La procédure d'enquête publique environnementale

La procédure d'enquête publique environnementale

– Matrice de référence. – L'enquête publique environnementale, née de la loi dite « Bouchardeau » de 1983, dans le sillage du mouvement de démocratisation de l'administration propre aux années 1970, est progressivement devenue la matrice de référence des procédures d'enquête publique.

Organisation générale de l'enquête publique

– Autorité compétente. – « L'enquête publique est ouverte et organisée par l'autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l'enquête est requise. » L'article L. 123-3 du Code de l'environnement pose un principe d'autorité unifiée. En pratique, il s'agira généralement du président de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public concerné par le projet.
Il s'agira toutefois du préfet en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), d'installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA), et pour toutes les décisions relevant d'une autorité nationale de l'État, ainsi que dans des cas particuliers listés à l'article R. 123-3 du Code de l'environnement (pluralité de territoires concernés par le projet notamment).
– Moment de l'enquête publique. – L'enquête publique doit permettre au public de disposer d'une information fiable et, le cas échéant, de formuler des observations et de faire des propositions. Elle intervient donc après la phase d'instruction de la demande d'autorisation environnementale, pendant laquelle l'administration examine la demande, recueille les avis des personnes publiques consultées, notamment celui de l'autorité environnementale, ainsi que la réponse du pétitionnaire.
L'enquête publique vise par ailleurs à éclairer l'autorité publique dans sa prise de décision en lui permettant de prendre en compte les intérêts des tiers et les observations du public ; elle doit donc intervenir préalablement à la décision requise pour la mise en œuvre d'un projet ou, en l'absence de décision spécifique, avant le commencement de sa réalisation, les textes n'exigeant toutefois aucun délai minimum.
– Prise en charge financière. – Le responsable du projet doit supporter l'intégralité des frais liés à l'enquête publique, qu'il s'agisse de l'indemnisation du commissaire-enquêteur, de l'organisation de la réunion publique éventuelle ou de l'expert dont aurait besoin l'autorité compétente.

Ouverture de l'enquête publique

Désignation du commissaire-enquêteur

– Désignation par le président du tribunal administratif. – Selon la nature et l'ampleur de l'opération concernée par l'enquête publique, celle-ci va être menée par un commissaire-enquêteur ou une commission d'enquête, désigné par le président du tribunal administratif territorialement compétent, dans les quinze jours de la demande. L'absence de respect de ce délai ne dessaisit pas pour autant le président du tribunal administratif et n'entache pas la procédure d'irrégularité. Quant à la nomination du commissaire-enquêteur par le président du tribunal administratif, elle ne présente pas les caractères d'un acte juridictionnel mais d'un acte administratif préparatoire insusceptible, en tant que tel, de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Le président du tribunal administratif n'est libre de son choix qu'au sein de la liste publique d'aptitude qu'une commission départementale placée sous sa présidence, et révisée chaque année, établit selon des critères de compétence et d'expérience.
– Commissaire-enquêteur ou commission d'enquête ? – Quant au choix de la formule entre commissaire-enquêteur ou commission d'enquête qui doit comporter un nombre impair de membres et un président, il relève du pouvoir discrétionnaire du président du tribunal. Il est recommandé d'opter pour la formation collégiale lorsqu'il s'agit de mener une enquête sur des « opérationsimportantes de dimension régionale ou nationale ainsi que pour les opérations complexes ou qui posent des problèmes délicats ».
– Cas particulier du garant au sens du Code de l'environnement. – Ainsi que nous l'avons vu dans le cadre de la notion de continuum de la participation, le garant qui a mené une concertation préalable peut être désigné par le président du tribunal en qualité également de commissaire-enquêteur s'il est inscrit sur la liste d'aptitude.

La question de la responsabilité pour manquements du commissaire-enquêteur

Au-delà de la qualité de l'enquête menée et du rapport produit à son issue, l'inaptitude d'un commissaire-enquêteur peut poser un réel problème de responsabilité à l'autorité compétente pour prendre la décision.

La responsabilité de l'État, qui a désigné le commissaire-enquêteur par décision du président d'un tribunal administratif, pourrait-elle être engagée en cas de faute dudit commissaire-enquêteur ? Par exemple, s'il n'a pas suffisamment motivé ses conclusions et a entraîné par ses manquements l'annulation de l'acte ayant donné lieu à l'enquête ?

La jurisprudence administrative exclut une telle responsabilité. Alors même que l'État détermine et garantit ses conditions d'exercice, la mission des commissaires-enquêteurs est menée pour l'autorité responsable du projet sous sa responsabilité. Comme le juge le Conseil d'État, il appartient, le cas échéant, à un maire de ne pas donner suite à une procédure entachée d'irrégularité.

Le maître d'ouvrage d'un projet doit donc non seulement le qualifier pour savoir s'il entre dans le champ d'application de l'enquête publique, mais aussi, dans l'affirmative, se faire juge de la régularité de la procédure d'enquête. Il doit donc se montrer vigilant tant sur le choix du commissaire-enquêteur que sur la régularité de la procédure d'enquête menée.

Arrêté d'ouverture de l'enquête publique

– Adoption et publicité. – Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête, et après concertation avec le commissaire-enquêteur (ou le président de la commission d'enquête), l'autorité compétente donne par arrêté toutes les informations utiles relatives à l'enquête publique environnementale, notamment l'objet et les caractéristiques du projet, l'identité de ses responsables et du commissaire-enquêteur, la décision pouvant être prise à l'issue du processus, la date d'ouverture, la durée et toutes les modalités de l'enquête.
Cet arrêté fait l'objet, dans le même délai, de mesures de publicité sur le site internet de l'autorité compétente, dans des journaux locaux, d'un affichage sur le site concerné par le projet et d'un envoi du dossier complet au maire de la ou des communes concernées.
L'arrêté d'ouverture de l'enquête publique est un acte administratif préparatoire qui ne peut donc faire, en tant que tel, l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Ses irrégularités éventuelles ne peuvent être soulevées que par voie d'exception, à l'occasion d'un recours engagé contre la décision qui sera prise à l'issue de l'enquête. En revanche, le refus d'ouvrir une enquête peut être déféré devant le juge administratif qui exercera un contrôle restreint.

Composition du dossier

– Contenu variable. – Cette composition résulte, pour l'enquête publique environnementale, de l'article R. 123-8 du Code de l'environnement. Si le dossier doit comporter certaines pièces obligatoires, son contenu varie en fonction du projet concerné.
En premier lieu, le dossier doit comprendre les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet. Ainsi par exemple, pour un permis de construire, le dossier d'enquête devra comprendre le dossier de demande du permis (notice et plans du projet architectural, etc.).
En second lieu, le dossier sera a minima composé :
  • si le projet est soumis à évaluation environnementale, de l'étude d'impact du projet et de l'avis de l'autorité environnementale ;
  • si le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale, de la décision de non-soumission après examen au cas par cas, de l'étude d'incidences et de son résumé non technique, ainsi que d'une note de présentation du projet.
La complétude du dossier est importante : l'omission d'une des pièces requises est susceptible d'affecter la légalité de l'enquête et, incidemment, de la décision objet de ladite enquête.

Durée de l'enquête

– Durée minimale. – La durée de l'enquête publique est fixée par l'autorité compétente pour l'ouvrir et l'organiser. Elle doit être d'une durée minimum de quinze jours, et de trente jours pour les projets soumis à évaluation environnementale. Cette durée peut être prolongée de quinze jours maximum si le commissaire-enquêteur décide d'organiser une réunion d'information et d'échange avec le public.
L'enquête doit être organisée de manière à permettre une prise de connaissance effective de la plus grande partie de la population. Une enquête pendant les vacances scolaires n'est pas forcément irrégulière, mais la fermeture d'une mairie pendant dix jours à l'intérieur du délai de l'enquête d'un mois la rendrait irrégulière.
Enfin, si un registre dématérialisé est mis en place pour recueillir les observations et propositions du public, il doit être maintenu en ligne pendant toute la durée de l'enquête.

Déroulement de l'enquête

– Mission et pouvoirs du commissaire-enquêteur. – Le rôle du commissaire-enquêteur commence avant même l'adoption de l'arrêté d'ouverture de l'enquête. L'article R. 123-9 du Code de l'environnement prévoit en effet une concertation préalable entre l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête et le commissaire-enquêteur. Dans les faits, ce moment de concertation est malheureusement souvent négligé alors qu'il donne l'occasion d'améliorer le déroulement de l'enquête et d'éviter une éventuelle irrégularité.
La mission première du commissaire-enquêteur est de permettre au public de disposer d'une information la plus fiable et complète possible sur le projet afin de le faire participer effectivement au processus de décision.
Pour mener à bien cette mission, il dispose de pouvoirs spécifiques pour recevoir toute information et demander au maître d'ouvrage de communiquer au public des documents complémentaires ; visiter les lieux sauf d'habitation ; entendre toute personne concernée par le projet qui en fait la demande et auditionner toute personne qu'il jugerait utile ; organiser, sous sa présidence, toute réunion d'information et d'échange avec le public, en présence du maître d'ouvrage ; demander la désignation d'un expert au président du tribunal administratif.
– Observations du public. – Pour atteindre une population la plus large possible, plusieurs modes de publicité et de communication sont possibles : mise en ligne du dossier d'enquête publique sur le site internet de l'autorité compétente, consultation sur support-papier en plusieurs lieux, sur des postes informatiques dans des lieux publics, etc.
Les observations et propositions du public sont également recueillies par le biais de plusieurs supports : consignation sur un registre d'enquête papier et le cas échéant sur un registre dématérialisé, observations écrites et orales aux jours et heures de consultation, courrier, mail, etc. Ces observations et propositions du public sont consultables.
– Suspension éventuelle. – Le Code de l'environnement, en son article L. 123-14, prévoit une possibilité de suspension de l'enquête pour une durée maximale de six mois. Cette possibilité ne peut être utilisée qu'une seule fois, et surtout elle suppose que des « modifications substantielles » soient nécessairement apportées à l'enquête publique elle-même, à l'étude d'impact ou à l'étude des incidences environnementales. Ces modifications doivent être entendues au sens de changements modifiant l'économie générale du projet.
Ce critère qui, nous le verrons, est aussi celui de l'enquête complémentaire éventuelle, est toutefois difficile à appréhender compte tenu de la part de subjectivité qu'il comporte. Vont se mêler des considérations d'espèces qui peuvent être la prise en compte de propositions ou d'observations formulées pendant l'enquête, d'autres plus objectives comme l'importance des modifications apportées au projet initial et leur impact sur l'environnement. Sera également prise en compte l'incidence de ces modifications sur l'appréciation objective que le public peut en faire.

Fin de l'enquête publique

– Clôture de l'enquête. – À l'expiration de sa durée initiale ou prolongée, le registre de l'enquête est mis à la disposition du commissaire-enquêteur et clos par lui.
Il dispose d'un délai de huit jours pour rencontrer le porteur de projet et lui communiquer les observations orales et écrites du public consignées dans un procès-verbal de synthèse.
Le responsable du projet a, quant à lui, quinze jours pour émettre ses observations éventuelles.
– Rapport et conclusions. – La clôture de l'enquête constitue le point de départ d'un délai de trente jours pendant lequel le commissaire-enquêteur doit rencontrer le porteur de projet, recueillir ses observations éventuelles, rédiger et rendre son rapport et ses conclusions motivées.
Ce temps restreint peut ne pas être suffisant et le commissaire-enquêteur a la possibilité de solliciter un délai supplémentaire à l'autorité compétente et sur avis du maître d'ouvrage.
Si toutefois il ne respecte pas le délai initial ou prorogé pour remettre son rapport et ses conclusions motivées, le commissaire-enquêteur défaillant peut être dessaisi et remplacé par un nouveau commissaire-enquêteur (ou commission d'enquête selon la formule) qui reprend le dossier d'enquête et dispose lui-même d'un délai de trente jours à compter de sa nomination pour produire son rapport et ses propres conclusions.
– Contenu du rapport. – Le commissaire-enquêteur fait dans son rapport la synthèse des observations du public durant l'enquête, ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage.
Le commissaire-enquêteur doit analyser de manière suffisamment détaillée les observations du public et y apporter une réponse circonstanciée, sans se contenter de reprendre les réponses apportées par le maître d'ouvrage. Il n'est toutefois pas tenu de répondre à toutes les observations présentées.
– Sens des conclusions. – Les conclusions du commissaire-enquêteur sont consignées dans un document séparé précisant son avis sur le projet.
C'est un avis personnel qu'il lui est demandé de donner, quels que soient le nombre et l'orientation favorable ou défavorable des observations émises au cours de l'enquête. Il ne peut s'abriter sur l'absence d'observation du public pour conclure qu'il n'a pas d'avis à émettre.
Ses conclusions doivent être définitives et non provisoires. Elles ne doivent s'appuyer que sur les seuls éléments du dossier portés à la connaissance du public.
Elles peuvent être favorables, favorables avec recommandations, favorables sous réserves ou défavorables au projet.
Des conclusions données sous réserve sont réputées être favorables sous condition. Elles seront dès lors assimilées à des conclusions défavorables, avec les conséquences qui en résultent si la ou les réserves ne sont pas levées au moment de la décision sur le projet.
– Contrôle du caractère suffisant de la motivation. – Le caractère suffisant de la motivation des conclusions du commissaire-enquêteur fait l'objet d'une attention particulière de la part des juridictions administratives. La formule retenue est souvent la suivante : « Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire-enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent, d'une part à présenter avec précision les avantages et inconvénients du projet mentionnés par les observations recueillies au cours de l'enquête publique, d'autre part à détailler, au regard du déroulement de l'enquête et des caractéristiques du projet, les raisons déterminant le sens de son avis ». Les conclusions doivent permettre de comprendre les raisons de l'avis formulé.
Appliquant la jurisprudence Danthony, le juge administratif vérifie si l'irrégularité affectant la motivation des conclusions du commissaire-enquêteur a été susceptible d'avoir une influence sur le sens de la décision prise ou a privé les intéressés d'une garantie, en l'occurrence de la garantie de pouvoir accéder aux informations environnementales d'un projet et de pouvoir participer à son élaboration. Nous le verrons, le premier critère de cette jurisprudence pose difficulté dans la mesure où l'autorité compétente n'est aucunement liée par l'avis du commissaire-enquêteur.
Le législateur a d'ailleurs anticipé l'hypothèse d'une insuffisance de motivation des conclusions du commissaire-enquêteur ; pour éviter ce type d'illégalité, il a prévu que l'autorité compétente puisse faire remonter ce risque auprès du président du tribunal administratif. Si l'insuffisance ou le défaut de motivation est avéré, ce dernier demande alors au commissaire-enquêteur de compléter ses conclusions. Le président du tribunal peut par ailleurs constater lui-même l'insuffisance ou le défaut de motivation et demander directement la complétude de ses conclusions. Chaque demande et réponse est encadrée dans un délai de quinze jours.
– Publicité. – L'autorité compétente adresse, dès leur réception, copie du rapport et des conclusions du commissaire-enquêteur au maître d'ouvrage, à la mairie du lieu de l'enquête et à la préfecture du ou des départements concernés par le projet.
Le rapport et les conclusions sont également publiés sur son site internet.
L'obligation d'information immédiate du public sur les résultats de l'enquête est un élément substantiel dont l'absence peut constituer une irrégularité. Ces informations doivent être maintenues à disposition du public pendant un an à compter de la clôture de l'enquête.
S'y ajoutent les mesures de publicité requises en matière d'évaluation environnementale pour les projets qui y sont soumis.