loi applicable à leur régime matrimonial ».
Ce rattachement subjectif n'est opposable aux tiers dans le cadre d'un litige que s'ils ont eu connaissance ou auraient dû avoir connaissance de cette loi 1528968651954.
L'article 28 du règlement n° 2016/1103 du 24 juin 2016 prévoit qu'un époux ne saurait opposer la loi applicable au régime matrimonial à un tiers dans le cadre d'un différend, sauf si le tiers avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la loi applicable au régime matrimonial. L'article 28, alinéa 2 précise les cas dans lesquels il sera considéré que le tiers avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la loi applicable au régime matrimonial.
« 2. Le tiers est réputé avoir cette connaissance de la loi applicable au régime matrimonial si :
  • ladite loi est la loi : i) de l'État dont la loi est applicable à la convention conclue entre l'un des époux et le tiers ; ii) de l'État où l'époux contractant et le tiers ont leur résidence habituelle ; ou iii) dans des dossiers portant sur des biens immeubles, de l'État dans lequel le bien est situé ; ou
  • l'un des époux s'est conformé aux obligations en matière de publicité ou d'enregistrement du régime matrimonial prévues par la loi : i) de l'État dont la loi est applicable à la convention conclue entre l'un des époux et le tiers ; ii) de l'État où l'époux contractant et le tiers ont leur résidence habituelle ; ou iii) dans des dossiers portant sur des biens immeubles, de l'État dans lequel le bien est situé. »
Ainsi qu'il a été souligné dans le cadre du règlement « EPPE », le rôle du notaire est fondamental dans le cadre de la détermination de la loi applicable : il lui revient d'informer le tiers contractant du régime matrimonial des époux avec lequel il contracte.

La confirmation de la loi applicable

Dans certains cas, les époux pouvaient être intéressés uniquement par la désignation expresse de la loi applicable à leur régime matrimonial.
Deux cas pouvaient se présenter à des époux n'ayant pas effectué de désignation de loi applicable ou de contrat de mariage :
  • pour des époux mariés avant le 1er septembre 1992, le choix tacite pouvait (et peut toujours) être susceptible d'interprétation ;
  • pour des époux mariés après le 1er septembre 1992, la mutabilité automatique (V. infra, nos et s.) de leur régime matrimonial pouvait (et peut toujours) ne pas leur convenir.
Ces époux pouvaient souhaiter confirmer de façon expresse la loi jusqu'alors applicable à leur régime matrimonial, celle-ci leur convenant parfaitement.
L'article 6 de la convention de La Haye prévoyait que les époux pouvaient, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi autre que celle jusqu'alors applicable.
La lecture de cet article aurait dû conduire à l'impossibilité pour les époux de choisir la même loi que celle applicable jusqu'alors à leur régime matrimonial : une autre loi devant être impérativement choisie.
Plusieurs auteurs ont toutefois considéré que l'article 6 de la convention de La Haye pouvait être utilisé pour effectuer une confirmation de la loi applicable.
Ainsi Mme Hélène Péroz et M. Éric Fongaro 1535878117260ont-ils précisé : « Pour autant, au titre de la prévisibilité et de la sécurité juridique, il faut considérer que la confirmation par désignation expresse de la loi applicable au régime matrimonial doit être valable. Cette désignation devra être rétroactive et ne pas remettre en cause le droit des tiers ».
De même, Mme Mariel Revillard 1535889041928constatait, pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, « que la majorité des cas où les époux entendent bénéficier de l'article 6 vise à mettre fin à l'incertitude sur la détermination de la loi applicable au régime matrimonial ». Pour les époux mariés après le 1er septembre 1992, elle visait les propos de M. Von Overbeck, lequel dans son rapport sur la convention précisait : « On pourrait soutenir que les époux à qui il est loisible de choisir en tout temps une nouvelle loi, doivent à plus forte raison pouvoir confirmer l'application de la loi déjà applicable par un choix explicite qui exclurait la mutabilité automatique ».

L'article 22 du règlement (UE) n° 2016/1103 du 24 juin 2016

Le règlement n° 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux JOUE n° L 183, 8 juill. 2016, p. 1. , est entré en vigueur le 29 juillet 2016 et en application le 29 janvier 2019.
Le champ d'application de ce règlement a été précisé dans le premier chapitre du présent sous-titre.
Il faut seulement rappeler que ce règlement :
  • concerne les époux mariés à compter du 29 janvier 2019, mais aussi les époux qui désigneront la loi applicable à leur régime matrimonial après cette date ;
  • est applicable dans les dix-huit États membres ayant décidé de participer à la coopération renforcée ;
  • a une vocation universelle, en ce sens que la loi désignée par le règlement s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre ;
  • consacre l'unicité de la loi applicable au régime matrimonial des époux.
Tout changement de loi applicable intervenant après le 29 janvier 2019 sera soumis au règlement européen, même si les époux se sont mariés avant cette date.

Les possibilités de mutabilité volontaire

En vertu de l'article 22 du règlement du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux, la loi que les époux peuvent désigner avant ou après leur mariage est la même. Ainsi, les époux pourront désigner :
  • soit « la loi de l'État dans lequel au moins l'un des époux (…) a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention » ;
  • soit « la loi d'un État dont l'un des époux (…) a la nationalité au moment de la conclusion de la convention ».
Ainsi, cet article supprime deux possibilités qu'offrait la Convention de La Haye de 1978 : la loi du premier État sur le territoire duquel l'un d'eux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage, ou pour les immeubles la loi de leur situation.
Le règlement reste silencieux sur l'hypothèse du rattachement à la loi nationale lorsque l'un ou les deux époux ont plusieurs nationalités. Le considérant 50 du préambule du règlement reprend exactement les mêmes termes que le considérant 49 du préambule du règlement sur les partenariats enregistrés ci-avant exposé.
Le choix de loi est donc plus restreint que celui offert par la convention de La Haye.

Le choix d'un régime matrimonial lors de la désignation de la loi applicable

Le règlement du 24 juin 2016 ne précise pas, à l'instar de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, si les époux peuvent, à l'occasion de la désignation de la loi applicable, choisir le régime matrimonial qu'ils souhaitent.
Selon le professeur Georges Khairallah, « peut-être pourrions-nous dire que (…) l'article 1397-3 est rédigé d'une manière suffisamment générale pour qu'il trouve application dans les règlements du 24 juin 2016 » 1528968073262. Ainsi, les époux pourraient désigner un régime conventionnel à l'occasion du choix de loi.

La forme de la désignation de la loi applicable

Les effets de la désignation de la loi applicable

L'article 22, § 2 du règlement du 24 juin 2016 précise que ce changement ne vaut que pour l'avenir. Toutefois, les époux peuvent donner un effet rétroactif à la désignation de la loi applicable, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits des tiers.
En l'absence de rétroactivité, il conviendra d'effectuer deux liquidations :
  • pour la période avant la désignation : une liquidation par application de la loi applicable avant la désignation ;
  • pour la période à compter de la désignation : une liquidation par application de la loi désignée, au moment de la dissolution du mariage.

La portée de la loi applicable désignée

Le règlement sur les régimes matrimoniaux consacre le principe d'unicité de la loi applicable, sans admettre d'exception comme le permettait la Convention de La Haye du 14 mars 1978. Par conséquent, ce choix doit désormais porter sur l'ensemble des biens des époux, sans aucune distinction 1528968613656 ; les époux ne peuvent donc plus soumettre leurs immeubles à une loi différente du reste de leurs biens.

L'opposabilité aux tiers de la désignation de la loi applicable

L'exclusion du renvoi

Les correctifs au rattachement admis : l'ordre public et les lois de police

L'ordre public
Les lois de police

La mutabilité automatique

Les époux concernés

Si la mutabilité volontaire concerne les époux mariés avant ou après le 1er septembre 1992, la mutabilité automatique elle, ne s'applique qu'aux époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019.
Cette mutabilité automatique n'est pas non plus applicable aux époux, même mariés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019, qui ont signé un contrat de mariage ou ont choisi la loi applicable à leur régime matrimonial.
Cependant, si les époux ont fait un choix de loi applicable seulement pour une partie de leurs biens (immeubles par exemple), la mutabilité automatique s'appliquera pour les autres biens dont la loi applicable n'a pas été désignée.
Il est à noter que cette mutabilité automatique peut se produire même après l'entrée en vigueur du règlement, concernant des époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019.

À quel moment ?

Dans les cas où la mutabilité automatique s'applique, c'est la loi de l'État dans lequel les époux ont fixé leur résidence habituelle qui va se substituer aux lieu et place de la loi à laquelle leur régime matrimonial était antérieurement soumis. Cette mutabilité automatique est toutefois encadrée dans trois hypothèses.
Premièrement, la mutabilité automatique est prévue dans le cas où les époux fixent leur résidence habituelle dans l'État dont ils ont la nationalité commune, ou dès qu'ils acquièrent la nationalité de cet État.
Cette règle concerne donc les couples immigrés qui retournent dans leur pays d'origine ou qui prennent la nationalité de leur pays de résidence.
Ainsi deux époux de nationalité française, qui avaient leur première résidence habituelle commune au Luxembourg où ils se sont mariés sans contrat le 5 mai 1995, se trouvaient soumis au régime légal luxembourgeois. Quatre ans après leur mariage, en raison de leur déménagement pour la France, ils se retrouvent donc soumis automatiquement au régime légal français, loi de leur nationalité commune, et ce sans délai.
Me Richard Crône a précisé à ce sujet : « Ce que les rédacteurs de la Convention ont entendu privilégier est ici la convergence entre résidence et nationalité » 1528969460231.
Deuxièmement, le régime matrimonial des époux est également automatiquement modifié si, après le mariage, les époux ont fixé leur résidence habituelle depuis plus de dix ans dans un autre État : la loi de cet État est alors applicable.
Ainsi, un couple ayant eu sa première résidence habituelle commune en France au moment de son mariage se retrouve automatiquement soumis à un autre régime s'il déménage dans un autre pays (en Espagne par exemple) et y réside durant dix ans, au terme de cette période. La loi applicable à leur régime matrimonial est automatiquement modifiée et c'est la loi espagnole qui s'applique à leur régime matrimonial, à compter du premier jour qui suit l'expiration du délai de dix ans.
Troisièmement, si des époux, au moment du mariage, n'ont pas établi de résidence habituelle dans le même État, leur régime matrimonial est soumis à leur loi nationale commune en vertu de l'article 4, alinéa 2, 3° de la Convention de La Haye du 14 mars 1978. Cependant, dès lors que les époux définissent leur résidence habituelle, la loi de l'État de leur résidence habituelle se substitue à la loi anciennement applicable 1528969544799.
Ainsi, deux époux de nationalité anglaise se marient le 28 octobre 2012 sans contrat de mariage au Portugal mais n'ont, au moment de leur mariage, pas de résidence commune habituelle : l'un habite au Portugal et l'autre en Angleterre. C'est la loi de leur nationalité commune qui s'applique, soit la loi anglaise. Puis l'époux qui habitait en Angleterre rejoint son conjoint au Portugal. Leur première résidence habituelle étant située au Portugal, les époux sont désormais soumis au régime légal portugais.
C'est ce qu'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 février 2014 1528969721625 : il s'agissait d'un couple turc marié en 1997, dont monsieur avait sa résidence habituelle en France et madame était restée dans son pays d'origine après le mariage. Un an après le mariage, madame déménage en France. En 2006, une instance en divorce est introduite en France. Bien que les époux n'aient pas soulevé la mutabilité automatique de la loi applicable à leur régime matrimonial, la cour d'appel de Colmar a appliqué l'article 7 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 pour en déduire que le régime matrimonial des époux avait été soumis à la mutabilité automatique. L'époux forme un pourvoi en cassation arguant que les époux n'étaient pas tous deux Français et qu'ils n'avaient pas tous deux résidé en France plus de dix ans afin d'écarter la mutabilité automatique. La Cour de cassation rejette le pourvoi et décide que « la cour d'appel a exactement décidé, hors toute dénaturation, qu'à la suite de l'arrivée en France de l'épouse, la loi française était applicable, pour l'avenir, à leur régime matrimonial ».
Ainsi, dans cette espèce, il y aura lieu d'effectuer deux liquidations :
  • une liquidation du régime légal turc au moment de l'installation de madame en France ;
  • et une liquidation du régime légal français au moment du divorce.
Dans cette affaire, une seconde mutabilité automatique a été évitée. En effet, depuis la réforme du Code civil turc du 22 novembre 2001 entrée en vigueur le 1er janvier 2002, le régime légal turc n'est plus le régime de la séparation de biens, mais celui de la participation aux acquêts. Dans le cadre de cette réforme, si les époux mariés avant le 1er janvier 2002 n'avaient pas fait de déclaration d'option dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi, ils étaient automatiquement soumis au nouveau régime légal turc, sans rétroactivité. Ainsi, si l'épouse s'était installée en France après le 1er janvier 2002, les époux auraient été soumis à trois régimes différents : séparation de biens, puis participation aux acquêts, puis communauté d'acquêts.
Pour anticiper ces risques, le notaire a pu conseiller à des époux mariés sans contrat entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019 de désigner la loi applicable à leur régime matrimonial.
Rappel des situations pouvant entraîner une mutabilité automatique :
  • les époux de même nationalité se sont mariés sans avoir de résidence habituelle commune, et souhaitent déménager afin de fixer leur résidence habituelle dans un seul État ;
  • les époux ont la même nationalité, mais ont leur résidence habituelle dans un État étranger à leur nationalité commune. Ils font part de leur souhait de déménager prochainement dans leur État d'origine ;
  • les époux se sont mariés dans un État et y ont habité pendant plusieurs années puis ont déménagé ensemble dans un autre État depuis bientôt neuf ans.
Il conviendra dans ces situations de procéder à la désignation de la loi applicable.

Effets de la mutabilité automatique

En vertu de l'article 8 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, le changement automatique ne vaut que pour l'avenir. Ainsi, lors de la liquidation du régime matrimonial des époux, « il convient de procéder à une double liquidation du régime matrimonial, sous l'empire de lois distinctes ». La mutabilité automatique a donc un effet immédiat mais non rétroactif 1528969993977.

Quid après le 28 janvier 2019 ?

La mutabilité automatique du régime matrimonial instaurée par la Convention de La Haye du 14 mars 1978 a été qualifiée de « bombe à retardement » 1528970082351. En effet, les États tiers à la convention ne connaissent pas cette mutabilité automatique et il peut en résulter des situations « boiteuses » 1528970114799.
Par ailleurs, le cas de mutabilité automatique prenant effet dix ans après que les époux ont fixé leur résidence habituelle dans un État peut se réaliser plusieurs fois si le couple est amené à déménager à plusieurs reprises. Il faudrait alors liquider successivement trois ou quatre régimes matrimoniaux. À cela s'ajoute le fait que les praticiens rencontrent des difficultés pour fixer le point de départ du délai de dix ans et que les documents permettant d'établir avec certitude le patrimoine des époux à une date trop lointaine font souvent défaut.
Le considérant 46 du préambule du règlement n° 2016/1103 précise : « Afin d'assurer la sécurité juridique des transactions et d'empêcher que des modifications de la loi applicable au régime matrimonial soient introduites sans que les époux en soient informés, aucun changement de la loi applicable au régime matrimonial ne devrait intervenir sans demande expresse des parties ».
Autrement dit, le principe est désormais celui de la permanence du rattachement. Ce principe est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation avant la convention de La Haye. Par exemple, elle a pu juger, s'agissant d'époux mariés en Arménie en 1970 sous le régime arménien de la séparation de biens qui se sont ensuite établis en France, dont ils ont acquis la nationalité, que « s'agissant d'époux mariés avant l'entrée en vigueur de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, le rattachement du régime matrimonial légal ou conventionnel à la loi choisie par les époux est permanent et qu'un changement de leur nationalité est sans effet à cet égard » 1528970202097.
La doctrine se félicite de la suppression de la mutabilité automatique. Pour autant, cette mutabilité automatique ne disparaît pas pour les époux qui se sont mariés sans contrat entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019.
Le notaire devra continuer, après l'entrée en application du règlement du 24 juin 2016, à détecter toute mutabilité automatique possible pour les époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019.