Les donations d'actifs numériques

Les donations d'actifs numériques

Transmissions entre vifs des actifs numériques
Avant d'aborder la pratique juridique et fiscale des donations, il convient de revenir sur les modalités de détention et de transfert des actifs numériques.
Cet aspect technique a été abordé dans la première partie de la présente commission V. supra, Commission 2, Partie I, nos et s., Chapitre « Le fonctionnement technique ». , mais il est utile d'en reprendre certaines spécificités pour comprendre comment la remise de ces actifs s'effectue concrètement entre le donateur et le donataire.
En matière de cryptomonnaies, le système repose sur un couple : clé privée-clé publique.
La clé privée est une signature alphanumérique secrète, soit un chiffre de 256 bits auquel personne d'autre que le titulaire n'est censé avoir accès.
Elle est encodée de façon à en condenser l'écriture sur cinquante et un caractères Exemple de clé privée : 5Jd4kDBTJnDmQwLv94gjWheWwsrvmRMGfLj438BBLdRtw4axSAy. et peut être représentée sous forme de QR code.
Cette clé est générée de manière aléatoire au moment de l'acquisition d'un portefeuille de cryptomonnaies.
Elle n'intervient pas dans la transaction, elle est le sésame qui donne accès à son portefeuille (wallet).
Une clé privée sert uniquement à prouver que vous êtes le détenteur d'une certaine adresse de cryptomonnaies. Celui qui a le contrôle d'une clé privée a tous les pouvoirs sur les transactions et les dépenses liées aux fonds sur cette adresse.
À partir de la clé privée, une deuxième signature est déduite, appelée clé publique.
Cette clé publique peut toujours être calculée en partant de la clé privée, tandis que l'inverse est impossible, d'où l'appellation de « cryptographie à clés asymétriques ».
La clé publique fait enfin l'objet d'opérations successives de « hachage » dont le résultat, toujours compris entre vingt-sept et trente-quatre caractères Exemple de clé publique : 1BFW79d584dt2RXDBTsqBjnYeLWtgRjVhk. , constitue une « adresse ».
Ces clés sont les vecteurs des unités des différentes cryptomonnaies.
Celles que l'on génère sur son ordinateur ne sont au départ que des coquilles vides auxquelles ne correspond aucune cryptomonnaie.
Pour détenir des cryptomonnaies, il faudra communiquer son adresse à la personne dont on attend un versement. Celle-ci initiera le transfert en signant, à l'aide de sa clé privée, et la personne qui va les recevoir accepte ce transfert avec sa propre clé privée.
C'est parce qu'il sera seul à disposer de cette clé privée, et donc à pouvoir utiliser les cryptomonnaies, que le destinataire en sera devenu « titulaire ».
En réalité aucune cryptomonnaie n'est en fait détenue. Dans le portefeuille ne figurent que des clés auxquelles les membres d'un réseau décentralisé reconnaissent le pouvoir d'associer un nombre donné d'unités.
Rappelons que ces clés peuvent être détenues de deux manières :
  • soit une détention indirecte, par le biais de plateformes de détention et de gestion de cryptomonnaies qui détiennent les comptes de cryptomonnaies de leurs clients. L'accès aux comptes se fait alors sur internet comme on le fait pour une banque classique avec un mot de passe. C'est donc l'intermédiaire qui détient la clé privée. Ce mode de détention est risqué car ces plateformes peuvent être piratées ou faire faillite. Selon le rapport Landau, le montant des pertes enregistrées suite aux piratages atteignait, au 30 juin 2018, la somme colossale de 1,2 milliard de dollars ;
  • soit une détention directe, par le biais de deux types de portefeuilles :
En matière de jetons, une fois émis sur une blockchain, lorsqu'une ICO Initial Coin Offering, V. supra, nos et s. est réalisée avec succès, les modalités de détention et de transmission sont similaires à celles des cryptomonnaies.
Le jeton n'a pas d'existence matérielle. C'est une suite de caractères inscrits sur un portefeuille qui déterminera le nombre de jetons que possède le titulaire.
Le transfert s'effectuera vers un autre portefeuille au moyen du couple clé privée-clé publique.
Cet aspect technique rappelé, il convient de souligner que les donations d'actifs numériques sont soumises aux règles de droit commun. Cette confrontation de la règle de droit à la donation d'actifs numériques présente toutefois des spécificités tant sur le plan civil (Sous-section I) que fiscal (Sous-section II) .
Spécificités civiles de la donation d'actifs numériques
La donation d'actifs numériques n'est pas sans susciter des difficultés liées à la détermination de l'objet de la donation, d'une part, et aux modalités de transmission, d'autre part. À l'objet de la donation d'abord, parce qu'il conviendra de définir si la donation porte sur l'actif numérique seulement ou également sur son support (§ I) .
Spécificités fiscales de la donation d'actifs numériques
La fiscalité applicable à la donation d'actifs numériques ne sera guère différente de celle applicable aux libéralités portant sur d'autres types d'actifs.
Les solutions à privilégier pour la donation d'actifs numériques
Les libéralités d'actifs numériques sont soumises aux mêmes règles de réduction et de rapport que celles portant sur des actifs traditionnels. Il convient donc de les confronter aux règles du Code civil à l'ouverture de la succession pour pouvoir en maîtriser au mieux les conséquences dans le cas de transmissions à titre gratuit.