La réception du trust

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

La réception du trust

Le trust représente le pivot du droit anglo-saxon. C'est sans doute le concept juridique le plus caractéristique du système de common law, et c'est en matière d'organisation du patrimoine familial qu'il est né. Les trusts les plus nombreux sont les family trusts ou les « trusts testamentaires ». Le trust intéresse trois personnes qui sont, en premier lieu le settlor, c'est-à-dire le constituant du trust, en second lieu le trustee, c'est-à-dire celui à qui seront confiés les biens en vue de les administrer ou de les vendre (le trustee détient les prérogatives d'un véritable propriétaire), au profit d'un cestui que trust, c'est-à-dire d'un bénéficiaire. Vouloir créer un trust sur certains biens, voire sur tous ses biens, c'est d'abord les séparer de son propre patrimoine afin qu'ils forment une masse distincte sans pour autant qu'au terme du trust, ces biens ou ce qui en serait la représentation ne deviennent la propriété du trustee. Le trustee gère et dispose des actifs ; ses attributions sont définies dans le trust instrument, ou à défaut par la loi. Indépendant de celui du trustee, le patrimoine trustal n'est pas le gage des créanciers potentiels d'un trustee incompétent ou malhonnête. Les equitable interest dont le bénéficiaire du trust est titulaire sont essentiellement des droits résiduaires. À l'expiration du trust, le bénéficiaire prend possession des estates abrités sous le trust.
Le trust est souvent défini comme le procédé juridique destiné à scinder la gestion et le contrôle d'un bien, de la jouissance et des profits qu'il procure. Il peut être établi par testament ou par acte entre vifs.
En application de l'article 1er, § 2 j) du règlement « Successions », la constitution, le fonctionnement et la dissolution des trusts se trouvent exclus du champ d'application dudit règlement, mais le traitement successoral des trusts relève bien du règlement.
Dès lors que la loi applicable au règlement de la succession sera celle d'un État connaissant l'institution du trust, ce dernier sera accueilli sur les biens situés en France et le trustee pourra appréhender les biens successoraux, les vendre et de manière générale exécuter sa mission telle qu'elle aura été définie suivant les cas par l'acte entre vifs, le testament ou la loi.
Plus compliqué sera le traitement d'un trust portant sur une succession régie par la loi française. Cette hypothèse est assez fréquente dans la mesure où le testament aura été établi dans un pays de common law. En présence d'héritiers réservataires, il ne sera pas possible de laisser toute latitude au trustee, les réservataires étant saisis de plein droit des biens composant la succession et devant pouvoir appréhender leur réserve en nature.
Sur le plan fiscal, le trust est traité par l'article 792-0 bis du Code général des impôts 1543326999718.
En cas de réception d'un trust portant sur des biens immobiliers situés en France, quelles seront les modalités de transfert de la propriété suite au décès, au regard de la publicité foncière ?
L'article 5 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière énonce : « En ce qui concerne les attestations après décès, l'état civil doit être indiqué et certifié pour le défunt et par chacun des héritiers, successeurs irréguliers ou légataires ».
Il serait audacieux de classer le trustee parmi les successeurs irréguliers.
Le règlement européen « Successions », qui exclut de son champ d'application les droits réels, pose dans son article 31 le principe de l'adaptation en ces termes : « Lorsqu'une personne fait valoir un droit réel auquel elle peut prétendre en vertu de la loi applicable à la succession et que la loi de l'État membre dans lequel le droit est invoqué ne connaît pas le droit réel en question, ce droit est, si nécessaire et dans la mesure du possible, adapté au droit réel équivalent le plus proche en vertu de la loi de cet État en tenant compte des objectifs et des intérêts poursuivis par le droit réel en question et des effets qui y sont liés ».
En l'absence de ratification de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, qui permettrait tout simplement d'accueillir le trust au regard de la publicité foncière, la pratique tente de trouver des solutions afin de permettre la vente des biens dépendant de la succession, mais aucune de ces solutions n'est satisfaisante.
Certains, au nom de l'adaptation, vont jusqu'à convertir un trust en une institution juridique de droit français comme une libéralité graduelle ou résiduelle ; cette démarche, même si elle vise à faire respecter la volonté du défunt, risque de conduire naturellement à une dénaturation de l'institution étrangère et paraît dangereuse au regard de la responsabilité du notaire.
Dès lors, comment établir l'attestation après décès dans ce contexte ? Ce point fera ci-après l'objet des développements de la quatrième commission.
La ratification de la convention de La Haye sur les trusts permettrait enfin de pouvoir appréhender en toute sérénité le trust régulièrement constitué et applicable en vertu de la loi étrangère régissant la succession.