Modalités de changement de destination

Modalités de changement de destination

– Changement de destination avec ou sans travaux. – Pour déterminer les modalités de changement de destination d'une construction existante, le Code de l'urbanisme distingue selon que ce changement s'accompagne ou non de travaux.
En l'absence de travaux, le changement de destination d'une catégorie de destination principale à une autre doit être précédé d'une déclaration préalable.
Si ce changement s'accompagne de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, il doit être autorisé par un permis de construire. Pour tous autres types de travaux, le changement de destination doit être précédé d'une déclaration préalable.
Autrement dit, un changement d'une sous-destination à une autre ne constitue pas un changement de destination dès lors que la nouvelle destination relève de la même catégorie au sens de l'article R. 151-27 du Code de l'urbanisme. Dans un tel cas, aucune autorisation d'urbanisme ne sera nécessaire.
Il existe néanmoins une exception : selon l'article R. 421-14, c), le changement de sous-destination doit être précédé d'un permis de construire s'il s'accompagne de travaux ayant pour effet de modifier la structure porteuse ou la façade du bâtiment. Dans ce cas, l'accord de l'administration portera uniquement sur les travaux et non sur le changement de sous-destination.
La cour administrative d'appel de Paris a fait une application récente de ces principes à propos de travaux de modification de la façade d'un immeuble accompagnés d'un changement de sous-destination. La cour estime qu'une demande de permis de construire n'était pas nécessaire, mais avec une justification curieuse : elle considère en effet que « l'activité d'agence immobilière ne relève pas de la sous-destination « commerce de gros » », et rappelle qu'« artisanat et commerce de détail relèvent de la même sous-destination » pour en tirer la conclusion que « sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les sous-destinations dont relèvent les activités de coiffeur et d'agence immobilière, (…) le motif invoqué par la Ville de Paris n'est pas de nature à fonder légalement la décision contestée ». Elle aurait pu tout aussi bien dire que le permis de construire n'est rendu obligatoire que s'il y a changement de destination, et pas seulement de sous-destination.
– Destination autorisée – versus destination effective. – La question s'est posée de savoir à quelle destination se référer en cas de changement : faut-il s'en tenir à la destination effective, c'est-à-dire celle qui existe matériellement dans les faits, ou faut-il au contraire prendre en compte la destination d'origine autorisée ?
Le Conseil d'État a répondu à cette question dans une décision Commune de Ramatuelle en considérant que « pour apprécier la condition du changement de destination, le maire doit prendre en compte la destination initiale du bâtiment ainsi que, le cas échéant, tout changement ultérieur de destination qui a fait l'objet d'une autorisation ».
La solution a par la suite été confirmée dans le cas d'un changement de destination sans travaux.
– Destination des locaux accessoires. – En pratique, les services instructeurs éprouvent des difficultés à appréhender la notion de changement de destination des constructions existantes dans le cadre de bâtiments regroupant plusieurs activités différentes.
À cet égard deux questions principales se posent : d'une part, à quelle échelle le changement de destination doit-il s'apprécier, à savoir soit le bâtiment dans son ensemble, soit le local dont la destination est modifiée ? D'autre part, à partir de quel stade l'activité abritée dans un bâtiment est-elle considérée comme principale et non simplement accessoire ?
Sur la première question, les articles R. 421-14 et R. 421-17 du Code de l'urbanisme prévoient que les locaux accessoires d'un « bâtiment » sont réputés avoir la même destination que le local principal. Alors que l'article R. 421-29 dispose que les locaux accessoires (sans préciser « d'un bâtiment ») sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal.
À cet égard, une réponse ministérielle du 12 mars 2013 indique que :
« En règle générale, pour qualifier la destination d'un bâtiment, il convient de déterminer quelle activité principale il abrite par rapport aux différentes destinations prévues par l'article R. 123-9 du Code de l'urbanisme, dont le changement de l'une à l'autre relève d'un contrôle au titre de l'urbanisme. Dans le cas d'un bâtiment qui abrite à la fois les locaux d'une fabrique artisanale et des locaux affectés à la commercialisation de sa production, l'article R. 421-14 du même code prévoit que : « les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ». Ainsi, l'ensemble du bâtiment concerné doit alors être considéré comme étant destiné à l'artisanat. Cette notion s'apprécie par référence au décret no 98-247 du 2 avril1998 modifié relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers. Concernant les locaux vides et inutilisés depuis longtemps, la jurisprudence a introduit notamment le critère des caractéristiques propres du bâtiment afin de ne pas avoir à rechercher systématiquement la dernière destination connue de la construction. Dans tous les cas, la destination d'un bâtiment s'apprécie au cas par cas et compte tenu de la multiplicité des situations possibles, il n'est pas envisagé d'apporter des définitions précises et exhaustives ou de regrouper et ainsi réduire le nombre de destinations actuellement prévues à l'article R. 123-9 du Code de l'urbanisme ».
Pour déterminer s'il y a ou non un changement de destination, il convient donc d'établir, en premier lieu, la destination principale de la construction dans son ensemble puis, en second lieu, de qualifier la destination du projet.
Sur la seconde question, comme le souligne Francis Polizzi, « les locaux accessoires sont des locaux qui peuvent être contigus ou situés dans la construction principale (combles, garages, pièces de faible dimension), mais qui, dans les faits, n'ont pas la même destination (ou sous-destination) que le bâtiment principal (lieu de vie du gardien d'un bâtiment industriel, local de stockage pour un commerce, atelier d'un artisan situé sous son habitation…) ».
Sur le point de savoir à partir de quel seuil une destination est considérée comme principale ou accessoire, le Code de l'urbanisme n'est d'aucun secours. Certains PLU prévoient d'eux-mêmes des seuils en pourcentage des surfaces utilisées dans un même immeuble pour telle ou telle destination. Cette pratique ne semble pas avoir été condamnée par les juridictions.
Le Conseil d'État a de son côté jugé que le fait d'aménager une chambre dans les combles d'un bâtiment principalement à usage de chai et de garage d'une surface plus importante n'entraîne aucun changement de la destination du local telle qu'elle avait été déclarée par le pétitionnaire.
En la matière, tout est question d'appréciation d'espèce. Nous ne pouvons qu'espérer que les choses se précisent à l'avenir afin de sécuriser les projets.
– Destination et document d'urbanisme. – Dans une décision prise sous le régime antérieur à celui de 2015, le Conseil d'État avait eu l'occasion de préciser que les auteurs des documents d'urbanisme ne peuvent « ni créer de nouvelles catégories de destination pour lesquelles seraient prévues des règles spécifiques, ni de soumettre certains des locaux relevant de l'une des catégories qu'il énumère aux règles applicables à une autre destination ». Seules sont autorisées les destinations et les sous-destinations limitativement énumérées par le Code de l'urbanisme.
Nous ne voyons pas ce qui pourrait mettre un terme à cette jurisprudence, qui devrait selon nous continuer à s'appliquer après la réforme de 2015.