L'obligation réelle environnementale, outil de compensation

L'obligation réelle environnementale, outil de compensation

– Naissance de l'ORE. – L'obligation réelle environnementale est le fruit d'une réflexion construite de façon progressive.
L'idée en revient au Congrès des notaires de France qui a proposé, dès 1994 à Nantes, l'institution d'une servitude environnementale.
Elle fut par la suite reprise par la Société française pour le droit de l'environnement, qui l'a précisée dans une étude de 2004 menée dans le cadre des discussions relatives au projet de loi de modernisation de l'agriculture, puis par le Comité opérationnel (COMOP) Trame verte et bleue résultant du Grenelle de l'environnement.
Le Conseil économique, social et environnemental rappelait également, dans un avis rendu en 2011, que protéger la biodiversité répondait à une urgence écologique, économique et sociale, et recommandait d'étudier la possibilité d'offrir aux citoyens de nouveaux moyens d'agir en faveur de la biodiversité, en leur permettant de s'engager volontairement à son bénéfice sur leur propriété.
Avant que le législateur ne s'empare du sujet, la doctrine plaidait déjà en faveur d'un outil propre à répondre aux attentes en matière de protection de l'environnement.
Ce n'est finalement qu'à la faveur de la loi du 8 août 2016 qu'a été introduite l'obligation réelle environnementale dans le Code de l'environnement, à l'article L. 132-3.
Le dispositif a été modifié à deux reprises, en 2020 et en 2022, sans transformation majeure.
– Objectifs de l'ORE. – L'étude d'impact du 25 mars 2014 qui a précédé la loi du 8 août 2016 précise que la création du régime de l'obligation réelle environnementale répond au double objectif suivant :
  • d'une part, faciliter le développement d'actions pérennes permettant de stopper l'érosion de la biodiversité ;
  • d'autre part, permettre à un propriétaire de mettre en place simplement sur sa propriété une démarche contractuelle en ce sens avec des personnes morales garantes d'un intérêt environnemental.
– Développement de l'ORE. – Un rapport parlementaire de 2018 a déploré l'absence de développement concret de cet outil. Il s'est depuis un peu mieux répandu dans la pratique, mais reste toujours mal connu et mal maîtrisé.
Les praticiens et les DREAL lui ont très vite trouvé une application concrète dans le domaine de la compensation environnementale, comme le prévoit expressément l'alinéa 2 de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, même si l'ORE ne doit pas être cantonnée à cette seule fonction.
– Plan. – L'article L. 132-3 précité prévoit expressément la possibilité de recourir à une ORE en matière de compensation environnementale, mais on peut se demander si l'outil est vraiment adapté à ce cadre.
À cet effet, seront successivement examinés sa nature (I), son objet (II), les conditions de sa mise en œuvre (III), les schémas contractuels principaux en matière de compensation (IV), sa fiscalité (V) et la question de sa transmission (VI).

Nature juridique de l'ORE

– Sources d'inspiration. – Directement inspirée des servitudes de compensation du droit américain (conservation easements), l'ORE constitue dans notre système juridique un outil original, presque une curiosité au regard de nos concepts traditionnels du droit des biens, comme de nombreuses études ont déjà pu le souligner.
– Un droit réel ? – À l'arrivée de l'ORE, le premier réflexe de la doctrine a été de se demander si elle était constitutive d'un droit réel ou d'un droit personnel.
La paresse et la facilité pourraient nous inciter à nous en tenir à la terminologie retenue par le législateur qui qualifie l'ORE « d'obligation réelle ». Mais il est très vite apparu que l'ORE ne pouvait pas être cantonnée à un droit réel au sens strict du terme.
D'une part, un droit réel confère un droit de jouissance à son titulaire, alors qu'une ORE ne le prévoit pas, le propriétaire restant en principe maître sur son terrain.
D'autre part, un droit réel ne peut être constitutif d'une obligation, alors qu'une ORE en fait naître une entre le propriétaire qui devient ainsi débiteur, et le cocontractant qui devient créancier de cette obligation.
– ORE et servitude. – Droit réel par nature, la servitude civile se distingue de l'ORE pour au moins deux raisons essentielles.
D'une part, la servitude impose l'existence de deux fonds distincts : un fonds dominant et un fonds servant, alors que l'ORE prévoit que le service rendu par le débiteur l'est au profit d'une personne, le créancier, et non d'un fonds dominant.
D'autre part la servitude, dans sa conception civiliste, ne permet d'imposer que des obligations passives (interdiction de faire) alors que l'ORE, tout en étant génératrice de telles obligations, permet aussi de contractualiser des obligations actives (obligation de faire).
– ORE et droit de jouissance spécial. – Le droit réel de jouissance spécial a pour objet de conférer à un tiers une faculté d'usage du bien appartenant à son propriétaire. De ce droit réel naît un droit concurrent à celui du propriétaire qui doit donc souffrir sa présence, sans pour autant que naisse une quelconque obligation.
Or, il relève de l'essence même de l'ORE que du rapport entre le propriétaire et son cocontractant naissent des obligations définies par le contrat.
L'ORE ne peut donc pas être considérée comme un droit réel de jouissance spécial.
– ORE et obligation – propter rem . – Catégorie mal connue, l'obligation propter rem est à la croisée du droit réel et du droit personnel : elle crée un lien contractuel entre deux personnes, l'une débitrice d'une obligation, l'autre créancière. Elle est aussi une forme de droit réel, en ce sens que le débiteur est désigné comme tel parce qu'il est propriétaire d'un bien immobilier.
L'ORE semble mieux correspondre à cette qualification même si certains auteurs ont émis des réserves à ce sujet.
– À la croisée des chemins. – En définitive, comme le souligne la doctrine, « l'ORE nous oblige donc à repenser le droit des biens ». Elle est à mi-chemin entre le droit personnel et l'obligation propter rem :
Elle fait naître une obligation contractuelle qui mêle droit réel puisqu'elle est transmise à tous les propriétaires successifs du bien immobilier, et droit personnel en ce sens qu'elle crée un rapport entre un débiteur et un créancier.
Cette originalité, voire cette dualité, est peut-être l'un des facteurs qui ont contribué à son difficile essor dans la pratique.
Nous y voyons pour notre part plutôt le signe d'un renouveau. L'ORE, dans son approche fonctionnelle, constitue un témoignage de l'imprégnation du droit de l'environnement dans notre droit civil, les prémices d'une adaptation des concepts traditionnels du droit à la nécessaire protection de l'environnement.

Objet du contrat d'ORE

– Finalité de l'ORE. – Selon les dispositions de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, le contrat d'ORE doit avoir « pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ».
L'ORE a été conçue comme un outil juridique permettant à un propriétaire d'œuvrer à la protection de la biodiversité de façon désintéressée.
Rappelons que la biodiversité est définie à l'article L. 110-1 du Code de l'environnement comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants ».
Comme le rappelle l'Institut d'études juridiques dans son guide sur les ORE, sous le patronage du Conseil supérieur du notariat : « Tout bien immobilier est concerné par cette biodiversité en ce qu'il abrite nécessairement certaines formes de vie (végétale, animale ou microbienne) ou de milieux naturels. En outre, un bien immobilier constitue un lieu participant aux relations entre les éléments de biodiversité ou, à l'inverse, sert de tampon entre certains espaces ou certaines espèces ».
L'ORE n'est donc en aucune manière un outil devant être cantonné au milieu rural. Il peut trouver des applications concrètes dans le monde urbain. Il constitue en quelque sorte un maillon de la chaîne des actions de renaturation des villes.
L'ORE a également pour objet de prévoir des actions en faveur des « fonctions écologiques ».
Dans une fiche pratique, le Commissariat général au développement durable en donne la définition suivante : « Les fonctions écologiques sont définies comme les processus biologiques qui permettent le fonctionnement et le maintien des écosystèmes (vision écologique), et les services écosystémiques comme les bénéfices retirés par l'homme des processus biologiques (vision économique) ».
Il s'agit notamment :
  • concernant l'eau : son auto-épuration, sa rétention dans le sol, son écoulement ;
  • concernant les sols : approvisionnement en sédiment ou matière organique, décomposition des matières et recyclage des éléments nutritifs, formation de la structure du sol ;
  • des puits de carbone naturels comme les tourbières.
– L'ORE patrimoniale. – Les actions définies ci-dessus peuvent être entreprises de façon volontaire et désintéressée par tout propriétaire sur son terrain. Il s'agit dans ce cas d'une ORE dite « patrimoniale ».
– L'ORE de compensation. – Comme le prévoit l'alinéa 2 de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, il est également possible que le contrat d'ORE soit mis en place pour mettre en œuvre des mesures de compensation environnementale qui peuvent s'imposer à certains porteurs de projet dont la réalisation aura des impacts négatifs notables sur l'environnement et la biodiversité. Il s'agit dans ce cas d'un contrat d'ORE dit « de compensation ».
En matière de compensation, le porteur de projet a la possibilité d'acquérir le foncier sur lequel seront réalisées les mesures compensatoires. Dans ce cas, une ORE peut sembler à première vue superflue. Elle permet au contraire de contractualiser les engagements pris par le porteur de projet pour remplir ses objectifs.
Il existe toutefois de nombreuses situations dans lesquelles le porteur de projet n'a pas la possibilité d'acquérir le foncier qui permettrait de réaliser des mesures de compensation. Dans un tel cas de figure, l'ORE représente une alternative intéressante pour cadrer les mesures de compensation.
L'ORE présente à cet égard plusieurs avantages réels, en particulier :
  • elle permet au propriétaire foncier de ne pas se dessaisir de façon irrémédiable de sa propriété, tout en valorisant celle-ci au moyen d'actions en faveur de l'environnement. À cet égard, elle devrait selon nous être considérée comme un vecteur pour une meilleure valorisation économique du foncier et participer à l'émergence d'une « valeur verte », et non comme une contrainte ;
  • elle permet au porteur de projet de garantir, notamment vis-à-vis de l'administration, la pérennité des mesures de compensation sur le long terme, compte tenu de sa durée qui peut aller jusqu'à 99 ans et sa transmission aux propriétaires successifs du terrain d'assiette de l'ORE ;
  • en n'obligeant pas le porteur de projet à acquérir le foncier, l'ORE permet d'assurer la réalisation de mesures compensatoires sur un foncier propre à recevoir ces dernières mais non disponible à l'achat, et ainsi de garantir plus facilement le respect du principe de proximité fonctionnelle.
Face à la raréfaction du foncier, l'ORE nous semble en définitive être une alternative sérieuse à l'acquisition pure et simple, et devrait même, dans certains cas, pouvoir être envisagée comme une obligation pesant sur le porteur de projet. Nous verrons plus loin les différents schémas contractuels possibles en la matière.

Conditions du recours à l'ORE

Conditions de fond

Parties au contrat d'ORE : le disposant / débiteur

– La nécessité d'être propriétaire. – L'article L. 132-3 du Code de l'environnement est très explicite sur l'identité du débiteur d'une ORE : seul le propriétaire d'un bien immobilier peut conclure une obligation réelle environnementale.
Comme ont pu le souligner certains auteurs, cela se justifie par le fait que les effets attachés au contrat d'ORE revêtent une importance particulière.
En revanche, le texte ne distingue pas quant à la qualité du propriétaire. Il peut donc indifféremment s'agir d'une personne physique ou morale de droit privé.
– Le propriétaire personne publique ? – Le Code de l'environnement n'interdit pas aux personnes publiques d'avoir la qualité de débiteur d'une ORE. À première vue, rien ne les en empêche.
Cette possibilité est cependant contestée par certains auteurs qui estiment que : « En fonction des situations, le contrat ORE peut, notamment, être un contrat de subventionnement, de nature administrative ou de droit privé, ou encore un contrat de la commande publique particulier, le marché. Dans pareille hypothèse, le contrat ORE peut non seulement constituer un marché de travaux (si son objet repose sur la création, par exemple, d'une mare), mais aussi un marché de fournitures de produits ou de biens nécessaires à la mise en œuvre des mesures environnementales prévues, ou encore un marché de services si le non-propriétaire vient seulement conseiller le propriétaire. Cette complexité est encore accrue lorsque le contrat ORE a plusieurs objets (réalisation de travaux et fourniture de services en même temps) ».
Il n'est ainsi pas impossible que le contrat d'ORE, en fonction des conventions qu'il contient, puisse être qualifié de contrat de la commande publique avec toutes les conséquences qui en découlent.
Certes, dans le cadre de mesures de compensation, les mesures mises en œuvre profitent tant au porteur de projet qu'à la personne publique propriétaire, mais pour dissiper le doute, il ne serait pas inutile de prévoir une exception aux règles de la commande publique.
– Le débiteur d'une mesure de compensation débiteur d'une ORE ? – Il est fréquent, comme nous l'avons vu précédemment, que le porteur de projet à qui s'impose la mise en œuvre de mesures de compensation décide d'acquérir le foncier nécessaire pour ce faire.
Dans un tel cas de figure, peut-il conclure, en tant que propriétaire du foncier, une ORE avec un cocontractant dont la liste sera vue plus loin ? Dit autrement, le débiteur de mesures de compensation environnementale peut-il aussi être débiteur d'une ORE ?
Nous n'y voyons pas d'obstacle, bien au contraire : directement intéressé par le résultat des mesures mises en œuvre au titre du contrat d'ORE, c'est un moyen sûr selon nous pour permettre à l'administration de contrôler les mesures de compensation, bien plus que d'autres formes contractuelles qui souffrent de certaines limites que nous avons rappelées précédemment.
L'ORE devient dans ce cas l'outil juridique le plus sécurisant pour assurer la bonne réalisation des mesures de compensation. Nous regrettons d'ailleurs que l'ORE ne figure pas dans l'arsenal des mesures coercitives à la disposition de l'administration et que cette dernière ne puisse qu'inciter les porteurs de projet à en conclure.
– La question du titulaire de droits réels. – La question se pose de savoir si les dispositions de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement doivent s'interpréter de façon stricte ou s'il est notamment possible pour le titulaire d'un contrat constitutif de droits réels de conclure un contrat d'ORE.
En effet, étant donné que le bail emphytéotique ou le bail à construction confèrent au preneur tous les attributs du propriétaire, lui permettant notamment de grever l'emprise foncière objet du bail d'hypothèques, nous ne voyons pas ce qui empêcherait de conclure un contrat d'ORE à l'appui d'un tel bail dès lors que ce dernier serait d'une durée au plus égale à celle du bail constitutif de droits réels.
Néanmoins, compte tenu de la rédaction du texte, il convient à notre sens de faire œuvre de prudence et de refuser, dans le silence de celui-ci, la conclusion de ce type de contrat pour le preneur d'un bail emphytéotique ou d'un bail à construction, et ce pour au moins deux raisons :
  • d'une part, le texte ne vise que les propriétaires stricto sensu ;
  • d'autre part, l'ORE contient les germes d'un droit réel qui, en l'absence d'un texte exprès, ne peut pas se superposer à un autre droit réel.
La doctrine semble également aller dans ce sens.
Or, en matière de compensation environnementale, il peut arriver que le porteur de projet ne puisse pas maîtriser la propriété du terrain sur lequel seront réalisées les mesures de compensation, mais soit seulement bénéficiaire d'un bail constitutif de droits réels. Dans un tel cas de figure, le porteur de projet ne pourrait donc pas conclure d'ORE, ce qui selon nous est très regrettable.
– Le propriétaire dépossédé de son droit de jouissance. – Le propriétaire qui a confié son terrain à un tiers dans le cadre d'un bail emphytéotique ou d'un bail à construction peut-il consentir un contrat d'ORE à un tiers ? Autrement dit, dispose-t-il encore des pouvoirs suffisants pour ce faire malgré le transfert de droits réels ?
Là encore, le texte ne précise rien. Tout au plus peut-on rappeler qu'en présence d'un bail rural l'accord du preneur est obligatoire sous peine de nullité absolue du contrat d'ORE.
Par prudence, la réponse nous semble devoir être négative : la nature du droit réel consenti au preneur dans le cadre d'un bail emphytéotique ou d'un bail à construction devrait selon nous conduire à refuser que le propriétaire puisse conclure un contrat d'ORE sur le terrain grevé d'un droit réel.
– ORE et démembrement de propriété. – Que dire d'un propriétaire qui est dépossédé, volontairement ou non, de la nue-propriété de son bien ?
En pareille hypothèse, il convient de rappeler le premier alinéa de l'article 599 du Code civil qui dispose que : « Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier », ainsi que l'article 595 qui prévoit que : « L'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. À défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte ».
L'ORE n'est pas de même nature que le bail rural ou commercial. La doctrine est partagée sur le point de savoir si l'usufruitier peut agir seul ou non pour en contracter. Nous considérons pour notre part, de la même manière que le préconise l'Institut d'études juridiques dans son guide pratique, que le démembrement de propriété faisant naître des droits tant au profit du nu-propriétaire qu'à celui de l'usufruitier, il est indispensable de les faire tous intervenir à l'ORE.
– ORE et indivision. – En présence d'une indivision, la concurrence des droits des indivisaires impose selon nous que l'ORE soit consentie par tous.

Les vérifications incontournables du notaire sur la capacité du débiteur

Le notaire chargé de rédiger un contrat d'ORE se doit de procéder aux vérifications usuelles en matière de capacité, de la même manière qu'il le fait pour tout acte de disposition.

Ainsi, si le bien appartient à des époux communs en biens, les deux conjoints doivent consentir à l'ORE.

En présence d'un propriétaire faisant l'objet d'une mesure de protection, si le propriétaire du bien est sous tutelle, la conclusion d'une ORE exige qu'il soit représenté par son tuteur et autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge.

Si le propriétaire est sous curatelle, il nous semble évident qu'il devra être assisté de son curateur pour la conclusion d'une ORE.

Quant au propriétaire mineur, on peut penser que ses représentants légaux ne pourraient conclure une ORE qu'avec l'autorisation du juge des tutelles dans la mesure où l'acte peut se rattacher à la renonciation à un droit (C. civ., art. 387-1).

Parties au contrat d'ORE : le cocontractant / créancier

– Une liste limitative de créanciers. – L'article L. 132-3 du Code de l'environnement précise que le cocontractant du propriétaire, créancier de l'ORE, doit être une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement.
– Personne publique créancière d'une ORE ? – Si le Code de l'environnement prévoit expressément la possibilité qu'une personne publique puisse être créancière d'une ORE, des doutes ont été émis quant à la nature du contrat conclu, voire même sur la faculté qu' un soutien financier soit apporté aux mesures de gestion réalisées.
En matière de compensation environnementale, la question devrait moins se poser étant donné que c'est le porteur de projet, débiteur des mesures de compensation, qui assurera la plupart du temps le financement des opérations comme cela sera vu plus loin. Dans un tel cas de figure, le créancier est en réalité en retrait.
– Le cas des personnes publiques – sui generis et des entreprises à capitaux publics. – Si le texte semble rédigé de façon large, il ne l'est qu'en apparence.
En effet, en ne visant pas les « personnes morales de droit public » sans distinction, l'article L. 132-3 exclut de facto selon nous certaines personnes publiques dites sui generis ou spécifiques.
Or, comme a pu le relever par le passé notre rapporteur général, « la catégorie des personnes morales de droit public spécifiques est donc particulièrement fournie » et est appelée à grandir.
Ainsi en est-il des autorités administratives indépendantes ayant la personnalité morale, de la Banque de France, de l'Assemblée nationale, du Sénat, etc.
La plupart de ces personnes publiques ne pouvant pas selon nous être qualifiées de « collectivité publique » et n'ayant pas le statut d'établissement public, il y a tout lieu de penser qu'elles sont exclues du dispositif en qualité de créancier d'une ORE.
Si le dispositif de l'ORE ne présente aucun intérêt pour certaines d'entre elles, il n'en demeure pas moins que d'autres pourraient, nous semble-t-il, être intéressées. Une adaptation du texte serait selon nous bienvenue.
Il pourrait même être envisagé de viser les sociétés de droit privé à capitaux publics, tels qu'Aéroports de Paris, La Poste, les sociétés du groupe public intégré SNCF, mais aussi les sociétés à capitaux mixtes telles que les sociétés d'économie mixte. Cela permettrait d'inclure les aménageurs privés dont l'exclusion du dispositif est difficilement compréhensible.
– Le cas des établissements publics. – Si le texte vise les établissements publics sans distinction, il convient d'y apporter quelques nuances.
Il est nécessaire en effet selon nous de se reporter aux statuts de l'établissement public concerné afin de s'assurer que les actions en faveur de la protection de l'environnement relèvent bien de son objet statutaire et que l'objet de l'ORE n'est pas contraire au principe de spécialité qui le gouverne.
À cet égard, le doute est faible en ce qui concerne certains de ces établissements dont l'objet principal consiste à œuvrer pour la protection de l'environnement.
Il est en revanche permis concernant certains autres établissements dont l'objet principal est éloigné de ces problématiques.
– Le cas des personnes de droit privé agissant pour la protection de l'environnement. – La notion de « personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement » nous semble particulièrement large.
Si le texte ne fixe aucune limite, il reviendra, nous semble-t-il, au propriétaire et à ses conseils de s'assurer du sérieux de la structure se présentant comme cocontractant, notamment pour assurer la pérennité sur le long terme des mesures de gestion qui feront l'objet de l'ORE.
– Le débiteur de mesures de compensation créancier d'une ORE ? – La question se pose de savoir si le porteur de projet qui doit mettre en œuvre des mesures de compensation peut le faire en qualité de cocontractant direct d'un propriétaire dans le cadre d'une ORE.
La doctrine est partagée sur ce point, comme le rappelle l'Institut d'études juridiques sous l'égide du Conseil supérieur du notariat dans son récent guide pratique sur les ORE.
Quand bien même il agirait pour la protection de l'environnement en concluant une ORE, ce n'est en réalité que parce qu'il est débiteur de mesures de compensation, et donc qu'il met en œuvre un projet qui portera atteinte à la biodiversité.
Il nous semble, comme une partie de la doctrine, qu'il faille proscrire le fait de permettre à un porteur de projet de conclure directement une ORE en qualité de créancier. Dans ce cas, il conviendra de faire appel à un opérateur de compensation.
Il pourrait être objecté le cas dans lequel le porteur de projet soumis à des mesures de compensation a pour objet statutaire d'œuvrer pour l'environnement. En l'état cette hypothèse nous semble assez peu probable, car des mesures de compensation sont nécessaires lorsqu'un projet est susceptible de porter des atteintes négatives notables sur l'environnement, ce qui semble assez antinomique avec le fait d'œuvrer pour l'environnement. Si tel devait néanmoins être le cas, le doute subsiste.

Obligations réciproques

– Liberté contractuelle. – Comme le dispose l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, le contrat d'ORE doit contenir les engagements réciproques des parties en faveur de la biodiversité et des fonctions écologiques. Elles sont libres de les définir, à la condition de respecter ces finalités.
Le texte accorde donc une grande place à la liberté contractuelle.
Il peut s'agir d'obligations de faire ou de ne pas faire.
Comme le souligne un rapport du gouvernement au Parlement, publié en 2021 : « Il appartient aux parties de décider librement des mesures les plus adaptées aux enjeux environnementaux identifiés sur une ou plusieurs parcelles, du calendrier éventuel des actions successives ou encore des conditions de révision et de sortie de l'accord. Cette grande souplesse permet de rédiger des accords au plus près des problématiques locales, dans une logique de confiance envers les acteurs locaux ».
Dans son guide pratique, l'Institut d'études juridiques donne une série d'exemples d'obligations de faire et de ne pas faire.
Cela peut être le fait de planter des haies, restaurer une continuité écologique, gérer une forêt de façon respectueuse, ou encore restaurer un plan d'eau.
Cela peut aussi consister à ne pas artificialiser un terrain, ne pas employer de produits phytosanitaires, ne pas couper des arbres, ou encore ne pas utiliser de substances polluantes.
En matière de compensation environnementale, ce sont les mesures qui auront été déterminées par le porteur de projet et validées par l'administration qui seront contractualisées dans l'ORE.
– Étendue des droits du propriétaire. – Une fois l'ORE mise en place, et compte tenu des obligations dont il est tenu vis-à-vis de son cocontractant, quelle est l'étendue des droits du propriétaire sur son terrain ?
Il peut être dépossédé de son droit de jouissance si l'ORE confère ce droit à son cocontractant ou à un opérateur de compensation.
Il peut en principe continuer à percevoir les fruits tirés de sa propriété, mais cela induit également qu'il doit en assumer les charges, à l'exception de celles qui devraient être assumées par son cocontractant.
Il conserve la liberté de vendre son bien, en revanche les actes de disposition sont limités comme cela a été vu précédemment.
Peut-il hypothéquer son bien grevé d'une ORE ? Cela ne nous paraît pas interdit et ne devrait pas avoir d'effet sur le droit de poursuite du bénéficiaire de l'inscription hypothécaire. En revanche, il est probable que cela puisse avoir des conséquences sur la valeur du bien vis-à-vis de ce dernier.

Nature du bien, support de l'ORE

– Des biens immobiliers. – Le contrat d'ORE ne peut porter que sur un bien immobilier, ce qui se justifie par le fait qu'il est nécessaire de le publier auprès du service de la publicité foncière.
Si le texte ne le précise pas explicitement, il va sans dire selon nous qu'il s'agit du bien dont est propriétaire le débiteur.
Sont donc exclus les biens meubles.
Le texte ne fixe aucune exigence quant à la nature du bien immobilier pouvant faire l'objet d'une ORE. Plusieurs questions se posent néanmoins.
– ORE et propriété bâtie. – L'ORE trouve sa place naturelle sur les terrains non bâtis.
Rien n'empêche cependant, selon nous, d'envisager de conclure une ORE sur un bien qui est bâti. Elle doit en effet pouvoir s'envisager lorsqu'il s'agit de sécuriser et de pérenniser la réalisation d'espaces verts sur du bâti, ce qui devient une pratique de plus en plus courante pour permettre le verdissement des villes et constituer des îlots de fraîcheur. Elle participe ainsi au développement de la biodiversité en ville.
En pratique, cela implique de s'interroger sur le montage contractuel : du fait de la nécessité de publier l'ORE au service de la publicité foncière, il conviendra dans certains cas de mettre en place un état descriptif de division en volumes avec un volume servant d'assiette à la publication de l'ORE.
Dans une copropriété, la question se pose de savoir comment doit être mise en place une ORE : lot transitoire, partie commune, lot privatif.
– ORE et bien occupé. – Par ailleurs, un contrat d'ORE peut-il être conclu sur un bien occupé ?
Comme nous l'avons examiné précédemment, le fait pour un propriétaire d'avoir consenti un droit réel (bail emphytéotique, à construction, etc.) à un tiers empêche selon nous la constitution d'une ORE.
Si le terrain fait l'objet d'un bail rural, la conclusion d'une ORE est conditionnée à l'accord du fermier. En effet, l'alinéa 5 de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement précise que : « Le propriétaire qui a consenti un bail rural sur son fonds ne peut (…) mettre en œuvre une obligation réelle environnementale qu'avec l'accord préalable du preneur (…) ». À défaut d'accord du fermier, la sanction prévue par le législateur est la nullité absolue de l'ORE.
Le refus du fermier doit être motivé. Il ajoute par ailleurs que l'absence de réponse de celui-ci à une demande d'accord, dans un délai de deux mois vaut acceptation de l'ORE conclue par le propriétaire.
Dans ce cas de figure encore, il est très probable que tout ou partie des actions qui fondent l'ORE et mises à la charge du propriétaire seront en réalité réalisées par le fermier. Il est donc essentiel que ce dernier soit associé à l'élaboration des obligations réciproques de l'ORE. Un avenant au bail rural paraît incontournable pour y insérer une clause détaillant les engagements pris (clause dite « environnementale » par les praticiens). Cela exige également de déterminer l'impact financier de ces nouvelles obligations sur le fermage.
Qu'en est-il lorsque le propriétaire qui a conclu une ORE sur son terrain souhaite conclure par la suite un bail rural ? Cette hypothèse n'a pas été envisagée par le législateur. Cela pose la question de l'étendue des droits du propriétaire sur son terrain une fois l'ORE conclue : en a-t-il toujours la libre disposition ? Si le bail rural est conclu afin de permettre au propriétaire de respecter ses obligations ou de mettre en œuvre les mesures de compensation qui s'imposent à lui, cela ne devrait pas poser de difficulté particulière. En revanche, si ce n'est pas le cas et que le bail rural est déconnecté de l'ORE, on ne peut que faire œuvre de prudence en la matière et tout dépendra selon nous de la nature des obligations contenues dans l'ORE, qui définissent en creux les prérogatives du propriétaire sur son terrain. Il conviendra ainsi de s'assurer qu'elles ne seront pas en conflit avec celles du bail rural.
En toute hypothèse, nous ne pouvons que recommander de recueillir l'accord des parties à l'ORE. Nous recommandons également d'informer le futur fermier de l'existence et du contenu de l'ORE grevant le terrain donné à bail.
Le Code de l'environnement prévoit également que l'ORE ne peut en aucune manière remettre en cause ni les droits liés à l'exercice de la chasse, ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques, qui continuent donc à s'appliquer. Là encore, l'ORE devra être rédigée avec soin pour ne pas générer un conflit d'obligations pour le propriétaire.
– ORE et domaine public. – Lorsque le propriétaire foncier contracte une ORE, peut-il le faire si le terrain constitue une dépendance de son domaine public ?
Une ORE étant mise en œuvre principalement sur des espaces naturels, trois hypothèses peuvent se rencontrer :
  • soit le bien dépend du domaine public par l'effet de la loi, comme c'est le cas du domaine public maritime (CGPPP, art. L. 2111-4 et L. 2111-5) et fluvial (CGPPP, art. L. 2111-7 à L. 2111-9) ;
  • soit le bien dépend du domaine public par l'effet de l'application des critères de la jurisprudence du Conseil d'État (pour les biens ayant été incorporés dans le domaine public avant l'entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques), ou des critères fixés par l'article L. 2111-1 du même code (pour ceux qui sont entrés dans le domaine public postérieurement à son entrée en vigueur) ;
  • soit le bien dépend du domaine public parce que, bien que n'étant plus affecté à un service public (ou n'étant plus aménagé de façon indispensable pour cette mission) ou à l'usage direct du public, il en fait toujours partie faute d'avoir fait l'objet d'une décision expresse de déclassement.
L'article L. 132-3 du Code de l'environnement ne fournit pas de réponse à cette question. Pour y répondre, une piste réside dans la nature même des droits conférés au cocontractant du propriétaire.
Comme on l'a vu plus haut, l'ORE a une nature particulière : elle n'est pas un contrat constitutif de droits réels à part entière, mais en revêt pour autant certains aspects.
Or, faut-il encore rappeler que le domaine public ne peut souffrir d'aucun droit réel qui n'ait été expressément prévu par la loi ? C'est le principe énoncé par le Conseil d'État dans sa décision Eurolat de 1985 et jamais remis en cause depuis, sauf par des textes particuliers.
Sans revenir en détail sur cette décision, il convient de rappeler que le juge a considéré que certaines clauses du contrat en cause accordaient une trop grande liberté à son bénéficiaire, et qu'elles étaient par nature incompatibles avec le régime de la domanialité publique (libre cession, libre sous-location, impossibilité pour le bailleur de résilier le contrat de manière unilatérale ou encore liberté d'hypothéquer).
L'ORE ne confère pas au créancier de droit de jouissance direct sur le terrain (même si en pratique certains contrats le prévoient, il s'agit d'un droit accessoire qui ne lui est pas lié) et ne devrait donc pas lui permettre de constituer une hypothèque dessus, alors que c'est l'un des principaux attributs du droit réel.
Pour autant, elle constitue un accessoire du droit de propriété. Nous en voulons pour preuve le fait que le contrat est transmis de plein droit aux propriétaires successifs tant que la durée du contrat d'ORE n'est pas arrivée à terme. Elle confère également au créancier une certaine liberté puisque, sauf clause contraire, il peut librement céder son droit à un tiers (pour autant qu'il réponde aux conditions fixées par l'article L. 132-3 du Code de l'environnement).
Le doute est donc permis en l'état actuel du droit positif. Souhaitons que ce flou puisse être rapidement levé par le juge et, encore mieux, par le législateur.
Il conviendrait dans ce cas de régler la question de la publication du contrat d'ORE pour les biens relevant du domaine public non cadastré : faudra-t-il que le service du cadastre accepte de créer une parcelle de toutes pièces pour publier l'ORE ? Ou faudra-t-il se contenter de ce que font certains praticiens, à savoir « rattacher » l'ORE à la parcelle voisine la plus proche ? Nous préférons naturellement la première solution, car la seconde ne permettrait pas d'assurer la bonne information des propriétaires successifs du terrain.

Durée du contrat d'ORE

– 99 ans maximum. – Si le texte initial du Code de l'environnement prévoyait que le contrat d'ORE devait indiquer sa durée, aucune limite n'était fixée.
Finalement, à la faveur de la loi du 21 février 2022, la durée d'une ORE est désormais limitée à 99 ans.
Il s'agit il est vrai de la même durée maximale que celle prévue pour les contrats constitutifs de droits réels. Nous pouvons cependant nous interroger légitimement sur son bien-fondé. En effet, le temps de la biodiversité est celui du temps long et la main de l'homme ne peut, même par des artifices, accélérer le processus de renaturation d'un espace que de façon limitée : autant les techniques permettent de réintroduire facilement des espèces animales sur un terrain, autant il n'est (fort heureusement !) pas encore possible d'accélérer la croissance d'un arbre. La nature mérite d'être protégée sur une durée plus longue que celle de quatre générations humaines.
Cela signifierait aussi que les mesures de compensation sont à mettre en œuvre pour une durée maximale de 99 ans.
Or il ne faut pas s'interdire, selon nous, d'envisager que de telles mesures puissent avoir une durée plus longue (les textes en matière de compensation n'étant pas contraignants à cet égard).

Modification du contrat d'ORE

– Révision et résiliation. – Le contrat d'ORE doit obligatoirement prévoir les possibilités de révision et de résiliation.
Cette entorse à la liberté contractuelle se justifie selon nous par le fait que le contrat d'ORE a vocation à être conclu sur une très longue durée, et que le terrain, les parties ou leurs obligations réciproques peuvent subir des évolutions qui devront être prises en compte.

Conditions de forme

– Un contrat. – La première condition de forme exigée par le texte est la nécessité de conclure un contrat, qui présente un caractère synallagmatique du fait du caractère réciproque des obligations qu'il contient.
L'ORE ne peut donc pas être instituée par acte unilatéral.
– Un acte authentique. – Le contrat doit également être établi en la forme authentique, ce qui exclut le recours à l'acte sous seing privé.
Cela implique qu'il soit conclu en la forme notariée ou en la forme administrative.
Certains pourraient être tentés d'établir l'acte sous seing privé, en demandant à un notaire de le déposer au rang de ses minutes afin d'en assurer la publication au fichier immobilier. L'article 710-1, alinéa 2 du Code civil fait cependant obstacle à cette manière de procéder : « Le dépôt au rang des minutes d'un notaire d'un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d'écriture et de signature, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière ». Une telle pratique est dès lors proscrite.
– Publication. – Dernière condition de forme, l'acte doit être publié au service de la publicité foncière.
L'article 28 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière dispose en ce sens que :
« Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles :
1° Tous actes, même assortis d'une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs :
a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l'article L. 132-3 du code de l'environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ».
Ainsi que le précise l'étude d'impact sur la loi :
« En complément, l'article 28 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière prévoit le recours obligatoire à un notaire pour rédiger l'acte authentique instituant ce droit réel ; cela permettrait, au plus près du terrain, d'obtenir un conseil de qualité sur les clauses d'usage et les pratiques courantes et devrait aider à lever les incertitudes et peser les avantages et inconvénients de chaque rédaction ».
Cette obligation de publication implique, comme nous l'avons dit précédemment, de s'interroger sur l'assiette de l'ORE selon les trois cas de figure qui suivent :
  • elle peut correspondre à une parcelle cadastrale déjà identifiée. Si elle ne doit porter que sur une partie de la parcelle, il conviendra de procéder à un découpage parcellaire afin de circonscrire l'ORE à la seule emprise qui est nécessaire, quand bien même celui-ci ne serait pas obligatoire. Quant à conclure une ORE sur un bien non délimité, cela ne sera possible qu'après avoir, comme pour une vente, procédé à la délimitation des propriétés respectives de chaque propriétaire au moyen d'un document d'arpentage ;
  • elle peut correspondre à une emprise dans une copropriété : elle devra pour être publiée être attachée à un lot de copropriété, sauf à ce qu'elle soit consentie par le syndicat des copropriétaires sur une partie commune ;
  • elle peut aussi correspondre à une partie d'un ensemble immobilier complexe qui induit la mise en place d'une volumétrie.

Schémas contractuels possibles en matière de compensation environnementale

– Répartition des rôles. – Le dispositif de l'ORE n'a pas été réellement conçu pour permettre à un porteur de projet de mettre en œuvre des mesures de compensation. Le texte de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement l'autorise cependant de façon explicite.
Le schéma est sensiblement différent de celui de l'ORE patrimoniale puisque dans le cas d'une ORE de compensation, le propriétaire débiteur ne sera en réalité pas toujours celui qui réalisera les mesures de compensation objet du contrat d'ORE.
Dans certains cas, intervient également un tiers en la personne de l'opérateur de compensation, ce qui peut conduire à avoir une pluralité d'intervenants : le propriétaire débiteur de l'ORE, le créancier de l'ORE, le porteur de projet débiteur de l'obligation de compensation, l'opérateur de compensation, le fermier en cas de bail rural, etc. Une telle situation n'est pas sans induire un certain degré de complexité…
Dans la pratique, les rôles peuvent en réalité se superposer : le porteur de projet peut devenir propriétaire du foncier, l'opérateur de compensation peut être soit le propriétaire, soit le créancier de l'ORE, soit le gestionnaire du site naturel de compensation.
En revanche, comme nous l'avons vu, il existe une incompatibilité : le porteur de projet ne peut en aucun cas avoir la qualité de créancier de l'ORE.
– Schémas contractuels. – Fort de ces rappels, voici quelques schémas contractuels pouvant être mis en œuvre :
  • Schéma 1 : Le porteur de projet, débiteur d'obligations de compensation, est déjà propriétaire du terrain (ou a vocation à le devenir prochainement) sur lequel doivent être mises en œuvre les mesures de compensation.Il contracte une ORE avec une entité désignée créancière.En application des obligations prévues dans l'ORE, il met en œuvre directement les mesures de compensation.C'est en définitive la situation la plus simple.
  • Schéma 2 : Le porteur de projet, débiteur d'obligations de compensation, est déjà propriétaire du terrain (ou a vocation à le devenir prochainement) sur lequel doivent être mises en œuvre les mesures de compensation.Il contracte une ORE avec une entité désignée créancière.Pour mettre en œuvre ses obligations, il délègue cette mission à un opérateur de compensation. En qualité de maître d'ouvrage, le porteur de projet reste responsable des mesures de compensation.Deux contrats sont en général conclus : le contrat d'ORE et le contrat de compensation.Le contrat de compensation étant habituellement d'une durée plus courte que celle de l'ORE, il conviendra de prendre soin de prévoir le changement d'intervenant et surtout le cas « critique » d'un opérateur défaillant ou que le porteur de projet ne parviendrait pas à substituer à un autre.
  • Schéma 3 : Le porteur de projet débiteur d'obligations de compensation demande à un propriétaire de conclure une ORE avec une entité désignée créancière.Le porteur de projet n'est pas directement une partie au contrat d'ORE, mais en pratique il est préférable, voire indispensable de le faire intervenir à l'acte afin de contractualiser ses propres obligations, en général financières. Le propriétaire est en effet indemnisé non pas par le créancier de l'ORE, mais par le porteur de projet.Le contrat d'ORE devra définir les obligations réciproques entre propriétaire et créancier, ainsi que les incidences de l'inexécution par le porteur de projet de son obligation de verser l'indemnité financière.
  • Schéma 3 bis : Le porteur de projet débiteur d'obligations de compensation demande à un propriétaire de conclure une ORE avec une entité désignée créancière.Pour mettre en œuvre ses obligations, il délègue cette mission à un opérateur de compensation au travers d'un contrat de compensation distinct de l'ORE. En qualité de maître d'ouvrage, le porteur de projet reste responsable des mesures de compensation.Le maître d'ouvrage n'est pas directement partie au contrat d'ORE, mais en pratique il est préférable, voire indispensable de le faire intervenir à l'acte afin de contractualiser ses propres obligations, en général financières.Dans la pratique, il arrive fréquemment que l'opérateur de compensation soit également le créancier de l'ORE. Cette dernière est donc conclue directement entre le propriétaire et l'opérateur de compensation. Le porteur de projet, comme dans le schéma précédent, interviendra au contrat d'ORE pour prendre les engagements financiers.
  • Schéma 4 : Le porteur de projet souhaite acquérir des unités de compensation sur un site naturel de compensation.Si le gestionnaire du site de compensation est propriétaire de celui-ci, le contrat d'ORE n'est pas indispensable.En revanche, si le gestionnaire du site naturel de compensation n'est pas propriétaire, il pourra s'avérer utile de conclure entre ces derniers un contrat d'ORE.
– Rôle du porteur de projet. – Dans de nombreuses situations, le porteur de projet n'endosse pas le rôle de partie au contrat d'ORE, alors que c'est lui qui est le débiteur principal de l'obligation de compensation, quand bien même il en déléguerait la réalisation concrète à un opérateur de compensation.
En cas d'intervention d'un opérateur de compensation qui n'est pas en même temps le créancier de l'ORE, deux contrats seront à conclure, le contrat de compensation et l'ORE, avec leur régime propre mais aussi leurs liens indissociables. La question se pose également de la couverture du risque pour le porteur de projet, en cas de défaillance de l'opérateur ou de difficulté à le remplacer au terme de son contrat. Cela renforce la nécessité de le sélectionner avec grand soin.
Pour ces raisons, l'ORE n'est pas parfaitement adaptée à la pratique de la compensation. Cela exige pour le praticien de concevoir une organisation contractuelle d'ensemble.
Et c'est justement la technique contractuelle qui permettra d'utiliser l'ORE comme outil de compensation.
À cet égard, l'intervention du porteur de projet au contrat d'ORE nous paraît indispensable dans toutes les hypothèses.
Cela permettra de contractualiser les modalités de versement de l'indemnité financière en contrepartie des services rendus, et de convenir de ce qu'il advient en cas de non-versement, de retard de paiement, etc.
Une question se pose également sur l'information de l'ORE : du fait de l'obligation de publier l'ORE, sa transmission aux propriétaires successifs est assurée et l'information est facile à trouver. En revanche, rien n'est prévu en ce qui concerne le terrain sur lequel le porteur de projet va réaliser son opération, alors même que c'est elle qui motivera la signature d'un contrat d'ORE sur un autre foncier destiné à recevoir les mesures de compensation. Il serait souhaitable selon nous d'envisager un mécanisme similaire pour le terrain d'assiette du projet. Cela permettrait de garantir l'information des tiers notamment en cas de vente du site.
– Conclusion. – Les schémas examinés ci-dessus ne prétendent pas à l'exhaustivité. D'autres situations sont certainement possibles. Ils montrent surtout que l'ORE en matière de compensation, sous des apparences simples, peut s'avérer d'un maniement délicat.
Le notaire peut ainsi se trouver tour à tour sollicité par un porteur de projet, un propriétaire foncier, un opérateur de compensation, un gestionnaire de site de compensation, etc.
À chaque fois, son rôle consistera à commencer par déterminer les responsabilités de tous les intervenants afin de présenter un schéma d'organisation global.
La multiplication des intervenants aura pour effet de rendre plus difficile l'ingénierie contractuelle. En homme du contrat, le notaire se devra selon nous d'agir en chef d'orchestre pour assurer la cohérence d'ensemble. Il n'interviendra en revanche pas seul, puisque les obligations réciproques tirées des mesures de compensation seront définies la plupart du temps par les bureaux d'études environnementales, qui deviendront ses interlocuteurs récurrents.

La fiscalité de l'ORE

– Une fiscalité attractive. – La fiscalité semble avoir été jusqu'à présent, selon certains auteurs, le point de faiblesse du contrat d'ORE, et la raison de son manque de succès.
Pourtant, de réels efforts ont été entrepris à ce sujet par le législateur qui a adopté une série de mesures fiscales concernant, d'une part, les droits à acquitter pour la publication du contrat d'ORE (a) et, d'autre part, la taxe foncière sur les propriétés non bâties (b).

Droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière et contribution de sécurité immobilière

– Une exonération totale de droits. – Comme le prévoit l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, le contrat d'ORE ne donne lieu ni à la perception de droits d'enregistrement prévus à l'article 662 du Code général des impôts, ni à la perception de la taxe de publicité foncière prévue par l'article 663 du même code.
Si le régime initial de l'ORE ne prévoyait aucune exonération concernant la contribution de sécurité immobilière prévue à l'article 879 du Code général des impôts, la loi de finances pour 2021 a complété le dispositif en prévoyant expressément que les contrats d'ORE en sont désormais exonérés.

Taxe foncière

– Exonération partielle. – L'article 72 de la loi du 8 août 2016 ayant institué le contrat d'ORE prévoyait en son III que :
« À partir du 1er janvier 2017, les communes peuvent, sur délibération du conseil municipal, exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, les propriétaires ayant conclu une obligation réelle environnementale ».
Cette disposition a été codifiée à l'article 1394 D du Code général des impôts à la faveur d'un décret du 2 mai 2017.
La loi de finances pour 2021 a modifié cet article pour l'étendre aux établissements public de coopération intercommunale à fiscalité propre, et en prévoyant l'obligation pour les propriétaires souhaitant bénéficier de l'exonération de déposer une déclaration au service des impôts dont ils dépendent.
Si le texte ne le précise pas explicitement, cette exonération ne vaut que pour autant que le contrat d'ORE produit ses effets. De sorte qu'à la fin de celui-ci, soit de manière anticipée, soit par arrivée du terme initialement prévu, l'exonération de taxe foncière ne trouvera plus à s'appliquer.
Il convient de noter qu'il existe déjà un certain nombre de cas d'exonérations de taxe foncière, permanentes ou temporaires, de plein droit ou sur décision de la collectivité concernée.
Ces cas d'exonération, compte tenu de leur régime, trouveront régulièrement à s'appliquer sur les terrains faisant l'objet d'un contrat d'ORE. La disposition prévue par l'article 72 de la loi du 8 août 2016 constitue donc « une exception à l'exception » puisqu'elle prévoit une exonération de longue durée étant donné qu'elle est calée sur celle du contrat d'ORE.
On peut cependant regretter les deux points suivants.
D'une part, que cette exonération ne concerne que la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Comme on l'a vu, les opérations de renaturation en ville devraient voir émerger des situations où les espaces verts situés dans les centres urbains, qu'ils soient aménagés en pleine terre ou sur des bâtiments, feront l'objet de mesures de protection renforcée. La possibilité de conclure un contrat d'ORE en serait l'un des outils, et dans ce cadre nous ne voyons pas ce qui justifierait un traitement fiscal différent. Une exonération sur les propriétés bâties serait donc la bienvenue.
D'autre part, qu'elle ne soit rendue possible que si la collectivité l'a décidé suivant une délibération du conseil municipal. À l'instar de l'exonération de taxe foncière pour les terrains situés dans un site Natura 2000 ou en zone humide, il serait utile de prévoir une exonération de plein droit pour les contrats d'ORE.
Il semble en effet qu'à ce jour très peu de communes ont délibéré pour instituer l'exonération sur leur territoire.

La transmission de l'ORE

– Angle d'attaque. – La question de la transmission de l'ORE peut s'appréhender suivant plusieurs angles d'attaque : la transmission du bien sur lequel est inscrit l'ORE ou la transmission du contrat d'ORE lui-même, la transmission volontaire ou la transmission forcée, la transmission par le débiteur ou par le créancier. Nous retiendrons pour notre part cette dernière distinction pour la suite de nos propos.

La transmission de l'ORE par le propriétaire débiteur

– Transmission du bien. – Bien que l'ORE ne soit pas attachée au bien sur lequel elle porte, l'article L. 132-3 du Code de l'environnement prévoit qu'elle s'impose aux propriétaires successifs de celui-ci.
Cette obligation s'impose tant au propriétaire initial qu'à tous les propriétaires ultérieurs, pendant toute la durée du contrat.
Elle concerne donc la transmission du bien de façon volontaire (vente de gré à gré, donation) ou « forcée » (succession, saisie).
L'exposé des motifs de la loi du 8 août 2016 explique les raisons de cette transmission automatique :
« Le fait que les obligations affectent la propriété elle-même évite les contingences liées au devenir des personnes parties prenantes, et permet d'assurer une réelle pérennité des mesures mises en œuvre qui, sans cela, perdraient une bonne partie de leur pertinence (prévention de l'artificialisation, mise en place de pratiques durables restaurant la qualité des sols, aménagements arborés nécessitant une durée de mise en œuvre…) ».
En revanche, il est un cas en l'état actuel du droit positif qui selon nous éteint l'ORE : la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Rappelons en effet que selon l'article L. 222-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « L'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés ».
Si l'ORE n'est ni un droit réel ni un droit personnel, il fait peu de doute selon nous qu'elle en subira le même sort.
Or, compte tenu de l'importance des enjeux de protection de la biodiversité et des fonctions écologiques, il eût été souhaitable qu'une exception soit prévue, ou à tout le moins que cela ne soit pas automatique.
– Transmission de la charge. – La question pourrait se poser en pratique de savoir si le propriétaire débiteur d'une obligation a la faculté de transférer la charge de l'ORE sur un autre bien qu'il détient. Elle pourrait se comprendre par exemple si le propriétaire souhaite vendre son bien mais que la présence de l'ORE rebute les acquéreurs potentiels.
Cela ne nous semble pas interdit, pour autant que le cocontractant donne son accord. Celui-ci sera d'autant plus enclin à l'accepter si le terrain proposé en substitution comporte des caractéristiques équivalentes au terrain d'origine ou des « potentialités » similaires pour assurer le maintien, la conservation, la gestion ou encore la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques.
Cela nous semble cependant plus complexe à concevoir dans le cadre d'une ORE de compensation. L'accord de l'autorité administrative ayant validé les mesures de compensation ne devrait-il pas être requis ? On peut légitimement le penser. Cela serait d'autant plus difficile à obtenir si la demande intervient de nombreuses années plus tard, compte tenu des impacts négatifs potentiels que cela pourrait causer sur le terrain d'origine.
Si elle est admise, une fois la cession opérée, elle devra selon nous faire l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière.

La transmission de l'ORE par le cocontractant créancier

Les dispositions du Code de l'environnement n'envisagent pas le cas dans lequel c'est le cocontractant du débiteur qui souhaite céder l'ORE.
À cet égard, il nous semble que la qualité de créancier se transmet de façon ordinaire en application des articles 1216 et suivants du Code civil.
Le créancier peut ainsi céder, avec l'accord du propriétaire, sa qualité de partie au contrat d'ORE à un tiers cessionnaire.
Encore faut-il toutefois que ce dernier ait les qualités requises, c'est-à-dire qu'il soit l'une des personnes limitativement énumérées par l'article L. 132-3 du Code de l'environnement.
Une fois la cession opérée, elle devra selon nous faire l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière.