L'arrêtAna Ionita : portée et conséquences pour le notariat

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

L'arrêtAna Ionita : portée et conséquences pour le notariat

Dans cet arrêt, pour la première fois la Cour européenne des droits de l'homme se penche sur le statut du notaire. Si elle qualifie le notaire de professionnel libéral, elle s'empresse de rajouter que « les notaires publics disposent de véritables prérogatives de puissance publique qu'ils reçoivent de l'État, lesquelles prérogatives confèrent aux actes qu'ils rédigent un gage d'authenticité » 1544375970633.
Ces prérogatives de puissance publique ne peuvent s'exercer qu'avec la « confiance publique » 1544376395868à laquelle participe l'image de l'ordre professionnel du notariat qu'il convient de protéger, ce que ne manque pas de prévoir la déontologie notariale roumaine. À ce sujet, la Cour relève que la notaire était tenue à une obligation de loyauté, de réserve et de discrétion 1544376701122.
Et la Cour d'aller plus loin, en confirmant la pertinence de ses devoirs d'ordre déontologique, compte tenu du « rôle particulier qu'ils [les notaires] jouent, celui de "magistrat de l'amiable" » 1544376793886.
Protéger l'image de l'Ordre s'avère par conséquent nécessaire, afin de « maintenir la confiance de l'opinion publique à leur égard » 1544376993381.
Officier public, « magistrat de l'amiable », le notaire a besoin pour exercer de la confiance publique que place en lui l'État qui lui délègue l'autorité. Mais cette confiance publique n'est pas suffisante si elle ne va pas de pair avec celle que place également en lui l'opinion publique, émanation générale des usagers qui requièrent son office pour instrumenter les actes authentiques.
Dit autrement, l'image du notariat, ordre professionnel représentant les notaires, doit être protégée dans l'intérêt supérieur de la confiance publique qu'accordent aux notaires tant l'État qui les nomme que les usagers qui font appel à eux. Cette protection est nécessaire pour permettre au notaire d'officier au moyen des prérogatives publiques qui lui sont déléguées dans l'intérêt public d'une bonne administration de la justice préventive.
Compte tenu de la contemporanéité entre l'arrêtPiringerrendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 9 mars 2017, étudié plus haut (V. supra, nos et s.) et l'arrêtAna Ionitarendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 21 mars suivant, devenu définitif le 21 juin 2017, il paraît intéressant de rapprocher ces deux décisions pour en tirer les conséquences suivantes.
Par l'arrêtPiringer, la Cour de justice de l'Union européenne reconnaît la possibilité, pour un État connaissant un notariat de type latin, de réserver à ses notaires l'authentification des signatures des actes permettant l'accès au registre immobilier. Elle reconnaît également que le notaire participe de manière essentielle à la sécurité juridique des actes entre particuliers. Ces deux éléments, d'intérêt général pour la Cour, constituent une composante essentielle de l'administration préventive de la justice. Pour ces raisons, la Cour de justice de l'Union européenne reconnaît le notariat comme une catégorie particulière de professionnels à laquelle s'attache une confiance publique sur laquelle l'État membre concerné exerce un contrôle particulier.
Par l'arrêtAna Ionita, la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît de son côté la nécessité pour le notaire d'exercer ses fonctions avec la nécessaire confiance publique que doivent lui accorder à la fois l'État qui le nomme et le contrôle, et les usagers (qui forment l'opinion publique), qui bénéficient de son impartialité statutairement imposée (au même titre que les juges judiciaires) 1544432147328. Cette double confiance publique (de l'État et de l'opinion publique) est indispensable pour une bonne administration de la justice, à laquelle le notaire participe de façon préventive.
De ce raisonnement découle le choix de la Cour de désigner le notaire comme un juge de l'amiable (même si l'utilisation des guillemets témoigne que cette définition ne paraît pas – encore – naturelle à la Cour).
La partie préliminaire qui vient d'être étudiée a permis de rappeler la définition en droit positif interne de l'acte notarié, facilitant de la sorte l'appréhension de la définition de l'acte notarié par le droit européen.
Cette étude de l'acte notarié en droit européen ne pouvait pas non plus se faire sans aborder la fonction du notaire, du moins l'approche que le droit européen peut avoir du statut du notaire, authentificateur des actes qu'il rédige et qu'il reçoit.
Cette partie préliminaire était également nécessaire pour nous permettre, à partir de ces fondamentaux, de nous lancer ensuite dans l'exploration du domaine préparatoire, rédactionnel, circulatoire et exécutoire de l'acte notarié dans un contexte international.
L'exploration de cet environnement spécifique, dans lequel le notaire intervient, avec les prises en considération des statuts spécifiques d'expatriés, de non-résidents, de salariés, de souscripteurs de contrat d'assurance vie et de contribuables d'une fiscalité internationale n'en sera que facilitée.
Les parties à venir traiteront précisément : d'abord des enjeux et de la méthodologie propres à la préparation et la rédaction de l'acte notarié international pour une circulation transfrontière (Partie II).
Sera ensuite appréhendé le contexte international, si singulier avec toutes ses composantes (qu'elles soient fiscales – expatriation, double imposition, double exonération, etc. –, sociales et civiles), dans lequel l'intervention du notaire peut être requise(Parties III, IV et V).