Le logement locatif intermédiaire

Le logement locatif intermédiaire

Attirer les investisseurs institutionnels : intérêts et limites des fonds
– Historique. – La notion de logement intermédiaire a été créée en 2014 pour permettre un nouvel accès à des logements à loyers réglementés inférieurs aux prix du marché libre, abordables dans les zones tendues aux classes moyennes n’ayant pas accès au parc social. L’initiative a été portée par André Yché, alors président du directoire de CDC Habitat (SNI à l’époque), et Cécile Duflot, alors ministre du Logement. Il en est résulté un régime fiscal et une définition juridique des logements intermédiaires, codifiés à l’article L. 302-16 du Code de la construction et de l’habitation.
– Ambition. – Benoist Apparu, alors président du directoire de la société In’li, la filiale dédiée au logement intermédiaire d’Action Logement, le rappelle : « Ce qui doit dicter le choix de produire, ou non, du logement intermédiaire c’est le différentiel entre le montant des loyers du marché privé et celui du social ». Les logements locatifs intermédiaires sont une offre de logements locatifs se situant entre les logements locatifs sociaux et les logements locatifs libres, ciblant les ménages « coincés » entre des logements libres trop chers et des logements locatifs sociaux auxquels ils n’ont pas accès du fait de revenus supérieurs aux seuils sociaux même les plus élevés (PLS).

Le logement locatif intermédiaire : un réel besoin

Le logement locatif intermédiaire correspond à un besoin réel. En témoignent :
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– Un besoin d’investisseurs. – L’objectif des pouvoirs publics a été de faire revenir les investisseurs institutionnels (banques, assureurs, fonds de retraite, fonds d’investissement, foncière) sur le secteur résidentiel. En effet, au début des années 1990, ces investisseurs institutionnels étaient fortement présents sur le secteur résidentiel : les banques et assureurs détenaient près d’un million de logements contre moins de 100 000 en 2020. Le début des années 2000 a été marqué par une envolée des prix de l’immobilier résidentiel, qui a eu un double effet pervers du fait d’une augmentation des loyers moins élevée : baisse de la rentabilité locative mais fortes plus-values. Les investisseurs ont donc massivement cédé leur parc de logements en réorientant leurs investissements vers des produits immobiliers plus rentables (commerce, bureau, logistique). Le stock de logements locatifs intermédiaires en Île-de-France peut être estimé à 200 000 unités fin 2020, soit 4 % du parc de logements régional. Le dispositif Pinel représente 25 % de ces logements intermédiaires avec 50 000 unités. In’li en possède 30 000, CDC Habitat 26 000, et Paris Habitat 10 000. Le reste est la propriété de différents autres bailleurs sociaux.

Le parc locatif privé, théâtre de la fuite des investisseurs institutionnels

Selon le rapport précité de l’IGF et du CGEDD, le parc détenu par les investisseurs institutionnels regroupait près de 1,2 million de logements en 1984, soit 18 % du parc locatif privé. Il est en diminution constante depuis les années 1980 avec une accélération à compter du début des années 1990. En 1992, ces investisseurs détenaient encore 10 % du parc résidentiel français. Cette proportion a encore reculé pour s’établir à 6 % en 2002. En 2019 on ne compte plus que 199 000 logements, soit 2,8 % de l’ensemble du parc locatif privé. Au 31 décembre 2019, l’immobilier ne représentait que 6,3 % en valeur des actifs détenus par ces personnes morales, là où la part des valeurs mobilières s’établissait à près de 85 %. À la même date, le poids du résidentiel atteignait à peine 1 %, soit environ 22 Md€ du total de leurs actifs (15 % des actifs immobiliers).
Ce retrait des institutionnels, que cherche à compenser le régime LLI, a été contrebalancé par une part importante des particuliers bénéficiant de nombreuses incitations fiscales (depuis le « Périssol », en passant par le « Robien », jusqu’au « Pinel-Cosse-Denormandie »).
Pour 1 million de logements en moins détenus par les institutionnels, il y en a 1 800 000 de plus détenus par les particuliers, sur une période de trente-cinq ans. Le parc locatif a augmenté de près de 3 millions de logements, passant de 9,8 à 12,8 millions d’unités, sous l’effet notamment d’une forte croissance du parc social, qui a engrangé 2 millions de logements supplémentaires, passant de 3,3 à 5,3 millions d’unités, sur la même période.
– Enjeux financiers et levier fiscal. – Les enjeux financiers sont colossaux, d’où l’idée d’attirer des investisseurs nombreux et de mettre en place une ingénierie financière importante. De tels investissements ne sont en effet possibles qu’en faisant appel à toutes les couches d’investissements financiers : fonds propres, financements bancaires, émissions obligataires, etc. Par ailleurs, créer l’offre locative recherchée supposait de trouver des propriétaires acceptant de louer moins cher. Il est apparu que cela ne serait possible qu’en utilisant un levier de nature fiscale, qui a été déployé tant auprès des investisseurs particuliers qu’en direction des investisseurs institutionnels.
– Le régime fiscal des particuliers est celui de dispositifs de défiscalisation déjà évoqués. Une réduction d’impôt sur le revenu, dite « Duflot », a remplacé le dispositif dit « Scellier » qui a pris fin, sauf exceptions, le 31 décembre 2012. Ce dispositif a rapidement été renforcé par l’article 5 de la loi de finances pour 2015 et renommé « Pinel », pour les investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014. Nous renvoyons le lecteur aux développements qui précèdent, précisant que les plafonds de ressources des locataires et les plafonds de loyers des logements sont rigoureusement identiques entre ce dispositif et le régime LLI institutionnel.
Nous aborderons donc ici le régime des investisseurs institutionnels en logements locatifs intermédiaires (LLI) (Section I) avant de tirer un bilan qui mettra en lumière certains pièges du dispositif ainsi déployé (Section II).
Le régime applicable aux institutionnels
– TVA au taux réduit et exonération TFPB. – Le régime fiscal spécifique au logement intermédiaire prévoit l’application d’un taux de TVA de 10 % (CGI, art. 279-0 bis A) et une exonération de taxe foncière des opérations de construction de logements intermédiaires pour une durée maximale de vingt ans (CGI, art. 1384-0 A).
Les pièges du régime
Bien que très favorable aux investisseurs institutionnels, le régime des logements locatifs intermédiaires (LLI) s’avère « piégeux » ; il mériterait quelques correctifs.