La donation entre époux

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

La donation entre époux

En préambule, il y a lieu de définir la loi applicable à la donation entre époux. S'il s'agit d'une donation de biens présents entre époux, sa validité et sa révocabilité relèveront de la loi régissant les effets personnels du mariage : loi nationale des époux en cas de nationalité commune, à défaut loi du domicile commun.
Quant à la donation entre époux de biens à venir, celle-ci relève de la loi successorale au titre de l'article 25 du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 1543323862976.
La donation entre époux de biens à venir est prohibée dans de nombreux pays, dont certains très proches de la France (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Équateur, Honduras, Italie, Maurice, Paraguay, Uruguay, Venezuela, Slovaquie, République tchèque, Hongrie, Pologne, Roumanie, Liban, Côte d'Ivoire, ex-Yougoslavie, pays musulmans…), de sorte que la protection souhaitée en faveur du conjoint survivant pourra s'avérer inexistante à l'ouverture de la succession si elle est soumise à la loi de l'un de ces États, sauf exception et notamment accueil de l'institution étrangère conformément aux dispositions du règlement « Successions » en ce qui concerne les États de l'Union européenne liés par ledit règlement.
Dans les États ne pouvant réceptionner la donation entre époux, pour assurer la protection du conjoint, il faudra alors recourir à d'autres institutions comme le legs verbal s'il est connu de la législation étrangère, et recueillir l'accord de tous les héritiers, ce qui n'est pas garanti. Parfois il n'y aura aucun substitut à la donation entre époux.
Afin d'éviter cette difficulté, il est souvent plus simple de recourir à un testament, outil universellement reconnu.
La ratification par quarante et un États (dont seize de l'Union européenne) de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 1543324745005aidera à la validation en la forme dudit testament.
En effet, en vertu de l'article premier de la convention, une disposition testamentaire est valable quant à la forme si celle-ci répond à la loi interne :
  • du lieu où le testateur a disposé, ou
  • d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  • d'un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  • du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  • pour les immeubles, du lieu de leur situation.
L'article 75, § 1, alinéa 2 du règlement « Successions » précise que les États membres qui sont parties à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 continuent à appliquer les dispositions de cette convention au lieu de l'article 27 pour ce qui est de la validité en la forme du testament et des testaments conjonctifs 1543324821615.
Le notaire pourra également recourir au testament international institué par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 entrée en vigueur en France depuis le 1er décembre 1994 ainsi qu'en Australie, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Canada (provinces de Québec, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, Alberta, Ontario, Saskatchewan, Colombie-Britannique et île du Prince Édouard), Chine, Chypre, Croatie, États-Unis (Alaska, Arizona, Californie, Colorado, Connecticut, Delaware, District of Columbia, Floride, Hawaï, Idaho, Illinois, Maine, Massachusetts, Michigan, Minnesota, Montana, Nebraska, New Hampshire, New Jersey, New Mexico, Dakota du Nord, Oregon, Pennsylvanie, Caroline du Sud, Dakota du Sud, Utah, Virginie, Vermont, Wisconsin, et les Îles vierges Américaines), Équateur, Iran, Italie, Laos, Libye, Niger, Portugal, République tchèque, Russie, Royaume-Uni, Saint-Siège (Vatican), Sierra Léone, Slovaquie, Slovénie 1543327373835.
C'est pour tenter de résoudre les difficultés de reconnaissance des testaments entre les États que l'Institut international pour l'unification du droit privé (Unidroit) a élaboré cette convention visant à créer une forme de testament commune au droit interne des différents États, et permettant de ne plus passer par le détour de la convention de La Haye pour valider la forme du testament.
Ce testament écrit (pas nécessairement par le testateur) en une langue quelconque, à la main ou par un autre procédé, fait l'objet d'une déclaration du testateur en présence de deux témoins ou d'une personne habilitée indiquant que ce testament est bien le sien et qu'il en connaît le contenu.
Selon la loi du 29 avril 1994, la France a désigné comme personnes habilitées à instrumenter en matière de testament international les notaires sur le territoire de la République française et les agents diplomatiques et consulaires français à l'égard des Français de l'étranger 1544051082182.
Par ailleurs, le notaire doit veiller à l'inscription d'un tel testament, encore plus importante dans un contexte international. La Convention de Bâle du 16 mai 1972, relative à l'établissement d'un système d'inscription des testaments, est entrée en vigueur en France le 20 mars 1976. À ce jour, cette convention s'applique aussi à Chypre, en Turquie, en Belgique, en Espagne, en Estonie, en Italie, en Lituanie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal et en Ukraine 1543327424845.
Cette convention impose aux États contractants de créer ou de désigner des organismes chargés d'inscrire les dispositions et de délivrer les réponses aux demandes de renseignements, ainsi que des organismes de liaisons internationales. En France, le Fichier central des dispositions de dernières volontés fonctionne sous la responsabilité du Conseil supérieur du notariat.
Par ailleurs, l'association du réseau européen des registres testamentaires (ARERT), association à but non lucratif de droit belge créée en 2005 par les notariats belge, français et slovène, permet aux États disposant d'un registre des dispositions de dernières volontés et adhérents à l'ARERT, d'interconnecter ces registres et de permettre ainsi aux personnes intéressées et habilitées de découvrir les dispositions testamentaires laissées par un défunt, quelque soit le pays où les dispositions à cause de mort ont été inscrites. À ce jour seize registres se sont interconnectés : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, l'Estonie, la France, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et Saint-Pétersbourg 1543327538080.
De façon générale, il sera toujours de bonne pratique de vérifier la forme exigée par les pays mis à contribution pour le règlement de la succession (ceux dans lesquels des biens sont situés) afin de conseiller au mieux les clients, d'éviter une nullité en la forme de la disposition à cause de mort, et de procéder à l'inscription du testament.