Le champ d'application du règlement (UE) du 24 juin 2016

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Le champ d'application du règlement (UE) du 24 juin 2016

La règle de conflit de lois énoncée à l'article 515-7-1 du Code civil a été partiellement remplacée, à compter du 29 janvier 2019, par les dispositions du règlement (UE) n° 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux uniquement des partenariats enregistrés (règlement « EPPE »).
L'objectif de ce règlement est « d'assurer la sécurité juridique des couples non mariés à l'égard de leurs biens et de leur offrir une certaine prévisibilité » 1528628230524et de « permettre aux citoyens de profiter, en toute sécurité juridique, des avantages offerts par le marché intérieur » 1528628270772.
Quels sont seschamps d'application matériel (Sous-section I), temporel (Sous-section II)  et spatial (Sous-section III) ? C'est ce qui va être étudié maintenant.

Le champ d'application matériel

La notion de « partenariat enregistré »

Afin de déterminer les contours de ce règlement, celui-ci définit la notion de « partenariat enregistré » comme étant « le régime régissant la vie commune de deux personnes prévu par la loi, dont l'enregistrement est obligatoire en vertu de ladite loi et qui répond aux exigences juridiques prévues par ladite loi pour sa création » 1528628301894.
Cependant, cette définition n'est établie qu'aux fins du règlement. Autrement dit, la définition de cette notion relève du droit interne des États membres, et « aucune disposition du présent règlement ne devrait imposer à un État membre dont la loi ne reconnaît pas l'institution du partenariat enregistré de prévoir cette dernière dans son droit national » 1528628372547.
À titre d'illustration en droit comparé :
  • parmi les États membres participants actuels, seuls six pays ne connaissent pas le partenariat enregistré 1533116027350 ;
  • certains partenariats enregistrés – tel que le pacs français – ne reconnaissent que très peu de droits aux partenaires, contrairement à d'autres – tels les partenariats de droit néerlandais ou slovène pour ne citer qu'eux – qui accordent pratiquement les mêmes droits aux partenaires qu'aux époux.

La notion « d'effets patrimoniaux »

Le règlement ne concerne que les « effets patrimoniaux » et ne se substituera donc à l'article 515-7-1 du Code civil – applicable aux partenariats conclus avant le 29 janvier 2019 – que sur ce point 1528628651615.
À titre d'exemple, et de façon non exhaustive, l'article 27 du règlement énumère ses effets patrimoniaux ainsi qu'il suit :
« a) la classification des biens des deux partenaires ou de chacun d'entre eux en différentes catégories pendant et après le partenariat enregistré ; b) le transfert de biens d'une catégorie à une autre ; c) les obligations d'un partenaire qui découlent des engagements pris par l'autre partenaire et des dettes de ce dernier ; d) les pouvoirs, les droits et les obligations de l'un des partenaires ou des deux partenaires à l'égard des biens ; e) la division, la répartition ou la liquidation des biens après dissolution du partenariat enregistré ; f) les incidences des effets patrimoniaux des partenariats enregistrés sur un rapport juridique entre un partenaire et des tiers ; et g) la validité au fond d'une convention partenariale ».
A contrario, l'article premier du règlement énonce les matières qui sont exclues de ce règlement. Par exemple, la succession d'un partenaire enregistré décédé sera régie par le règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012.
Il est important de souligner que les effets fiscaux ne sont pas régis par le règlement.

Le champ d'application temporel

Ce règlement s'applique aux couples ayant enregistré un partenariat à partir du 29 janvier 2019 et aux couples ayant déjà enregistré un partenariat avant cette date mais qui désigneront une loi applicable aux effets patrimoniaux de leurs partenariats après cette date 1528629626147.
Les conflits de juridictions et de reconnaissance ou d'exécution des jugements concernant des partenariats enregistrés avant ou à partir du 29 janvier 2019 seront régis par le règlement du 24 juin 2006 dès lors que l'action sera intentée à compter du 29 janvier 2019 1528629764129. Exceptionnellement, le règlement pourra aussi s'appliquer aux actions intentées avant le 29 janvier 2019. L'article 69, 2° prévoit que « si l'action engagée dans l'État membre d'origine a été intentée avant le 29 janvier 2019, les décisions rendues après cette date sont reconnues et exécutées conformément aux dispositions de chapitre IV, dès lors que les règles de compétence appliquées sont conformes à celles prévues par le chapitre II ».

Le champ d'application spatial

Le règlement est obligatoire dans tous les États membres participants. Ce règlement s'applique dans les dix-huit États membres suivants : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Slovénie et la Suède. L'Estonie souhaite également participer à cette coopération.
Les règles de conflit de lois sont d'application universelle et ce règlement écarte toute possibilité de « morcellement » du régime patrimonial.
Ainsi le règlement s'applique que la loi désignée soit la loi d'un État membre participant, ou la loi d'un État membre non participant, ou la loi d'un État tiers à l'Union européenne.
Cependant, un tel morcellement pourra apparaître dans le cadre de la circulation des décisions si certains biens sont situés dans un État tiers et d'autres dans un État membre participant.
Selon Alain Devers, en complément de l'article 13, § 1 du règlement, « il aurait été judicieux de prévoir que lorsque la masse partenariale comprend des biens situés dans un État tiers, la juridiction saisie pour statuer sur les effets patrimoniaux peut, à la demande d'une des parties, décider de ne pas statuer sur l'un ou plusieurs de ces biens si l'on peut s'attendre à ce que la décision qu'elle rendrait sur les biens en question ne soit pas reconnue ou, le cas échéant, ne soit pas déclarée exécutoire dans ledit État tiers » 1528630364043.
À l'inverse, les règles de conflit de juridictions et de reconnaissance ou d'exécution des jugements ne sont pas d'application universelle. Elles ne sont applicables que par les États membres de l'Union européenne qui ont participé à la coopération renforcée susvisée.
Ainsi le règlement sera applicable dès lors que le juge d'un de ces États sera compétent.