La possibilité d'élargir l'assiette par la réunion d'unités foncières

La possibilité d'élargir l'assiette par la réunion d'unités foncières

Le prérequis : la contiguïté des unités foncières

– Une condition nécessaire. – Excepté le permis d'aménager multi-sites qui autorise la possibilité de déposer un permis d'aménager sur plusieurs unités foncières non contiguës pour les opérations d'aménagement prévues par un contrat de projet partenarial d'aménagement (PPA) (C. urb., art. L. 312-2-1) et dans les opérations de revitalisation du territoire (ORT) (CCH, art. L. 303-2), la conception traditionnelle de l'unité foncière rend indispensable la contiguïté des unités foncières pour constituer l'assiette d'une autorisation d'urbanisme. Certains opérateurs immobiliers ont pu, ainsi, envisager d'adjoindre plusieurs terrains en vue de gagner des « droits à construire », sans réelle volonté d'implantation sur l'un des d'eux. Ce choix relevait de l'intention du pétitionnaire de déposer une autorisation d'urbanisme sur deux parcelles contiguës dont l'une ne constituerait pas in fine l'assiette matérielle et juridique du projet.

De l'utilité de la contiguïté : le COS est mort, vive le CES !

La contiguïté des unités foncières offrait aux pétitionnaires de réelles opportunités sous l'empire de feu le coefficient d'occupation des sols (COS) par la fusion des droits à construire . Certes le COS a été supprimé de l'ordonnancement juridique par la loi ALUR, et l'attribution de droits à construire ne procède plus d'une application algébrique d'un coefficient sur une surface, mais lui a été substitué le coefficient d'emprise au sol (CES) applicable aujourd'hui afin de gérer les ratios de pleine terre et d'emprise au sol des bâtiments. Pour reprendre les conclusions de Charles Touboul à l'occasion de l'affaire Société Groupe Promomidi du 26 novembre 2018 : « Le COS n'est plus, par la volonté du législateur. Mais il était possible aux communes avant et il leur reste possible après, de fixer dans leur PLU des « coefficients d'emprise au sol » qui ne sont pas sans le rappeler ».
– Une condition suffisante ? – Si l'unité foncière semble aujourd'hui faire l'objet d'une certaine concorde quant à son acception et les modalités de sa détermination, elle se distingue de l'assiette de l'autorisation qu'il est possible de composer par la jonction d'unités foncières contiguës. L'application de la contiguïté aux principes régissant la propriété domaniale mérite toutefois d'être débattue.

Unité foncière et domanialité

Le Conseil d'État a jugé, dans un arrêt n<sup>o</sup> 329199 du 19 juillet 2010, <em>André A. </em>c/ <em>Commune de Mecleuves</em>, « qu'une unité foncière est un îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ; qu'ainsi, une parcelle relève d'un régime de domanialité unique applicable à l'ensemble de son emprise foncière ». Il s'agit d'un arrêt de sous-section jugeant seule, non publié au <em>Recueil des décisions du Conseil d'État</em>, pas même aux tables. Dans cette affaire se posait la question de l'identification du domaine public. Une bibliothèque municipale occupait une partie de la parcelle ; toute la parcelle a été reconnue comme relevant du domaine public. Le Conseil d'État semble être arrivé à cette analyse non pas en appliquant les critères habituels du domaine public, mais par référence à la notion d'unité foncière qui appartient par définition « à un même propriétaire ». C'est confondre de manière assez expéditive propriété et régime domanial.

La jurisprudence ultérieure, plus rigoureuse, permet de poser les bases suivantes.

La qualification domaniale porte sur un bien, par qualification directe de la loi ou application de critères législatifs. Quand un bien relève du domaine public, la jurisprudence invite à présumer que l'ensemble de la parcelle cadastrale entre dans le domaine public et donc l'unité foncière qu'elle constitue le cas échéant, alors même que l'ouvrage constituant l'aménagement indispensable (ou spécial antérieurement au Code général de la propriété des personnes publiques) n'en occupe qu'une faible partie et que l'autre n'en est pas un accessoire indissociable. C'est ce que le professeur Norbert Foulquier nomme « la domanialité publique par contagion ». En cas de contiguïté de deux parcelles appartenant à un même propriétaire public, l'unité foncière se trouve en principe aussi dans le domaine public. Les délimitations cadastrales n'entrent pas, en effet, dans la qualification domaniale. Seule compte la propriété publique, en plus des autres éléments de qualification. Mais cette présomption n'est pas absolue : « Des parties clairement délimitées et dissociables d'une même parcelle peuvent relever, par application des règles régissant la domanialité publique, de régimes de domanialité différents ».

Un arrêt de section n<sup>o</sup> 349420 du 28 avril 2014, <em>Commune de Val-d'Isère</em>, s'inscrit dans cette veine jurisprudentielle. Un permis de construire a été obtenu pour permettre la réalisation d'une boîte de nuit, le Doudoune Club, ensuite devenue le Cocorico, sur un terrain municipal constituant l'assiette d'un bail emphytéotique administratif. Ce terrain étant contigu à la piste de ski, le requérant a habilement soutenu qu'il relevait du domaine public pour contester la légalité du permis de construire. Mais le Conseil d'État n'en a pas jugé ainsi : « Cet espace, qui est en l'espèce clairement délimité et dissociable de la partie de la parcelle ayant fait l'objet d'aménagements indispensables, appartient au domaine privé de la commune de Val-d'Isère ». Un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 3 octobre 2023 reconnaît encore qu'il « est en principe possible qu'une même parcelle contienne des portions distinctes relevant pour certaines du domaine public ».

Ce raisonnement peut-il être repris à l'échelle d'une unité foncière ? Peut-on admettre qu'une unité foncière comporte des parties relevant de régimes domaniaux différents ? Rien ne s'y oppose sur le plan domanial. Mais au sens du droit de l'urbanisme, l'unité foncière constitue le cadre d'instruction de l'application des règles d'utilisation du sol à un projet de construction, d'aménagement ou de démolition. Au regard de sa fonctionnalité, on peut considérer qu'une unité foncière ne peut inclure des voies publiques contiguës à une parcelle appartenant à leur même propriétaire. Le régime de l'alignement nous paraît devoir y faire obstacle. Il en va de même des dépendances du domaine public naturel maritime et fluvial. Elles n'entrent pas dans les prévisions du Code de l'urbanisme et ne sauraient dès lors être incluses dans une unité foncière dont la fonction est définie par les règles d'utilisation du sol.

– Le remembrement d'unités foncières : un arrêt d'espèce critiquable et peu critiqué… – Indépendamment du permis conjoint qui suppose la jonction de plusieurs unités foncières par plusieurs pétitionnaires, plus fréquente est la situation du remembrement de plusieurs unités foncières appartenant à des propriétaires différents sous un unique pétitionnaire souhaitant développer un projet sur l'ensemble des fonciers. La position tenue par la cour administrative d'appel de Versailles dans une telle situation interroge singulièrement et bouleverse l'idée selon laquelle l'unité foncière peut s'apprécier de manière statique (à la date de la délivrance du permis de construire) ou dynamique (en fonction des circonstances de droit et de fait résultant de la réalisation du projet à son achèvement). Elle était appelée à se prononcer sur la détermination des prospects à respecter dans le cadre d'un projet pour lequel un permis de construire avait été déposé conjointement par deux sociétés propriétaires chacune d'un terrain constituant donc deux unités foncières. Il était prévu que le terrain appartenant à la seconde société soit rétrocédé à la première. L'assiette du permis conjoint était alors constituée de deux unités foncières contiguës qui, de surcroît, devaient être réunies après obtention de l'autorisation sur la tête d'une seule des sociétés pétitionnaires.
La situation est pour ainsi dire assez habituelle. Lorsqu'un opérateur procède à une opération de remembrement et dépose un permis de construire sur l'ensemble des terrains dont il a la maîtrise par des promesses de vente, l'instruction doit se faire tout naturellement en tenant compte de la réunion future sous une même propriété de l'ensemble des unités foncières. Il apparaît assez naturel de faire abstraction de la circonstance qu'à la date de la délivrance de l'autorisation il y ait plusieurs unités foncières, puisque précisément le permis de construire conditionne l'acquisition des différents terrains.
Rappelons à cet égard que le Conseil d'État a, le 12 février 2020, rendu un arrêt mentionné aux tables du Recueil des décisions du Conseil d'État, confirmant que la promesse de vente vaut titre pour construire.
La position de la cour fut tout autre. Elle a pu considérer que la circonstance qu'une cession entre les deux sociétés soit envisagée n'avait pas pour effet de permettre de considérer que ces deux terrains constituaient une seule et unique unité foncière. En effet selon la cour, dès lors qu'à la date de délivrance du permis de construire, ces terrains, bien que contigus, appartenaient à des sociétés différentes, les parcelles devaient être regardées comme constituant deux unités foncières distinctes.
– L'appréciation de circonstances futures et unité foncière. – La légalité d'un projet doit en principe être appréciée au regard des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle l'administration rend sa décision. Cette règle constitue d'ailleurs le fondement du principe selon lequel un permis modificatif doit être instruit en fonction des règles applicables à la date de sa délivrance et non à la date du permis initial. Ce principe trouvait cependant, dans un arrêt de section du 13 mars 1970, un tempérament selon lequel il ne fallait pas tenir compte des voies internes au projet (que celles-ci fussent privées ou publiques) pour en tirer des conséquences en termes de recul par rapport à ces voies. Le Conseil d'État, dans son arrêt Syndicat de la copropriété « Les Terrasses de l'Aqueduc » , suivant les conclusions du rapporteur public, a apporté un tempérament à cette position prétorienne en considérant que dans l'hypothèse d'un permis contenant une prescription relative à la cession d'une voie à la personne publique, il convenait d'apprécier les règles d'implantation en tenant compte de cette voie future, réfutant ainsi le principe ci-dessus énoncé.
Que retirer de cet arrêt ? Certainement qu'il appartiendra aux pétitionnaires de conduire une analyse précise de leur projet en tenant compte de la circonstance que des voies internes « en devenir » doivent et devront être prises en compte pour l'application des règles de prospect. Et assurément que l'assiette de l'autorisation doit être appréciée de manière dynamique et non statique, telle qu'elle se présentera une fois le projet réalisé.
Pour reprendre l'analyse de Pierre Soler-Couteaux dans ses commentaires de l'arrêt susvisé : « De fait et d'une manière générale, il est de bonne politique urbaine qu'un projet de construction soit instruit sur le terrain tel qu'il se présentera dans son état définitif. Pour autant il ne nous apparaît pas de bonne politique de poursuite de la voie de la sécurisation du droit de l'urbanisme que de fragiliser une autorisation en anticipant en fonction d'une circonstance technique dont l'appréciation au stade du permis de construire est fonction d'un trait dont la matérialité ne sera confirmée qu'à l'issue d'un long processus ».

Les moyens

Le dépassement de l'unité foncière pour favoriser la sortie des projets peut être à l'initiative du pétitionnaire, mais aussi encouragé par les documents de planification urbaine.

1999-2002 : la reconnaissance du permis conjoint (SA d'HLM Nouveau Logis Centre Limousin)

– Genèse et consécration du permis conjoint. – La possibilité de réunir plusieurs unités foncières a été tout d'abord autorisée par le Conseil d'État le 28 juillet 1999 dans son arrêt SA d'HLM Nouveau Logis Centre Limousin , affirmant qu'un seul permis de construire pouvait être demandé par plusieurs propriétaires sur des unités foncières contiguës. L'arrêt SA d'HLM de Lille du 30 décembre 2002 a confirmé la liberté de constitution de l'assiette d'une autorisation de construire, sous réserve d'un bénéficiaire unique et identifié (en l'occurrence un terrain détenu en propriété et les droits résultant d'un bail constitutif de droit réel emportant autorisation de construire). Confirmant la jurisprudence administrative, l'article R. 423-1, a) du Code de l'urbanisme prévoit expressément que l'ensemble des autorisations d'occuper le sol (ainsi que le précisent les articles R. 431-5, a et c et R. 441-1, a et b) peuvent être déposées par le ou les propriétaires des terrains. Cette possibilité de joindre des unités foncières constitue, sauf à constituer un artifice pour échapper à l'application des règles d'urbanisme, une première affirmation de la liberté offerte au(x) pétitionnaire(s) de constituer librement l'assiette de leur autorisation. Cette faculté est cependant subordonnée au respect de l'unité architecturale du projet qui suppose un certain nombre de prérequis non imposés par le législateur mais largement pratiqués pour d'évidentes raisons de sécurité juridique : la convention de cotitularité (V. supra, nos et s.).
– Une condition déterminante : l'unité architecturale et le respect de l'article R. 421-6 du Code de l'urbanisme. – Si la réalisation d'un programme immobilier conjoint témoignant d'une réelle unité architecturale déposé sur des unités foncières contiguës constitue la vérification indispensable, le service instructeur doit s'attacher à contrôler le respect de l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme aux termes duquel : « Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords ».
En effet, nonobstant le bénéfice recherché par la jonction d'unités foncières, l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme impose de porter une appréciation tenant à vérifier si l'objectif de la règle d'urbanisme et des intérêts qu'elle entend protéger est satisfait.
Aujourd'hui le permis conjoint continue de trouver toute sa justification lorsque les documents de planification d'urbaine n'envisagent pas expressément la possibilité de déposer des permis sur plusieurs unités foncières contiguës afin de permettre la mutualisation des contraintes d'urbanisme, voire d'obtenir des dérogations en faveur de l'urbanisation à l'îlot.

Jurisprudence

CE, 6 juill. 2016, n<sup>o</sup> 387814, concl. ArianeWeb : en l'espèce, la réglementation autorisait la réalisation d'une construction en limite de propriété dans une proportion maximum du tiers de celle-ci. Le pétitionnaire bénéficiait d'une assiette de permis présentant en limite Est une longueur de 67 m partagée avec deux propriétés riveraines ayant respectivement 33 m et 34 m. Alors que le pétitionnaire soutenait que son projet de 16 m implanté en limite séparative d'avec les propriétés voisines, ayant ainsi une conception de la limite interne de son assiette, l'un des riverains, plaignant, entendait que soit reconnue une conception extérieure de la notion de limite, limitant ainsi au droit de sa parcelle une implantation maximum d'un tiers, soit 11 m. C'est cette conception privilégiant les relations avec les propriétés voisines qui a été retenue par le Conseil d'État dans une décision antérieure publiée aux tables.

Force est ainsi de constater que l'appréciation des règles fixées par le règlement se fait en considération de l'incidence qu'aura le projet sur les propriétés riveraines.

Cette méthodologie est parfaitement conforme à l'esprit dans lequel le droit de l'urbanisme prescrit les règles d'implantation des constructions pour favoriser la réalisation d'opérations dans le respect des dispositions relatives à l'hygiène, la sécurité et la salubrité publiques dont le fondement et la justification sont identiques aux règles de prospects civils.

2007 : la facilitation des opérations groupées (C. urb., art. R. 123-10-1)

L'introduction de l'article R. 123-10-1 dans le Code de l'urbanisme par le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l'application de l'ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme constitue une première étape dans l'assouplissement de la rigidité induite par la référence à l'unité foncière.
Repris au 3e alinéa de l'article R. 151-21 du même code, il précise que sauf dispositions contraires des documents de planification urbaine, les règles d'urbanisme peuvent s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'origine indépendamment de la division opérée par le pétitionnaire.
– Attention au champ matériel de l'article R. 151-21, alinéa 3 du Code de l'urbanisme. – Son fondement participe de l'urbanisme de projet dont l'objectif est de s'affranchir, dans une certaine mesure, d'une lecture trop rigoriste de la règle en permettant au pétitionnaire une souplesse dans les opérations de division sans trop s'inquiéter des conséquences de ce découpage sur le respect des règles fixées par le PLU. S'agissant d'une disposition réglementaire favorisant la réalisation du projet en faisant sur le principe abstraction des divisions à intervenir, cet article présente dans le cadre de la détermination de l'assiette de l'autorisation un intérêt qui, à sa lecture, est certain.
Son appréciation doit toutefois se faire à la lumière de l'analyse qu'en fait la jurisprudence. Plus concrètement, l'article R. 151-21, alinéa 3, a-t-il un champ d'application matériel limité à certaines règles ? Son application est-elle effective pour l'ensemble des règles d'urbanisme applicables ou bien uniquement celles relatives « au droit à construire » ?
– Un principe. – Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose.
– Deux exceptions. – 1) – Le règlement d'urbanisme s'y oppose expressément.
L'article R. 151-21, alinéa 3 du Code de l'urbanisme permet au PLU de s'opposer à l'application du principe énoncé. Dans ce cas, le règlement peut prévoir que les règles d'urbanisme s'appliquent sur la parcelle telle qu'elle résulte de la division (et non sur l'unité foncière d'origine). C'est-à-dire qu'il est alors fait application, pour la détermination de l'ensemble des règles du PLU, à la projection de la division future. Chaque terrain issu de la division doit donc répondre en tous points aux règles du PLU.
Aussi singulière que cette possibilité puisse apparaître, il s'agit d'une disposition tendant expressément à tenir en échec la souplesse dans l'organisation future de l'ensemble immobilier qu'autorise l'article R. 151-21, alinéa 3.
2) Une règle, compte tenu de son objet même, permet de s'y opposer.
Certaines règles du PLU, même étrangères aux divisions, peuvent ainsi constituer un obstacle à l'application du principe.
Il s'agit très certainement du point le plus sensible. Autant la disposition du PLU dérogeant à l'article R. 151-21, alinéa 3 est lisible, autant le principe selon lequel, nonobstant l'application du texte, certaines règles ne peuvent en bénéficier peut être source d'insécurité juridique.
En la matière la jurisprudence n'est pas nécessairement prolixe et telle est bien la difficulté posée par à la pratique. Deux arrêts nous semblent devoir être en mesure d'éclairer le praticien.
Tout d'abord, en matière d'implantation des constructions, l'arrêt Tassin-la-Demi-Lune a pu fixer de façon non équivoque que l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives du terrain ne s'appréciait, faute de dispositions contraires du PLU qu'exclusivement dans les relations avec les confins. À cet égard le Conseil d'État, dans son arrêt Syndicat de la copropriété « Les Terrasses de l'Aqueduc » , suivant les conclusions du rapporteur public, a précisé qu'en cas de prescription relative à la cession d'une voie à la personne publique, il convenait d'apprécier les règles d'implantation en tenant compte de cette voie future. Mis en perspective de la technique du permis valant division parcellaire, cet arrêt interroge. Il procède en effet du fonctionnement même du permis valant division, ainsi que cela est prévu à l'article R. 431-24 du Code de l'urbanisme, que les espaces communs peuvent être rétrocédés à la collectivité. Cet arrêt ne viendrait-il pas percuter les principes fixés par l'arrêt Commune de Tassin-la-Demi-Lune qui fixe clairement le principe selon lequel les divisions opérées et envisagées dans la PC32 ne sont pas prises en considération pour le calcul des règles d'implantation des bâtiments ?
Il n'est pas rare en effet qu'un permis de construire valant division parcellaire envisage la réalisation de voies internes dont on sait (même s'il ne s'agit pas d'une réserve technique) qu'elles reviendront à terme à la collectivité. Or précisément, il arrive que la PC32 ne soit pas nécessairement figée et que les voies puissent à l'exécution des travaux avoir une implantation légèrement différente. L'appréciation dynamique de l'assiette, en anticipant sur des rétrocessions futures, emporte un risque certain de non-conformité.
Ensuite, et de façon bien naturelle, se pose la question de la surface minimum pour construire en cas de terrain non desservi par l'assainissement collectif. Le juge du Palais-Royal, par un arrêt du 9 mars 2016 Association des propriétaires riverains du chemin du Collet-Redon , fit montre d'une approche téléologique en recherchant l'objectif de la règle, en l'espèce permettre le bon fonctionnement du système d'assainissement non collectif. « L'objectif pouvait difficilement être atteint si la règle de la superficie minimum s'appréciait avant la division foncière du tènement ».
Une extension de cette jurisprudence pourrait être imaginée sous l'empire du zéro artificialisation nette (ZAN) aux espaces de pleine terre dès lors que leur sanctuarisation est indispensable pour répondre aux objectifs de développement durable.
Le fondement de cette position tient à ce qu'il n'existe pas à proprement parler de numerus clausus des règles susceptibles d'être écartées compte tenu de leur objet même, « qu'eu égard à son objet, une telle règle doit être regardée comme étant au nombre de celles qui s'opposent à l'appréciation d'ensemble prévue par les dispositions, (…) de l'article R. 123-10-1 du code de l'urbanisme ».
Ainsi son application serait limitée aux prescriptions d'urbanisme définissant ce qu'il est convenu d'appeler les « droits à construire », l'ensemble des autres règles et notamment de recul, de prospect, d'implantation par rapport aux voies, aux limites de propriété entre lots au sein de l'opération en seraient exclues.

Le jeu combiné des articles L. 442-1-2 et R. 151-21, alinéa 3

Le choix du périmètre du lotissement, qui permet d'inclure des lots bâtis voire des parcelles inconstructibles, autorise à l'aménageur une grande souplesse dont les conséquences doivent cependant être mesurées. Pour rappel l'alinéa 3 de l'article R. 151-21 du Code de l'urbanisme traite quant à lui de l'appréciation à l'échelle de l'assiette globale de l'ensemble des règles du document d'urbanisme dans les zones U et AU ; les effets de la combinaison de ces deux articles méritent d'être appréhendés à l'occasion du montage des opérations. Nous renvoyons à ce titre à un article de Béatrice Arnould et Emmanuel Wormser.

2015 : l'urbanisation à l'îlot (C. urb., art. R. 151-21)

– Dépasser l'unité foncière à la faveur des documents de planification urbaine. – Introduit dans l'ordonnancement juridique par le décret no 2015-1783 du 28 décembre 2015, l'article R. 151-21 du Code de l'urbanisme constitue un nouvel outil permettant aux règlements des PLU de prévoir des règles alternatives s'appliquant aux permis de construire ou d'aménager conjoints portant sur plusieurs unités foncières contiguës dans des secteurs identifiés des zones U et AU. Participant d'un véritable changement de paradigme dans la vision de l'urbanisation, cet article a pour vocation d'encourager l'urbanisation à une échelle dépassant l'unité foncière.
Ce régime reste toutefois relativement peu intégré dans les documents de planification urbaine, alors même que la définition du secteur concerné, à la différence de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP), n'impose pas nécessairement une jonction de la totalité des unités foncières dans la zone, et n'impose pas non plus l'instruction dans un rapport de compatibilité mais bien dans le respect des dispositions réglementaires du PLU sauf stipulations de règles alternatives généralement plus favorables.
Est-ce la méconnaissance des subtilités de ce régime qui prive les communes ou les EPCI compétents d'envisager l'urbanisme à une échelle macroscopique ?

Proposition : la liberté de composer librement l'assiette pour motif environnemental ? (la gestion des externalités positives)

La possibilité de composer librement l'assiette de son projet sur plusieurs unités foncières non contiguës nous paraît être la solution permettant la gestion et la sanctuarisation des espaces identifiés comme susceptibles de relever de l'intérêt collectif et d'intérêt commun pour relever les défis environnementaux. Un projet dont la densité induirait une disparition d'espaces verts et paysagers ou conduisant à une imperméabilisation du sol devrait pour son acceptabilité être associé à une opération de renaturation ou de pérennisation d'espaces naturels urbains qui, même non contigus, participent de l'équilibre environnemental assigné au projet.
De la même façon, un projet immobilier développé sur une friche requalifiée en écoquartier devrait voir sanctuarisés son assiette, son volet paysager et sa composante végétale. Car aujourd'hui rien n'interdit, dans le cadre d'un renouvellement urbain de type SRU, d'envisager un projet qui une fois réalisé pourrait être modifié dans sa composante paysagère, voire dans son périmètre pour recouvrer de nouveau la possibilité de densifier.
L'arrêt Association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte rendu par le Conseil d'État le 29 novembre 2023 en est la traduction ultime, l'instruction ne pouvant et ne devant être conduite qu'au regard du projet soumis à l'appréciation des services indépendamment de la circonstance que la construction dont est détachée la future assiette de la construction en devienne non conforme, la conformité du projet de division foncière aux règles d'urbanisme s'appréciant à l'aune du périmètre du lotissement tel que défini librement par le lotisseur, incluant ou non les parties déjà bâties du terrain objet de la division.
Bien entendu cet arrêt conserve son intérêt et toute sa justification dans le cadre des processus de densification de tissus urbains pavillonnaires (BIMBY), mais son application générale semble en dehors de ces cas à rebours de la volonté des collectivités de renaturer et pérenniser les îlots de fraîcheur, maintenir des espaces de lutte contre la chute de la biodiversité dans le cadre des externalités positives et de la satisfaction des objectifs de zéro artificialisation nette.
La sanctuarisation de ces espaces et la pérennité de l'assiette ne seraient ainsi prescrites que pour les programmes immobiliers à l'exception de l'habitat pavillonnaire. Ces espaces « réservés » pourraient alors valablement, et indépendamment de leur surface, rentrer dans la computation des terrains aujourd'hui exclus du décompte ZAN.