Les dérogations dans certaines zones

Les dérogations dans certaines zones

Les dérogations en faveur de la construction

– Des dérogations en faveur de la mixité sociale. – Dans les zones tendues ou dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme (GOU), le Code de l'urbanisme (art. L. 152-6) permet diverses dérogations en matière de gabarit, de densité ou de création d'aires de stationnement pour favoriser la création de logements, principalement dans un objectif de mixité sociale. Ces dérogations aboutissent généralement à la majoration de constructibilité de 30 % maximum.
– Des dérogations en faveur de la surélévation des immeubles d'habitation. – En matière de construction, l'article L. 112-13 du Code de la construction et de l'habitation favorise la création de logements par la surélévation des bâtiments en permettant au maître d'ouvrage de déroger à certaines normes constructives en matière d'isolation acoustique, de sécurité contre l'incendie, d'accessibilité… mais aussi de performance énergétique et environnementale.
À l'heure où la rénovation énergétique des bâtiments s'avère indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique, on peut s'émouvoir du risque de subjectivité dans la délivrance de ces autorisations dérogatoires, d'autant que la loi « 3DS » du 21 février 2022 a supprimé l'obligation pour l'autorité compétente de motiver sa décision. Le maire, pour délivrer le permis de construire, devra simplement tenir « compte de la nature du projet et de la zone d'implantation ».
Les dérogations en matière de construction (et non pas d'urbanisme) seront sans doute moins sujettes à la critique car elles nécessitent une autorisation préalable du préfet, entraînant au passage une majoration du délai d'instruction du permis de trois mois. Celui-ci peut d'ailleurs assortir les dérogations à des mesures de compensation.
Nous renvoyons à ce sujet aux travaux du 119e Congrès des notaires de France relatifs à la surélévation des bâtiments et à leur réversibilité.
– Les dérogations en zone de friches (C. urb., art. L. 152-6-2). – Le même type de dérogation aux règles de gabarit dans la limite de 30 % et aux règles en matière de stationnement est autorisé dans les friches afin de favoriser leur reconversion.
– Les dérogations dans les ORT (C. urb., art. L. 152-6-4). – Il s'agit là de l'une des caractéristiques principales de l'opération de revitalisation du territoire (ORT) : dispenser les porteurs de projet des contraintes administratives pour redynamiser les centres des bourgs et villes moyennes en leur apportant de la souplesse et de la rapidité dans l'instruction des autorisations.
Ainsi l'article L. 152-6-4 du Code de l'urbanisme permet de déroger aux règles du PLU relatives à l'implantation, au gabarit, à la densité (toujours dans la limite de 30 %), aux règles de stationnement, mais également à la destination des constructions.
Nous verrons également qu'une ORT permet le recours au permis d'innover.

Les dérogations en faveur de l'environnement sous forme de majoration des dérogations

À l'instar de l'article L. 151-28, 3° du Code de l'urbanisme qui accorde, sous forme d'exception à la règle de droit, un bonus de constructibilité de 30 % pour les constructions vertueuses situées en zone urbaine ou à urbaniser, les grandes opérations d'urbanisme ou les périmètres d'opérations de revitalisation du territoire permettent également une telle majoration si le projet présente une certaine qualité et/ou un caractère innovant.
– Bonus de constructibilité (C. urb., art. L. 152-6). – Un bonus de constructibilité de 15 % est accordé pour « les constructions contribuant à la qualité de cadre de vie, par la création d'espaces extérieurs… » ou de 5 % pour celles qui présentent « un intérêt public du point de vue de la qualité ainsi que de l'innovation ou de la création architecturale », dans les zones tendues ou les GOU.
– Bonus de constructibilité (C. urb., art. L. 152-6-4). – On retrouve également le bonus de constructibilité dans la limite de 30 % si le projet contribue à améliorer le « cadre de vie par la création d'espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres » dans les ORT.
– Propos conclusifs. – La majorité des assouplissements aux procédés constructifs et urbanistiques en faveur de l'environnement et en faveur de l'innovation résulte désormais de dérogations.
Or, si l'exception est une règle alternative intégrée par le législateur au droit positif, et si la dérogation mineure doit obligatoirement être appréhendée par l'autorité administrative à l'occasion de l'instruction d'une autorisation d'urbanisme, la dérogation est une démarche qui est à l'initiative du pétitionnaire à l'occasion d'un projet donné. C'est à lui que revient la responsabilité d'établir la note qui précise la nature de la ou des dérogations sollicitées et de justifier pour chacune d'elles du respect des objectifs et des conditions fixés. Une même responsabilité, on le verra, pèse sur le pétitionnaire d'un permis d'innover ou d'expérimenter.
Les dérogations consenties sont encore peu nombreuses et accordées de manière aléatoire, voire discrétionnaire. Outre le fait que la demande de certaines d'entre elles génère un allongement du délai d'instruction, l'absence de cadre précis de la demande de dérogation et surtout le fait que l'autorité administrative n'ait pas à motiver un refus s'avèrent un frein à leur déploiement.
La multiplicité des textes relatifs à ces dérogations ne facilite pas pour les opérateurs leur compréhension ni leur bonne utilisation, d'autant que la « simplification » mise en avant par le législateur passe souvent par le renvoi d'un texte à l'autre, textes au demeurant très techniques.
Les collectivités territoriales vont devoir s'adjoindre les conseils d'une commission réunissant divers professionnels (instructeurs de permis, juristes, ingénieurs, architectes) pour apprécier de manière objectivée et collégiale des critères flous comme l'insertion du projet dans son environnement urbain, et ainsi avoir des arguments tangibles en cas de recours de voisins soucieux de préserver leur vue, leur ensoleillement et de manière plus large leur cadre de vie.
Le législateur cherche par ailleurs à favoriser la convergence patrimoine/innovations, indispensable pour adapter l'existant aux défis environnementaux.
Enfin se pose la question de privilégier l'agilité et donc l'absence de cadre précis, le cas par cas, versus la règle de droit, à travers la comparaison « dérogation / exception ». Certains auteurs regrettent la multiplication actuelle des dérogations, préférant le mécanisme des exceptions qui nécessitent une modification du règlement du PLU, sans doute plus sécurisant tant pour le pétitionnaire que pour l'autorité délivrant l'autorisation d'urbanisme. Plutôt que de s'atteler sérieusement à une véritable simplification des textes, le législateur semble renvoyer aux maîtres d'ouvrage la responsabilité de l'initiative et des conditions de l'adaptation des constructions aux besoins contemporains que sont la construction, la réhabilitation et le renouvellement urbain dans le respect de l'environnement.

Les dérogations : le témoignage d'un promoteur

Éric Barbarin, directeur général de Nexity Patrimoine & Valorisation, considère que si les dérogations sont intéressantes pour la construction, elles sont indispensables pour les opérations de renouvellement urbain, donnant ainsi l'exemple de la dérogation à la création d'aires de stationnement pour la réhabilitation d'un bâtiment existant, ou la possibilité de surélever les bâtiments de bureaux très nombreux dans les centres-villes de grandes agglomérations pour créer du logement.

Plus encore qu'un programme immobilier classique, la dérogation nécessite un dialogue renforcé tant avec les pouvoirs publics qu'avec les riverains. Éric Barbarin cite le cas de la transformation d'un immeuble de parkings en logements pour lequel la totalité du bonus de constructibilité de 30 % n'a pas été utilisée afin que le projet s'insère harmonieusement dans le milieu urbain et soit mieux accepté par les riverains.

À l'inverse, il explique qu'un maire en campagne électorale a refusé que le promoteur applique une des dérogations de l'article L. 152-6 du Code de l'urbanisme afin de ne pas s'exposer personnellement, obligeant le groupe Nexity à mettre aux normes du PLU en vigueur un parking souterrain édifié depuis plus de trente ans pour restaurer un bâtiment classé monument historique.

Il pointe « l'insécurité majeure liée au caractère dérogatoire de ces règles », la difficulté à évaluer le risque d'un recours sur une dérogation par définition plus subjective et donc plus sujette à contestation, et le scepticisme des services instructeurs qui lui opposent que « la dérogation loi ELAN, ils ne savent pas comment l'appliquer »…

Malgré ces difficultés, les dérogations sont indispensables « pour pallier la difficulté à réaliser des logements dans des zones à forte croissance démographique dans un contexte de pénurie foncière », et pour s'extraire de normes nombreuses et davantage adaptées à la construction neuve qu'à la réhabilitation ou la rénovation de l'existant.

Il conviendrait que ces dérogations soient de droit dès lors que certains critères sont remplis par l'opérateur afin de favoriser leur utilisation.