L'ouverture au pragmatisme : les dérogations

L'ouverture au pragmatisme : les dérogations

– Les adaptations mineures ou exceptions en droit de l'urbanisme. – Face à la multiplicité des normes de construction issues du Code de l'urbanisme ou du Code de la construction et de l'habitation (70 000 normes d'après le CEREMA !), le législateur cherche depuis plusieurs années à assouplir la rigidité de ces normes parfois contradictoires dans leurs objectifs, voire incompatibles entre elles, pour soutenir la construction et créer le fameux choc de l'offre que chacun appelle de ses vœux notamment en matière de logement. Adaptations, exceptions, dérogations… mais de quoi parle-t-on exactement ?
  • Un PLU peut apporter des adaptations mineures aux règles et servitudes d'urbanisme qu'il édicte, dès lors que ces adaptations sont nécessitées par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes (C. urb., art. L. 152-3, 1°). Il s'agit essentiellement de s'adapter au foncier devant accueillir la construction et ses avoisinants (en raison de la pente du terrain, de l'étroitesse de la parcelle…). L'écart constaté doit rester faible, mais cela reste subjectif. La particularité de ces adaptations mineures est qu'elles doivent être examinées d'office tant par les services instructeurs que par le juge, quand bien même le pétitionnaire n'en ferait pas la demande.
  • Un PLU peut également prévoir des exceptions ou des règles alternatives aux dispositions générales pour s'adapter aux conditions locales particulières. Par application de l'adage specialia generalibus derogant, le juge saisi d'un recours contre un permis de construire vérifie si l'autorité administrative n'a pas fait une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application d'une règle particulière. À titre d'exemple, les articles L. 151-28 à L. 151-29-1 du Code de l'urbanisme permettent au PLU (ou document d'urbanisme en tenant lieu) de prévoir des bonus de constructibilité pour favoriser la construction de logements sociaux ou intermédiaires.
Les propos qui vont suivre concernent exclusivement les dérogations, qu'il s'agisse de celles prévues par le législateur (A) ou de celles initiées par les opérateurs (B).

Adaptations, exceptions, dérogations : lexique

<strong>L'exception</strong> est une règle particulière ou « règle alternative » incorporée par un document d'urbanisme à la règle générale. Elle permet une application circonstanciée de la règle à une spécificité locale et doit être suffisamment encadrée. À noter qu'on ne peut pas utiliser une exception dans une situation où l'autorité administrative pourrait procéder à une adaptation mineure ou accorder une dérogation.

<strong>La dérogation</strong> consiste à écarter la règle générale prévue par le document d'urbanisme, à l'occasion d'une demande d'autorisation. Elle permet de ne pas appliquer une règle ou une norme et doit faire l'objet d'une demande de la part du pétitionnaire à l'occasion de sa demande individuelle d'autorisation d'urbanisme.

<strong>L'adaptation mineure</strong> constitue une sorte de dérogation, car elle permet aussi de mettre à l'écart la règle d'urbanisme normalement applicable ; son utilisation est toutefois très encadrée quant aux motifs et au faible degré d'écart autorisé.

Les dérogations sur l'ensemble du territoire

Les dérogations en faveur de la construction

– L'autorisation préfectorale de déroger. – Comme souvent en matière de dérogations, cet outil a d'abord fait l'objet d'une expérimentation dans certaines régions et départements français, avant d'être pérennisé et élargi sur l'ensemble du territoire.
Cette autorisation permet au préfet de région ou de département de faciliter les projets soumis à autorisation relevant de sa compétence, en dérogeant à certaines normes relatives à la construction, au logement et à l'urbanisme, à l'aménagement du territoire et à la politique de la ville.
Elle est soumise aux conditions suivantes :
  • elle doit être justifiée par un motif d'intérêt général et des circonstances locales ;
  • elle doit permettre d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure et de favoriser l'accès aux aides publiques ;
  • elle doit être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • et ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou la sécurité des personnes et des biens ni, de manière disproportionnée, aux objectifs poursuivis par les règles auxquels il est dérogé.
De nombreuses normes de sécurité (protection incendie, accessibilité…) contraignent voire bloquent les projets, mais cette seule circonstance ne signifie pas pour autant qu'on ne puisse pas y déroger. Il appartient au préfet d'apprécier ces situations délicates, au moyen si besoin d'un bilan coût/avantage, d'une estimation des risques juridiques.
L'autorisation de déroger prend la forme d'un arrêté préfectoral motivé publié au recueil des actes administratifs, ou peut être mentionnée au sein même de la décision prise.
Présenté comme un véritable « outil utile pour faciliter la reprise de notre pays » par le ministre de l'Intérieur, le droit de dérogation préfectoral s'applique au-delà du domaine de l'aménagement, de l'urbanisme ou de la construction. Appréhendé de manière plus vaste, il s'agit de permettre aux préfets de débloquer des situations qui se trouvent paralysées par la multitude et la complexité des normes, ou encore les délais induits.
Dans l'exemple précité, la dérogation a permis d'écarter l'étude d'impact et l'enquête publique ; certains y voient le risque que des projets se réalisent sans les garde-fous de la participation du public à leur élaboration. Ainsi, l'association Les Amis de la Terre a-t-elle fait un recours en annulation du décret de 2017 ayant créé cette autorisation préfectorale à titre expérimental, recours rejeté par le Conseil d'État qui a estimé que le décret ne portait pas atteinte au principe de non-régression, car il ne s'agit pas de déroger de manière durable aux procédures, ni de généraliser des mesures de simplification à la norme.
En effet, l'autorisation préfectorale de déroger ne peut concerner qu'une autorisation d'urbanisme individuelle relevant de la compétence du préfet, pour un projet donné et ne peut donc donner lieu à l'édiction d'une nouvelle norme générale.

Exemple d'une autorisation préfectorale de déroger pour protéger des digues

Le CEREMA donne à titre d'exemple les digues des Vieilles Maisons dans la commune de Le Perrier : une dérogation préfectorale a permis de gagner dix-huit mois d'instruction en écartant l'étude d'impact et l'enquête publique, et d'obtenir une dispense d'autorisation avant d'engager les travaux. Elle était justifiée par l'urgence, car la dune qui protégeait cette portion du littoral avait en grande partie disparu au cours des hivers 2017 et 2018.

– Les dérogations de l'article L. 152-4 du Code de l'urbanisme. – Cette disposition du Code de l'urbanisme permet de déroger aux règles du PLU pour autoriser :
  • la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés suite à une catastrophe naturelle survenue il y a moins d'un an, malgré des règles de sécurité des biens ou des personnes qui empêchent cette reconstruction ;
  • la restauration ou la reconstruction d'immeubles protégés au titre des monuments historiques, malgré des obstacles réglementaires à la conservation du patrimoine historique ;
  • des travaux nécessaires à l'accessibilité des personnes handicapées à un logement existant.
Pour ces dérogations ciblées, l'autorité compétence pour délivrer le permis doit obtenir au préalable l'accord du préfet et du maire ou du président de l'EPCI compétent en matière de PLU (s'il ne s'agit pas de la même autorité qui délivre le permis).

Les dérogations en faveur de l'environnement

– Les dérogations en faveur de matériaux et de procédés de construction protecteurs de l'environnement (C. urb., art. L. 111-16). – Soucieux de promouvoir des matériaux et modes de construction plus vertueux pour l'environnement, le législateur interdit à l'autorité administrative de s'opposer à une demande d'autorisation d'urbanisme pour des raisons relatives à l'aspect extérieur du projet, dès lors que celui-ci utilise des matériaux renouvelables, évite les émissions de gaz à effet de serre, favorise la retenue des eaux pluviales ou la production d'énergies renouvelables, y compris sur les ombrières des aires de stationnement.
Une telle autorisation qui permet de déroger au règlement d'urbanisme peut toutefois être assortie de prescriptions assurant une bonne insertion architecturale du projet dans son environnement et est même interdite dans certains secteurs bénéficiant d'une protection esthétique particulière. À noter que la mise à l'écart, dans ces secteurs protégés, de procédés ou matériaux performants en termes énergétique ou environnemental, doit néanmoins être motivée. Dans une telle situation, il revient donc à l'autorité compétence pour délivrer l'autorisation (le maire la plupart du temps) de faire prévaloir l'architecture ou l'environnement…
– Les dérogations en faveur de l'isolation et de la protection contre le rayonnement solaire (C. urb., art. L. 152-5). – Les dispositifs d'isolation par l'extérieur, de protection contre le rayonnement solaire ou les ombrières sur les aires de stationnement avec un dispositif de production d'énergies renouvelables bénéficient désormais d'une possibilité de déroger aux règles du PLU relatives à l'emprise au sol, l'implantation, la hauteur et l'aspect extérieur des constructions, dans la limite d'une surépaisseur ou d'une surélévation de 30 cm. Les contraintes techniques de l'isolation par l'extérieur rendent tout simplement nécessaire l'adaptation du droit.
Pour autant, dans la balance « environnement – patrimoine », le patrimoine reste prédominant dans la mesure où ces travaux entraînant une surépaisseur ou une surélévation du bâtiment ne doivent pas porter atteinte à sa qualité architecturale ni à son insertion dans son bâti environnant.
Cette dérogation est même totalement exclue pour les immeubles classés, inscrits ou protégés au titre des monuments historiques, situés dans un site patrimonial remarquable ou un site à protéger pour des motifs culturels, historiques ou architecturaux.
– Les dérogations en faveur de la végétalisation (C. urb., art. L. 152-5-1). – Une dérogation dont les limites sont similaires en termes de respect de « l'environnement architectural » et qui, en outre, ne concernent que les zones urbaines ou à urbaniser, permet de s'extraire des contraintes du PLU relatives à la hauteur et à l'aspect extérieur des constructions pour végétaliser celles-ci, dans la limite d'un dépassement d'un mètre en tout point au-dessus de la hauteur autorisée, hors végétation.
– L'exemplarité environnementale (C. urb., art. L. 152-5-2 et L. 151-28). – L'utilisation de nouveaux procédés constructifs plus vertueux pour la performance énergétique des constructions et pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre peut engendrer une augmentation de l'épaisseur de certains éléments, dont les planchers. Il s'est donc avéré rapidement nécessaire d'autoriser des dérogations aux règles de hauteur et d'attribuer un bonus de constructibilité aux projets exemplaires en termes énergétique et environnemental.
– Exception de l'article L. 151-28, 3° du Code de l'urbanisme. – La loi « Transition énergétique » du 7 août 2015 a tout d'abord octroyé un bonus de constructibilité de 30 % pour les constructions vertueuses situées en zone urbaine ou à urbaniser. Le dépassement des règles du PLU relatives au gabarit peut permettre ainsi un dépassement de hauteur de l'immeuble à construire ; l'objectif étant de ne pas imposer de contrainte de gabarit ou de hauteur plus importante aux maîtres d'ouvrage qui ont recours à un processus de construction plus respectueux de l'environnement.
Cette exception s'applique aux zones urbaines ou à urbaniser, pour les constructions faisant preuve d'exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive.
Une telle dérogation nécessite toutefois une modification préalable du PLU et l'intégration d'une clause spécifique dans celui-ci. Il s'agit en réalité d'une exception à la règle générale et non pas d'une véritable dérogation, au contraire de celle de l'article L. 151-5-2 issu de la loi « Climat et résilience ».
– Dérogation de l'article L. 151-5-2 du Code de l'urbanisme. – Depuis le 11 mars 2023, une dérogation aux seules règles de hauteur peut être sollicitée par le pétitionnaire dans le cadre de son dossier de demande de permis de construire ou de déclaration préalable, sans modification préalable du PLU, dès lors que le projet fait preuve d'exemplarité environnementale.
Le dépassement de la hauteur du bâtiment est autorisé dans la limite de 25 cm par niveau pour un total ne pouvant pas dépasser 2,5 m par rapport à la hauteur autorisée par le PLU ; il doit être la conséquence du choix d'un mode constructif exemplaire et ne doit pas permettre l'ajout d'un étage supplémentaire.
– Deux dispositifs d'exemplarité environnementale. – L'exception aux règles de gabarit et de hauteur dans la limite d'un bonus de constructibilité de 30 % s'applique aux constructions qui font preuve d'exemplarité énergétique, à celles qui font preuve d'exemplarité environnementale ainsi qu'aux bâtiments à énergie positive, mais elle suppose d'avoir été intégrée au préalable dans le règlement du PLU.
La dérogation aux règles de hauteur dans la limite de 2,5 m peut en revanche être demandée directement par le pétitionnaire, mais ne concerne que les projets faisant preuve d'exemplarité environnementale.
Étonnamment, le texte qui prévoit cette dernière dérogation n'a pas repris les contraintes imposées par le respect des monuments historiques ou des sites patrimoniaux remarquables, à l'inverse de l'exception de l'article L. 151-28, 3° du Code de l'urbanisme, ou encore des dérogations en faveur des travaux d'isolation, de protection contre le rayonnement solaire ou de la végétalisation.
– Des dérogations trop simples à obtenir ? – Alors que la dérogation de l'article L. 152-5-2 du Code de l'urbanisme peut être sollicitée par le maître d'ouvrage dans le cadre d'un projet sans passer par la case PLU, elle permet potentiellement d'obtenir un gain de hauteur qui peut s'avérer supérieur à celui qui serait obtenu avec le bonus de constructibilité de 30 % et sans se préoccuper des contraintes patrimoniales et de monuments historiques.
Dans un souci de simplification, l'obligation d'une certification pour prouver l'exemplarité environnementale d'un projet a été supprimée. Il suffit désormais que le maître d'ouvrage « s'autocertifie » pour obtenir soit une dérogation aux règles de hauteur, soit un bonus de constructibilité. La preuve de l'exemplarité tant environnementale qu'énergétique a en effet été uniformisée. Seuls les bâtiments à énergie positive nécessitent désormais une certification par un organisme indépendant.
– L'exemplarité des bâtiments publics. – La loi « Transition énergétique » du 17 août 2015 invite l'État, ses établissements publics et les collectivités territoriales à faire preuve d'exemplarité énergétique et environnementale pour toute nouvelle construction qui devra, au surplus, être à énergie positive et à haute performance énergétique chaque fois que possible.
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a précisé que la commande publique devait veiller à l'utilisation de matériaux biosourcés, puis la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 a donné une valeur contraignante à ces dispositions en précisant qu'à compter du 1er janvier 2030, l'utilisation de matériaux biosourcés ou bas-carbone devra intervenir dans au moins un quart des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique pour les opérations d'une certaine importance.
Quand les personnes publiques doivent montrer l'exemple…

Qu'est-ce que…

<strong>L'exemplarité énergétique. </strong>Il s'agit d'une construction qui atteint des résultats minimaux en termes de besoin en énergie, de consommation en énergie primaire ou en énergie primaire renouvelable et d'impact sur le changement climatique de cette consommation.

<strong>L'exemplarité environnementale.</strong> Il s'agit d'une construction qui atteint des résultats minimaux en termes d'impact sur le changement climatique liés aux composants du bâtiment et évalués sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment.

<strong>Les bâtiments à énergie positive.</strong> Il s'agit d'une construction dont la production d'énergie renouvelable injectée dans le réseau doit compenser <em>a minima</em> sa consommation d'énergie renouvelable. Son bilan énergétique doit être inférieur à un seuil (BEPOS) qui peut être modulé en fonction de la localisation, des caractéristiques et de l'usage du bâtiment.

Les dérogations dans certaines zones

Les dérogations en faveur de la construction

– Des dérogations en faveur de la mixité sociale. – Dans les zones tendues ou dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme (GOU), le Code de l'urbanisme (art. L. 152-6) permet diverses dérogations en matière de gabarit, de densité ou de création d'aires de stationnement pour favoriser la création de logements, principalement dans un objectif de mixité sociale. Ces dérogations aboutissent généralement à la majoration de constructibilité de 30 % maximum.
– Des dérogations en faveur de la surélévation des immeubles d'habitation. – En matière de construction, l'article L. 112-13 du Code de la construction et de l'habitation favorise la création de logements par la surélévation des bâtiments en permettant au maître d'ouvrage de déroger à certaines normes constructives en matière d'isolation acoustique, de sécurité contre l'incendie, d'accessibilité… mais aussi de performance énergétique et environnementale.
À l'heure où la rénovation énergétique des bâtiments s'avère indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique, on peut s'émouvoir du risque de subjectivité dans la délivrance de ces autorisations dérogatoires, d'autant que la loi « 3DS » du 21 février 2022 a supprimé l'obligation pour l'autorité compétente de motiver sa décision. Le maire, pour délivrer le permis de construire, devra simplement tenir « compte de la nature du projet et de la zone d'implantation ».
Les dérogations en matière de construction (et non pas d'urbanisme) seront sans doute moins sujettes à la critique car elles nécessitent une autorisation préalable du préfet, entraînant au passage une majoration du délai d'instruction du permis de trois mois. Celui-ci peut d'ailleurs assortir les dérogations à des mesures de compensation.
Nous renvoyons à ce sujet aux travaux du 119e Congrès des notaires de France relatifs à la surélévation des bâtiments et à leur réversibilité.
– Les dérogations en zone de friches (C. urb., art. L. 152-6-2). – Le même type de dérogation aux règles de gabarit dans la limite de 30 % et aux règles en matière de stationnement est autorisé dans les friches afin de favoriser leur reconversion.
– Les dérogations dans les ORT (C. urb., art. L. 152-6-4). – Il s'agit là de l'une des caractéristiques principales de l'opération de revitalisation du territoire (ORT) : dispenser les porteurs de projet des contraintes administratives pour redynamiser les centres des bourgs et villes moyennes en leur apportant de la souplesse et de la rapidité dans l'instruction des autorisations.
Ainsi l'article L. 152-6-4 du Code de l'urbanisme permet de déroger aux règles du PLU relatives à l'implantation, au gabarit, à la densité (toujours dans la limite de 30 %), aux règles de stationnement, mais également à la destination des constructions.
Nous verrons également qu'une ORT permet le recours au permis d'innover.

Les dérogations en faveur de l'environnement sous forme de majoration des dérogations

À l'instar de l'article L. 151-28, 3° du Code de l'urbanisme qui accorde, sous forme d'exception à la règle de droit, un bonus de constructibilité de 30 % pour les constructions vertueuses situées en zone urbaine ou à urbaniser, les grandes opérations d'urbanisme ou les périmètres d'opérations de revitalisation du territoire permettent également une telle majoration si le projet présente une certaine qualité et/ou un caractère innovant.
– Bonus de constructibilité (C. urb., art. L. 152-6). – Un bonus de constructibilité de 15 % est accordé pour « les constructions contribuant à la qualité de cadre de vie, par la création d'espaces extérieurs… » ou de 5 % pour celles qui présentent « un intérêt public du point de vue de la qualité ainsi que de l'innovation ou de la création architecturale », dans les zones tendues ou les GOU.
– Bonus de constructibilité (C. urb., art. L. 152-6-4). – On retrouve également le bonus de constructibilité dans la limite de 30 % si le projet contribue à améliorer le « cadre de vie par la création d'espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres » dans les ORT.
– Propos conclusifs. – La majorité des assouplissements aux procédés constructifs et urbanistiques en faveur de l'environnement et en faveur de l'innovation résulte désormais de dérogations.
Or, si l'exception est une règle alternative intégrée par le législateur au droit positif, et si la dérogation mineure doit obligatoirement être appréhendée par l'autorité administrative à l'occasion de l'instruction d'une autorisation d'urbanisme, la dérogation est une démarche qui est à l'initiative du pétitionnaire à l'occasion d'un projet donné. C'est à lui que revient la responsabilité d'établir la note qui précise la nature de la ou des dérogations sollicitées et de justifier pour chacune d'elles du respect des objectifs et des conditions fixés. Une même responsabilité, on le verra, pèse sur le pétitionnaire d'un permis d'innover ou d'expérimenter.
Les dérogations consenties sont encore peu nombreuses et accordées de manière aléatoire, voire discrétionnaire. Outre le fait que la demande de certaines d'entre elles génère un allongement du délai d'instruction, l'absence de cadre précis de la demande de dérogation et surtout le fait que l'autorité administrative n'ait pas à motiver un refus s'avèrent un frein à leur déploiement.
La multiplicité des textes relatifs à ces dérogations ne facilite pas pour les opérateurs leur compréhension ni leur bonne utilisation, d'autant que la « simplification » mise en avant par le législateur passe souvent par le renvoi d'un texte à l'autre, textes au demeurant très techniques.
Les collectivités territoriales vont devoir s'adjoindre les conseils d'une commission réunissant divers professionnels (instructeurs de permis, juristes, ingénieurs, architectes) pour apprécier de manière objectivée et collégiale des critères flous comme l'insertion du projet dans son environnement urbain, et ainsi avoir des arguments tangibles en cas de recours de voisins soucieux de préserver leur vue, leur ensoleillement et de manière plus large leur cadre de vie.
Le législateur cherche par ailleurs à favoriser la convergence patrimoine/innovations, indispensable pour adapter l'existant aux défis environnementaux.
Enfin se pose la question de privilégier l'agilité et donc l'absence de cadre précis, le cas par cas, versus la règle de droit, à travers la comparaison « dérogation / exception ». Certains auteurs regrettent la multiplication actuelle des dérogations, préférant le mécanisme des exceptions qui nécessitent une modification du règlement du PLU, sans doute plus sécurisant tant pour le pétitionnaire que pour l'autorité délivrant l'autorisation d'urbanisme. Plutôt que de s'atteler sérieusement à une véritable simplification des textes, le législateur semble renvoyer aux maîtres d'ouvrage la responsabilité de l'initiative et des conditions de l'adaptation des constructions aux besoins contemporains que sont la construction, la réhabilitation et le renouvellement urbain dans le respect de l'environnement.

Les dérogations : le témoignage d'un promoteur

Éric Barbarin, directeur général de Nexity Patrimoine &amp; Valorisation, considère que si les dérogations sont intéressantes pour la construction, elles sont indispensables pour les opérations de renouvellement urbain, donnant ainsi l'exemple de la dérogation à la création d'aires de stationnement pour la réhabilitation d'un bâtiment existant, ou la possibilité de surélever les bâtiments de bureaux très nombreux dans les centres-villes de grandes agglomérations pour créer du logement.

Plus encore qu'un programme immobilier classique, la dérogation nécessite un dialogue renforcé tant avec les pouvoirs publics qu'avec les riverains. Éric Barbarin cite le cas de la transformation d'un immeuble de parkings en logements pour lequel la totalité du bonus de constructibilité de 30 % n'a pas été utilisée afin que le projet s'insère harmonieusement dans le milieu urbain et soit mieux accepté par les riverains.

À l'inverse, il explique qu'un maire en campagne électorale a refusé que le promoteur applique une des dérogations de l'article L. 152-6 du Code de l'urbanisme afin de ne pas s'exposer personnellement, obligeant le groupe Nexity à mettre aux normes du PLU en vigueur un parking souterrain édifié depuis plus de trente ans pour restaurer un bâtiment classé monument historique.

Il pointe « l'insécurité majeure liée au caractère dérogatoire de ces règles », la difficulté à évaluer le risque d'un recours sur une dérogation par définition plus subjective et donc plus sujette à contestation, et le scepticisme des services instructeurs qui lui opposent que « la dérogation loi ELAN, ils ne savent pas comment l'appliquer »…

Malgré ces difficultés, les dérogations sont indispensables « pour pallier la difficulté à réaliser des logements dans des zones à forte croissance démographique dans un contexte de pénurie foncière », et pour s'extraire de normes nombreuses et davantage adaptées à la construction neuve qu'à la réhabilitation ou la rénovation de l'existant.

Il conviendrait que ces dérogations soient de droit dès lors que certains critères sont remplis par l'opérateur afin de favoriser leur utilisation.