Une procédure hybride : la consultation du public

Une procédure hybride : la consultation du public

Cette nouvelle procédure de consultation du public ressemble à l'enquête publique environnementale, tout en étant organisée de manière anticipée et partiellement dématérialisée.
– Champ d'application de la consultation du public. – Elle concerne les projets qui nécessitent une autorisation environnementale avec enquête publique, laquelle prend alors la forme de cette nouvelle consultation.
Si par ailleurs l'instruction d'une demande d'autorisation d'urbanisme nécessite la mise en œuvre d'une enquête publique, d'une participation du public par voie électronique ou d'une participation du public hors procédure particulière, et qu'elle n'a pas encore été réalisée, la consultation de l'article L. 181-10-1 du Code de l'environnement en tient lieu. Si toutefois une autre décision relative à ce projet nécessite une enquête publique, dans ce cas une enquête publique unique sera réalisée.
– Procédure de la consultation du public. – Elle résulte de l'article L. 181-10-1 du Code de l'environnement.
Comme pour une enquête publique, la consultation se déroule sous l'égide d'un commissaire-enquêteur ou d'une commission d'enquête désigné par le tribunal administratif selon l'importance du projet, et qui devra rédiger un rapport et des conclusions motivées.
Comme pour la participation du public par voie électronique, le dossier est consultable en ligne et le public fait ses observations et émet ses propositions sur internet.
L'innovation majeure de la nouvelle formule réside dans sa temporalité. Au lieu des trois phases habituelles de l'enquête publique (instruction, consultation, décision), nous n'avons ici que deux phases (instruction et consultation, décision). Le commissaire-enquêteur est nommé dès le dépôt de la demande d'autorisation environnementale et doit ouvrir la consultation du public qui sera menée en même temps que l'instruction du dossier. L'étude d'impact, lorsqu'elle est requise, doit être produite dès l'ouverture de la consultation ; en revanche, les avis des services et des personnes publiques consultés, et notamment celui de l'autorité environnementale, seront mis à disposition au fil de l'eau. Pour pouvoir mener ces deux phases conjointement, le délai a été porté à trois mois (au lieu des trente jours habituels de l'enquête publique), majoré d'un mois lorsque l'avis de l'autorité environnementale est requis. À l'inverse, le délai dont dispose le commissaire-enquêteur pour rédiger son rapport et ses conclusions motivées est plus court et passe de trois semaines à trente jours.
L'autre innovation réside dans la tenue obligatoire de deux réunions : une dans les quinze jours de l'ouverture de la consultation, puis une autre quinze jours avant sa clôture. Alors que pour les enquêtes publiques, la tenue de réunion(s) n'a pas de caractère obligatoire et relève de l'appréciation du commissaire-enquêteur.
Enfin, et alors qu'habituellement, le porteur de projet n'est amené à répondre aux observations du public qu'à la clôture de l'enquête, au moment où le commissaire-enquêteur prépare son rapport et ses conclusions, les réponses du porteur de projet alimentent le dossier au fur et à mesure de la consultation. Il est ainsi amené à répondre, au fil de l'eau, aux différents éléments qui sont portés à sa connaissance : avis des personnes publiques consultées, avis des services instructeurs, avis de l'autorité environnementale, observations du public…
– Analyse critique de la consultation du public. – En réduisant le périmètre de la participation du public par voie électronique, la loi Industrie verte a permis de mettre un terme au risque de voir se développer un contentieux autour de l'appréciation par le préfet de l'impact environnemental d'un projet et de ses enjeux socio-économiques, en vertu de laquelle il choisissait de mettre en œuvre soit une enquête publique classique, soit une participation du public par voie électronique. En effet, l'article 44 de la loi ASAP avait concentré entre les mains du préfet ce pouvoir et celui de déroger à l'application uniforme de normes réglementaires afin « d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques ». Ainsi deux procédés étaient réunis entre les mains d'une même autorité, constituant un « cocktail explosif ».
La nouvelle consultation du public répond également à la critique, fréquemment formulée à l'encontre des enquêtes, d'intervenir à un moment tardif où « tout est joué ». Le public doit en effet être mis en mesure de participer au processus décisionnel en matière d'environnement dès le début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles. En cela, la consultation issue de la loi Industrie verte semble répondre aux exigences de la Convention d'Aarhus et des directives européennes, et se rapproche d'une concertation qui intervient en phase amont.
Si le public peut faire valoir son avis à un stade plus précoce de la procédure et, partant, influer sur la décision, on peut toutefois s'interroger sur le caractère réellement éclairé de son appréciation à un stade où il sera privé, en tout cas au début de la consultation et lors la première réunion, de l'avis de l'autorité environnementale qui s'avère être un avis extérieur précieux pour comprendre les incidences sur l'environnement et les enjeux d'un projet.

Propos conclusifs sur la participation du public

Une enquête publique incite les maîtres d'ouvrage à rendre les impacts négatifs de leurs projets plus acceptables tant juridiquement que socialement. Elle permet également d'éclairer l'autorité compétente dans sa décision.

La procédure des enquêtes publiques gagnerait en lisibilité par la fusion des différents régimes et notamment en soumettant l'enquête publique préalable à déclaration d'utilité publique au régime de l'enquête dite « Bouchardeau ». On peut en effet relever que le législateur tend à rapprocher les deux procédures par petites touches, sans aller jusqu'au bout de la démarche.

On peut également s'interroger sur l'intérêt, pour le législateur, d'avoir créé une nouvelle procédure (la consultation du public de l'article L. 181-10-1 issu de la loi Industrie verte) plutôt que de faire évoluer l'enquête publique environnementale dont elle se rapproche et qui, elle, est connue tant des opérateurs que des services instructeurs. À chaque problème ou objectif politique, une loi… le droit de la participation du public n'échappe pas à la règle.

Les porteurs de projet sont aujourd'hui confrontés à un maquis de textes et de procédures qui ne fait que favoriser l'appréhension de cette phase comme une contrainte, alors qu'elle devrait être intégrée à la construction du projet. Une fusion des différents régimes leur permettrait de gagner en lisibilité et, partant, en sécurité juridique.

La matière gagnerait également en simplification si le droit des enquêtes publiques passait du « mode procédures » au « mode projet », à l'instar de l'évaluation environnementale que nous étudierons ultérieurement.

Sa sécurisation juridique nécessiterait par ailleurs de faire peser la responsabilité de déterminer le type de participation applicable non pas sur le porteur de projet, mais sur l'autorité environnementale.

À l'instar de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023, qui instaure une consultation du public à une phase précoce du projet, ne pourrait-on pas imaginer de fusionner les phases amont et aval de la participation du public ?

Elle ne doit plus apparaître, aux yeux des maîtres d'ouvrage, comme une lourdeur administrative inutile et, pour le public, comme un temps vide qui permet de cacher sous les habits de la démocratie participative un projet déjà ficelé. La difficulté à mobiliser le public sur la durée est souvent mise en avant pour justifier le recours à des formes allégées de participation.

Les difficultés essentielles de la participation du public résident dans la temporalité : faire rapide pour répondre aux vœux des porteurs de projet tout en tenant compte des nécessités du changement climatique et même des souhaits du public, permettre à ce dernier d'intervenir à un moment où il est encore possible de peser sur le projet, tout en permettant au public et à l'autorité décisionnaire de bénéficier d'une information éclairée et d'émettre des observations.

Mais, au-delà du problème du temps, se pose la question des moyens. Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi Industrie verte, l'a bien mis en exergue dans les termes suivants : « le séquençage actuel des phases d'examen, de consultation puis de décision pour l'instruction des demandes d'autorisation environnementale n'est que partiellement et indirectement à l'origine des délais excessifs de traitement de ces demandes et que, par suite, des réformes de procédure ne suffiront pas à accélérer la délivrance des autorisations environnementales si des mesures d'accompagnement ne sont pas prévues, tant pour parvenir à une amélioration de la qualité des dossiers de demande d'autorisation que pour assurer la mise à disposition des services instructeurs de moyens adaptés ».