– Plan. – Le respect des exigences relatives à la performance énergétique et environnementale est garanti par un régime de contrôle basé sur un système d'attestations (I) et par de lourdes sanctions dont les notaires ont souvent pas ou peu conscience (II).
Respect des exigences relatives à la performance énergétique et environnementale
Respect des exigences relatives à la performance énergétique et environnementale
Le contrôle du respect des exigences relatives à la performance énergétique et environnementale – les attestations
– Instauration d'un contrôle en amont et en aval des projets. – L'ordonnance no 2022-1076 du 29 juillet 2022 visant à renforcer le contrôle des règles de construction modifie la section 3 du chapitre II « Procédures administratives » du titre II du livre 1er du Code de la construction et de l'habitation, laquelle comprend depuis le 1er janvier 2024 une sous-section 1 intitulée « Attestations délivrées au moment du dépôt de demande de permis de construire », une sous-section 2 intitulée « Attestations délivrées à l'achèvement des travaux », et une sous-section 3 concernant les dispositions communes.
– Attestations à fournir lors du dépôt de demande de permis de construire
. – Depuis le 1er janvier 2024, différentes attestations sont à fournir par le maître d'ouvrage, en fonction des cas, lors du dépôt du dossier de demande de permis de construire. Parmi les documents à remettre au moment du dépôt du dossier de demande de permis de construire est notamment prévu un document attestant du respect, au stade de la conception, des exigences énergétiques et environnementales mentionnées au titre VII du Code de la construction et de l'habitation.
– Attestations à fournir lors de l'achèvement des travaux
. – Depuis le 1er janvier 2024, différentes attestations sont à fournir par le maître d'ouvrage en fonction des cas à l'achèvement des travaux. Notamment à l'achèvement des travaux de construction des bâtiments soumis à permis de construire et des travaux de rénovation de bâtiments existants soumis à permis de construire, le maître d'ouvrage fournit à l'autorité qui a délivré l'autorisation un document attestant du respect des règles de construction en matière de performance énergétique et environnementale prévues au titre VII du livre 1er du Code de la construction et de l'habitation.
Ces différentes attestations sont établies, selon les catégories de bâtiments, suivant les modalités prévues à l'article L. 122-12 dudit code.
– Dispositions communes aux attestations susvisées. – Les attestations sont transmises par le maître d'ouvrage à un service de l'État ou à un organisme désigné par décret en Conseil d'État.
Le décret no 2023-1175 du 12 décembre 2023 relatif aux documents attestant du respect des règles concernant l'acoustique, l'accessibilité et la performance énergétique et environnementale a défini les modalités d'application desdites attestations en déterminant notamment le contenu et les modalités de réalisation.
Le décret précise que les attestations requises à l'achèvement des travaux pour des constructions dont la demande d'autorisation d'urbanisme a été déposée avant le 1er janvier 2024 et dont la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux est déposée avant le 1er janvier 2025 peuvent être réalisées selon les dispositions préexistantes au présent décret.
Le décret no 2023-1143 du 6 décembre 2023 définit les conditions d'agrément des bureaux d'études pour la délivrance des attestations relatives au respect des règles de construction.
Les sanctions du non-respect de la réglementation relative à la performance énergétique et environnementale codifiée dans le Code de la construction et de l'habitation
– La méconnaissance des obligations concernant la performance énergétique du bâti existant ou neuf expose à de lourdes sanctions méconnues des notaires. – À titre liminaire, rappelons qu'au regard de l'architecture du Code de la construction et de l'habitation (cf. art. L. 112-1 à L. 112-13), tout projet de construction ou de rénovation de bâtiment doit respecter les objectifs généraux notamment du titre VII. Lorsque des résultats minimaux sont fixés par voie réglementaire, ils doivent être atteints. La méconnaissance de ces obligations expose aux sanctions prévues au titre VIII dudit code. L'ordonnance no 2022-1076 du 29 juillet 2022 a été prise en vue d'améliorer l'efficacité du contrôle des règles de construction conformément à l'article 173 de la loi Climat et Résilience.
– L'existence de contrôles administratifs. – L'ordonnance susmentionnée a également modifié la section 1 du chapitre 1er du titre VIII portant sur le contrôle et les sanctions.
Concernant le droit de visite, le préfet et l'autorité compétente, ainsi que les fonctionnaires et agents habilités ou commissionnés peuvent visiter les bâtiments soumis aux dispositions du Code de la construction et de l'habitation afin de procéder au contrôle du respect de ces dispositions. Ils peuvent se faire communiquer et prendre copie de tous documents techniques se rapportant à la construction, à la rénovation ou à la démolition des bâtiments. Ce droit de visite peut s'exercer jusqu'à six ans après l'achèvement des travaux.
S'agissant spécifiquement des domiciles et des locaux à usage d'habitation, ils ne peuvent être visités qu'en présence de leur occupant et avec son assentiment. Lorsque l'accès à un domicile ou un local comprenant des parties à usage d'habitation est refusé ou que la personne ayant qualité pour autoriser l'accès à un tel domicile ne peut être atteinte, les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou locaux à visiter.
Concernant les sanctions administratives, lorsqu'à l'occasion d'un contrôle un manquement est constaté notamment par les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, y compris les propriétaires et les copropriétaires d'immeubles collectifs à usage d'habitation aux obligations fixées notamment à l'article L. 171-4 du Code de la construction et de l'habitation, le fonctionnaire ou l'agent public chargé du contrôle en fait le rapport à l'autorité administrative compétente. Il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative dans un délai qu'elle détermine et qui ne peut être inférieur à un mois.
Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées en application de l'article L. 183-4 du Code de la construction et de l'habitation, l'autorité administrative compétente met en demeure de se conformer à la réglementation dans un délai qu'elle détermine. Elle peut, par le même acte, ou par un acte distinct, suspendre les travaux de construction, de rénovation ou de démolition jusqu'à ce que la situation de l'intéressé ait été régularisée, à moins que des motifs d'intérêt général ne s'y opposent.
– L'existence de sanctions pénales. – L'ordonnance du 29 juillet 2022 a également modifié le chapitre III portant sur la recherche et les constatations des infractions et sanctions pénales applicables.
En cas de continuation des travaux nonobstant la décision judiciaire ou l'arrêté en ordonnant l'interruption, les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 183-4 du Code de la construction et de l'habitation encourent un emprisonnement de trois mois et une amende de 45 000 €.
De même, est puni d'une amende de 45 000 € le fait pour les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l'exécution de travaux, de méconnaître les obligations imposées notamment par le premier alinéa des articles L. 171-1 et L. 172-1 par les dispositions réglementaires prises pour leur application. En cas de récidive, une peine d'emprisonnement de six mois peut en outre être prononcée.
En sus, des règles du Code de la construction et de l'habitation, la construction projetée devra également respecter le Code de l'urbanisme.
Cette réforme du régime de contrôle des constructions initiée le 29 juillet 2022 par ladite ordonnance est entrée en vigueur le 1er janvier 2024.
– Efficience de cette réglementation. Quelques mots sur la garantie décennale. – Il convient de s'interroger sur la capacité de l'administration à assurer ce contrôle.
À cet égard, le texte sur la garantie décennale en matière de performance énergétique est éclairant. L'article L. 123-2 du Code de la construction et de l'habitation dispose en effet : « En matière de performance énergétique, l'impropriété à la destination, mentionnée à l'article 1792 du code civil, ne peut être retenue qu'en cas de dommages résultant d'un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs ou de l'un de ses éléments d'équipement conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant ».
Cet article encadre la notion d' « impropriété à la destination » conditionnant l'application de la garantie décennale (cf. C. civ., art. 1792) en matière de performance énergétique.
L'entrée en vigueur de la réglementation thermique dite « RT 2012 » (désormais remplacée par la « RE 2020 ») a considérablement augmenté les exigences imposées aux constructeurs en matière de performance énergétique. Les conséquences de cette augmentation des contraintes sur l'application du régime de la responsabilité décennale ont suscité des questionnements, notamment quant à l'appréciation par les juges du critère de l'impropriété à la destination en présence d'un défaut de performance énergétique (tout déficit de production énergétique ou toute surconsommation conduit-elle à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ?).
Maintenir en l'état le régime de la responsabilité décennale présentait le risque que les juges qualifient toute surconsommation énergétique comme incompatible avec la destination de l'ouvrage, en se fondant sur la destination qui aura été convenue par les parties et qui intègre la performance énergétique. Les constructeurs et assureurs craignaient ainsi un contentieux foisonnant, générateur de solutions incertaines, et des dysfonctionnements assurantiels.
Un rapport rendu dans le cadre d'un Plan Bâtiment durable sur le thème de la performance énergétique proposait ainsi d'introduire des articles dans le Code de la construction et de l'habitation afin d'encadrer le recours à la responsabilité décennale en la matière.
Le sujet a fait l'objet de plusieurs amendements présentés dans le cadre du vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
A été soutenu l'amendement no 1473 proposant de compléter l'article L. 111-13 du Code de la construction et de l'habitation par un alinéa disposant qu'« En matière de performance énergétique, l'impropriété à la destination, mentionnée à l'article 1792 du code civil reproduit au présent article, ne peut être retenue sauf en cas de défauts avérés liés aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l'ouvrage ou de l'un de ses éléments constitutifs ou éléments d'équipement, conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant pas l'utilisation de l'ouvrage à un coût raisonnable ».
Cet amendement avait pour objectif notamment de protéger les consommateurs « en explicitant le fait qu'une consommation énergétique excessive peut donner lieu à l'examen de la mobilisation de la garantie décennale dès lors que toutes les conditions d'usage et d'entretien à sa charge sont raisonnables » et en donnant « des gages aux assureurs en écartant les abus de contentieux basés sur une simple surconsommation énergétique non liés à des défauts du bâti ».
Celui-ci a été adopté quasiment en l'état par le législateur dans le cadre de la loi no 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui a introduit l'article L. 111-13-1 (ancien) du Code de la construction et de l'habitation, aux termes duquel : « En matière de performance énergétique, l'impropriété à la destination, mentionnée à l'article L. 111-13, ne peut être retenue qu'en cas de dommages résultant d'un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs ou de l'un de ses éléments d'équipement conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant ».
Cet article, qui s'ajoute aux dispositions relatives à la responsabilité décennale, encadre par un certain nombre de conditions la mise en jeu de la garantie décennale pour impropriété à la destination en matière de performance énergétique.
Celui-ci a été déplacé à l'article L. 123-2 du même code à l'occasion de l'ordonnance no 2020-71 du 29 janvier 2020, dite « loi ESSOC II », relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du Code de la construction et de l'habitation. Les termes de l'ancien article L. 111-13-1 et de l'article L. 123-2 nouveau sont identiques, à l'exception d'une modification de forme liée à un renvoi d'article.
Aux termes de cet article, le déficit de performance énergétique peut constituer un défaut de nature à engager la responsabilité décennale pour impropriété à la destination, mais seulement dans certaines conditions.
Plus précisément, il y aura impropriété à la destination si les conditions suivantes sont réunies :
- un défaut lié aux produits, à la conception ou à la réalisation de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs ou de l'un de ses éléments d'équipement. Cette condition renvoie au critère de la matérialité du désordre. La responsabilité décennale du constructeur suppose l'existence d'un défaut qui affecte l'ouvrage, l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement. Dès lors, l'absence d'économies d'énergie ne permet pas de caractériser une impropriété à la destination en l'absence de désordre matériel ;
- un défaut conduisant à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût « exorbitant ». Toute surconsommation ne caractérise pas une impropriété à la destination, le recours à la garantie décennale suppose que la surconsommation entraîne un « coût exorbitant ». Ce serait donc « par le prisme économique que se mesure le défaut de performance énergétique ». Néanmoins, le caractère « exorbitant » du coût ne fait pas l'objet de précisions dans le texte, ce qui laisse place à une marge d'appréciation par le juge ;
- l'ouvrage doit avoir été utilisé et entretenu de manière « appropriée ». En matière de performance énergétique, le critère de « l'utilisation et de l'entretien appropriés de l'ouvrage » constitue une condition pour engager la responsabilité décennale du constructeur, et non une cause d'exonération de ce dernier comme cela est en principe le cas en responsabilité décennale. Le texte opère ainsi un renversement de la charge de la preuve. Il appartiendra désormais au demandeur qui souhaite engager la responsabilité décennale du constructeur de prouver qu'il a utilisé et entretenu l'ouvrage de manière appropriée, et non plus au constructeur dont la responsabilité est engagée de démontrer une mauvaise utilisation ou un mauvais entretien pour s'exonérer. La notion d'utilisation et d'entretien « appropriés » n'est néanmoins pas précisée par le texte, laissant là encore une place à l'appréciation des juges.
En somme, l'article L. 123-2 du Code de la construction et de l'habitation encadre l'appréciation de l'impropriété à la destination en matière de performance énergétique ; il « dessine les contours » de la notion d'impropriété à la destination.
Soulignons un jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon sur le fondement de ce texte. En l'espèce, une université avait fait construire un bâtiment universitaire. L'ouvrage avait été réceptionné en février 2015 et les réserves levées en janvier 2016. Au cours de l'hiver 2015-2016, il était apparu qu'une brise d'air frais pénétrait dans les locaux, ce qui rendait impossible de chauffer convenablement le bâtiment. Après expertise, l'université demandait la condamnation des constructeurs à réparer les désordres.
Dans sa décision, le tribunal souligne qu'il résulte des dispositions de l'article L. 123-2 du Code de la construction et de l'habitation « éclairées par les travaux préparatoires de la loi no 2015-992 du 17 août 2015 dont elles sont issues, que le législateur a entendu
exclure
l'application de la garantie décennale lorsque
les désordres
affectant la performance énergétique d'un bâtiment et susceptibles de le rendre impropre à sa destination,
peuvent être palliés par une surconsommation énergétique dont le coût ne soit pas exorbitant au regard de celui de la consommation raisonnablement escomptée pour une utilisation normale de l'ouvrage
».
Il constate en l'espèce que le désordre est de nature à entraîner la garantie décennale du constructeur car aucune solution, et donc aucune surconsommation énergétique, ne permettait en l'espèce de remédier aux désordres liés à la perméabilité du bâtiment.
En conclusion, l'appréciation de l'impropriété à la destination en cas de déficit de performance énergétique a été encadrée par le législateur, de sorte que tout déficit de performance énergétique ne peut constituer un dommage de nature décennale. Néanmoins, toute subjectivité et donc toute incertitude ne sont pas pour autant écartées, le texte laissant la place à une appréciation notamment du coût « exorbitant » et du caractère « approprié » de l'utilisation et de l'entretien.
Ce texte a pour objectif d'encadrer et de limiter le champ de la décennale.
Les règles sont nombreuses, les objectifs louables. La capacité de l'administration à contrôler et des assureurs à assurer pose question.