Le recul du trait de côte

Le recul du trait de côte

Les risques climatiques
– Les multiples facettes du littoral français et son attractivité. – Les espaces maritimes français s'étendent sur plus de dix millions de kilomètres carrés, dont plus de 96 % sont ultramarins. Les 20 000 kilomètres de côtes françaises (deuxième espace maritime mondial derrière les états-Unis) présentent une rare richesse paysagère et écologique. En métropole, ce sont plus de 2 800 kilomètres de littoral qui sont artificialisés et impactés par des aménagements divers. Les communes littorales représentent 4 % seulement du territoire métropolitain, mais la densité de population sur les côtes est 2,5 fois plus élevée que la moyenne hexagonale. 4,5 millions d'habitants supplémentaires sont encore attendus sur le littoral d'ici 2040 .
Le littoral français est protéiforme : plages, falaises, dunes, polders, marais côtiers, estuaires, mangroves, façades aménagées pour les loisirs balnéaires,etc.
Ces formes multiples ont pour trait commun de muter de façon naturelle au gré du temps, des aléas climatiques et des facteurs humains, puisque les espaces maritimes et littoraux connaissent une forte attractivité et une forte pression de densification, qu'il s'agisse tant d'enjeux de loisirs et balnéaires (aggravant l'équilibre délicat entre habitation principale et habitation secondaire) que d'enjeux économiques, halieutiques et industriels . Les littoraux sont en effet « les témoins vivants de notre patrimoine, de notre économie et, de plus en plus, du changement climatique qui façonne notre avenir » .
– L'évolution du littoral français : un phénomène inéluctable mais pas nouveau. – Cette évolution est variable et présente des disparités marquées selon les territoires. Le trait de côte a toujours été en mouvement. Mais une relative amnésie et l'illusion technologique des « Trente Glorieuses » ont pu faire croire que l'Homme pouvait « stabiliser » la côte .
  • plus de 20 % du trait de côte est en recul ;
  • les côtes basses sableuses évoluent davantage que les autres types de côtes : 37 % sont en recul ; un linéaire de 700 kilomètres environ.
Près d'un quart des côtes françaises seraient touchées par le phénomène d'érosion. Mais la diversité du littoral français nécessite de préciser davantage les choses, localement. Le CEREMA a mené, en 2018, des travaux sur l'indicateur national de l'érosion côtière sous l'égide du ministère de l'Environnement. Il en résulte, que :
Tous les départements français sont concernés par le phénomène, mais de façon différente : les cinq départements de la Seine-Maritime, la Charente-Maritime, la Gironde, l'Hérault, et le Gard possèdent au moins 50 % de leurs côtes en recul ; tandis que les quatre départements bretons, la Loire-Atlantique, la Corse du Sud, la Martinique et Mayotte ont moins de 10 % de valeurs en recul.
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Inexorable, la transformation du littoral conduit nécessairement à s'interroger sur la pérennité des infrastructures littorales et côtières, qu'il s'agisse d'habitations principales ou secondaires, de commerces, d'industries et d'équipements divers.
– « L'érosion côtière en France n'est pas un simple sujet de conversation locale, elle est une réalité alarmante ». – C'est ainsi que l'Association nationale des élus des littoraux (ANEL) pose le sujet, dans le dossier de presse de son 42e Congrès, en octobre 2023 à Lorient. Au niveau national, le territoire a perdu environ 30 kilomètres carrés de terres ces cinquante dernières années : l'équivalent d'environ 4 200 terrains de football. Et, comme nous l'avons précédemment mentionné, selon les projections du GIEC l'élévation du niveau de la mer pourrait atteindre un mètre d'ici 2100.
La hausse du niveau moyen de la mer n'est pas le seul problème. Le changement climatique modifiera également le régime des tempêtes, dont les séries ne cessent de nous rappeler la sensibilité de nos côtes à l'érosion, à la hauteur des vagues, au régime des précipitations, à l'acidification des océans et à la modification de la température de la surface de l'eau.
– Quelques précisions terminologiques. – Le recul du trait de côte, en raison de son caractère inexorable, est le point le plus saillant de la prise de conscience du législateur. Il convient cependant de préciser brièvement les notions fréquemment rencontrées lorsque sont évoqués les « risques littoraux » :
  • le trait de côte est la ligne de rivage qui sépare la terre de la mer. C'est une donnée essentielle pour comprendre l'évolution de notre territoire et prévoir les stratégies d'adaptation. Selon le type de côte considéré cependant, la notion se complexifie et plusieurs marqueurs sont alors utilisés pour la caractériser : la limite de végétation, le pied ou le sommet d'une falaise, un ouvrage de protection construit le long du littoral ;
  • le recul du trait de côte, ou érosion, se traduit par le déplacement de cette ligne de rivage vers l'intérieur des terres, faisant ainsi évoluer la limite entre le domaine marin et le domaine continental. On peut également lui préférer l'expression de « dynamique littorale », moins anxiogène ;
  • la submersion marine est un phénomène ponctuel, caractérisé par une inondation temporaire de la zone côtière, selon des conditions météorologiques ou marégraphiques défavorables (forte dépression, vent de mer, coefficient de marée élevé) ;
  • les avancées dunaires représentent la progression d'un front de dunes vers l'intérieur des terres, résultant d'un déplacement des sables sous l'effet des vents.
– Les différentes formes de recul du trait de côte. – Il convient de distinguer, selon la nature du littoral :
  • dans les cas de côtes basses, le recul résulte d'un déficit chronique et généralisé du bilan sédimentaire ; phénomène connu depuis l'époque gallo…
– Les différentes formes de recul du trait de côte. – Il convient de distinguer, selon la nature du littoral :
  • dans les cas de côtes basses, le recul résulte d'un déficit chronique et généralisé du bilan sédimentaire ; phénomène connu depuis l'époque gallo-romaine, évalué à deux mètres par an en moyenne (largement au-delà lors d'épisodes de tempêtes). Dans les zones de recul les plus importantes, les relevés effectués depuis 1825 laissent appara ître des déplacements jusqu'à cent cinquante mètres en cent cinquante ans ;
  • dans les cas des côtes à falaises,la situation est plus complexe : le phénomène est plus lent à s'opérer, mais il est brutal lorsqu'il se produit. De plus, les influences du continent s'ajoutent ici à celles de la mer. Deux types de recul sont à distinguer. D'une part, un recul par effondrement d'un pan de falaise, dont le pied a été attaqué par les vagues : ce recul est caractéristique des falaises calcaires. D'autre part, un recul par glissement, caractéristique des sols à nature argileuse, et pour lesquels les eaux continentales ont un impact non négligeable.
Le recul du trait de côte reste un phénomène naturel, résultant de l'action combinée des éléments (niveaux des eaux, courants, vents,etc.) sur le littoral. Le mécanisme peut toutefois être renforcé par les activités anthropiques : la surfréquentation des cordons dunaires détruit les végétations (tels les oyats, présents sur les sols sableux, et dont l'utilité est considérable puisque la plante contribue à fixer les dunes grâce à ses longues racines rhizomateuses qui s'enfoncent dans le sable), et expose ainsi à l'érosion du vent. Les activités économiques conduisant à l'édification d'ouvrages côtiers et à l'extraction de matériaux ont également leur responsabilité, puisque modifiant les échanges sédimentaires. Enfin, la tendance globale est au recul du rivage par montée des eaux. Le CEREMA considère que les zones les plus vulnérables sont les deltas (comme la Camargue), les zones estuariennes et les zones de marais et lagunaires.
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– Plan. – Le problème n'est pas mince. Les travaux menés par le CEREMA en 2018, dans le cadre de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC), révèlent que 300 kilomètres de côtes métropolitaines présentent une vitesse de recul supérieure à 50 centimètres par an, générant des risques dans les zones à enjeux. Ainsi, suivant le scénario étudié, jusqu'à 50 000 logements pourraient dispara ître sous le double effet du recul du trait de côte et l'effacement des ouvrages littoraux, pour une valeur estimée jusqu'à 8 milliards d'euros . 523 communes sont affectées. 20 % des maisons exposées au risque de submersion marine sont de plain-pied. 850 000 emplois se trouvent dans les zones exposées aux mêmes submersions. Le CEREMA a par ailleurs dévoilé le 4 avril 2024 sur le portail Géolittoral les cartes nationales de projection du recul du trait de côte à échéance 2028, ainsi qu'aux horizons 2050 et 2100. Elles sont destinées à être versés au prochain Plan national d'adaptation au changement climatique.
Il convient alors de distinguer deux aspects. Tout d'abord, il faut examiner la situation juridique de l'existant (§ I). Ensuite, il convient de préciser les mécanismes juridiques mis en place pour réduire ou éviter l'aggravation du problème (§ II).
La question de l'existant
– Plan. – Il est impossible de débuter sans évoquer le large déni de la population vivant près du littoral (A). Puis il conviendra d'examiner l'éventuelle indemnisation des biens destinés à dispara ître à l'avenir (B).
Le dispositif « trait de côte »
– Le dispositif initial. – Le sujet de l'érosion est devenu une question d'aménagement, à privilégier aux outils défensifs. La loi no 2021-1104 du 22 août 2021, dite « loi Climat et Résilience », a posé un cadre juridique nouveau, mais sélectif. Sélectif, car il ne concerne que le recul du trait de côte (et non la submersion). Sur la base de cartographies du risque, les communes sont invitées à établir les règles adaptées à leurs territoires.