Compréhension tardive et conséquences pécuniaires

Compréhension tardive et conséquences pécuniaires

– Mesures de police – versus travaux de défense. –Pour prévenir un risque de menace pour la sécurité publique, le maire peut intervenir au titre de son pouvoir de police administrative générale 0819 ou de son pouvoir de police administrative spéciale de la sécurité et de la salubrité des immeubles 0820 , plus couramment appelée « police des édifices menaçant ruine », en vue par exemple d'ordonner l'évacuation d'un immeuble ou d'interdire son accès.
La distinction des deux pouvoirs de police se fait en fonction de l'origine du danger. Les pouvoirs de police générale sont liés aux dangers extérieurs à l'immeuble, ceux de la police spéciale de la sécurité et de la salubrité aux dangers résultant de manière prépondérante d'une cause inhérente à l'immeuble. Mais, en présence d'un danger « grave et imminent » inhérent à l'immeuble, les pouvoirs de police administrative générale peuvent être employés.
C'est dans ce cadre que le maire de Biscarosse est intervenu pour prévenir le risque d'effondrement de la terrasse du « Grand hôtel » du fait de l'érosion marine. Mais le tribunal administratif de Pau a considéré que l'effondrement de la terrasse n'était susceptible d'intervenir que de manière évolutive. Il en a déduit qu'il n'y avait pas de « danger grave et imminent » justifiant une mesure de police administrative générale 0821 .
S'il appartient aux maires de prévenir les risques d'accident, une jurisprudence classique précise qu'il ne leur revient pas, de même qu'à l'état, d'effectuer des travaux visant à protéger les propriétés riveraines du domaine public maritime naturel 0822 . De tels travaux de défense incombent aux riverains 0823 . Et si la réalisation d'une digue à la mer est décidée, elle doit être financièrement « supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux » (L. 16 sept. 1807, relative au dessèchement des marais, art. 33).
– N'est pas « risque naturel majeur » qui veut. – Pour le risque de submersion marine, des mesures d'indemnisation sont disponibles au titre du « fonds Barnier » mentionné précédemment. Celui-ci permet, aussi, de soutenir des mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés aux risques naturels majeurs. Il peut être mobilisé par les collectivités territoriales, les entreprises, les particuliers, les établissements publics fonciers et les services de l'état afin de garantir la préservation des vies humaines et de mettre en place des démarches de prévention des dommages. à ce titre, il peut contribuer au financement des travaux, à hauteur de 80 % pour les biens à usage d'habitation, dans la limite de 50 % de leur valeur vénale, mais avec un plafond de 36 000 €.
En revanche, aucune mesure n'existe pour le risque d'érosion. Comme précédemment pour le « CatNat », la différence légale est justifiée par le caractère prévisible du risque.
– N'est pas « Signal » qui le souhaite. – La législation déjà évoquée (V. supra, n°) a fait que les propriétaires de l'immeuble « Le Signal » n'ont pu se prévaloir du « fonds Barnier ». Les soixante-quinze propriétaires ont néanmoins été indemnisés – en 2021, sept ans après leur évacuation de l'immeuble – à 70 % de la valeur de leur logement.
Ceci a été rendu possible par une loi d'espèce. En mai 2018, le Sénat a adopté, à la quasi-unanimité, la proposition de la sénatrice de la Gironde, Françoise Cartron, d'indemniser les propriétaires du « Signal » via le « fonds Barnier ». Puis les députés, dans le cadre de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 (!), ont validé le principe d'une somme de 7 millions d'euros pour l'indemnisation desdits propriétaires. En 2020 a lieu la signature d'un protocole d'accord entre la commune, l'intercommunalité et l'état, qui permet à la municipalité d'acquérir l'immeuble en vue de sa démolition. Cette dernière est intervenue en février 2023. Le site a désormais vocation à être renaturé et replanté.
Mais, pour les pouvoirs publics, il doit s'agir d'une indemnisation ad hoc. Le législateur n'affiche aucune volonté d'intervenir – c'est une litote – pour chaque immeuble menacé, nonobstant le poids de la « politique du précédent ».
– La recherche d'une indemnisation uniforme et pérenne. – Des solutions de financement sont à l'étude 0843 . C'est, avec la révision de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC), l'une des priorités du Comité national du trait de côte (CNTC), créé en mars 2023. Ce dernier réunit cinquante-six membres (experts, élus, services de l'état, associations, acteurs économiques et sociaux, etc.). Le comité dispose d'un an pour anticiper l'avenir à l'horizon 2050, et proposer, relativement au financement, une solution dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Le remède à apporter nécessite au préalable de définir précisément les besoins.
Le rapport complet n'a pas encore été remis au moment de l'écriture de ces lignes. Toutefois, la députée en charge – Panonacle – en a dévoilé les premiers éléments. Elle conclut à un besoin de financement, en 2050, pour 5 200 logements (dont 2 000 résidences secondaires), d'une valeur de 1,1 milliard d'euros, outre 200 bâtiments publics et 1 400 locaux d'activité.
Trois modalités de financements seraient envisagées :
  • pour les logements particuliers : un accompagnement des communes par l'état, qui traiteraient ensuite avec les propriétaires via les outils du « dispositif trait de côte ». Début 2022, Panonacle avait proposé la création d'un fonds érosion côtière, alimenté par une taxe prélevée sur les droits de mutation à titre onéreux. Cette dernière proposition est sujette à critique, en ce qu'elle constitue finalement un appel à la solidarité nationale ;
  • pour la consolidation ou la construction des ouvrages défensifs : la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), qui est une taxe facultative levée par les EPCI à fiscalité propre, pourrait être sollicitée. Mais son faible montant (40 € maximum) ne suffira pas ;
  • pour la stratégie de repli : le budget de l'état, mais aussi des départements et des régions pourrait être sollicité, ainsi que différentes taxes, notamment sur l'éolien en mer ou la taxe de séjour.
Tandis que le modèle de financement se cherche encore, le législateur a pu apporter une première réponse au travers d'un dispositif juridique et technique, par l'insertion de nouvelles dispositions au sein du Code de l'urbanisme et du Code de l'environnement.

Responsabilité pour la délivrance du permis de construire ?

La commune qui délivre des permis de construire en zone inondable peut engager sa responsabilité
– même si la jurisprudence ne répare alors que les préjudices en lien direct et certain avec la
délivrance de l'autorisation d'urbanisme illégale
<sup class="note" data-contentnote=" CE, 7 mars 2011, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; 337563,
&lt;em&gt;S&lt;sup&gt;té&lt;/sup&gt; Sun Valley
&lt;/em&gt;
.
">0844</sup>
. En pratique, le juge administratif examine l'état des connaissances que pouvait avoir
l'administration au moment de la délivrance. On peut citer quelques jurisprudences, dans des
situations similaires au « Signal » (avec une délivrance du permis par le préfet). Ainsi, la
responsabilité a été écartée dans une affaire où la direction départementale de l'équipement (DDE)
ignorait que le terrain avait été précédemment reconnu en état de catastrophe naturelle
<sup class="note" data-contentnote=" CAA Douai, 8 nov. 2006, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; 06DA00077,
&lt;em&gt;M. et M&lt;sup&gt;me&lt;/sup&gt; Gilles X
&lt;/em&gt;
.
">0845</sup>
. Inversement, responsabilité engagée car la DDE n'avait pas tenu compte du caractère inondable de
la zone, alors que le maire lui avait signalé
<sup class="note" data-contentnote=" CAA Bordeaux, 8 avr. 1993, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; 91BX00268, &lt;em&gt;Desfougères&lt;/em&gt;.
">0846</sup>
.

Est particulièrement éclairante la jurisprudence relative à la catastrophe de la Faute-sur-Mer,
précédemment évoquée, lors de la tempête Xynthia
<sup class="note" data-contentnote=" CAA Nantes, 19 juill. 2019, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; 18NT01529.
">0847</sup>
. Dans cette affaire, la requête souligne que la commune avait jadis connu des épisodes de
submersion marine, notamment, en mars 1928, en novembre 1940, en février 1941, ainsi qu'en octobre
et novembre 1960. Mais, pour les juges, ces données ne sont pas suffisantes pour établir que la
délivrance en 1975 du permis de construire en cause était entachée d'une erreur manifeste
d'appréciation. Pour eux, le point critique est la révélation du caractère insuffisant de la «
digue Est », ce qui est révélé par un diagnostic spécifique – mais en 2006 seulement. Dès lors,
aucune responsabilité n'est retenue au titre de l'instruction du permis.

Dans cette espèce, une responsabilité de l'administration est néanmoins bien retenue. Mais le
motif est autre. En effet, aucun PPRI n'était en vigueur au moment où frappe la tempête, alors que
la DDE avait déjà établi un atlas des zones potentiellement inondables huit ans auparavant. C'est
donc la responsabilité pour faute dans l'établissement du PPRI qui est retenue : le risque était
mal évalué, les mesures appliquées par anticipation étaient insuffisantes, et surtout la
municipalité avait agi en obstruction de l'adoption du plan (l'affaire s'est d'ailleurs doublée
d'un large volet pénal contre les édiles).