Les dérogations sur l'ensemble du territoire

Les dérogations sur l'ensemble du territoire

Les dérogations en faveur de la construction

– L'autorisation préfectorale de déroger. – Comme souvent en matière de dérogations, cet outil a d'abord fait l'objet d'une expérimentation dans certaines régions et départements français, avant d'être pérennisé et élargi sur l'ensemble du territoire.
Cette autorisation permet au préfet de région ou de département de faciliter les projets soumis à autorisation relevant de sa compétence, en dérogeant à certaines normes relatives à la construction, au logement et à l'urbanisme, à l'aménagement du territoire et à la politique de la ville.
Elle est soumise aux conditions suivantes :
  • elle doit être justifiée par un motif d'intérêt général et des circonstances locales ;
  • elle doit permettre d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure et de favoriser l'accès aux aides publiques ;
  • elle doit être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • et ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou la sécurité des personnes et des biens ni, de manière disproportionnée, aux objectifs poursuivis par les règles auxquels il est dérogé.
De nombreuses normes de sécurité (protection incendie, accessibilité…) contraignent voire bloquent les projets, mais cette seule circonstance ne signifie pas pour autant qu'on ne puisse pas y déroger. Il appartient au préfet d'apprécier ces situations délicates, au moyen si besoin d'un bilan coût/avantage, d'une estimation des risques juridiques.
L'autorisation de déroger prend la forme d'un arrêté préfectoral motivé publié au recueil des actes administratifs, ou peut être mentionnée au sein même de la décision prise.
Présenté comme un véritable « outil utile pour faciliter la reprise de notre pays » par le ministre de l'Intérieur, le droit de dérogation préfectoral s'applique au-delà du domaine de l'aménagement, de l'urbanisme ou de la construction. Appréhendé de manière plus vaste, il s'agit de permettre aux préfets de débloquer des situations qui se trouvent paralysées par la multitude et la complexité des normes, ou encore les délais induits.
Dans l'exemple précité, la dérogation a permis d'écarter l'étude d'impact et l'enquête publique ; certains y voient le risque que des projets se réalisent sans les garde-fous de la participation du public à leur élaboration. Ainsi, l'association Les Amis de la Terre a-t-elle fait un recours en annulation du décret de 2017 ayant créé cette autorisation préfectorale à titre expérimental, recours rejeté par le Conseil d'État qui a estimé que le décret ne portait pas atteinte au principe de non-régression, car il ne s'agit pas de déroger de manière durable aux procédures, ni de généraliser des mesures de simplification à la norme.
En effet, l'autorisation préfectorale de déroger ne peut concerner qu'une autorisation d'urbanisme individuelle relevant de la compétence du préfet, pour un projet donné et ne peut donc donner lieu à l'édiction d'une nouvelle norme générale.

Exemple d'une autorisation préfectorale de déroger pour protéger des digues

Le CEREMA donne à titre d'exemple les digues des Vieilles Maisons dans la commune de Le Perrier : une dérogation préfectorale a permis de gagner dix-huit mois d'instruction en écartant l'étude d'impact et l'enquête publique, et d'obtenir une dispense d'autorisation avant d'engager les travaux. Elle était justifiée par l'urgence, car la dune qui protégeait cette portion du littoral avait en grande partie disparu au cours des hivers 2017 et 2018.

– Les dérogations de l'article L. 152-4 du Code de l'urbanisme. – Cette disposition du Code de l'urbanisme permet de déroger aux règles du PLU pour autoriser :
  • la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés suite à une catastrophe naturelle survenue il y a moins d'un an, malgré des règles de sécurité des biens ou des personnes qui empêchent cette reconstruction ;
  • la restauration ou la reconstruction d'immeubles protégés au titre des monuments historiques, malgré des obstacles réglementaires à la conservation du patrimoine historique ;
  • des travaux nécessaires à l'accessibilité des personnes handicapées à un logement existant.
Pour ces dérogations ciblées, l'autorité compétence pour délivrer le permis doit obtenir au préalable l'accord du préfet et du maire ou du président de l'EPCI compétent en matière de PLU (s'il ne s'agit pas de la même autorité qui délivre le permis).

Les dérogations en faveur de l'environnement

– Les dérogations en faveur de matériaux et de procédés de construction protecteurs de l'environnement (C. urb., art. L. 111-16). – Soucieux de promouvoir des matériaux et modes de construction plus vertueux pour l'environnement, le législateur interdit à l'autorité administrative de s'opposer à une demande d'autorisation d'urbanisme pour des raisons relatives à l'aspect extérieur du projet, dès lors que celui-ci utilise des matériaux renouvelables, évite les émissions de gaz à effet de serre, favorise la retenue des eaux pluviales ou la production d'énergies renouvelables, y compris sur les ombrières des aires de stationnement.
Une telle autorisation qui permet de déroger au règlement d'urbanisme peut toutefois être assortie de prescriptions assurant une bonne insertion architecturale du projet dans son environnement et est même interdite dans certains secteurs bénéficiant d'une protection esthétique particulière. À noter que la mise à l'écart, dans ces secteurs protégés, de procédés ou matériaux performants en termes énergétique ou environnemental, doit néanmoins être motivée. Dans une telle situation, il revient donc à l'autorité compétence pour délivrer l'autorisation (le maire la plupart du temps) de faire prévaloir l'architecture ou l'environnement…
– Les dérogations en faveur de l'isolation et de la protection contre le rayonnement solaire (C. urb., art. L. 152-5). – Les dispositifs d'isolation par l'extérieur, de protection contre le rayonnement solaire ou les ombrières sur les aires de stationnement avec un dispositif de production d'énergies renouvelables bénéficient désormais d'une possibilité de déroger aux règles du PLU relatives à l'emprise au sol, l'implantation, la hauteur et l'aspect extérieur des constructions, dans la limite d'une surépaisseur ou d'une surélévation de 30 cm. Les contraintes techniques de l'isolation par l'extérieur rendent tout simplement nécessaire l'adaptation du droit.
Pour autant, dans la balance « environnement – patrimoine », le patrimoine reste prédominant dans la mesure où ces travaux entraînant une surépaisseur ou une surélévation du bâtiment ne doivent pas porter atteinte à sa qualité architecturale ni à son insertion dans son bâti environnant.
Cette dérogation est même totalement exclue pour les immeubles classés, inscrits ou protégés au titre des monuments historiques, situés dans un site patrimonial remarquable ou un site à protéger pour des motifs culturels, historiques ou architecturaux.
– Les dérogations en faveur de la végétalisation (C. urb., art. L. 152-5-1). – Une dérogation dont les limites sont similaires en termes de respect de « l'environnement architectural » et qui, en outre, ne concernent que les zones urbaines ou à urbaniser, permet de s'extraire des contraintes du PLU relatives à la hauteur et à l'aspect extérieur des constructions pour végétaliser celles-ci, dans la limite d'un dépassement d'un mètre en tout point au-dessus de la hauteur autorisée, hors végétation.
– L'exemplarité environnementale (C. urb., art. L. 152-5-2 et L. 151-28). – L'utilisation de nouveaux procédés constructifs plus vertueux pour la performance énergétique des constructions et pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre peut engendrer une augmentation de l'épaisseur de certains éléments, dont les planchers. Il s'est donc avéré rapidement nécessaire d'autoriser des dérogations aux règles de hauteur et d'attribuer un bonus de constructibilité aux projets exemplaires en termes énergétique et environnemental.
– Exception de l'article L. 151-28, 3° du Code de l'urbanisme. – La loi « Transition énergétique » du 7 août 2015 a tout d'abord octroyé un bonus de constructibilité de 30 % pour les constructions vertueuses situées en zone urbaine ou à urbaniser. Le dépassement des règles du PLU relatives au gabarit peut permettre ainsi un dépassement de hauteur de l'immeuble à construire ; l'objectif étant de ne pas imposer de contrainte de gabarit ou de hauteur plus importante aux maîtres d'ouvrage qui ont recours à un processus de construction plus respectueux de l'environnement.
Cette exception s'applique aux zones urbaines ou à urbaniser, pour les constructions faisant preuve d'exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive.
Une telle dérogation nécessite toutefois une modification préalable du PLU et l'intégration d'une clause spécifique dans celui-ci. Il s'agit en réalité d'une exception à la règle générale et non pas d'une véritable dérogation, au contraire de celle de l'article L. 151-5-2 issu de la loi « Climat et résilience ».
– Dérogation de l'article L. 151-5-2 du Code de l'urbanisme. – Depuis le 11 mars 2023, une dérogation aux seules règles de hauteur peut être sollicitée par le pétitionnaire dans le cadre de son dossier de demande de permis de construire ou de déclaration préalable, sans modification préalable du PLU, dès lors que le projet fait preuve d'exemplarité environnementale.
Le dépassement de la hauteur du bâtiment est autorisé dans la limite de 25 cm par niveau pour un total ne pouvant pas dépasser 2,5 m par rapport à la hauteur autorisée par le PLU ; il doit être la conséquence du choix d'un mode constructif exemplaire et ne doit pas permettre l'ajout d'un étage supplémentaire.
– Deux dispositifs d'exemplarité environnementale. – L'exception aux règles de gabarit et de hauteur dans la limite d'un bonus de constructibilité de 30 % s'applique aux constructions qui font preuve d'exemplarité énergétique, à celles qui font preuve d'exemplarité environnementale ainsi qu'aux bâtiments à énergie positive, mais elle suppose d'avoir été intégrée au préalable dans le règlement du PLU.
La dérogation aux règles de hauteur dans la limite de 2,5 m peut en revanche être demandée directement par le pétitionnaire, mais ne concerne que les projets faisant preuve d'exemplarité environnementale.
Étonnamment, le texte qui prévoit cette dernière dérogation n'a pas repris les contraintes imposées par le respect des monuments historiques ou des sites patrimoniaux remarquables, à l'inverse de l'exception de l'article L. 151-28, 3° du Code de l'urbanisme, ou encore des dérogations en faveur des travaux d'isolation, de protection contre le rayonnement solaire ou de la végétalisation.
– Des dérogations trop simples à obtenir ? – Alors que la dérogation de l'article L. 152-5-2 du Code de l'urbanisme peut être sollicitée par le maître d'ouvrage dans le cadre d'un projet sans passer par la case PLU, elle permet potentiellement d'obtenir un gain de hauteur qui peut s'avérer supérieur à celui qui serait obtenu avec le bonus de constructibilité de 30 % et sans se préoccuper des contraintes patrimoniales et de monuments historiques.
Dans un souci de simplification, l'obligation d'une certification pour prouver l'exemplarité environnementale d'un projet a été supprimée. Il suffit désormais que le maître d'ouvrage « s'autocertifie » pour obtenir soit une dérogation aux règles de hauteur, soit un bonus de constructibilité. La preuve de l'exemplarité tant environnementale qu'énergétique a en effet été uniformisée. Seuls les bâtiments à énergie positive nécessitent désormais une certification par un organisme indépendant.
– L'exemplarité des bâtiments publics. – La loi « Transition énergétique » du 17 août 2015 invite l'État, ses établissements publics et les collectivités territoriales à faire preuve d'exemplarité énergétique et environnementale pour toute nouvelle construction qui devra, au surplus, être à énergie positive et à haute performance énergétique chaque fois que possible.
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a précisé que la commande publique devait veiller à l'utilisation de matériaux biosourcés, puis la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 a donné une valeur contraignante à ces dispositions en précisant qu'à compter du 1er janvier 2030, l'utilisation de matériaux biosourcés ou bas-carbone devra intervenir dans au moins un quart des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique pour les opérations d'une certaine importance.
Quand les personnes publiques doivent montrer l'exemple…

Qu'est-ce que…

<strong>L'exemplarité énergétique. </strong>Il s'agit d'une construction qui atteint des résultats minimaux en termes de besoin en énergie, de consommation en énergie primaire ou en énergie primaire renouvelable et d'impact sur le changement climatique de cette consommation.

<strong>L'exemplarité environnementale.</strong> Il s'agit d'une construction qui atteint des résultats minimaux en termes d'impact sur le changement climatique liés aux composants du bâtiment et évalués sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment.

<strong>Les bâtiments à énergie positive.</strong> Il s'agit d'une construction dont la production d'énergie renouvelable injectée dans le réseau doit compenser <em>a minima</em> sa consommation d'énergie renouvelable. Son bilan énergétique doit être inférieur à un seuil (BEPOS) qui peut être modulé en fonction de la localisation, des caractéristiques et de l'usage du bâtiment.