La procédure de référé-suspension

La procédure de référé-suspension

La procédure de référé-suspension avant les réformes de 2018

– Avec l'étude de la procédure de référé-suspension, c'est à une course contre le temps que nous nous confrontons. – En matière d'urbanisme, la voie du référé est moins empruntée que dans d'autres domaines. En effet, en pratique, le seul dépôt d'un recours au fond suspend le démarrage du chantier.
Dans l'hypothèse où, s'appuyant sur le caractère exécutoire de l'autorisation de construire et surmontant ses craintes, le maître d'ouvrage débute le chantier, les tiers peuvent demander au juge des référés la suspension des travaux, puisque la condition d'urgence est désormais présumée satisfaite.
La procédure de référé-suspension, issue de la loi du 30 juin 2000 relative aux procédures d'urgence devant les juridictions administratives, est organisée par l'article L. 521-1 du Code de justice administrative qui dispose :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ».
Il résulte de ces dispositions que le juge des référés est en droit de suspendre l'exécution d'une décision dès lors que trois critères cumulatifs se trouvent réunis :
  • une requête au fond a été déposée ;
  • l'urgence le justifie ;
  • il existe un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Les modifications apportées par les réformes de 2018

– Les particularités du référé-suspension en matière d'urbanisme pour sécuriser le bénéficiaire de l'autorisation. – La commission Maugüé a souhaité « encadrer et utiliser autrement la procédure de référé-suspension » en matière d'urbanisme, avec comme objectifs :
  • que les bénéficiaires d'autorisations connaissent avec précision et le plus en amont possible les risques qui pèsent sur leur autorisation et ainsi, le cas échéant, régularisent la situation ;
  • que la procédure de référé en matière d'autorisation d'urbanisme soit aisée à exercer mais également enserrée dans un délai afin d'éviter les suspensions tardives de projet.
Réformé sur la base des travaux de la commission Maugüé, le référé-suspension en matière d'urbanisme présente aujourd'hui deux spécificités issues de la loi ELAN du 23 novembre 2018.
– Première spécificité. – La première spécificité concerne le délai d'introduction de la procédure de référé-suspension. Elle résulte de l'article L. 600-3, alinéa 1, du Code de l'urbanisme selon lequel : « Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé-suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort ».
Concrètement, un recours en référé-suspension n'est recevable que s'il est formé au plus tard deux mois après la production du premier mémoire en défense.
Il est également important d'observer que, contrairement aux procédures des articles L. 600-7 (demande reconventionnelle en dommages-intérêts) et L. 600-8 (encadrement des transactions) du Code de l'urbanisme, la déclaration préalable entre dans le champ d'application du texte.
De la même manière, à la différence du dispositif de l'article R. 600-5 (cristallisation des moyens), en ne visant que le « juge saisi en premier ressort », l'alinéa premier de l'article L. 600-3 exclut toute possibilité de référé-suspension en appel.
– Seconde spécificité. – La seconde spécificité conduit à présumer satisfaite la condition d'urgence, ainsi qu'en dispose l'article L. 600-3 du Code de l'urbanisme : « La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite ».
Davantage qu'une innovation, il s'agit plutôt d'une consécration de la jurisprudence antérieure.
Toutefois, il s'agit d'une présomption simple. Le fil conducteur de la jurisprudence est que la suspension doit avoir un effet utile.
– La procédure de confirmation de la requête au fond. – Par ailleurs, à l'occasion de la traduction réglementaire des propositions de la commission Maugüé, a été imposée au requérant une procédure de confirmation de la requête au fond dans un délai d'un mois en cas de rejet de sa demande de suspension. À défaut, il sera considéré comme s'étant désisté de son recours.
Cette obligation, codifiée à l'article R. 612-5-2 du Code de justice administrative, a vocation à s'appliquer à l'ensemble du contentieux administratif. Toutefois, ces dispositions nouvelles ne s'appliquent pas en cas de pourvoi en cassation contre l'ordonnance de rejet.
– Précisions complémentaires. – Enfin, sur le plan de la procédure, deux précisions méritent d'être apportées.
D'une part, lorsqu'un recours contre un permis de construire ou d'aménager est assorti d'une demande de suspension, le juge est tenu de statuer sur cette dernière dans un délai d'un mois. Mais si la demande de suspension est présentée par l'État, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale dans un délai de dix jours à compter de la réception de l'autorisation, cette suspension intervient de droit jusqu'à ce que le juge se prononce sur la demande dans un délai maximum d'un mois. Conformément aux dispositions de l'article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales auquel il est renvoyé par l'article L. 600-3, alinéa 3, du Code de l'urbanisme, l'autorisation d'urbanisme redevient exécutoire si le juge ne s'est pas prononcé sur sa suspension au terme de ce délai d'un mois.
D'autre part, les décisions rendues sur référé-suspension, et celles par lesquelles le juge des référés modifie les mesures ordonnées ou y met fin, sont rendues en dernier ressort. Elles ne peuvent être contestées que par la voie d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.