Les exceptions qui ne sont pas prévues par l'article 710-1 du Code civil

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les exceptions qui ne sont pas prévues par l'article 710-1 du Code civil

En l'absence de consensus doctrinal et de jurisprudence sur ce point, ne seront émises ici que de simples propositions.
Ainsi, l'obligation de la réitération ne serait pas nécessaire :
  • lorsque l'acte ou la décision en provenance de l'étranger ont été rendus ou déclarés exécutoires en France (A) ;
  • lorsqu'il est prévu par un texte européen que les actes et les décisions en provenance d'un État membre sont immédiatement exécutoires en France ou qu'ils constituent un document valable pour l'accomplissement des formalités de publicité foncière en France (B).

Acte ou décision rendu ou déclaré exécutoire en France

Si l'acte ou la décision en provenance de l'étranger a été reconnu exécutoire en application du droit commun ou d'une convention internationale, il devrait pouvoir être procédé aux formalités de publicité foncière en France.
C'est ce qui résulte de l'article 4, alinéa 2 du décret 1955, non abrogé sur ce point par l'article 710-1 du Code civil.
C'est également ce qui a été retenu par le rapport de la commission présidée par le professeur L. Aynès qui propose d'introduire un article 710-8 du Code civil suivant lequel :
« Les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers et les décisions juridictionnelles étrangères ne peuvent donner lieu à publication que s'ils ont été déposés au rang des minutes d'un notaire exerçant en France. Celui-ci contrôle les conditions de leur acceptation ou de leur reconnaissance. Les décisions juridictionnelles étrangères peuvent également être publiées si elles sont ou ont été rendues exécutoires en France ».
Le commentaire qui est fait de ce texte par le rapport lui-même précise que : « Le texte reprend et actualise, notamment au regard des évolutions du droit européen et du droit international, l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 ».
La même solution devrait s'appliquer si l'acte ou la décision en provenance de l'étranger a été déclaré exécutoire en France en application d'un texte européen.
Plusieurs règlements européens prévoient en effet que les décisions rendues par les tribunaux des États membres ainsi que les actes authentiques établis dans ces États membres sont exécutoires ou déclarés exécutoires dans les autres États membres selon une procédure d'exequatur simplifiée 1545923724326.
Ainsi en est-il du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012, dit règlement « Successions », du règlement n° 4/2009 sur les obligations alimentaires 1545924012126, et des règlements nos 2016/1103 et 2016/1104 sur les régimes matrimoniaux et les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.
À l'égard des décisions, la constatation ou la déclaration de force exécutoire est faite par le directeur du greffe du tribunal de grande instance ou le président du tribunal de grande instance 1546926295537.
À l'égard des actes authentiques, elle est faite par le président de la chambre des notaires 1546926312864.
S'agissant du règlement « Successions », il est vrai que son article 1, § 2 exclut du champ d'application les inscriptions dans les registres des droits immobiliers et mobiliers et pose le principe selon lequel c'est la loi du registre qui déterminera les conditions et la manière dont l'inscription peut être effectuée.
Mais, du moment que l'acte authentique a été déclaré exécutoire en France, conformément à la procédure qui est prévue par le règlement, rien ne devrait s'opposer à ce qu'il puisse donner lieu aux formalités de publicité foncière.

Acte ou décision immédiatement exécutoire en France ou acte pouvant donner lieu directement aux formalités de publicité foncière

Le règlement n° 805/2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées prévoit qu'une décision ou un acte authentique certifié en tant que titre exécutoire européen dans l'État membre d'origine est exécutoire dans tous les autres États membres sans procédure de contrôle dans l'État membre d'accueil.
Une décision ou un acte authentique certifié en tant que titre exécutoire européen doit donc pouvoir donner lieu à l'inscription en France de sûretés judiciaires sans procédure de contrôle.
Le règlement n° 1215/2012, dit « règlement Bruxelles I bis », prévoit quant à lui qu'une décision ou un acte authentique en provenance d'un État membre est automatiquement exécutoire dans les autres États membres, sans qu'une déclaration constatant sa force exécutoire soit nécessaire dans l'État d'accueil. Il suffit, pour procéder à son exécution forcée, que soit présenté un certificat délivré par les autorités de l'État membre d'origine attestant du caractère exécutoire de la décision ou de l'acte.
En conséquence, une décision rendue en application de ce règlement pourrait donner lieu aux formalités de publicité foncière sur simple présentation de ce certificat.
Il devrait en aller de même s'agissant des actes authentiques, mais l'article 509-3 du Code de procédure civile prévoit que les requêtes aux fins de certification, de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire, sur le territoire de la République, des actes authentiques notariés étrangers en application du règlement n° 1215/2012 sont présentées au président de la chambre des notaires. Il semble donc plus prudent de réitérer l'acte si sa force exécutoire n'a pas été constatée par le président de la chambre des notaires.
Enfin, dans le souci de favoriser un règlement rapide d'une succession transfrontière, le règlement n° 650/2012 a mis en place un nouveau mode d'établissement de la preuve des qualités héréditaires et des pouvoirs des tiers administrateurs : le certificat successoral européen (V. supra, nos et s.). Ce certificat est destiné à être utilisé non seulement par les héritiers et les légataires, afin de prouver des éléments spécifiques tels que la qualité d'héritier ou l'attribution d'un bien déterminé, mais également par les exécuteurs testamentaires ainsi que les administrateurs de la succession afin de justifier de leurs pouvoirs. Il peut circuler d'un État membre à l'autre et est délivré par l'autorité désignée comme compétente en vertu de son droit national (soit un notaire, soit une juridiction). En France, l'autorité compétente pour émettre un certificat successoral européen est le notaire 1546926417145. Le certificat produit les mêmes effets dans tous les États membres, mais il n'est ni un titre exécutoire ni un acte authentique. Il fait foi jusqu'à preuve contraire et est présumé attester fidèlement de l'existence d'éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de tout autre élément spécifique, tel que la validité au fond des dispositions à cause de mort.
Le certificat successoral européen en provenance d'un État membre peut donner lieu aux formalités de publicité foncière sans qu'il soit nécessaire de procéder à sa réitération par un acte reçu par un notaire exerçant en France.
Certes, l'article 1, § 2 du règlement n° 1215/2012 exclut du champ d'application les inscriptions dans les registres des droits immobiliers et mobiliers et pose le principe selon lequel c'est la loi du registre qui déterminera les conditions et la manière dont l'inscription peut être effectuée. Toutefois, l'article 69, § 5 du même règlement prévoit que le certificat successoral européen constitue un document valable pour l'inscription d'un bien successoral sur un tel registre. Dans le même sens, le considérant 18 du règlement rappelle la nécessité d'une transcription directe d'une mutation immobilière dans les registres fonciers, sans procédure intermédiaire, dans toutes les hypothèses où les indications mentionnées dans le certificat successoral européen ou l'acte authentique étranger sont suffisantes.
Ce certificat devrait donc constituer un document valable pour l'accomplissement des formalités de publicité foncière. Il devrait suffire, lorsqu'un certificat en provenance d'un État membre est présenté à un notaire en France, d'établir une attestation immobilière pour procéder aux formalités de publicité foncière.
En tout état de cause, en cas de doute, le notaire exerçant en France peut toujours établir un acte de notoriété dans lequel il reprend les éléments consignés dans le certificat successoral européen et procéder, sur le fondement de son acte de notoriété, à l'accomplissement des formalités de publicité foncière.