Comment le notaire doit-il régler une succession et procéder aux formalités de publicité foncière lorsqu'un immeuble situé en France est compris dans un trust constitué à l'étranger ?
Pour répondre à cette question, il sera ici raisonné à partir de l'hypothèse d'une coïncidence de la loi du trust et de la loi successorale.
Cette coïncidence se retrouvera essentiellement dans l'hypothèse où le défunt, de nationalité étrangère, aura choisi de soumettre sa succession à sa loi nationale comme le lui permet l'article 22 du règlement n° 605/2012
1545924519998.
C'est cette loi successorale qui déterminera les pouvoirs du trustee, y compris sur l'immeuble situé en France.
L'article 23, § 2, du règlement précise en effet que la loi successorale régit :
« b) la vocation successorale des bénéficiaires, la détermination de leurs parts respectives et des charges qui peuvent leur être imposées par le défunt, ainsi que la détermination d'autres droits sur la succession, y compris les droits successoraux du conjoint ou du partenaire survivant ;
(...)
f) les pouvoirs des héritiers, des exécuteurs testamentaires et autres administrateurs de la succession, notamment en ce qui concerne la vente des biens et le paiement des créanciers, sans préjudice des pouvoirs visés à l'article 29, paragraphes 2 et 3 ».
C'est donc la loi successorale qui déterminera si le trustee a le pouvoir de vendre le bien au cas où le trust lui reconnaît ce pouvoir.
Reste la question de la reconnaissance en France des droits réels engendrés par le trust.
Le trustee aura à se prévaloir de ses prérogatives qui comprennent celle d'être propriétaire des biens mis en trust. Mais le régime de ces biens sera affecté par le trust à cause du démembrement de propriété ou d'une éventuelle inaliénabilité ou insaisissabilité de ces biens.
L'ensemble de ces questions se rapporte au régime et au contenu des droits réels, et de la publicité dont ils font l'objet qui permet d'assurer leur opposabilité aux tiers.
Or, le règlement n'interfère pas dans l'organisation des droits réels qui relève de la loi du lieu de situation de l'immeuble.
Son article 1er, § 2, énumère diverses matières qui sont exclues de son champ d'application, parmi lesquelles figurent, au point k) de cette disposition, la « nature des droits réels » et, au point l) de celle-ci, « toute inscription dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, y compris les exigences légales applicables à une telle inscription, ainsi que les effets de l'inscription ou de l'absence d'inscription de ces droits dans un registre ».
La difficulté vient de ce que le trust crée des droits réels inconnus de la loi française qui, en tant que loi de la situation de l'immeuble, régit les droits réels qui le grèvent.
L'article 31 du règlement décide : « Lorsqu'une personne fait valoir un droit réel auquel elle peut prétendre en vertu de la loi applicable à la succession et que la loi de l'État membre dans lequel le droit est invoqué ne connaît pas le droit réel en question, ce droit est, si nécessaire et dans la mesure du possible, adapté au droit réel équivalent le plus proche en vertu de la loi de cet État en tenant compte des objectifs et des intérêts poursuivis par le droit réel en question et des effets qui y sont liés ».
Ce texte invite à adapter le droit réel créé par l'institution du trust au droit réel le plus proche prévu par la loi française.
Cependant, il est immédiatement nécessaire d'ajouter que l'on ne connaît pas de droit réel prévu par la loi française auquel correspondrait le droit réel engendré par le trust.
La fiducie de l'article 2011 du Code civil s'apparente certes au trust.
Selon ce texte : « La fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ».
Or, si l'on se réfère à la définition que donne du trust la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 suivant laquelle « le terme trust vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant, lorsque les biens ont été placés sous le contrôle d'un trustee dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé », le trust et la fiducie apparaissent comme étant deux institutions similaires.
Cependant, des différences substantielles séparent les deux institutions : sous peine de nullité d'ordre public, le contrat de fiducie en droit français ne peut procéder d'une intention libérale au profit du bénéficiaire, alors que cette intention libérale est souvent de l'essence du trust ; le contrat de fiducie prend fin par le décès du constituant alors que, dans le schéma courant, le trust continue à produire ses effets bien au-delà du décès du constituant. Bien plus, et toujours dans le schéma courant, le trustee exerce les pouvoirs qu'il tient de l'acte de trust sans même penser au règlement de la succession du constituant quand celui-ci décède.
Pour autant, il ne doit pas en être déduit que le trust ne peut être accueilli en France.
Un arrêt du 12 octobre 2017 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne
1545924639431invite à considérer que cet accueil est possible.
Dans cette affaire, la Cour était saisie de la question de savoir si l'État de situation d'un immeuble objet d'un legs par « revendication » connu par le droit applicable à la succession et produisant un effet réel direct pouvait s'opposer à la reconnaissance de cet effet réel au motif que ce type de legs était inconnu de sa législation nationale.
La Cour a répondu que : « L'article 1er, paragraphe 2, sous k) et l), ainsi que l'article 31 du règlement n° 650/2012 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent au refus de la reconnaissance, par une autorité d'un État membre, des effets réels du legs "par revendication", connu par le droit applicable à la succession, pour lequel un testateur a opté conformément à l'article 22, paragraphe 1, de ce règlement, dès lors que ce refus repose sur le motif que ce legs porte sur le droit de propriété d'un immeuble situé dans cet État membre, dont la législation ne connaît pas l'institution du legs avec effet réel direct à la date d'ouverture de la succession ».