La compensation générale

La compensation générale

– Plan. – Pour mettre en œuvre des mesures de compensation, le porteur de projet peut agir, ainsi que le précise l'article L. 163-1 du Code de l'environnement, par lui-même directement (A) ou faire appel à un opérateur de compensation (B), ou encore recourir à l'achat d'unités de compensation (C). Il peut également conclure une obligation réelle environnementale (D) ou mettre en place une fiducie à vocation environnementale (E).

Compensation directe

– Compensation par l'opérateur avec ses propres moyens. – Le maître d'ouvrage peut proposer à l'administration de réaliser lui-même les mesures de compensation.
Il lui faut cependant disposer des moyens techniques et humains ainsi que des ressources, notamment foncières. À cet effet, il est des situations où il peut détenir les terrains en pleine propriété, mais lorsque ce n'est pas le cas l'opérateur peut trouver les ressources foncières indispensables à la réalisation de mesures de compensation auprès d'un tiers.
– Compensation par l'opérateur sur le foncier d'un tiers. – L'article L. 163-2 du Code de l'environnement, introduit par la réforme de 2016, précise que : « Lorsque des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont mises en œuvre sur un terrain n'appartenant ni à la personne soumise à l'obligation de mettre en œuvre ces mesures, ni à l'opérateur de compensation qu'elle a désigné, un contrat conclu avec le propriétaire et, le cas échéant, le locataire ou l'exploitant définit la nature des mesures de compensation et leurs modalités de mise en œuvre, ainsi que leur durée ».
Le législateur n'ayant pas précisé la nature du contrat conclu avec le tiers propriétaire, la liberté des parties est de mise. Il convient à cet égard de distinguer les contrats conclus avec les personnes privées et ceux conclus avec les personnes publiques, puisque le texte n'empêche pas le porteur de projet de trouver auprès de ces dernières les ressources foncières dont il pourrait avoir besoin.

Contrats conclus avec des personnes de droit privé

Contrats possibles

– Catégories. – Sans entrer dans leur détail, tant ces formes contractuelles sont connues des praticiens, nous pouvons noter cinq grandes catégories de contrats dont il est acquis selon nous qu'ils peuvent être mis en œuvre, leur régime juridique ne présentant pas d'incompatibilité avec les contraintes de la mise en place d'une mesure de compensation : la servitude ; le bail civil ; le prêt à usage ; le contrat de prestation de services ou de gestion ; le bail rural.
Sur ce dernier point, on peut sans doute se demander si le bail rural est de nature à satisfaire à l'obligation prévue par l'article L. 163-2 du Code de l'environnement. Cela est possible selon nous si le débiteur des mesures de compensation a lui-même le statut de fermier, ce qui sera rarement le cas en pratique.
Une autre façon de procéder consisterait à conclure un bail rural tripartite, entre le bailleur propriétaire, le maître d'ouvrage débiteur de l'obligation et le fermier exploitant. Si le terrain sur lequel sont envisagées des mesures de compensation fait déjà l'objet d'un bail rural, il pourrait être envisagé de conclure une convention tripartite adossée au bail rural dont l'objet serait de permettre au maître d'ouvrage de déléguer la mise en œuvre des mesures de compensation à l'exploitant, avec l'accord du propriétaire. Ce bail est à distinguer du bail rural environnemental qui constitue une forme particulière de contrat de compensation qui sera examinée plus loin.
Pour finir, on peut se demander si l'acquisition de l'usufruit temporaire pourrait constituer un outil utile à la compensation. Nous n'avons pas connaissance d'exemple où cela a pu être mis en œuvre, il convient donc de l'envisager avec la prudence qui s'impose à la nouveauté.

Contrats à écarter

– Limites à la liberté contractuelle. – Certaines catégories de contrats apparaissent incompatibles avec l'objet ou les caractères d'une compensation environnementale. Il en va ainsi, selon nous, du bail à construction, de la vente à réméré, ainsi que de la vente sous condition résolutoire.
– Bail à construction. – Si le contrat à conclure entre le porteur de projet et le propriétaire foncier doit définir la nature des mesures de compensation et leurs modalités de mise en œuvre, cela exclut à notre sens de recourir au bail à construction.
Ce type de bail comporte en effet comme obligation essentielle à la charge du preneur celle d'édifier une construction (ou de procéder à la restructuration d'un bâtiment telle qu'elle s'assimile à une construction neuve). Or, il nous semble difficile de concevoir une telle obligation pour mettre en œuvre des mesures de compensation dont l'objet même est de permettre la renaturation d'un site ou sa réhabilitation environnementale. Ce qui constitue l'essence même du bail à construction est incompatible avec l'idée de zéro artificialisation nette. Pour cette raison, il doit selon nous être écarté.
– Vente à réméré. – La vente à réméré, prévue aux articles 1659 et suivants du Code civil, reviendrait à ce que le propriétaire foncier cède son terrain au porteur de projet afin qu'il réalise dessus des mesures de compensation. Ce dernier, une fois les mesures réalisées, serait tenu de restituer le terrain au propriétaire initial si celui-ci décidait de faire jouer la faculté de réméré.
À première vue séduisante, cette solution n'est toutefois pas adaptée en l'état actuel du droit positif :
  • du fait de la durée limitée à cinq ans (C. civ., art. 1660), elle nous semble bien trop courte à l'échelle de certaines mesures de compensation ;
  • du fait que la faculté de réméré n'est pas conditionnée à la bonne fin des mesures de compensation ;
  • du fait de l'obligation pour le vendeur de rembourser non seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires et celles qui ont augmenté la valeur du fonds (C. civ., art. 1673). Autrement dit, le vendeur pourrait être amené à rembourser le porteur de projet des dépenses réalisées pour mettre en œuvre les mesures de compensation, ce qui est contraire avec l'idée même de la séquence ERC et du principe « pollueur-payeur ».
Malgré tout, envisager un transfert en pleine propriété au profit du porteur de projet peut s'avérer utile dans certains cas. En particulier si celui-ci bénéficie d'une subvention dont l'une des conditions est d'être propriétaire. Pour cette raison, il nous semblerait intéressant d'explorer la possibilité d'adapter le régime de la vente à réméré pour la rendre compatible avec les mesures de compensation.
– Vente sous condition résolutoire. – La vente sous condition résolutoire nous paraît devoir être également écartée compte tenu des dangers qu'elle présente pour l'acte de vente lui-même et les questions que soulève la restitution du terrain.

Contrats posant question

– Bail emphytéotique. – La question se pose de savoir si le bail emphytéotique peut être utilisé pour permettre à un porteur de projet de justifier de la mise en œuvre de mesures de compensation.
À première vue, cela semble possible. Mais à y regarder de plus près, nous pensons que ce type de contrat n'est en réalité pas totalement adapté.
En effet, le bail emphytéotique est caractérisé par le fait que le preneur dispose d'une grande liberté d'action, le bailleur n'ayant pas le droit de lui imposer une quelconque obligation, que ce soit pour réaliser des travaux, imposer des modalités de gestion d'un site, etc.
Il n'est pas non plus loisible au bailleur d'imposer une destination au preneur, c'est-à-dire de le contraindre à utiliser le bien objet du bail pour un usage précis.
La jurisprudence, constante en la matière, disqualifie ainsi un bail emphytéotique en bail ordinaire celui qui contiendrait de telles obligations, faisant ainsi perdre au preneur son droit réel. Certaines juridictions ont également considéré que de telles clauses sont réputées non écrites.
Compte tenu de ce qui précède, le bail emphytéotique ne permet pas d'imposer au preneur, débiteur de l'obligation de compensation, de mettre en œuvre celles-ci.

Un bail emphytéotique environnemental

Nous regrettons vivement que l'outil du bail emphytéotique soit si peu adapté, tant son caractère se prête à la réalisation de mesures de compensation (ne serait-ce que par sa durée et son caractère constitutif de droits réels immobiliers).
Pour pallier ce défaut, nous serions tentés de souhaiter la création d'une nouvelle catégorie de bail constitutif de droit réel, le « bail réel environnemental ». Néanmoins, face à la multiplication des nouveaux types de contrats constitutifs de droits réels immobiliers, nous appelons de nos vœux que les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime sur le bail emphytéotique puissent être adaptées en vue de permettre la conclusion d'une variante à vocation environnementale.

Contrats conclus avec des personnes de droit public

– Contrats de droit privé des personnes publiques. – Si le foncier convoité par le porteur de projet est une dépendance du domaine privé de la personne publique, les outils contractuels possibles et les questions soulevées sont les mêmes que ceux examinés précédemment pour les personnes privées. Il convient donc de se reporter à ce qui vient d'être développé.
– Contrats de droit administratif des personnes publiques. – Les outils sont en revanche différents s'il s'agit d'une dépendance du domaine public.
Il convient également de réserver le cas des baux emphytéotiques administratifs sur le domaine privé, pour lesquels on se reportera aux développements qui suivent.

Les contrats à écarter sur le domaine public

– Baux emphytéotiques administratifs. – Il résulte des dispositions de l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales qu'un bail emphytéotique administratif, pour être régulier, doit être conclu en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général et relever de la compétence de la collectivité qui le consent.
La première condition posée par ce texte disqualifie à elle seule le recours au bail emphytéotique administratif pour des mesures de compensation. Dans la plupart des cas, en effet, le projet du maître d'ouvrage ne peut pas être qualifié d'intérêt général (mais ce n'est pas exclu notamment si celui-ci est aussi une personne publique ou si le projet revêt en lui-même une dimension d'intérêt général). Les mesures de compensation, en tant qu'elles participent de la protection de l'environnement, pourraient-elles être qualifiées d'activité d'intérêt général au sens de l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales ? Nous émettons des doutes sur ce point, mais il faudra attendre une décision jurisprudentielle pour trancher. Par ailleurs, on peut avoir des doutes sur le point de savoir si la réalisation d'une mesure compensatoire relève de la compétence d'une collectivité territoriale. Cela semble possible mais dans certains cas seulement, lorsque la personne publique profite des mesures réalisées.
Le fait qu'un tel bail ne puisse pas être conclu sur des dépendances domaniales entrant dans le champ d'application de la contravention de voirie (CGCT, art. L. 1311-2) limiterait également fortement le recours à ce type de contrat.
Il convient de rappeler que la contravention de voirie vise les infractions à la police de la conservation de certaines dépendances du domaine public. Les articles L. 2122-1 et L. 2132-2 du Code général de la propriété des personnes publiques opèrent une distinction entre les contraventions de voirie routière et les contraventions de grande voirie.
Sont principalement concernées par ces contraventions les dépendances du domaine public routier, ferroviaire, fluvial et aéroportuaire. Or le domaine fluvial est en particulier le siège de mesures de compensation.
Une réponse ministérielle en date du 26 juin 1989 est venue apporter d'utiles précisions sur la nature des dépendances visées, en rappelant notamment que rentrent également dans le champ d'application des contraventions de voirie les accessoires de la voirie qui contribuent à son exploitation. Notons que le juge administratif a sanctionné à plusieurs reprises des baux emphytéotiques administratifs conclus sur ces dépendances domaniales.
En définitive, le seul cas où le bail emphytéotique administratif serait possible est celui où la réalisation des mesures compensatoires ne constituerait que l'objet annexe du contrat, et où son objet principal respecterait les conditions fixées par les textes, ce qui, force est de le reconnaître, ne devrait pas arriver souvent.
– Autorisations d'occupation temporaire du domaine public des collectivités locales et de leurs groupements constitutives de droits réels immobiliers. – L'article L. 1311-5 du Code général des collectivités territoriales dispose qu'une collectivité locale peut consentir à un tiers une AOT constitutive de droits réels sur son domaine public.
Deux caractéristiques essentielles de ce contrat nous incitent à l'écarter pour réaliser des mesures de compensation :
  • d'une part, l'article L. 1311-8 du Code général des collectivités territoriales précise qu'un tel contrat ne peut pas être conclu sur le domaine public naturel, ce qui limite somme toute assez largement son utilisation compte tenu du fait que l'emprise va nécessairement être du domaine naturel ou le devenir en vertu des mesures de compensation ;
  • d'autre part, ce type de contrat ne peut être conclu que pour autant que son bénéficiaire réalise un ouvrage, une construction ou des installations.
En ce qui concerne cette seconde condition, à l'appui de cette interprétation soutenue par la doctrine, il nous semble possible de s'en référer à celle qui est faite des dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques, en particulier l'article L. 2122-6 permettant à l'État ou à ses établissements publics de consentir des AOT constitutives de droits réels immobiliers, puisque le dispositif mis en place pour les collectivités locales s'en est largement inspiré.
Or, en ce qui concerne les AOT relevant des articles L. 2122-6 et suivants du code précité, plusieurs éléments laissent penser que le titre n'est délivré qu'en vue de l'édification d'un ouvrage. D'une part, les dispositions réglementaires prévoient que les plans des ouvrages à édifier doivent obligatoirement être joints au dossier de demande de l'AOT ainsi qu'au contrat lui-même. D'autre part, l'article L. 2122-19, alinéa 1er, du même code ne rend possible la constitution de droits réels dans le cadre d'une AOT en cours que dès lors que des ouvrages, constructions et installations sont réalisés par leur bénéficiaire. Le Conseil d'État, dans un avis en date du 3 novembre 2009, a retenu la même interprétation du texte, à propos de l'Hôtel de la Marine à Paris. Pour toutes ces raisons, il nous a semblé nécessaire d'écarter l'AOT constitutive de droits réels.
– Autorisations d'occupation temporaire du domaine public de l'État et de ses établissements publics constitutives de droits réels immobiliers. – Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, le recours à l'AOT constitutive de droits réels applicable à l'État et ses établissements publics doit être écarté.

Les contrats possibles

– AOT non constitutive de droits réels. – Le premier des contrats qu'il est possible selon nous de conclure sur le domaine public est celui de l'autorisation d'occupation temporaire (AOT) du domaine public non constitutive de droits réels.
Elle peut être conclue par toute personne publique, sans distinction, et peut porter sur tout type de dépendance domaniale. Son objet n'est pas limité, et permet à l'occupant privatif du domaine public de réaliser de manière certaine des mesures de compensation. L'AOT souffre néanmoins d'un défaut d'importance : elle est précaire et révocable. Cela signifie que même si l'AOT peut être conclue pour une longue durée, la personne publique propriétaire peut y mettre fin à tout moment pour un motif d'intérêt général.
– Servitude du Code général de la propriété des personnes publiques. – Le deuxième des contrats qu'il est possible de conclure sur le domaine public est la servitude conventionnelle de l'article L. 2122-4 du Code général de la propriété des personnes publiques.
Comme pour l'AOT, la servitude peut être constituée par toute personne publique, sans distinction, et peut porter sur tout type de dépendance domaniale. Son objet n'est pas limité, et permet au propriétaire du fonds dominant de réaliser de manière certaine des mesures de compensation. Elle présente toutefois une faiblesse : elle ne se maintient sur le domaine public qu'à la condition d'être compatible avec l'affectation de ce dernier. Autrement dit, elle tombe dès lors qu'elle devient incompatible avec cette affectation.
– Bail emphytéotique administratif, dit « de mise en valeur ». – L'article L. 2341-1 du Code général de la propriété des personnes publiques permet à l'État et certains de ses établissements publics de conclure un bail emphytéotique administratif sur leur domaine public mais aussi sur leur domaine privé en vue de sa restauration, de sa réparation ou de sa mise en valeur.
Si les notions de restauration et de réparation ne soulèvent pas de difficulté particulière quant à leur interprétation, celle de « mise en valeur », moins précise, suscite des interrogations quant à la portée qu'il est possible de lui conférer.
La doctrine estime qu'elle peut revêtir deux formes différentes : « Elle peut tout d'abord consister – c'est ce à quoi l'on pense en premier lieu – à réaliser ou à faire réaliser des travaux de nature à accroître la valeur du bien ; travaux qui (…) ne peuvent pas être des travaux de réparation ou de restauration puisque le législateur les a en quelque sorte mis à part, mais qui peuvent être aussi bien des travaux d'amélioration ou d'extension d'une construction existante que des travaux d'édification de nouvelles constructions. / Elles peuvent également – tout au moins, nous semble-t-il, car la chose peut paraître moins évidente – consister à faire mieux apparaître l'intérêt du bien ou à le faire mieux connaître, par exemple en y installant un musée, en organisant son ouverture au public… ».
En n'employant pas le terme de « valorisation » mais celui de « mise en valeur », le premier étant nous semble-t-il plus large que le second, on peut penser que le législateur a sans doute souhaité éviter qu'une opération n'ait que pour objet d'accroître les revenus de l'exploitation de son patrimoine. Sans en être l'objet exclusif, elle peut néanmoins poursuivre également un tel objectif.
Cette notion de « mise en valeur » recouvre ainsi une dimension à la fois patrimoniale et économique. Or, on peut penser que des mesures compensatoires, du fait de leur rôle pour la biodiversité, peuvent être considérées comme participant à la mise en valeur d'un bien. Pour cette raison, nous ne voyons pas ce qui empêcherait de conclure un tel contrat avec un porteur de projet.

Propos conclusifs

– Verrous. – Les développements qui précèdent constituent un aperçu des outils à la disposition du porteur de projet pour mettre en œuvre ses mesures de compensation. Il existe cependant bien d'autres possibilités de contrat et de variantes de ceux présentés, mais les grandes catégories sont celles qui ont été exposées.
On peut regretter là encore que certains outils doivent être écartés. En particulier certains contrats constitutifs de droits réels, qui présentent comme avantage pour le porteur de projet de lui faire profiter d'un droit plus fort. En particulier, nous avons pu montrer que si le recours au BEA par une collectivité locale nous semble difficilement envisageable, le même contrat relevant d'un régime juridique légèrement différent et ouvert à l'État et certains de ses établissements publics est en revanche possible, une telle différence n'étant pas compréhensible et regrettable.
Sans bouleverser l'ordre établi, quelques adaptations législatives permettraient de débloquer les verrous, comme nous l'avons suggéré ci-dessus.
En toute hypothèse, le notaire doit jouer un rôle déterminant afin de conseiller son client porteur de projet pour qu'il trouve le meilleur outil contractuel qui réponde à la fois aux contraintes inhérentes au site convoité et aux objectifs poursuivis.
Le notaire se doit également de conseiller son client lorsque ce dernier, propriétaire foncier, est sollicité par un porteur de projet, afin de préserver ses intérêts tout en répondant à la demande permettant de mettre en œuvre des mesures de compensation.

Compensation par un opérateur

– Compensation dite « par la demande ». – L'article L. 163-1 du Code de l'environnement prévoit en son II que : « Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité y satisfait soit directement, soit en confiant, par contrat, la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation défini au III du présent article (…) ».
Ce texte permet au porteur de projet de demander à un intermédiaire, qu'il mandate à cet effet, de réaliser les mesures de compensation.
Le porteur de projet est ainsi libéré de la réalisation concrète de ces mesures, ce qui présente un grand avantage s'il ne dispose pas des compétences techniques ni des moyens humains pour le faire.
– Opérateur de compensation. – Le III de l'article L. 163-1 du Code de l'environnement donne la définition suivante de l'opérateur de compensation : « Un opérateur de compensation est une personne publique ou privée chargée, par une personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, de les mettre en œuvre pour le compte de cette personne et de les coordonner à long terme ».
Le champ est donc très large puisque peut être opérateur de compensation toute personne de droit public ou de droit privé. Leur statut n'étant pas précisé, de nombreux acteurs de la compensation ont vu le jour. Il est possible de citer notamment des collectivités locales ; CDC Biodiversité, filiale de la Banque des Territoires ; l'Office national des forêts ; des associations ; des conservatoires d'espaces naturels ; des conservatoires du littoral ; des exploitants agricoles ; des groupements particuliers ; des groupements d'intérêt public ; des sociétés privées.
– Contrat de compensation. – Avant que soient définies les mesures de compensation auxquelles va s'engager l'opérateur de compensation, l'enjeu principal du contrat va être celui de la maîtrise foncière (I). Le contrat de compensation, quant à lui, n'est pas défini par les textes mais il doit contenir, selon nous, un certain nombre de points que l'on examinera dans un second temps (II).

La question préalable de la maîtrise foncière

Le porteur de projet est propriétaire du terrain ou destiné à l'être

– Mise au point du contrat de compensation. – Si le porteur de projet est déjà propriétaire du foncier sur lequel il projette de réaliser des mesures de compensation, il n'aura pas d'autre démarche à entreprendre que la mise au point du contrat de compensation.
S'il n'est pas encore propriétaire mais qu'il souhaite le devenir pour maîtriser le foncier, les outils à sa disposition sont les mêmes que ceux qui ont été développés précédemment.

L'opérateur de compensation est propriétaire du terrain ou destiné à l'être

– Gisements fonciers des opérateurs. – De nombreux opérateurs de compensation disposent de gisements fonciers importants.
Les porteurs de projet n'ont donc pas l'obligation dans tous les cas de s'assurer de la maîtrise foncière des terrains voués à accueillir des mesures de compensation environnementale.
Ils ont également la possibilité de demander à un opérateur de compensation de se porter acquéreur d'un foncier qu'il a identifié pour y réaliser de telles mesures. Cette façon de procéder présente un double intérêt : d'une part, pour le porteur de projet, qui n'a pas à se soucier d'une dépense supplémentaire pour acquérir le foncier dont il ne devrait plus avoir l'utilité à terme ; d'autre part, pour l'opérateur de compensation, qui pourra accroître son gisement foncier et le proposer à d'autres porteurs de projet pour mutualiser les mesures de compensation.
Cela exige cependant de la part du porteur de projet de procéder à quelques vérifications essentielles. Il doit, d'abord, s'assurer que l'état du sol et du sous-sol est connu de l'opérateur de compensation. Il pourra s'avérer nécessaire de réaliser une étude de pollution, soit de type « phase 1 » (étude historique), soit de type « phase 2 » (prélèvements) afin de s'assurer que le terrain est propre à recevoir des mesures de compensation. Ensuite, il doit s'assurer des éventuelles mesures d'évitement, de réduction ou de compensation déjà existantes sur le terrain. Il doit, enfin, s'assurer de la pérennité des mesures qui seront réalisées au travers des engagements pris dans le cadre du contrat de compensation.

Le rôle de conseil du notaire dans l'acquisition du foncier nécessaire aux mesures de compensation

Dans le cadre d'une acquisition du foncier auprès d'un tiers, qu'elle soit faite par le porteur de projet ou par l'opérateur de compensation, le notaire a un devoir de conseil essentiel. Plusieurs points doivent être notés à ce titre :

Ni le porteur de projet ni l'opérateur de compensation ne sont propriétaires du terrain et n'ont vocation à le devenir

– Renvoi. – Dans une telle situation, le porteur de projet ou l'opérateur de compensation disposent des différents outils précédemment étudiés. Nous renvoyons donc les lecteurs à ces développements (V. supra, nos et s.)

La forme et le contenu du contrat de compensation

– Liberté contractuelle. – Le contrat de compensation n'est réglementé par aucun texte. Il convient donc de s'en remettre aux règles générales du droit des obligations (a). Le contenu du contrat doit faire l'objet d'une étude attentive (b). Sa forme fait l'objet de règles particulières (c).

Les conditions de forme du contrat de compensation : règles générales

– Identité du porteur de projet. – Il convient de distinguer selon l'identité du porteur de projet qui souhaite conclure un contrat de compensation.
– Contrat de compensation conclu par une personne publique. – Dans l'hypothèse où le contrat de compensation est conclu par une personne publique ou une personne privée entrant dans le champ du Code de la commande publique, une incertitude a pu exister quant à sa nature.
Il ne semble plus faire de doute aujourd'hui qu'il constitue un contrat de prestation de services, et donc un marché de services au sens du Code de la commande publique, bien que le contrat comporte fréquemment la réalisation de travaux.
Les règles du Code de la commande publique sont donc applicables, dont les grands principes de l'article L. 3 : égalité de traitement des candidats, liberté d'accès des candidats au contrat, transparence des procédures.
Cette qualification du contrat de compensation soulève un certain nombre de difficultés, en particulier concernant la durée du contrat et son renouvellement pour lesquels les règles du Code de la commande publique sont assez contraignantes.
– Contrat de compensation conclu par une personne privée. – Dans l'hypothèse où le contrat de compensation est conclu par une personne privée, cette dernière n'est pas soumise à un formalisme particulier.
Il peut toutefois y avoir des exceptions propres aux personnes concernées. Il est donc essentiel de se reporter aux règles qui leur sont applicables, ainsi qu'à leurs statuts.

Le contenu du contrat de compensation

– Obligation de résultat. – Il convient de rappeler au préalable un principe essentiel en matière de compensation environnementale : le débiteur a une obligation de résultat. À ce titre, même s'il délègue la mise en œuvre des mesures de compensation à un opérateur, le porteur de projet en reste responsable vis-à-vis de l'administration. Il est donc très important de soigner la rédaction du contenu du contrat de compensation.
Il peut sembler curieux qu'en imposant une telle obligation de résultat, le législateur n'ait pas saisi l'occasion d'imposer certains mécanismes juridiques pour assurer la sécurité des opérations et du porteur de projet.
Face à cet état de fait, et sans prétendre à l'exhaustivité, nous livrons ci-dessous, en dix points, l'essentiel de ce qu'il convient de retenir pour rédiger un contrat de compensation.
En premier lieu, le choix de l'opérateur de compensation est essentiel au regard de deux facteurs : la durée des mesures de compensation et l'obligation de résultat qui s'impose au porteur de projet. Cela devrait à notre sens conduire à écarter le cas d'un opérateur de compensation personne physique, sauf exception (par exemple s'il s'agit de mesures simples et à durée courte), pour des raisons tenant au risque de mobilité, de décès, de divorce, de difficultés financières, etc. Cela devrait surtout inciter les porteurs de projet à privilégier les opérateurs de compensation personnes publiques ou para-publiques compte tenu de leur solidité de principe.
En deuxième lieu, la détermination de la durée est indispensable, de même que les modalités éventuelles de renouvellement.
En troisième lieu, les mesures de compensation à mettre en œuvre doivent impérativement être définies avec soin et détaillées. Il nous paraît essentiel de prévoir également le phasage et le calendrier de ces mesures.
En quatrième lieu, il est très important que le contrat de compensation prévoie les modalités de contrôle et de suivi par le porteur de projet, par l'autorité administrative qui a délivré l'autorisation de réaliser le projet, et même par des experts tiers qui pourront faire profiter le porteur de projet de leur expertise.
En cinquième lieu, pour garantir les principes d'équivalence écologique, d'additionnalité, de pérennité, etc., qui ont été exposés précédemment, le contrat de compensation doit préciser quelles sont les mesures qui sont entreprises : garantie financière (par exemple du type caution bancaire), garantie autonome à première demande, garantie financière de la collectivité, garantie « maison mère » dont dépend l'opérateur de compensation, etc. Il nous semble que si l'opérateur de compensation est une personne publique ou para-publique, la garantie financière n'est pas indispensable.
En sixième lieu, il convient de préciser les modalités selon lesquelles les mesures de compensation seront financées, et de quelle manière l'opérateur de compensation sera rémunéré.
En septième lieu, la délimitation des rôles et des responsabilités de chacune des parties est essentielle dans le contrat de compensation. Devront être traités les cas de défaillance, de procédure collective ou de faute du porteur de projet. Il conviendra également de traiter le cas d'un retard dans la réalisation des mesures de compensation, qu'il soit fautif ou fondé sur un cas de force majeure. Il est à cet égard préférable de déterminer un mécanisme de sanctions : pénalités, voire résiliation du contrat de compensation.
En huitième lieu, le contrat doit prévoir les modalités de sa propre modification selon les événements qui pourraient survenir, comme par exemple une évolution des mesures de compensation.
En neuvième lieu, il est important de préciser dans quelle mesure chaque partie peut transférer ses obligations à un tiers. Là encore, le porteur de projet devra être attentif à prévoir des modalités d'agrément et de contrôle du nouvel opérateur de compensation qui lui serait présenté, et éventuellement envisager une solidarité entre les deux opérateurs.
En dixième lieu, les modalités de fin du contrat doivent être organisées. En cas de survenance du terme normal du contrat, il sera utile de prévoir un état des lieux. En cas de fin anticipée du contrat, il conviendra de prévoir les différents cas de figure qui pourraient se présenter, ainsi que les modalités éventuelles d'indemnisation.

Le rôle du notaire dans la rédaction du contrat de compensation

Homme du contrat, le notaire doit selon nous se saisir du champ qui lui est ouvert en matière de rédaction des contrats de compensation.

Le porteur de projet aurait en effet tout intérêt à faire établir le contrat de compensation par acte authentique : celui-ci serait dès lors revêtu des trois attributs de l'acte authentique que sont la date certaine, la force probante et la force exécutoire.

Compte tenu de l'importance des mesures de compensation, il nous paraît également très utile d'assurer la publication d'un tel contrat auprès du service de la publicité foncière. Ce serait une bonne manière d'assurer la bonne information de la personne qui souhaite acquérir le foncier, si l'information du vendeur faisait défaut.

La forme du contrat de compensation : règles particulières

– Précision. – Outre les règles générales venant d'être évoquées, le législateur a prévu des règles particulières pour mettre en œuvre des mesures de compensation. Il s'agit du contrat d'obligation réelle environnementale (ORE) qui sera étudié plus loin (V. infra, nos et s.), et du bail rural environnemental.
– Bail rural environnemental. – Introduit par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 et modifié à la faveur de la loi du 13 octobre 2014, le bail rural environnemental est prévu par l'article L. 411-27 du Code rural et de la pêche maritime et aux articles R. 411-9-11-1 et suivants du même code issus d'un décret du 8 mars 2007.
Le bail rural environnemental ne constitue pas une nouvelle forme juridique distincte du bail rural. Il est donc soumis au régime du fermage, ainsi qu'aux règles particulières prévues par les textes susvisés.
Il est ainsi possible d'introduire dans un bail rural des clauses visant au respect par le preneur de pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l'air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l'érosion, y compris des obligations de maintien d'un taux minimal d'infrastructures écologiques.
Cette possibilité n'est envisageable que dans les cas suivants :
  • pour garantir, sur la ou les parcelles mises à bail, le maintien de ces pratiques ou infrastructures ;
  • lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, une association agréée de protection de l'environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire », une fondation reconnue d'utilité publique ou un fonds de dotation ;
  • soit les parcelles exploitées se trouvent dans un espace doté d'un statut spécifique (exemples : parc national ou parc naturel régional, site Natura 2000, terrains du Conservatoire du littoral, réserve naturelle, arrêté de protection de biotope, site classé au titre des paysages, zone d'érosion délimitée par le préfet, périmètre de protection de la ressource en eau, etc.) à condition que ces espaces aient fait l'objet d'un document de gestion officiel et en conformité avec ce document.
L'insertion des clauses environnementales peut se faire à tout moment, mais nécessite l'accord du bailleur et du preneur. Elles pourront être intégrées au bail lors de son établissement ou renouvellement, ou dans un avenant modificatif pendant la durée du bail. Le bail doit également fixer les conditions dans lesquelles le bailleur peut s'assurer annuellement du respect par le preneur des mesures environnementales convenues.
L'article R. 411-9-11-1 du Code rural et de la pêche maritime précise les clauses pouvant être incluses dans un bail rural environnemental, par exemple « le non-retournement des prairies », « la création, le maintien et les modalités de gestion des surfaces en herbe », etc.
La durée envisageable est celle prévue classiquement pour tout bail rural, étant précisé que si elle excède douze ans, le contrat devra être établi par acte authentique. Il est donc essentiel que le notaire maîtrise cet outil et les principes de la compensation environnementale.
Il résulte de ce qui précède que le bail rural environnemental constitue une forme de contrat permettant de mettre en œuvre des mesures de compensation. Il n'est toutefois possible de le mettre en place que dans les cas prévus par les textes, et les clauses à dimension environnementale permettant de mettre en œuvre des mesures de compensation sont limitées. Les mesures de compensation environnementale ne pourront donc pas toutes être mises en œuvre à l'aide de cet outil.

Achat d'unités de compensation

– Compensation dite « par l'offre ». – La compensation dite « par l'offre » est une manière différente de mettre en œuvre des mesures de compensation par rapport à la compensation par la demande.
Son régime a récemment évolué à la suite de l'adoption de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.
– Dispositif applicable avant la loi Industrie verte. – L'article L. 163-3 du Code de l'environnement, introduit par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a permis aux porteurs de projet de faire l'acquisition d'unités de compensation auprès d'opérateurs de compensation.
Les nouvelles dispositions de la loi du 8 août 2016 donnaient pour mission à l'opérateur de compensation de mener des opérations de restauration ou de développement d'éléments de biodiversité au sein d'un « site naturel de compensation ». Celui-ci devait faire l'objet d'un agrément délivré sur la base de deux critères, qui concernaient en réalité l'opérateur de compensation lui-même. Il devait, d'une part, disposer des capacités techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, et, d'autre part, justifier des droits sur les terrains d'assiette du site naturel de compensation permettant la mise en œuvre des mesures de compensation.
Le Commissariat général au développement durable a publié en février 2023 un excellent guide pour la mise en place des sites naturels de compensation. Un certain nombre de préconisations devraient continuer à s'appliquer dans le cadre des nouvelles dispositions issues de la loi relative à l'industrie verte.
Mais, comme on a pu le souligner à l'Assemblée nationale, « ce dispositif s'est très faiblement développé à la suite de la loi « Biodiversité ». En 2023, seul un site naturel de compensation avait fait l'objet d'un agrément ministériel : le SNC Cossure dans les Bouches-du-Rhône, porté par la Caisse des dépôts et consignations Biodiversité et agréé en 2021 ».
Ce manque d'engouement s'explique par trois séries de difficultés :
  • premièrement, la démarche d'agrément préalable a été jugée trop complexe par les acteurs. Elle nécessitait en particulier d'anticiper précisément les gains écologiques théoriques attendus à l'issue des opérations de restauration ;
  • deuxièmement, l'opérateur de compensation a été confronté à des incertitudes techniques, par rapport à la réussite des opérations de restauration écologique, et également économiques, liées à la future demande de compensation par les acteurs territoriaux ;
  • troisièmement, l'opérateur de compensation ne pouvait pas vendre d'unités de compensation à des personnes qui souhaitaient s'engager de façon volontaire en faveur de la biodiversité. Ces unités pouvaient seulement être vendues dans le cadre réglementaire des mesures de compensation résultant des autorisations administratives délivrées aux porteurs de projet.
Au vu de ces difficultés, il est apparu nécessaire de réformer le dispositif.
– Dispositif issu de la loi Industrie verte. – La loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte a modifié le dispositif de la compensation par l'offre en abrogeant notamment l'article L. 163-3 du Code de l'environnement et en ajoutant un nouvel article L. 163-1-A.
Il s'agit en réalité plus d'une évolution que d'une révolution.
Il convient d'examiner le nouveau régime des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (I), celui des unités de compensation, de restauration ou de renaturation (II), et la place de la compensation au titre de la séquence ERC dans ce nouveau dispositif (III). Il convient pour finir d'évoquer la question de l'entrée en vigueur et du droit transitoire (IV).

L'instauration de sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation

– SNCRR. – L'article L. 163-1-A du Code de l'environnement prévoit la possibilité de créer des « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » (SNCRR).
De la même manière que les sites naturels de compensation du dispositif antérieur, ces nouveaux SNCRR ont vocation à accueillir des actions de restauration ou de développement d'éléments de biodiversité pouvant être réalisées par des personnes publiques ou privées.
Les opérateurs devront assurer la maîtrise foncière des SNCRR. À ce sujet, le texte n'impose pas d'être propriétaire. Il est donc possible d'envisager d'autres formes de maîtrise du foncier, pour autant qu'elles permettent de garantir le principe de pérennité rappelé précédemment. Nous renvoyons pour cela aux développements qui précèdent à propos des différents outils contractuels disponibles.
– Agrément. – Avant leur mise en œuvre, les SNCRR doivent faire l'objet d'un agrément préalable de l'autorité administrative compétente.
La délivrance de l'agrément prend notamment en compte le gain écologique attendu, l'intégration du site dans les continuités écologiques, la superficie du site, les pressions anthropiques s'exerçant sur ce site.
Un décret est attendu afin de préciser les modalités d'agrément des SNCRR.
On peut cependant d'emblée constater que les critères portent sur les caractéristiques du site et le potentiel de gain écologique que les actions de restauration ou de développement d'éléments de biodiversité permettraient d'atteindre.
L'agrément n'est donc plus attaché, comme il l'a été précédemment, à des critères personnels.
De surcroît, à la différence du dispositif des sites naturels de compensation, l'agrément ne prendrait donc plus en compte « l'état écologique final visé » des opérations de restauration et de renaturation, mais seulement le gain escompté. Cette modification vise à assouplir les conditions de l'agrément d'un site et répondre aux difficultés rencontrées pour qualifier précisément des gains écologiques, par définition incertains.
Reste à savoir si cela sera suffisant pour permettre le développement des SNCRR à l'avenir.
Enfin, si le texte ne le dit pas explicitement, et sous réserve du décret à venir, on peut penser que les SNCRR pourront être créés par toute personne détenant un foncier dès lors qu'il répond aux caractéristiques énoncées ci-dessus.

Les unités de compensation, de restauration ou de renaturation

– UCRR. – Les actions de restauration ou de développement d'éléments de biodiversité, dès lors qu'elles génèrent un gain écologique, sont converties en « unités de compensation, de restauration ou de renaturation » (UCRR).
Ces UCRR peuvent être vendues par les personnes qui ont été à l'origine des actions de restauration ou de développement d'éléments de biodiversité.
Il ne s'agit pas de vendre un terrain correspondant à un certain nombre d'unités de compensation, mais plus d'un service lié aux mesures compensatoires imposées au demandeur.
Elles ne sont pas réservées aux porteurs de projet soumis à une obligation légale de compensation : elles peuvent être vendues à toute autre personne publique ou privée.
Cela explique, nous semble-t-il, que le législateur ait pris soin de distinguer les termes de « compensation », de « restauration » et de « renaturation » dans le texte.
À titre de rappel, la restauration écologique peut être définie comme une action mise en œuvre sur un milieu dégradé pour faire évoluer le milieu vers un état plus favorable à son fonctionnement ou à sa biodiversité.
La renaturation se définit quant à elle comme un ensemble d'actions d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé. C'est ainsi une forme incomplète de restauration ne portant que sur le sol.
Autrement dit, la compensation au titre de la séquence ERC peut prendre la forme d'actions de restauration ou de renaturation, mais à l'inverse il peut y avoir restauration ou renaturation sans nécessairement que de telles actions soient entreprises dans le cadre de mesures de compensation imposées par l'autorité administrative en contrepartie de l'accord de réaliser un projet immobilier.
– Avantages du nouveau dispositif. – Ce nouveau dispositif présente un double avantage pour le porteur de projet.
D'une part, ses besoins en termes de compensation peuvent être anticipés.
D'autre part, une mutualisation des besoins de compensation est permise. Une même unité de compensation ne peut cependant pas servir à deux projets distincts. Mais il est désormais possible de regrouper un ensemble de mesures de compensation relevant de plusieurs porteurs de projet différents sur un même site. Par ailleurs, une même UCRR peut répondre à un besoin de compensation faisant appel à des mesures de différentes natures.
De la même manière que pour l'agrément d'un SNCRR, un décret est attendu pour préciser la nature et les modalités de vente des UCRR.
Certaines améliorations du dispositif seront les bienvenues.
En particulier, il serait utile de créer une bourse des UCRR afin que tout porteur de projet puisse utilement et rapidement solliciter l'opérateur du SNCRR.
Il serait également intéressant que les cessions d'UCRR soient soumises à une forme de publicité dans un registre tenu à la disposition du public.
Outre le fait de participer à la bonne information du public, cela permettrait aux porteurs de projet de disposer de référentiels sur un même SNCRR.
La question se posera du sort des UCRR non consommées par le porteur de projet : ce dernier ne devrait pas avoir la possibilité de les céder à un tiers, afin d'éviter une surenchère qui serait selon nous un moyen trop simple de contourner les objectifs du Code de l'environnement. Toutefois, les UCRR dont le porteur de projet n'a plus besoin devraient faire retour automatiquement au porteur du SNCRR, afin que ce dernier puisse les remettre sur le marché.
Enfin, le Comité national de l'expérimentation d'offre de compensation a été mis en place par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie en 2009. Espérons qu'il sera maintenu et son rôle de régulateur précisé afin d'assurer un contrôle de ce dispositif et des opérateurs de SNCRR.

Les unités de compensation, de restauration ou de renaturation et compensation au de la séquence ERC

– Compensation ERC – Acquisition d'UCRR. – Le texte prévoit que le porteur de projet débiteur d'une mesure de compensation au titre de la séquence ERC peut mettre en œuvre celle-ci en se portant acquéreur d'UCRR ou en utilisant ces dernières s'il en possède déjà.
Il convient de rappeler que dans tous les cas, le maître d'ouvrage reste seul responsable à l'égard de l'autorité administrative qui a prescrit les mesures de compensation. Par conséquent, le porteur de projet se devra d'être vigilant dans le choix du SNCRR. À ce propos, le porteur de projet se doit de vérifier en vertu de quel titre l'opérateur de SNCRR intervient : propriétaire, locataire, etc. La solidité de son titre sera un gage de respect du principe de pérennité.
Il conviendra également d'entourer les opérations de certaines garanties financières afin de sécuriser l'utilisation des fonds par les opérateurs de SNCRR. La consignation serait une solution possible, mais il en existe d'autres.
Enfin, se posera la question de savoir quelles mesures devront être envisagées en cas de non-atteinte des gains écologiques attendus.
À cet effet, les porteurs de projet devront s'intéresser à l'idée de souscrire une assurance. Nous ne connaissons pas de dispositif existant aujourd'hui, mais ne doutons pas que les compagnies d'assurance développeront des produits dédiés pour couvrir les risques associés.

Entrée en vigueur du nouveau dispositif

– 25 octobre 2023. – La loi relative à l'industrie verte est entrée en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 25 octobre 2023.
Un décret est attendu pour définir les modalités d'agrément des SNCRR et de cession des UCRR. Son absence rend, d'après nous, impossible l'application du nouveau dispositif. Mais l'abrogation de l'article L. 163-3 du Code de l'environnement est bien effective. En l'état des textes, tant que le décret ne sera pas publié, la compensation par l'offre semble ainsi devoir être écartée pour tout nouveau projet.
– Sort des anciens sites naturels de compensation. – Le sort des projets ayant conduit à l'acquisition d'unités de compensation sous l'empire de l'ancien dispositif est réglé par l'article 15, III, de la loi relative à l'industrie verte selon lequel : « Les sites naturels de compensation dont l'agrément a été délivré en application de l'article L. 163-3 du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à la présente loi sont considérés comme des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation au sens du présent article ».
C'est ainsi que certaines demandes d'agrément qui sont encore en cours d'instruction pourront donner lieu à la naissance de nouveaux SNCRR.

L'obligation réelle environnementale, outil de compensation

– Naissance de l'ORE. – L'obligation réelle environnementale est le fruit d'une réflexion construite de façon progressive.
L'idée en revient au Congrès des notaires de France qui a proposé, dès 1994 à Nantes, l'institution d'une servitude environnementale.
Elle fut par la suite reprise par la Société française pour le droit de l'environnement, qui l'a précisée dans une étude de 2004 menée dans le cadre des discussions relatives au projet de loi de modernisation de l'agriculture, puis par le Comité opérationnel (COMOP) Trame verte et bleue résultant du Grenelle de l'environnement.
Le Conseil économique, social et environnemental rappelait également, dans un avis rendu en 2011, que protéger la biodiversité répondait à une urgence écologique, économique et sociale, et recommandait d'étudier la possibilité d'offrir aux citoyens de nouveaux moyens d'agir en faveur de la biodiversité, en leur permettant de s'engager volontairement à son bénéfice sur leur propriété.
Avant que le législateur ne s'empare du sujet, la doctrine plaidait déjà en faveur d'un outil propre à répondre aux attentes en matière de protection de l'environnement.
Ce n'est finalement qu'à la faveur de la loi du 8 août 2016 qu'a été introduite l'obligation réelle environnementale dans le Code de l'environnement, à l'article L. 132-3.
Le dispositif a été modifié à deux reprises, en 2020 et en 2022, sans transformation majeure.
– Objectifs de l'ORE. – L'étude d'impact du 25 mars 2014 qui a précédé la loi du 8 août 2016 précise que la création du régime de l'obligation réelle environnementale répond au double objectif suivant :
  • d'une part, faciliter le développement d'actions pérennes permettant de stopper l'érosion de la biodiversité ;
  • d'autre part, permettre à un propriétaire de mettre en place simplement sur sa propriété une démarche contractuelle en ce sens avec des personnes morales garantes d'un intérêt environnemental.
– Développement de l'ORE. – Un rapport parlementaire de 2018 a déploré l'absence de développement concret de cet outil. Il s'est depuis un peu mieux répandu dans la pratique, mais reste toujours mal connu et mal maîtrisé.
Les praticiens et les DREAL lui ont très vite trouvé une application concrète dans le domaine de la compensation environnementale, comme le prévoit expressément l'alinéa 2 de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, même si l'ORE ne doit pas être cantonnée à cette seule fonction.
– Plan. – L'article L. 132-3 précité prévoit expressément la possibilité de recourir à une ORE en matière de compensation environnementale, mais on peut se demander si l'outil est vraiment adapté à ce cadre.
À cet effet, seront successivement examinés sa nature (I), son objet (II), les conditions de sa mise en œuvre (III), les schémas contractuels principaux en matière de compensation (IV), sa fiscalité (V) et la question de sa transmission (VI).

Nature juridique de l'ORE

– Sources d'inspiration. – Directement inspirée des servitudes de compensation du droit américain (conservation easements), l'ORE constitue dans notre système juridique un outil original, presque une curiosité au regard de nos concepts traditionnels du droit des biens, comme de nombreuses études ont déjà pu le souligner.
– Un droit réel ? – À l'arrivée de l'ORE, le premier réflexe de la doctrine a été de se demander si elle était constitutive d'un droit réel ou d'un droit personnel.
La paresse et la facilité pourraient nous inciter à nous en tenir à la terminologie retenue par le législateur qui qualifie l'ORE « d'obligation réelle ». Mais il est très vite apparu que l'ORE ne pouvait pas être cantonnée à un droit réel au sens strict du terme.
D'une part, un droit réel confère un droit de jouissance à son titulaire, alors qu'une ORE ne le prévoit pas, le propriétaire restant en principe maître sur son terrain.
D'autre part, un droit réel ne peut être constitutif d'une obligation, alors qu'une ORE en fait naître une entre le propriétaire qui devient ainsi débiteur, et le cocontractant qui devient créancier de cette obligation.
– ORE et servitude. – Droit réel par nature, la servitude civile se distingue de l'ORE pour au moins deux raisons essentielles.
D'une part, la servitude impose l'existence de deux fonds distincts : un fonds dominant et un fonds servant, alors que l'ORE prévoit que le service rendu par le débiteur l'est au profit d'une personne, le créancier, et non d'un fonds dominant.
D'autre part la servitude, dans sa conception civiliste, ne permet d'imposer que des obligations passives (interdiction de faire) alors que l'ORE, tout en étant génératrice de telles obligations, permet aussi de contractualiser des obligations actives (obligation de faire).
– ORE et droit de jouissance spécial. – Le droit réel de jouissance spécial a pour objet de conférer à un tiers une faculté d'usage du bien appartenant à son propriétaire. De ce droit réel naît un droit concurrent à celui du propriétaire qui doit donc souffrir sa présence, sans pour autant que naisse une quelconque obligation.
Or, il relève de l'essence même de l'ORE que du rapport entre le propriétaire et son cocontractant naissent des obligations définies par le contrat.
L'ORE ne peut donc pas être considérée comme un droit réel de jouissance spécial.
– ORE et obligation – propter rem . – Catégorie mal connue, l'obligation propter rem est à la croisée du droit réel et du droit personnel : elle crée un lien contractuel entre deux personnes, l'une débitrice d'une obligation, l'autre créancière. Elle est aussi une forme de droit réel, en ce sens que le débiteur est désigné comme tel parce qu'il est propriétaire d'un bien immobilier.
L'ORE semble mieux correspondre à cette qualification même si certains auteurs ont émis des réserves à ce sujet.
– À la croisée des chemins. – En définitive, comme le souligne la doctrine, « l'ORE nous oblige donc à repenser le droit des biens ». Elle est à mi-chemin entre le droit personnel et l'obligation propter rem :
Elle fait naître une obligation contractuelle qui mêle droit réel puisqu'elle est transmise à tous les propriétaires successifs du bien immobilier, et droit personnel en ce sens qu'elle crée un rapport entre un débiteur et un créancier.
Cette originalité, voire cette dualité, est peut-être l'un des facteurs qui ont contribué à son difficile essor dans la pratique.
Nous y voyons pour notre part plutôt le signe d'un renouveau. L'ORE, dans son approche fonctionnelle, constitue un témoignage de l'imprégnation du droit de l'environnement dans notre droit civil, les prémices d'une adaptation des concepts traditionnels du droit à la nécessaire protection de l'environnement.

Objet du contrat d'ORE

– Finalité de l'ORE. – Selon les dispositions de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, le contrat d'ORE doit avoir « pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ».
L'ORE a été conçue comme un outil juridique permettant à un propriétaire d'œuvrer à la protection de la biodiversité de façon désintéressée.
Rappelons que la biodiversité est définie à l'article L. 110-1 du Code de l'environnement comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants ».
Comme le rappelle l'Institut d'études juridiques dans son guide sur les ORE, sous le patronage du Conseil supérieur du notariat : « Tout bien immobilier est concerné par cette biodiversité en ce qu'il abrite nécessairement certaines formes de vie (végétale, animale ou microbienne) ou de milieux naturels. En outre, un bien immobilier constitue un lieu participant aux relations entre les éléments de biodiversité ou, à l'inverse, sert de tampon entre certains espaces ou certaines espèces ».
L'ORE n'est donc en aucune manière un outil devant être cantonné au milieu rural. Il peut trouver des applications concrètes dans le monde urbain. Il constitue en quelque sorte un maillon de la chaîne des actions de renaturation des villes.
L'ORE a également pour objet de prévoir des actions en faveur des « fonctions écologiques ».
Dans une fiche pratique, le Commissariat général au développement durable en donne la définition suivante : « Les fonctions écologiques sont définies comme les processus biologiques qui permettent le fonctionnement et le maintien des écosystèmes (vision écologique), et les services écosystémiques comme les bénéfices retirés par l'homme des processus biologiques (vision économique) ».
Il s'agit notamment :
  • concernant l'eau : son auto-épuration, sa rétention dans le sol, son écoulement ;
  • concernant les sols : approvisionnement en sédiment ou matière organique, décomposition des matières et recyclage des éléments nutritifs, formation de la structure du sol ;
  • des puits de carbone naturels comme les tourbières.
– L'ORE patrimoniale. – Les actions définies ci-dessus peuvent être entreprises de façon volontaire et désintéressée par tout propriétaire sur son terrain. Il s'agit dans ce cas d'une ORE dite « patrimoniale ».
– L'ORE de compensation. – Comme le prévoit l'alinéa 2 de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, il est également possible que le contrat d'ORE soit mis en place pour mettre en œuvre des mesures de compensation environnementale qui peuvent s'imposer à certains porteurs de projet dont la réalisation aura des impacts négatifs notables sur l'environnement et la biodiversité. Il s'agit dans ce cas d'un contrat d'ORE dit « de compensation ».
En matière de compensation, le porteur de projet a la possibilité d'acquérir le foncier sur lequel seront réalisées les mesures compensatoires. Dans ce cas, une ORE peut sembler à première vue superflue. Elle permet au contraire de contractualiser les engagements pris par le porteur de projet pour remplir ses objectifs.
Il existe toutefois de nombreuses situations dans lesquelles le porteur de projet n'a pas la possibilité d'acquérir le foncier qui permettrait de réaliser des mesures de compensation. Dans un tel cas de figure, l'ORE représente une alternative intéressante pour cadrer les mesures de compensation.
L'ORE présente à cet égard plusieurs avantages réels, en particulier :
  • elle permet au propriétaire foncier de ne pas se dessaisir de façon irrémédiable de sa propriété, tout en valorisant celle-ci au moyen d'actions en faveur de l'environnement. À cet égard, elle devrait selon nous être considérée comme un vecteur pour une meilleure valorisation économique du foncier et participer à l'émergence d'une « valeur verte », et non comme une contrainte ;
  • elle permet au porteur de projet de garantir, notamment vis-à-vis de l'administration, la pérennité des mesures de compensation sur le long terme, compte tenu de sa durée qui peut aller jusqu'à 99 ans et sa transmission aux propriétaires successifs du terrain d'assiette de l'ORE ;
  • en n'obligeant pas le porteur de projet à acquérir le foncier, l'ORE permet d'assurer la réalisation de mesures compensatoires sur un foncier propre à recevoir ces dernières mais non disponible à l'achat, et ainsi de garantir plus facilement le respect du principe de proximité fonctionnelle.
Face à la raréfaction du foncier, l'ORE nous semble en définitive être une alternative sérieuse à l'acquisition pure et simple, et devrait même, dans certains cas, pouvoir être envisagée comme une obligation pesant sur le porteur de projet. Nous verrons plus loin les différents schémas contractuels possibles en la matière.

Conditions du recours à l'ORE

Conditions de fond

Parties au contrat d'ORE : le disposant / débiteur
– La nécessité d'être propriétaire. – L'article L. 132-3 du Code de l'environnement est très explicite sur l'identité du débiteur d'une ORE : seul le propriétaire d'un bien immobilier peut conclure une obligation réelle environnementale.
Comme ont pu le souligner certains auteurs, cela se justifie par le fait que les effets attachés au contrat d'ORE revêtent une importance particulière.
En revanche, le texte ne distingue pas quant à la qualité du propriétaire. Il peut donc indifféremment s'agir d'une personne physique ou morale de droit privé.
– Le propriétaire personne publique ? – Le Code de l'environnement n'interdit pas aux personnes publiques d'avoir la qualité de débiteur d'une ORE. À première vue, rien ne les en empêche.
Cette possibilité est cependant contestée par certains auteurs qui estiment que : « En fonction des situations, le contrat ORE peut, notamment, être un contrat de subventionnement, de nature administrative ou de droit privé, ou encore un contrat de la commande publique particulier, le marché. Dans pareille hypothèse, le contrat ORE peut non seulement constituer un marché de travaux (si son objet repose sur la création, par exemple, d'une mare), mais aussi un marché de fournitures de produits ou de biens nécessaires à la mise en œuvre des mesures environnementales prévues, ou encore un marché de services si le non-propriétaire vient seulement conseiller le propriétaire. Cette complexité est encore accrue lorsque le contrat ORE a plusieurs objets (réalisation de travaux et fourniture de services en même temps) ».
Il n'est ainsi pas impossible que le contrat d'ORE, en fonction des conventions qu'il contient, puisse être qualifié de contrat de la commande publique avec toutes les conséquences qui en découlent.
Certes, dans le cadre de mesures de compensation, les mesures mises en œuvre profitent tant au porteur de projet qu'à la personne publique propriétaire, mais pour dissiper le doute, il ne serait pas inutile de prévoir une exception aux règles de la commande publique.
– Le débiteur d'une mesure de compensation débiteur d'une ORE ? – Il est fréquent, comme nous l'avons vu précédemment, que le porteur de projet à qui s'impose la mise en œuvre de mesures de compensation décide d'acquérir le foncier nécessaire pour ce faire.
Dans un tel cas de figure, peut-il conclure, en tant que propriétaire du foncier, une ORE avec un cocontractant dont la liste sera vue plus loin ? Dit autrement, le débiteur de mesures de compensation environnementale peut-il aussi être débiteur d'une ORE ?
Nous n'y voyons pas d'obstacle, bien au contraire : directement intéressé par le résultat des mesures mises en œuvre au titre du contrat d'ORE, c'est un moyen sûr selon nous pour permettre à l'administration de contrôler les mesures de compensation, bien plus que d'autres formes contractuelles qui souffrent de certaines limites que nous avons rappelées précédemment.
L'ORE devient dans ce cas l'outil juridique le plus sécurisant pour assurer la bonne réalisation des mesures de compensation. Nous regrettons d'ailleurs que l'ORE ne figure pas dans l'arsenal des mesures coercitives à la disposition de l'administration et que cette dernière ne puisse qu'inciter les porteurs de projet à en conclure.
– La question du titulaire de droits réels. – La question se pose de savoir si les dispositions de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement doivent s'interpréter de façon stricte ou s'il est notamment possible pour le titulaire d'un contrat constitutif de droits réels de conclure un contrat d'ORE.
En effet, étant donné que le bail emphytéotique ou le bail à construction confèrent au preneur tous les attributs du propriétaire, lui permettant notamment de grever l'emprise foncière objet du bail d'hypothèques, nous ne voyons pas ce qui empêcherait de conclure un contrat d'ORE à l'appui d'un tel bail dès lors que ce dernier serait d'une durée au plus égale à celle du bail constitutif de droits réels.
Néanmoins, compte tenu de la rédaction du texte, il convient à notre sens de faire œuvre de prudence et de refuser, dans le silence de celui-ci, la conclusion de ce type de contrat pour le preneur d'un bail emphytéotique ou d'un bail à construction, et ce pour au moins deux raisons :
  • d'une part, le texte ne vise que les propriétaires stricto sensu ;
  • d'autre part, l'ORE contient les germes d'un droit réel qui, en l'absence d'un texte exprès, ne peut pas se superposer à un autre droit réel.
La doctrine semble également aller dans ce sens.
Or, en matière de compensation environnementale, il peut arriver que le porteur de projet ne puisse pas maîtriser la propriété du terrain sur lequel seront réalisées les mesures de compensation, mais soit seulement bénéficiaire d'un bail constitutif de droits réels. Dans un tel cas de figure, le porteur de projet ne pourrait donc pas conclure d'ORE, ce qui selon nous est très regrettable.
– Le propriétaire dépossédé de son droit de jouissance. – Le propriétaire qui a confié son terrain à un tiers dans le cadre d'un bail emphytéotique ou d'un bail à construction peut-il consentir un contrat d'ORE à un tiers ? Autrement dit, dispose-t-il encore des pouvoirs suffisants pour ce faire malgré le transfert de droits réels ?
Là encore, le texte ne précise rien. Tout au plus peut-on rappeler qu'en présence d'un bail rural l'accord du preneur est obligatoire sous peine de nullité absolue du contrat d'ORE.
Par prudence, la réponse nous semble devoir être négative : la nature du droit réel consenti au preneur dans le cadre d'un bail emphytéotique ou d'un bail à construction devrait selon nous conduire à refuser que le propriétaire puisse conclure un contrat d'ORE sur le terrain grevé d'un droit réel.
– ORE et démembrement de propriété. – Que dire d'un propriétaire qui est dépossédé, volontairement ou non, de la nue-propriété de son bien ?
En pareille hypothèse, il convient de rappeler le premier alinéa de l'article 599 du Code civil qui dispose que : « Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier », ainsi que l'article 595 qui prévoit que : « L'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. À défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte ».
L'ORE n'est pas de même nature que le bail rural ou commercial. La doctrine est partagée sur le point de savoir si l'usufruitier peut agir seul ou non pour en contracter. Nous considérons pour notre part, de la même manière que le préconise l'Institut d'études juridiques dans son guide pratique, que le démembrement de propriété faisant naître des droits tant au profit du nu-propriétaire qu'à celui de l'usufruitier, il est indispensable de les faire tous intervenir à l'ORE.
– ORE et indivision. – En présence d'une indivision, la concurrence des droits des indivisaires impose selon nous que l'ORE soit consentie par tous.

Les vérifications incontournables du notaire sur la capacité du débiteur

Le notaire chargé de rédiger un contrat d'ORE se doit de procéder aux vérifications usuelles en matière de capacité, de la même manière qu'il le fait pour tout acte de disposition.

Ainsi, si le bien appartient à des époux communs en biens, les deux conjoints doivent consentir à l'ORE.

En présence d'un propriétaire faisant l'objet d'une mesure de protection, si le propriétaire du bien est sous tutelle, la conclusion d'une ORE exige qu'il soit représenté par son tuteur et autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge.

Si le propriétaire est sous curatelle, il nous semble évident qu'il devra être assisté de son curateur pour la conclusion d'une ORE.

Quant au propriétaire mineur, on peut penser que ses représentants légaux ne pourraient conclure une ORE qu'avec l'autorisation du juge des tutelles dans la mesure où l'acte peut se rattacher à la renonciation à un droit (C. civ., art. 387-1).

Parties au contrat d'ORE : le cocontractant / créancier
– Une liste limitative de créanciers. – L'article L. 132-3 du Code de l'environnement précise que le cocontractant du propriétaire, créancier de l'ORE, doit être une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement.
– Personne publique créancière d'une ORE ? – Si le Code de l'environnement prévoit expressément la possibilité qu'une personne publique puisse être créancière d'une ORE, des doutes ont été émis quant à la nature du contrat conclu, voire même sur la faculté qu' un soutien financier soit apporté aux mesures de gestion réalisées.
En matière de compensation environnementale, la question devrait moins se poser étant donné que c'est le porteur de projet, débiteur des mesures de compensation, qui assurera la plupart du temps le financement des opérations comme cela sera vu plus loin. Dans un tel cas de figure, le créancier est en réalité en retrait.
– Le cas des personnes publiques – sui generis et des entreprises à capitaux publics. – Si le texte semble rédigé de façon large, il ne l'est qu'en apparence.
En effet, en ne visant pas les « personnes morales de droit public » sans distinction, l'article L. 132-3 exclut de facto selon nous certaines personnes publiques dites sui generis ou spécifiques.
Or, comme a pu le relever par le passé notre rapporteur général, « la catégorie des personnes morales de droit public spécifiques est donc particulièrement fournie » et est appelée à grandir.
Ainsi en est-il des autorités administratives indépendantes ayant la personnalité morale, de la Banque de France, de l'Assemblée nationale, du Sénat, etc.
La plupart de ces personnes publiques ne pouvant pas selon nous être qualifiées de « collectivité publique » et n'ayant pas le statut d'établissement public, il y a tout lieu de penser qu'elles sont exclues du dispositif en qualité de créancier d'une ORE.
Si le dispositif de l'ORE ne présente aucun intérêt pour certaines d'entre elles, il n'en demeure pas moins que d'autres pourraient, nous semble-t-il, être intéressées. Une adaptation du texte serait selon nous bienvenue.
Il pourrait même être envisagé de viser les sociétés de droit privé à capitaux publics, tels qu'Aéroports de Paris, La Poste, les sociétés du groupe public intégré SNCF, mais aussi les sociétés à capitaux mixtes telles que les sociétés d'économie mixte. Cela permettrait d'inclure les aménageurs privés dont l'exclusion du dispositif est difficilement compréhensible.
– Le cas des établissements publics. – Si le texte vise les établissements publics sans distinction, il convient d'y apporter quelques nuances.
Il est nécessaire en effet selon nous de se reporter aux statuts de l'établissement public concerné afin de s'assurer que les actions en faveur de la protection de l'environnement relèvent bien de son objet statutaire et que l'objet de l'ORE n'est pas contraire au principe de spécialité qui le gouverne.
À cet égard, le doute est faible en ce qui concerne certains de ces établissements dont l'objet principal consiste à œuvrer pour la protection de l'environnement.
Il est en revanche permis concernant certains autres établissements dont l'objet principal est éloigné de ces problématiques.
– Le cas des personnes de droit privé agissant pour la protection de l'environnement. – La notion de « personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement » nous semble particulièrement large.
Si le texte ne fixe aucune limite, il reviendra, nous semble-t-il, au propriétaire et à ses conseils de s'assurer du sérieux de la structure se présentant comme cocontractant, notamment pour assurer la pérennité sur le long terme des mesures de gestion qui feront l'objet de l'ORE.
– Le débiteur de mesures de compensation créancier d'une ORE ? – La question se pose de savoir si le porteur de projet qui doit mettre en œuvre des mesures de compensation peut le faire en qualité de cocontractant direct d'un propriétaire dans le cadre d'une ORE.
La doctrine est partagée sur ce point, comme le rappelle l'Institut d'études juridiques sous l'égide du Conseil supérieur du notariat dans son récent guide pratique sur les ORE.
Quand bien même il agirait pour la protection de l'environnement en concluant une ORE, ce n'est en réalité que parce qu'il est débiteur de mesures de compensation, et donc qu'il met en œuvre un projet qui portera atteinte à la biodiversité.
Il nous semble, comme une partie de la doctrine, qu'il faille proscrire le fait de permettre à un porteur de projet de conclure directement une ORE en qualité de créancier. Dans ce cas, il conviendra de faire appel à un opérateur de compensation.
Il pourrait être objecté le cas dans lequel le porteur de projet soumis à des mesures de compensation a pour objet statutaire d'œuvrer pour l'environnement. En l'état cette hypothèse nous semble assez peu probable, car des mesures de compensation sont nécessaires lorsqu'un projet est susceptible de porter des atteintes négatives notables sur l'environnement, ce qui semble assez antinomique avec le fait d'œuvrer pour l'environnement. Si tel devait néanmoins être le cas, le doute subsiste.
Obligations réciproques
– Liberté contractuelle. – Comme le dispose l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, le contrat d'ORE doit contenir les engagements réciproques des parties en faveur de la biodiversité et des fonctions écologiques. Elles sont libres de les définir, à la condition de respecter ces finalités.
Le texte accorde donc une grande place à la liberté contractuelle.
Il peut s'agir d'obligations de faire ou de ne pas faire.
Comme le souligne un rapport du gouvernement au Parlement, publié en 2021 : « Il appartient aux parties de décider librement des mesures les plus adaptées aux enjeux environnementaux identifiés sur une ou plusieurs parcelles, du calendrier éventuel des actions successives ou encore des conditions de révision et de sortie de l'accord. Cette grande souplesse permet de rédiger des accords au plus près des problématiques locales, dans une logique de confiance envers les acteurs locaux ».
Dans son guide pratique, l'Institut d'études juridiques donne une série d'exemples d'obligations de faire et de ne pas faire.
Cela peut être le fait de planter des haies, restaurer une continuité écologique, gérer une forêt de façon respectueuse, ou encore restaurer un plan d'eau.
Cela peut aussi consister à ne pas artificialiser un terrain, ne pas employer de produits phytosanitaires, ne pas couper des arbres, ou encore ne pas utiliser de substances polluantes.
En matière de compensation environnementale, ce sont les mesures qui auront été déterminées par le porteur de projet et validées par l'administration qui seront contractualisées dans l'ORE.
– Étendue des droits du propriétaire. – Une fois l'ORE mise en place, et compte tenu des obligations dont il est tenu vis-à-vis de son cocontractant, quelle est l'étendue des droits du propriétaire sur son terrain ?
Il peut être dépossédé de son droit de jouissance si l'ORE confère ce droit à son cocontractant ou à un opérateur de compensation.
Il peut en principe continuer à percevoir les fruits tirés de sa propriété, mais cela induit également qu'il doit en assumer les charges, à l'exception de celles qui devraient être assumées par son cocontractant.
Il conserve la liberté de vendre son bien, en revanche les actes de disposition sont limités comme cela a été vu précédemment.
Peut-il hypothéquer son bien grevé d'une ORE ? Cela ne nous paraît pas interdit et ne devrait pas avoir d'effet sur le droit de poursuite du bénéficiaire de l'inscription hypothécaire. En revanche, il est probable que cela puisse avoir des conséquences sur la valeur du bien vis-à-vis de ce dernier.
Nature du bien, support de l'ORE
– Des biens immobiliers. – Le contrat d'ORE ne peut porter que sur un bien immobilier, ce qui se justifie par le fait qu'il est nécessaire de le publier auprès du service de la publicité foncière.
Si le texte ne le précise pas explicitement, il va sans dire selon nous qu'il s'agit du bien dont est propriétaire le débiteur.
Sont donc exclus les biens meubles.
Le texte ne fixe aucune exigence quant à la nature du bien immobilier pouvant faire l'objet d'une ORE. Plusieurs questions se posent néanmoins.
– ORE et propriété bâtie. – L'ORE trouve sa place naturelle sur les terrains non bâtis.
Rien n'empêche cependant, selon nous, d'envisager de conclure une ORE sur un bien qui est bâti. Elle doit en effet pouvoir s'envisager lorsqu'il s'agit de sécuriser et de pérenniser la réalisation d'espaces verts sur du bâti, ce qui devient une pratique de plus en plus courante pour permettre le verdissement des villes et constituer des îlots de fraîcheur. Elle participe ainsi au développement de la biodiversité en ville.
En pratique, cela implique de s'interroger sur le montage contractuel : du fait de la nécessité de publier l'ORE au service de la publicité foncière, il conviendra dans certains cas de mettre en place un état descriptif de division en volumes avec un volume servant d'assiette à la publication de l'ORE.
Dans une copropriété, la question se pose de savoir comment doit être mise en place une ORE : lot transitoire, partie commune, lot privatif.
– ORE et bien occupé. – Par ailleurs, un contrat d'ORE peut-il être conclu sur un bien occupé ?
Comme nous l'avons examiné précédemment, le fait pour un propriétaire d'avoir consenti un droit réel (bail emphytéotique, à construction, etc.) à un tiers empêche selon nous la constitution d'une ORE.
Si le terrain fait l'objet d'un bail rural, la conclusion d'une ORE est conditionnée à l'accord du fermier. En effet, l'alinéa 5 de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement précise que : « Le propriétaire qui a consenti un bail rural sur son fonds ne peut (…) mettre en œuvre une obligation réelle environnementale qu'avec l'accord préalable du preneur (…) ». À défaut d'accord du fermier, la sanction prévue par le législateur est la nullité absolue de l'ORE.
Le refus du fermier doit être motivé. Il ajoute par ailleurs que l'absence de réponse de celui-ci à une demande d'accord, dans un délai de deux mois vaut acceptation de l'ORE conclue par le propriétaire.
Dans ce cas de figure encore, il est très probable que tout ou partie des actions qui fondent l'ORE et mises à la charge du propriétaire seront en réalité réalisées par le fermier. Il est donc essentiel que ce dernier soit associé à l'élaboration des obligations réciproques de l'ORE. Un avenant au bail rural paraît incontournable pour y insérer une clause détaillant les engagements pris (clause dite « environnementale » par les praticiens). Cela exige également de déterminer l'impact financier de ces nouvelles obligations sur le fermage.
Qu'en est-il lorsque le propriétaire qui a conclu une ORE sur son terrain souhaite conclure par la suite un bail rural ? Cette hypothèse n'a pas été envisagée par le législateur. Cela pose la question de l'étendue des droits du propriétaire sur son terrain une fois l'ORE conclue : en a-t-il toujours la libre disposition ? Si le bail rural est conclu afin de permettre au propriétaire de respecter ses obligations ou de mettre en œuvre les mesures de compensation qui s'imposent à lui, cela ne devrait pas poser de difficulté particulière. En revanche, si ce n'est pas le cas et que le bail rural est déconnecté de l'ORE, on ne peut que faire œuvre de prudence en la matière et tout dépendra selon nous de la nature des obligations contenues dans l'ORE, qui définissent en creux les prérogatives du propriétaire sur son terrain. Il conviendra ainsi de s'assurer qu'elles ne seront pas en conflit avec celles du bail rural.
En toute hypothèse, nous ne pouvons que recommander de recueillir l'accord des parties à l'ORE. Nous recommandons également d'informer le futur fermier de l'existence et du contenu de l'ORE grevant le terrain donné à bail.
Le Code de l'environnement prévoit également que l'ORE ne peut en aucune manière remettre en cause ni les droits liés à l'exercice de la chasse, ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques, qui continuent donc à s'appliquer. Là encore, l'ORE devra être rédigée avec soin pour ne pas générer un conflit d'obligations pour le propriétaire.
– ORE et domaine public. – Lorsque le propriétaire foncier contracte une ORE, peut-il le faire si le terrain constitue une dépendance de son domaine public ?
Une ORE étant mise en œuvre principalement sur des espaces naturels, trois hypothèses peuvent se rencontrer :
  • soit le bien dépend du domaine public par l'effet de la loi, comme c'est le cas du domaine public maritime (CGPPP, art. L. 2111-4 et L. 2111-5) et fluvial (CGPPP, art. L. 2111-7 à L. 2111-9) ;
  • soit le bien dépend du domaine public par l'effet de l'application des critères de la jurisprudence du Conseil d'État (pour les biens ayant été incorporés dans le domaine public avant l'entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques), ou des critères fixés par l'article L. 2111-1 du même code (pour ceux qui sont entrés dans le domaine public postérieurement à son entrée en vigueur) ;
  • soit le bien dépend du domaine public parce que, bien que n'étant plus affecté à un service public (ou n'étant plus aménagé de façon indispensable pour cette mission) ou à l'usage direct du public, il en fait toujours partie faute d'avoir fait l'objet d'une décision expresse de déclassement.
L'article L. 132-3 du Code de l'environnement ne fournit pas de réponse à cette question. Pour y répondre, une piste réside dans la nature même des droits conférés au cocontractant du propriétaire.
Comme on l'a vu plus haut, l'ORE a une nature particulière : elle n'est pas un contrat constitutif de droits réels à part entière, mais en revêt pour autant certains aspects.
Or, faut-il encore rappeler que le domaine public ne peut souffrir d'aucun droit réel qui n'ait été expressément prévu par la loi ? C'est le principe énoncé par le Conseil d'État dans sa décision Eurolat de 1985 et jamais remis en cause depuis, sauf par des textes particuliers.
Sans revenir en détail sur cette décision, il convient de rappeler que le juge a considéré que certaines clauses du contrat en cause accordaient une trop grande liberté à son bénéficiaire, et qu'elles étaient par nature incompatibles avec le régime de la domanialité publique (libre cession, libre sous-location, impossibilité pour le bailleur de résilier le contrat de manière unilatérale ou encore liberté d'hypothéquer).
L'ORE ne confère pas au créancier de droit de jouissance direct sur le terrain (même si en pratique certains contrats le prévoient, il s'agit d'un droit accessoire qui ne lui est pas lié) et ne devrait donc pas lui permettre de constituer une hypothèque dessus, alors que c'est l'un des principaux attributs du droit réel.
Pour autant, elle constitue un accessoire du droit de propriété. Nous en voulons pour preuve le fait que le contrat est transmis de plein droit aux propriétaires successifs tant que la durée du contrat d'ORE n'est pas arrivée à terme. Elle confère également au créancier une certaine liberté puisque, sauf clause contraire, il peut librement céder son droit à un tiers (pour autant qu'il réponde aux conditions fixées par l'article L. 132-3 du Code de l'environnement).
Le doute est donc permis en l'état actuel du droit positif. Souhaitons que ce flou puisse être rapidement levé par le juge et, encore mieux, par le législateur.
Il conviendrait dans ce cas de régler la question de la publication du contrat d'ORE pour les biens relevant du domaine public non cadastré : faudra-t-il que le service du cadastre accepte de créer une parcelle de toutes pièces pour publier l'ORE ? Ou faudra-t-il se contenter de ce que font certains praticiens, à savoir « rattacher » l'ORE à la parcelle voisine la plus proche ? Nous préférons naturellement la première solution, car la seconde ne permettrait pas d'assurer la bonne information des propriétaires successifs du terrain.
Durée du contrat d'ORE
– 99 ans maximum. – Si le texte initial du Code de l'environnement prévoyait que le contrat d'ORE devait indiquer sa durée, aucune limite n'était fixée.
Finalement, à la faveur de la loi du 21 février 2022, la durée d'une ORE est désormais limitée à 99 ans.
Il s'agit il est vrai de la même durée maximale que celle prévue pour les contrats constitutifs de droits réels. Nous pouvons cependant nous interroger légitimement sur son bien-fondé. En effet, le temps de la biodiversité est celui du temps long et la main de l'homme ne peut, même par des artifices, accélérer le processus de renaturation d'un espace que de façon limitée : autant les techniques permettent de réintroduire facilement des espèces animales sur un terrain, autant il n'est (fort heureusement !) pas encore possible d'accélérer la croissance d'un arbre. La nature mérite d'être protégée sur une durée plus longue que celle de quatre générations humaines.
Cela signifierait aussi que les mesures de compensation sont à mettre en œuvre pour une durée maximale de 99 ans.
Or il ne faut pas s'interdire, selon nous, d'envisager que de telles mesures puissent avoir une durée plus longue (les textes en matière de compensation n'étant pas contraignants à cet égard).
Modification du contrat d'ORE
– Révision et résiliation. – Le contrat d'ORE doit obligatoirement prévoir les possibilités de révision et de résiliation.
Cette entorse à la liberté contractuelle se justifie selon nous par le fait que le contrat d'ORE a vocation à être conclu sur une très longue durée, et que le terrain, les parties ou leurs obligations réciproques peuvent subir des évolutions qui devront être prises en compte.

Conditions de forme

– Un contrat. – La première condition de forme exigée par le texte est la nécessité de conclure un contrat, qui présente un caractère synallagmatique du fait du caractère réciproque des obligations qu'il contient.
L'ORE ne peut donc pas être instituée par acte unilatéral.
– Un acte authentique. – Le contrat doit également être établi en la forme authentique, ce qui exclut le recours à l'acte sous seing privé.
Cela implique qu'il soit conclu en la forme notariée ou en la forme administrative.
Certains pourraient être tentés d'établir l'acte sous seing privé, en demandant à un notaire de le déposer au rang de ses minutes afin d'en assurer la publication au fichier immobilier. L'article 710-1, alinéa 2 du Code civil fait cependant obstacle à cette manière de procéder : « Le dépôt au rang des minutes d'un notaire d'un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d'écriture et de signature, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière ». Une telle pratique est dès lors proscrite.
– Publication. – Dernière condition de forme, l'acte doit être publié au service de la publicité foncière.
L'article 28 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière dispose en ce sens que :
« Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles :
1° Tous actes, même assortis d'une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs :
a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l'article L. 132-3 du code de l'environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ».
Ainsi que le précise l'étude d'impact sur la loi :
« En complément, l'article 28 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière prévoit le recours obligatoire à un notaire pour rédiger l'acte authentique instituant ce droit réel ; cela permettrait, au plus près du terrain, d'obtenir un conseil de qualité sur les clauses d'usage et les pratiques courantes et devrait aider à lever les incertitudes et peser les avantages et inconvénients de chaque rédaction ».
Cette obligation de publication implique, comme nous l'avons dit précédemment, de s'interroger sur l'assiette de l'ORE selon les trois cas de figure qui suivent :
  • elle peut correspondre à une parcelle cadastrale déjà identifiée. Si elle ne doit porter que sur une partie de la parcelle, il conviendra de procéder à un découpage parcellaire afin de circonscrire l'ORE à la seule emprise qui est nécessaire, quand bien même celui-ci ne serait pas obligatoire. Quant à conclure une ORE sur un bien non délimité, cela ne sera possible qu'après avoir, comme pour une vente, procédé à la délimitation des propriétés respectives de chaque propriétaire au moyen d'un document d'arpentage ;
  • elle peut correspondre à une emprise dans une copropriété : elle devra pour être publiée être attachée à un lot de copropriété, sauf à ce qu'elle soit consentie par le syndicat des copropriétaires sur une partie commune ;
  • elle peut aussi correspondre à une partie d'un ensemble immobilier complexe qui induit la mise en place d'une volumétrie.

Schémas contractuels possibles en matière de compensation environnementale

– Répartition des rôles. – Le dispositif de l'ORE n'a pas été réellement conçu pour permettre à un porteur de projet de mettre en œuvre des mesures de compensation. Le texte de l'article L. 132-3 du Code de l'environnement l'autorise cependant de façon explicite.
Le schéma est sensiblement différent de celui de l'ORE patrimoniale puisque dans le cas d'une ORE de compensation, le propriétaire débiteur ne sera en réalité pas toujours celui qui réalisera les mesures de compensation objet du contrat d'ORE.
Dans certains cas, intervient également un tiers en la personne de l'opérateur de compensation, ce qui peut conduire à avoir une pluralité d'intervenants : le propriétaire débiteur de l'ORE, le créancier de l'ORE, le porteur de projet débiteur de l'obligation de compensation, l'opérateur de compensation, le fermier en cas de bail rural, etc. Une telle situation n'est pas sans induire un certain degré de complexité…
Dans la pratique, les rôles peuvent en réalité se superposer : le porteur de projet peut devenir propriétaire du foncier, l'opérateur de compensation peut être soit le propriétaire, soit le créancier de l'ORE, soit le gestionnaire du site naturel de compensation.
En revanche, comme nous l'avons vu, il existe une incompatibilité : le porteur de projet ne peut en aucun cas avoir la qualité de créancier de l'ORE.
– Schémas contractuels. – Fort de ces rappels, voici quelques schémas contractuels pouvant être mis en œuvre :
  • Schéma 1 : Le porteur de projet, débiteur d'obligations de compensation, est déjà propriétaire du terrain (ou a vocation à le devenir prochainement) sur lequel doivent être mises en œuvre les mesures de compensation.Il contracte une ORE avec une entité désignée créancière.En application des obligations prévues dans l'ORE, il met en œuvre directement les mesures de compensation.C'est en définitive la situation la plus simple.
  • Schéma 2 : Le porteur de projet, débiteur d'obligations de compensation, est déjà propriétaire du terrain (ou a vocation à le devenir prochainement) sur lequel doivent être mises en œuvre les mesures de compensation.Il contracte une ORE avec une entité désignée créancière.Pour mettre en œuvre ses obligations, il délègue cette mission à un opérateur de compensation. En qualité de maître d'ouvrage, le porteur de projet reste responsable des mesures de compensation.Deux contrats sont en général conclus : le contrat d'ORE et le contrat de compensation.Le contrat de compensation étant habituellement d'une durée plus courte que celle de l'ORE, il conviendra de prendre soin de prévoir le changement d'intervenant et surtout le cas « critique » d'un opérateur défaillant ou que le porteur de projet ne parviendrait pas à substituer à un autre.
  • Schéma 3 : Le porteur de projet débiteur d'obligations de compensation demande à un propriétaire de conclure une ORE avec une entité désignée créancière.Le porteur de projet n'est pas directement une partie au contrat d'ORE, mais en pratique il est préférable, voire indispensable de le faire intervenir à l'acte afin de contractualiser ses propres obligations, en général financières. Le propriétaire est en effet indemnisé non pas par le créancier de l'ORE, mais par le porteur de projet.Le contrat d'ORE devra définir les obligations réciproques entre propriétaire et créancier, ainsi que les incidences de l'inexécution par le porteur de projet de son obligation de verser l'indemnité financière.
  • Schéma 3 bis : Le porteur de projet débiteur d'obligations de compensation demande à un propriétaire de conclure une ORE avec une entité désignée créancière.Pour mettre en œuvre ses obligations, il délègue cette mission à un opérateur de compensation au travers d'un contrat de compensation distinct de l'ORE. En qualité de maître d'ouvrage, le porteur de projet reste responsable des mesures de compensation.Le maître d'ouvrage n'est pas directement partie au contrat d'ORE, mais en pratique il est préférable, voire indispensable de le faire intervenir à l'acte afin de contractualiser ses propres obligations, en général financières.Dans la pratique, il arrive fréquemment que l'opérateur de compensation soit également le créancier de l'ORE. Cette dernière est donc conclue directement entre le propriétaire et l'opérateur de compensation. Le porteur de projet, comme dans le schéma précédent, interviendra au contrat d'ORE pour prendre les engagements financiers.
  • Schéma 4 : Le porteur de projet souhaite acquérir des unités de compensation sur un site naturel de compensation.Si le gestionnaire du site de compensation est propriétaire de celui-ci, le contrat d'ORE n'est pas indispensable.En revanche, si le gestionnaire du site naturel de compensation n'est pas propriétaire, il pourra s'avérer utile de conclure entre ces derniers un contrat d'ORE.
– Rôle du porteur de projet. – Dans de nombreuses situations, le porteur de projet n'endosse pas le rôle de partie au contrat d'ORE, alors que c'est lui qui est le débiteur principal de l'obligation de compensation, quand bien même il en déléguerait la réalisation concrète à un opérateur de compensation.
En cas d'intervention d'un opérateur de compensation qui n'est pas en même temps le créancier de l'ORE, deux contrats seront à conclure, le contrat de compensation et l'ORE, avec leur régime propre mais aussi leurs liens indissociables. La question se pose également de la couverture du risque pour le porteur de projet, en cas de défaillance de l'opérateur ou de difficulté à le remplacer au terme de son contrat. Cela renforce la nécessité de le sélectionner avec grand soin.
Pour ces raisons, l'ORE n'est pas parfaitement adaptée à la pratique de la compensation. Cela exige pour le praticien de concevoir une organisation contractuelle d'ensemble.
Et c'est justement la technique contractuelle qui permettra d'utiliser l'ORE comme outil de compensation.
À cet égard, l'intervention du porteur de projet au contrat d'ORE nous paraît indispensable dans toutes les hypothèses.
Cela permettra de contractualiser les modalités de versement de l'indemnité financière en contrepartie des services rendus, et de convenir de ce qu'il advient en cas de non-versement, de retard de paiement, etc.
Une question se pose également sur l'information de l'ORE : du fait de l'obligation de publier l'ORE, sa transmission aux propriétaires successifs est assurée et l'information est facile à trouver. En revanche, rien n'est prévu en ce qui concerne le terrain sur lequel le porteur de projet va réaliser son opération, alors même que c'est elle qui motivera la signature d'un contrat d'ORE sur un autre foncier destiné à recevoir les mesures de compensation. Il serait souhaitable selon nous d'envisager un mécanisme similaire pour le terrain d'assiette du projet. Cela permettrait de garantir l'information des tiers notamment en cas de vente du site.
– Conclusion. – Les schémas examinés ci-dessus ne prétendent pas à l'exhaustivité. D'autres situations sont certainement possibles. Ils montrent surtout que l'ORE en matière de compensation, sous des apparences simples, peut s'avérer d'un maniement délicat.
Le notaire peut ainsi se trouver tour à tour sollicité par un porteur de projet, un propriétaire foncier, un opérateur de compensation, un gestionnaire de site de compensation, etc.
À chaque fois, son rôle consistera à commencer par déterminer les responsabilités de tous les intervenants afin de présenter un schéma d'organisation global.
La multiplication des intervenants aura pour effet de rendre plus difficile l'ingénierie contractuelle. En homme du contrat, le notaire se devra selon nous d'agir en chef d'orchestre pour assurer la cohérence d'ensemble. Il n'interviendra en revanche pas seul, puisque les obligations réciproques tirées des mesures de compensation seront définies la plupart du temps par les bureaux d'études environnementales, qui deviendront ses interlocuteurs récurrents.

La fiscalité de l'ORE

– Une fiscalité attractive. – La fiscalité semble avoir été jusqu'à présent, selon certains auteurs, le point de faiblesse du contrat d'ORE, et la raison de son manque de succès.
Pourtant, de réels efforts ont été entrepris à ce sujet par le législateur qui a adopté une série de mesures fiscales concernant, d'une part, les droits à acquitter pour la publication du contrat d'ORE (a) et, d'autre part, la taxe foncière sur les propriétés non bâties (b).

Droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière et contribution de sécurité immobilière

– Une exonération totale de droits. – Comme le prévoit l'article L. 132-3 du Code de l'environnement, le contrat d'ORE ne donne lieu ni à la perception de droits d'enregistrement prévus à l'article 662 du Code général des impôts, ni à la perception de la taxe de publicité foncière prévue par l'article 663 du même code.
Si le régime initial de l'ORE ne prévoyait aucune exonération concernant la contribution de sécurité immobilière prévue à l'article 879 du Code général des impôts, la loi de finances pour 2021 a complété le dispositif en prévoyant expressément que les contrats d'ORE en sont désormais exonérés.

Taxe foncière

– Exonération partielle. – L'article 72 de la loi du 8 août 2016 ayant institué le contrat d'ORE prévoyait en son III que :
« À partir du 1er janvier 2017, les communes peuvent, sur délibération du conseil municipal, exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, les propriétaires ayant conclu une obligation réelle environnementale ».
Cette disposition a été codifiée à l'article 1394 D du Code général des impôts à la faveur d'un décret du 2 mai 2017.
La loi de finances pour 2021 a modifié cet article pour l'étendre aux établissements public de coopération intercommunale à fiscalité propre, et en prévoyant l'obligation pour les propriétaires souhaitant bénéficier de l'exonération de déposer une déclaration au service des impôts dont ils dépendent.
Si le texte ne le précise pas explicitement, cette exonération ne vaut que pour autant que le contrat d'ORE produit ses effets. De sorte qu'à la fin de celui-ci, soit de manière anticipée, soit par arrivée du terme initialement prévu, l'exonération de taxe foncière ne trouvera plus à s'appliquer.
Il convient de noter qu'il existe déjà un certain nombre de cas d'exonérations de taxe foncière, permanentes ou temporaires, de plein droit ou sur décision de la collectivité concernée.
Ces cas d'exonération, compte tenu de leur régime, trouveront régulièrement à s'appliquer sur les terrains faisant l'objet d'un contrat d'ORE. La disposition prévue par l'article 72 de la loi du 8 août 2016 constitue donc « une exception à l'exception » puisqu'elle prévoit une exonération de longue durée étant donné qu'elle est calée sur celle du contrat d'ORE.
On peut cependant regretter les deux points suivants.
D'une part, que cette exonération ne concerne que la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Comme on l'a vu, les opérations de renaturation en ville devraient voir émerger des situations où les espaces verts situés dans les centres urbains, qu'ils soient aménagés en pleine terre ou sur des bâtiments, feront l'objet de mesures de protection renforcée. La possibilité de conclure un contrat d'ORE en serait l'un des outils, et dans ce cadre nous ne voyons pas ce qui justifierait un traitement fiscal différent. Une exonération sur les propriétés bâties serait donc la bienvenue.
D'autre part, qu'elle ne soit rendue possible que si la collectivité l'a décidé suivant une délibération du conseil municipal. À l'instar de l'exonération de taxe foncière pour les terrains situés dans un site Natura 2000 ou en zone humide, il serait utile de prévoir une exonération de plein droit pour les contrats d'ORE.
Il semble en effet qu'à ce jour très peu de communes ont délibéré pour instituer l'exonération sur leur territoire.

La transmission de l'ORE

– Angle d'attaque. – La question de la transmission de l'ORE peut s'appréhender suivant plusieurs angles d'attaque : la transmission du bien sur lequel est inscrit l'ORE ou la transmission du contrat d'ORE lui-même, la transmission volontaire ou la transmission forcée, la transmission par le débiteur ou par le créancier. Nous retiendrons pour notre part cette dernière distinction pour la suite de nos propos.

La transmission de l'ORE par le propriétaire débiteur

– Transmission du bien. – Bien que l'ORE ne soit pas attachée au bien sur lequel elle porte, l'article L. 132-3 du Code de l'environnement prévoit qu'elle s'impose aux propriétaires successifs de celui-ci.
Cette obligation s'impose tant au propriétaire initial qu'à tous les propriétaires ultérieurs, pendant toute la durée du contrat.
Elle concerne donc la transmission du bien de façon volontaire (vente de gré à gré, donation) ou « forcée » (succession, saisie).
L'exposé des motifs de la loi du 8 août 2016 explique les raisons de cette transmission automatique :
« Le fait que les obligations affectent la propriété elle-même évite les contingences liées au devenir des personnes parties prenantes, et permet d'assurer une réelle pérennité des mesures mises en œuvre qui, sans cela, perdraient une bonne partie de leur pertinence (prévention de l'artificialisation, mise en place de pratiques durables restaurant la qualité des sols, aménagements arborés nécessitant une durée de mise en œuvre…) ».
En revanche, il est un cas en l'état actuel du droit positif qui selon nous éteint l'ORE : la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Rappelons en effet que selon l'article L. 222-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « L'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés ».
Si l'ORE n'est ni un droit réel ni un droit personnel, il fait peu de doute selon nous qu'elle en subira le même sort.
Or, compte tenu de l'importance des enjeux de protection de la biodiversité et des fonctions écologiques, il eût été souhaitable qu'une exception soit prévue, ou à tout le moins que cela ne soit pas automatique.
– Transmission de la charge. – La question pourrait se poser en pratique de savoir si le propriétaire débiteur d'une obligation a la faculté de transférer la charge de l'ORE sur un autre bien qu'il détient. Elle pourrait se comprendre par exemple si le propriétaire souhaite vendre son bien mais que la présence de l'ORE rebute les acquéreurs potentiels.
Cela ne nous semble pas interdit, pour autant que le cocontractant donne son accord. Celui-ci sera d'autant plus enclin à l'accepter si le terrain proposé en substitution comporte des caractéristiques équivalentes au terrain d'origine ou des « potentialités » similaires pour assurer le maintien, la conservation, la gestion ou encore la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques.
Cela nous semble cependant plus complexe à concevoir dans le cadre d'une ORE de compensation. L'accord de l'autorité administrative ayant validé les mesures de compensation ne devrait-il pas être requis ? On peut légitimement le penser. Cela serait d'autant plus difficile à obtenir si la demande intervient de nombreuses années plus tard, compte tenu des impacts négatifs potentiels que cela pourrait causer sur le terrain d'origine.
Si elle est admise, une fois la cession opérée, elle devra selon nous faire l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière.

La transmission de l'ORE par le cocontractant créancier

Les dispositions du Code de l'environnement n'envisagent pas le cas dans lequel c'est le cocontractant du débiteur qui souhaite céder l'ORE.
À cet égard, il nous semble que la qualité de créancier se transmet de façon ordinaire en application des articles 1216 et suivants du Code civil.
Le créancier peut ainsi céder, avec l'accord du propriétaire, sa qualité de partie au contrat d'ORE à un tiers cessionnaire.
Encore faut-il toutefois que ce dernier ait les qualités requises, c'est-à-dire qu'il soit l'une des personnes limitativement énumérées par l'article L. 132-3 du Code de l'environnement.
Une fois la cession opérée, elle devra selon nous faire l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière.

La fiducie, outil de compensation environnementale

– Définition générale. – Le mécanisme de la fiducie a été introduit presque dix ans avant l'ORE dans l'arsenal juridique français. Il est depuis codifié aux articles 2011 à 2030 du Code civil.
La fiducie y est définie comme « l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ».
Sans revenir sur son régime juridique, il n'est pas inutile de rappeler qu'il existe deux types de fiducie :
  • la fiducie-sûreté : le constituant transmet un bien à un fiduciaire afin d'en faire bénéficier un tiers, lui-même créancier du constituant ;
  • la fiducie-gestion : le constituant, qui est également bénéficiaire, remet un bien au fiduciaire afin que celui-ci en assure la gestion dans un but déterminé.
– Un outil adapté à la question environnementale ? – La fiducie est, de l'aveu majoritaire des auteurs ayant écrit sur le sujet, une piste intéressante à explorer comme outil juridique à même de contribuer à la protection de l'environnement.
Comme nous l'avons déjà rappelé, le droit de l'environnement est celui du temps long, ce qui exige de disposer d'outils adaptés à ces préoccupations. Or la fiducie peut être consentie, comme l'ORE, pour une durée maximale de 99 ans.
Elle pourrait être envisagée, d'une part, pour la gestion de sites pollués (I), et, d'autre part, pour assurer la gestion de mesures de compensation environnementale (II).
Son régime dans le domaine environnemental reste cependant en grande partie à construire. Et si certains praticiens s'en sont déjà saisis, il convient d'avancer avec une infinie prudence.

La fiducie au service de la gestion des sites et sols pollués

– But poursuivi. – La fiducie au service de la gestion de sites ou de sols pollués consisterait à permettre au propriétaire d'un site pollué de transférer la propriété de son actif à un fiduciaire afin de lui permettre d'en assurer la gestion dans un but déterminé.
– Intérêt. – Employée en tant que simple outil de gestion, la fiducie peut interroger étant donné la palette des outils déjà existants. C'est en réalité pour la gestion de « situations de crise » que la fiducie peut trouver un réel intérêt.
Certains praticiens considèrent en effet qu'elle présenterait une utilité, d'une part, pour le cas d'une entreprise confrontée à une procédure collective et, d'autre part, pour la gestion d'une garantie de passif environnemental.

La fiducie au service de la compensation environnementale

– Une compatibilité de principe. – La fiducie pourrait consister pour un porteur de projet à « transférer » un bien à un tiers fiduciaire afin qu'il se charge de mettre en œuvre des mesures de compensation environnementale.
L'utilité serait ici différente de la gestion d'une « situation de crise » que nous avons vue précédemment. Elle serait triple dans ce cadre :
  • d'une part, sécuriser la réalisation et le financement des mesures de compensation pour lesquelles, rappelons-le, le porteur de projet a une obligation de résultat ;
  • d'autre part, assurer leur pérennité sur une longue période, équivalente à celle fixée par l'autorité administrative ;
  • enfin, assurer l'effectivité des mesures de compensation avec les garanties financières associées.
Dans pareille hypothèse le porteur de projet, constituant de la fiducie, en serait également le bénéficiaire. Mais ce n'est pas une obligation. Le bénéficiaire ne pourrait-il pas être aussi l'une des personnes visées à l'article L. 132-3 du Code de l'environnement en tant que créancier d'une ORE ? La question se pose comme nous le verrons plus loin.
– Les schémas possibles. – Adapter la fiducie à la compensation environnementale ne consiste pas à mettre en place un cadre contractuel rigide. Au contraire la loi autorise une grande liberté contractuelle, et plusieurs schémas sont possibles.
Une première situation est celle où le constituant, débiteur des mesures de compensation, est propriétaire du foncier nécessaire à leur mise en œuvre. Il transfère ce foncier à un fiduciaire mandaté pour réaliser ces mesures.
Le fiduciaire peut endosser le rôle de l'opérateur de compensation (il aura un rôle d'administrateur), mais ce n'est pas obligatoire. Il peut se contenter de déléguer ce rôle à un tiers dont c'est la spécialité (il aura plus un rôle de gestionnaire).
À l'issue des mesures de compensation (souvent après une période longue), le fiduciaire est tenu de restituer le foncier au porteur de projet ou encore au tiers bénéficiaire désigné au contrat s'il est distinct. Le porteur de projet pourrait en effet ne pas avoir d'intérêt particulier à conserver la propriété d'un foncier qui n'est pas celui sur lequel il a réalisé son opération. Au contraire, cette propriété pourrait profiter à des tiers comme des personnes publiques.
Une autre situation est celle dans laquelle le porteur de projet n'a pas la maîtrise du foncier. Il n'est pas tenu d'avoir une telle maîtrise pour respecter ses obligations de compensation. Il peut en effet également déléguer cette mission à un fiduciaire se portant acquéreur, qui réaliserait lui-même les mesures de compensation environnementale (directement ou par l'intermédiaire d'un opérateur de compensation).
Cette solution présente un réel intérêt puisque le propriétaire foncier est dans ce cas totalement étranger à l'opération du porteur de projet, et est en général peu enclin à se séparer de son foncier. Le transfert temporaire à un fiduciaire qui présenterait toutes les garanties requises serait certainement plus à même de le convaincre.
Plus délicate en revanche est la situation dans laquelle le fiduciaire se comporte en opérateur de site naturel de compensation en se constituant un patrimoine qu'il met ensuite à la disposition des porteurs de projet qui le solliciteraient pour y mettre en œuvre leurs obligations de compensation. D'une part, cela s'éloigne de l'esprit de la fiducie puisqu'il n'y pas un, mais potentiellement plusieurs constituants. D'autre part, elle pourrait être perçue comme une façon détournée de créer des sites naturels de compensation en dehors du cadre légal dont nous avons exposé le cadre juridique précédemment. La vigilance est donc de mise.
Il pourrait enfin être envisagé de coupler la fiducie à une ORE pour encadrer les relations contractuelles de chaque intervenant.
– Les difficultés résultant des textes. – La transposition de la fiducie à la compensation environnementale entraîne des difficultés pratiques. Voici celles qui nous interpellent le plus.
Rappelons d'abord que le fiduciaire doit aujourd'hui être de ceux qui sont visés par l'article 2015 du Code civil. Or, au vu de cette liste, nous pouvons douter du fait qu'ils puissent disposer, pour la plupart, des compétences nécessaires pour mettre en œuvre des mesures de compensation, sauf pour le fiduciaire à faire lui-même appel à un opérateur de compensation.
Une autre difficulté concerne la disparition du fiduciaire ou du constituant.
En cas de disparition du constituant suite à un décès, le contrat de fiducie prend fin. En matière de compensation environnementale, l'hypothèse d'un constituant personne physique est peu probable. Si le texte ne le prévoit pas explicitement, il nous semble que la disparition du constituant personne morale (procédure collective, fusion-absorption, etc.) devrait avoir pour effet la fin du contrat de fiducie de la même manière que pour une personne physique. Or, il serait pas dénué d'intérêt d'envisager que le contrat survive au profit d'un tiers, si les mesures de compensation environnementale ne sont pas achevées, afin d'en garantir la pérennité.
En cas de disparition du fiduciaire, si ce dernier fait l'objet d'une liquidation judiciaire ou d'une dissolution ou disparaît par suite d'une cession ou d'une absorption et, s'il est avocat, en cas d'interdiction temporaire, de radiation ou d'omission du tableau, le contrat de fiducie prend fin. La remarque formulée pour le cas de la disparition du constituant vaut également pour celle du fiduciaire, afin d'assurer la pérennité des mesures de compensation environnementale.
Étant précisé que le Code civil prévoit également que « si le fiduciaire manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou encore s'il fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le constituant, le bénéficiaire ou le tiers désigné en application de l'article 2017 peut demander en justice la nomination d'un fiduciaire provisoire ou solliciter le remplacement du fiduciaire ».
Si le texte ne le prévoit pas, il nous paraît indispensable que le fiduciaire souscrive une assurance afin de garantir la restitution du bien.
Enfin, en matière de compensation environnementale, rappelons que le porteur de projet peut être amené à devoir fournir une garantie financière. Nous percevons une difficulté potentielle pour l'obtenir d'un établissement bancaire en cas de compensation par la voie de la fiducie compte tenu de la séparation des patrimoines qu'elle opère.
– Des questions en suspens. – Au-delà des difficultés soulevées précédemment, certaines questions se posent.
En premier lieu, est-il possible de constituer une fiducie sur un bien dépendant du domaine public d'une personne publique ? Autrement dit, la fiducie est-elle compatible avec le régime de la domanialité publique ?
Le contrat de fiducie emporte transfert de propriété des biens identifiés par le constituant au profit du fiduciaire.
Ce transfert emporte cependant des conséquences moins habituelles : le fiduciaire n'a pas la possibilité de se dessaisir volontairement du bien ; s'il perçoit les fruits tirés de l'exploitation du bien, il ne peut pas les consommer.
Certains pourraient penser que l'absence de contrepartie financière à ce transfert de propriété permet de l'envisager sur le domaine public.
Mais le principe d'inaliénabilité attaché au domaine public devrait, nous semble-t-il, conduire à rejeter l'idée, en l'état actuel du droit positif, de permettre de constituer une fiducie. Finalement, seul un déclassement préalable par une décision expresse le permettrait. Or un tel déclassement n'est pas forcément possible, notamment si le bien est toujours affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ou n'est peut-être pas souhaitable puisque la personne publique peut vouloir lui conserver son régime protecteur.
Étant donné que le contrat de fiducie opère un transfert de propriété temporaire, et dès lors que son régime présente toutes les garanties suffisantes (notamment il le protégera de toute saisie, de toute appropriation par un tiers), nous pourrions espérer un assouplissement de la règle.
En deuxième lieu, savoir si un bien du domaine public peut faire l'objet d'une fiducie pose plus largement la question du constituant personne publique. Le contrat de fiducie peut-il être qualifié de marché de service ? Le cas échéant, devrait-il être précédé d'une procédure de publicité et de mise en concurrence ? Nous sommes d'avis de considérer que la fiducie présente tous les caractères d'un contrat à double objet, à la fois de service et de transfert de propriété. Mais dans ce cas, l'objet principal n'est-il pas le service rendu par le fiduciaire et le transfert de propriété son accessoire ? Le flou demeure sur ce point et la plus grande prudence s'impose.
En troisième lieu, compte tenu du transfert de propriété réalisé, est-il nécessaire de purger au préalable les droits de préemption, de priorité, pacte de préférence, etc., qu'ils soient d'origine légale ou conventionnelle ?
Il nous semble que si le bénéficiaire est le constituant, il ne devrait pas y avoir besoin de purger le droit de préemption comme le soutient une partie de la doctrine. En revanche, si le bénéficiaire est un tiers et qu'il a vocation à devenir propriétaire à terme du bien, lequel transfert sera définitif, il nous semble difficile d'échapper aux différents droits de préemption. Mais à quel moment purger ces droits ? Il nous semble que ceux-ci devraient l'être au moment du deuxième transfert, c'est-à-dire au profit du bénéficiaire. Procéder différemment ferait courir le risque que le bien soit préempté et que le contrat de fiducie ne puisse pas jouer. Là encore, en l'absence de précision des textes, il faudra faire œuvre de prudence.
En dernier lieu, un certain flou perdure quant à l'étendue des pouvoirs du fiduciaire : s'il ne peut pas se dessaisir du bien, peut-il cependant conclure des contrats opérant un transfert de jouissance ? Autrement dit, peut-il conférer un droit réel comme une hypothèque, une servitude ou un bail emphytéotique ? Dans le domaine de la compensation environnementale, le fiduciaire peut-il lui-même conclure une ORE ou un bail rural avec un fermier ? Et dans ce dernier cas, le statut d'ordre public trouverait-il à s'appliquer ? Une piste pourrait être de considérer que le fiduciaire est apte à conférer des droits de jouissance et des droits réels afin de lui permettre d'exercer pleinement sa mission. Mais de tels droits pourraient devoir trouver à s'éteindre avec la disparition du contrat de fiducie, sauf à obtenir l'accord du constituant.
– Un modèle à parfaire. – Pour conclure sur le sujet de la fiducie, nous percevons dans ce modèle les germes d'un outil qu'il serait intéressant de développer dans le domaine environnemental, et plus particulièrement pour la compensation.
Mais les sujets évoqués sont autant de questions qui, pour le moment, ne trouvent pas de réponse claire, ce qui ne va pas sans poser des difficultés juridiques mais également pratiques.
À l'occasion du dix-septième anniversaire de l'introduction de la fiducie dans notre Code civil, nous souhaitons œuvrer pour sa diffusion et sa clarification dans le domaine du droit de l'environnement.