– La délivrance de l'autorisation et la pratique notariale. – La délivrance de l'autorisation n'intéresse la pratique notariale que sous l'angle de la technique contractuelle et plus spécialement dans la rédaction des conditions suspensives relatives à la réalisation du projet par le maître d'ouvrage. C'est sous cet angle que nous envisagerons la question de la délivrance de l'autorisation à laquelle le porteur du projet entend subordonner la réitération de la vente du terrain constituant l'assiette de l'opération envisagée. Deux situations doivent être étudiées : l'autorisation expresse (A) et l'autorisation tacite (B).
Délivrance expresse et naissance tacite de l'autorisation
Délivrance expresse et naissance tacite de l'autorisation
La délivrance expresse de l'autorisation du projet
– La délivrance expresse : le constat facilité de la réalisation de la condition suspensive. – Qu'il s'agisse d'un projet dont l'autorisation relève exclusivement de l'évaluation environnementale ou d'un projet dépendant d'une simple autorisation d'urbanisme, la question de la délivrance expresse ne pose pas en soi de difficulté et ne mérite ainsi pas d'être approfondie.
Nous rappellerons cependant que l'atténuation progressive du principe d'indépendance des législations a eu pour principale conséquence de ne plus subordonner la délivrance de l'autorisation à l'obtention d'autres décisions relevant d'autres réglementations.
À l'exception de l'autorisation de défrichement et des travaux relatifs à l'industrie cinématographique, les autorisations d'urbanisme ne peuvent plus être refusées au motif qu'une autre autorité devrait accorder une autorisation spécifique. Seules l'exécution des travaux, du projet et donc la mise en œuvre de l'autorisation d'urbanisme sont différées ou suspendues.
– La condition suspensive de la délivrance d'une autorisation insuffisante pour garantir le pétitionnaire. – La question de la délivrance expresse d'une autorisation portant sur un projet relevant de la seule législation d'urbanisme comme de la seule législation environnementale ne posera pas de difficulté au stade de la rédaction de l'avant-contrat. En revanche, lorsqu'un projet sera soumis à une autorisation d'urbanisme et à une autorisation environnementale, l'article L. 181-30 du Code de l'environnement pose le principe selon lequel l'autorisation d'urbanisme ne peut recevoir exécution qu'après la délivrance de l'autorisation environnementale.
Il semble donc inadapté de libeller la condition suspensive de l'obtention de l'autorisation du projet sous l'unique prisme du droit de l'urbanisme, le pétitionnaire devant être sécurisé quant à la possibilité de réaliser les travaux envisagés. Dans une telle hypothèse, il appartiendra au praticien de veiller à ce que la condition suspensive exprime l'obtention d'une autorisation d'urbanisme sans prescription ou, alternative plus réaliste, de convaincre le vendeur de rallonger le délai d'obtention de l'autorisation et d'imposer au pétitionnaire de déposer sa demande au titre du droit de l'environnement de manière concomitante, et cela alors même que la réglementation d'urbanisme n'impose plus qu'il soit justifié du dépôt de ladite autorisation.
Les conséquences d'un défaut de réponse de l'autorité administrative
Le principe applicable au silence de l'administration
– Le principe du silence vaut acceptation. – Depuis l'ordonnance no 2015-1341 du 23 octobre 2015, l'article L. 231-1 du Code des relations entre le public et l'administration affirme, pour la plupart des actes administratifs de principe, que « silence vaut acceptation », même si cette règle était spécifiquement prévue pour les autorisations d'urbanisme par l'article R. 424-1 du Code de l'urbanisme. La conséquence en est la naissance d'un acte individuel créateur de droit par le simple effet du délai au cours duquel l'administration peut se prononcer. Une autorisation tacite est donc par l'effet même de la loi créatrice de droit et produit les mêmes effets qu'une autorisation expresse.
L'exception à la reconnaissance d'une autorisation tacite
– Le silence peut valoir décision implicite de rejet. – Concernant les autorisations d'urbanisme, notons dans un premier temps que certaines d'entre elles peuvent relever d'un régime dérogatoire, et par conséquent dépendre du principe opposé selon lequel « silence vaut décision implicite de rejet », ainsi que le prévoient expressément les articles R. 424-2 et R. 424-3 du Code de l'urbanisme.
À cet égard précisons que le Conseil d'État, dans un arrêt du 25 juin 2004, a relevé que la notification erronée d'un délai d'instruction allongé ne faisait pas obstacle à la naissance d'une autorisation tacite.
Une autorisation d'urbanisme peut-elle toutefois naître alors même que le maire était tenu de délivrer une décision expresse de rejet ? La cour administrative d'appel de Marseille était amenée à se prononcer sur la naissance d'une décision tacite alors même que le maire, après avis conforme du préfet, avait une compétence liée et ne pouvait par conséquent autoriser le permis. Dans cette circonstance, la cour a pu juger qu'en l'absence de disposition réglementaire expresse contraire, l'avis défavorable ne faisait néanmoins pas obstacle à ce qu'un permis tacite naisse au terme de ce délai en l'absence de notification au pétitionnaire. Il est toutefois certain que nonobstant le caractère tacite de l'autorisation, une telle décision encourra un risque accru de retrait ou de déféré préfectoral. La question de la purge des recours portant sur une autorisation tacite sera donc particulièrement sensible pour le praticien.
Les limites à la naissance d'une autorisation tacite
– Délai d'instruction et obtention de l'autorisation tacite. – La question du délai d'instruction de l'autorisation et de son obtention ne diffère pas de la situation d'une autorisation expresse. Nous renvoyons à ce sujet aux développements relatifs à l'instruction des autorisations. Rappelons toutefois qu'un permis tacite est exécutoire à la date de son obtention, à la différence d'une autorisation expresse qui est exécutoire après accomplissement de la formalité de transmission au préfet dans le cadre du contrôle de la légalité et de sa notification au pétitionnaire, exception faite (V. supra, n° , encadré « En pratique ») du permis de démolir dont le caractère exécutoire est différé de quinze jours à compter de cette formalité.
Se pose ainsi de façon incidente la question de la mise en œuvre de l'autorisation d'urbanisme tacite compte tenu de l'interférence pouvant exister avec les dispositions du droit de l'environnement.
– L'autorisation d'urbanisme tacite à l'épreuve de la législation dite « loi sur l'eau ». – Si l'article R. 424-13 du Code de l'urbanisme envisage expressément l'obligation pour l'autorité compétente de délivrer un certificat d'obtention de l'autorisation tacite qui mentionne la date d'affichage en mairie ou la date de publication par voie électronique de l'avis de dépôt du dossier de permis en mairie, l'obtention d'un permis tacite n'autorise pas systématiquement sa mise en œuvre.
D'une part, en l'absence de prescriptions, et faute de décision expresse, l'autorisation peut être entachée d'illégalité et encourir un retrait ou un déféré préfectoral.
D'autre part, certaines autorisations d'urbanisme relevant de la procédure des IOTA sont par ailleurs soumises à autorisation ou déclaration au titre de la loi sur l'eau dont l'obtention peut être dissociée de l'autorisation d'urbanisme. Or, l'article L. 425-14 du Code de l'environnement dispose que : « (…) Lorsque le projet est soumis à autorisation environnementale, (…), ou à déclaration, (…), le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ne peut pas être mis en œuvre : 1° Avant la délivrance de l'autorisation environnementale (…) ; 2° Avant la décision d'acceptation, pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à déclaration (…) ».
Il appartiendra donc aux conseils de vérifier si l'autorisation d'urbanisme est, nonobstant son caractère définitif en absence de recours, retrait ou déféré préfectoral, susceptible d'être mise en œuvre. En effet, les sanctions en cas de réalisation de travaux soumis à la réglementation des IOTA étant lourdes, la responsabilité du notaire se verrait très certainement engagée en cas de constatation de ventes consécutives à l'obtention de l'autorisation d'urbanisme.
– L'autorisation d'urbanisme tacite à l'épreuve de la « clause filet »
. – Le décret no 2020-844 du 25 mars 2022 a créé un dispositif dit « clause filet », qui permet de soumettre à l'examen au cas par cas les projets situés sous les seuils ou ne répondant à aucun des critères du tableau annexé à l'article R. 122-2 du Code de l'environnement, si ces projets sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine. L'application du dispositif de la clause filet est susceptible de constituer un obstacle majeur à la confirmation du caractère tacite de l'autorisation d'urbanisme compte tenu de l'articulation de la clause filet avec le délai d'instruction des autorisations d'urbanisme. Le maître d'ouvrage peut donc avoir intérêt à saisir l'autorité environnementale de sa propre initiative afin de prévoir le calendrier de son opération et d'« anticiper » les effets d'une autorisation tacite dont l'exécution voire l'existence pourraient être bouleversées par le jeu de la « clause filet ».
– L'autorisation d'urbanisme tacite à l'épreuve de la demande de pièces complémentaires. – Ainsi que cela a été étudié au paragraphe relatif à l'instruction de l'autorisation d'urbanisme, la demande de pièces complémentaires est susceptible d'entraîner, dans certaines situations, une impossibilité d'invoquer le bénéfice d'une autorisation tacite.
La reconnaissance de l'autorisation tacite
– Plaidoyer pour une prise en compte de l'autorisation tacite. – L'autorisation d'urbanisme ou, pour être plus précis, le permis de construire tacite ne permet pas généralement aujourd'hui, à la lecture des clauses relatives à l'obtention de l'autorisation, de considérer la réalisation de la condition suspensive relative à l'obtention du permis de construire.
Nous pouvons y trouver une raison subjective de méconnaissance de son régime par la profession et parfois par les pétitionnaires.
Nous pouvons surtout y trouver une raison objective de refus des partenaires financiers de considérer cette autorisation comme un véritable acte créateur de droit en vertu duquel l'opération immobilière envisagée peut être réalisée.
Nous pensons qu'il faut en rechercher les causes profondes dans la façon dont le Code de l'urbanisme a pu, dans le passé, traiter cette autorisation.
Tout d'abord, dans sa version de 2007 issue de l'ordonnance de 2005, l'article R. 424-13 du Code de l'urbanisme précisait de façon laconique « En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit ». Aucun élément du certificat ne permettait de s'assurer de la date du dépôt susceptible d'attester de la naissance de l'autorisation, ni encore de la transmission au préfet dans le cadre du contrôle de légalité. Cette lacune est aujourd'hui comblée. La délivrance du certificat (dont la non-délivrance fait grief et peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir) doit comporter l'ensemble des informations permettant la comptabilisation du délai de retrait. Bien entendu, et comme nous l'avons vu plus haut, le permis tacite porte en germe le risque d'un retrait dans l'hypothèse où ce permis aurait dû contenir des prescriptions, mais une fois écoulé le temps imparti au préfet et au maire dans le cadre d'une compétence liée pour prononcer le retrait, le permis a autant de force qu'un permis exprès.
Le second argument tenait à l'écriture incomplète de l'article L. 610-1 du Code de l'urbanisme, qui laissait planer un doute quant aux conséquences de la mise en œuvre d'un permis de construire illégal par le pétitionnaire. L'article 80 de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 est venu préciser que : « Sauf en cas de fraude, le présent article n'est pas applicable lorsque le bénéficiaire d'une autorisation définitive relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, délivrée selon les règles du présent code, exécute des travaux conformément à cette autorisation ».
Ainsi un permis de construire devenu définitif confère un droit acquis à l'exécution des travaux qu'il autorise. Comme le précisent les Professeurs Étienne Fatôme et Jacques-Henri Robert, le permis de construire obtenu fait écran entre ces travaux et le plan local d'urbanisme (PLU). Le constructeur disposant d'un permis définitif, même illégal, en cours de validité ne peut pas faire l'objet de poursuites pénales pour infraction aux dispositions du PLU.
Il apparaît donc clairement que la situation actuelle, issue de la loi ELAN comme des recommandations du rapport Pelletier rendues quelques années plus tôt, permet aujourd'hui de plaider pour une véritable prise en compte de l'autorisation tacite en tirant les conséquences de la sécurisation des autorisations d'urbanisme.