Les conséquences d'un défaut de réponse de l'autorité administrative

Les conséquences d'un défaut de réponse de l'autorité administrative

Le principe applicable au silence de l'administration

– Le principe du silence vaut acceptation. – Depuis l'ordonnance no 2015-1341 du 23 octobre 2015, l'article L. 231-1 du Code des relations entre le public et l'administration affirme, pour la plupart des actes administratifs de principe, que « silence vaut acceptation », même si cette règle était spécifiquement prévue pour les autorisations d'urbanisme par l'article R. 424-1 du Code de l'urbanisme. La conséquence en est la naissance d'un acte individuel créateur de droit par le simple effet du délai au cours duquel l'administration peut se prononcer. Une autorisation tacite est donc par l'effet même de la loi créatrice de droit et produit les mêmes effets qu'une autorisation expresse.

L'exception à la reconnaissance d'une autorisation tacite

– Le silence peut valoir décision implicite de rejet. – Concernant les autorisations d'urbanisme, notons dans un premier temps que certaines d'entre elles peuvent relever d'un régime dérogatoire, et par conséquent dépendre du principe opposé selon lequel « silence vaut décision implicite de rejet », ainsi que le prévoient expressément les articles R. 424-2 et R. 424-3 du Code de l'urbanisme.
À cet égard précisons que le Conseil d'État, dans un arrêt du 25 juin 2004, a relevé que la notification erronée d'un délai d'instruction allongé ne faisait pas obstacle à la naissance d'une autorisation tacite.
Une autorisation d'urbanisme peut-elle toutefois naître alors même que le maire était tenu de délivrer une décision expresse de rejet ? La cour administrative d'appel de Marseille était amenée à se prononcer sur la naissance d'une décision tacite alors même que le maire, après avis conforme du préfet, avait une compétence liée et ne pouvait par conséquent autoriser le permis. Dans cette circonstance, la cour a pu juger qu'en l'absence de disposition réglementaire expresse contraire, l'avis défavorable ne faisait néanmoins pas obstacle à ce qu'un permis tacite naisse au terme de ce délai en l'absence de notification au pétitionnaire. Il est toutefois certain que nonobstant le caractère tacite de l'autorisation, une telle décision encourra un risque accru de retrait ou de déféré préfectoral. La question de la purge des recours portant sur une autorisation tacite sera donc particulièrement sensible pour le praticien.

Les limites à la naissance d'une autorisation tacite

– Délai d'instruction et obtention de l'autorisation tacite. – La question du délai d'instruction de l'autorisation et de son obtention ne diffère pas de la situation d'une autorisation expresse. Nous renvoyons à ce sujet aux développements relatifs à l'instruction des autorisations. Rappelons toutefois qu'un permis tacite est exécutoire à la date de son obtention, à la différence d'une autorisation expresse qui est exécutoire après accomplissement de la formalité de transmission au préfet dans le cadre du contrôle de la légalité et de sa notification au pétitionnaire, exception faite (V. supra, n° , encadré « En pratique ») du permis de démolir dont le caractère exécutoire est différé de quinze jours à compter de cette formalité.
Se pose ainsi de façon incidente la question de la mise en œuvre de l'autorisation d'urbanisme tacite compte tenu de l'interférence pouvant exister avec les dispositions du droit de l'environnement.
– L'autorisation d'urbanisme tacite à l'épreuve de la législation dite « loi sur l'eau ». – Si l'article R. 424-13 du Code de l'urbanisme envisage expressément l'obligation pour l'autorité compétente de délivrer un certificat d'obtention de l'autorisation tacite qui mentionne la date d'affichage en mairie ou la date de publication par voie électronique de l'avis de dépôt du dossier de permis en mairie, l'obtention d'un permis tacite n'autorise pas systématiquement sa mise en œuvre.
D'une part, en l'absence de prescriptions, et faute de décision expresse, l'autorisation peut être entachée d'illégalité et encourir un retrait ou un déféré préfectoral.
D'autre part, certaines autorisations d'urbanisme relevant de la procédure des IOTA sont par ailleurs soumises à autorisation ou déclaration au titre de la loi sur l'eau dont l'obtention peut être dissociée de l'autorisation d'urbanisme. Or, l'article L. 425-14 du Code de l'environnement dispose que : « (…) Lorsque le projet est soumis à autorisation environnementale, (…), ou à déclaration, (…), le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ne peut pas être mis en œuvre : 1° Avant la délivrance de l'autorisation environnementale (…) ; 2° Avant la décision d'acceptation, pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à déclaration (…) ».
Il appartiendra donc aux conseils de vérifier si l'autorisation d'urbanisme est, nonobstant son caractère définitif en absence de recours, retrait ou déféré préfectoral, susceptible d'être mise en œuvre. En effet, les sanctions en cas de réalisation de travaux soumis à la réglementation des IOTA étant lourdes, la responsabilité du notaire se verrait très certainement engagée en cas de constatation de ventes consécutives à l'obtention de l'autorisation d'urbanisme.
– L'autorisation d'urbanisme tacite à l'épreuve de la « clause filet » . – Le décret no 2020-844 du 25 mars 2022 a créé un dispositif dit « clause filet », qui permet de soumettre à l'examen au cas par cas les projets situés sous les seuils ou ne répondant à aucun des critères du tableau annexé à l'article R. 122-2 du Code de l'environnement, si ces projets sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine. L'application du dispositif de la clause filet est susceptible de constituer un obstacle majeur à la confirmation du caractère tacite de l'autorisation d'urbanisme compte tenu de l'articulation de la clause filet avec le délai d'instruction des autorisations d'urbanisme. Le maître d'ouvrage peut donc avoir intérêt à saisir l'autorité environnementale de sa propre initiative afin de prévoir le calendrier de son opération et d'« anticiper » les effets d'une autorisation tacite dont l'exécution voire l'existence pourraient être bouleversées par le jeu de la « clause filet ».
– L'autorisation d'urbanisme tacite à l'épreuve de la demande de pièces complémentaires. – Ainsi que cela a été étudié au paragraphe relatif à l'instruction de l'autorisation d'urbanisme, la demande de pièces complémentaires est susceptible d'entraîner, dans certaines situations, une impossibilité d'invoquer le bénéfice d'une autorisation tacite.