L'assiette des projets d'urbanisme : l'unité foncière est-elle toujours pertinente ?

L'assiette des projets d'urbanisme : l'unité foncière est-elle toujours pertinente ?

– La surdensification. – L'absence de contrôle général des divisions non destinées à la construction comme la suppression de l'utilisation du reliquat de droit à construire (abrogation des articles L. 111-5-1 et L. 123-1-1 du Code de l'urbanisme) ne permettent plus à l'administration de « geler » le terrain ayant servi à l'instruction de l'autorisation sauf le jeu éventuel des jurisprudences Sekler et Thalamy. Aussi la principale problématique de l'assiette tient au risque, post-achèvement et conformité, d'une division de l'assiette pour recouvrer une constructibilité sur le terrain détaché.
– L'unité foncière : un concept étriqué ? – De prime abord le législateur semble faire montre d'une certaine latitude quant au respect du principe d'adéquation entre unité foncière et assiette de la demande. Tel est le cas de l'assiette de la division, en lui reconnaissant une sorte de polymorphisme. Plus rigide est sa position quant à l'assiette du permis, ce qui n'est pas sans générer contrainte et contrariété.
– L'unité foncière : un concept protégé ? – Sans se confondre avec la parcelle cadastrale qui n'est que l'une de ses composantes, l'unité foncière dans sa conception actuelle reste trop marquée par sa filiation avec l'îlot de propriété du fichier immobilier. Il s'agit pourtant d'une unité d'application et de contrôle dont il apparaît difficile, en l'état actuel des textes et procédures, de se détacher. Le maintien de l'unité foncière comme référence pour la détermination des règles d'urbanisme à l'occasion de l'instruction d'un permis de construire est la garantie de l'efficacité des services instructeurs à l'occasion de l'instruction.
« « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie » : – la rencontre du droit et de la géométrie produit parfois des effets à peu près aussi imprévisibles que celle célébrée par Lautréamont. » C'est dans ces termes que Xavier de Lesquen, alors rapporteur public d'un arrêt du Conseil d'État du 6 juillet 2016, entamait ses conclusions.
C'est dire ce que l'application de la règle de droit au projet peut présenter d'abscons et de singulier. La question de l'assiette du projet en est plus particulièrement la traduction. Partageons l'analyse de Sylvain Pérignon selon lequel : « La détermination du lien entre la notion d'assiette foncière du permis et la notion traditionnelle d'unité foncière constitue le problème le plus épineux à résoudre si l'on veut définir clairement les bases conceptuelles du droit de l'urbanisme ».
Sans avoir la prétention de solutionner cette épineuse question nous considérons, à la lumière des difficultés qu'elle présente et de l'insécurité juridique qui en découle, qu'il est peut-être temps de se détacher de la notion d'unité foncière. Alors que le 103e Congrès des notaires de France prônait sa reconnaissance législative et son intégration dans le Code de l'urbanisme, nos travaux nous ont convaincus que conserver comme référentiel l'unité foncière tout à la fois comme « sujet de contrôle » au titre de la division du terrain et comme « surface d'application » des règles d'urbanisme, ne répond plus au besoin de déterminer une assiette aux projets immobiliers en vue de construire.
– Le carcan de l'unité foncière. – Si, d'une manière générale, la plupart des autorisations d'occuper le sol sont demandées et délivrées sur une unité foncière, il n'y a en réalité aucun motif d'urbanisme justifiant d'imposer l'unité foncière comme référence absolue dont les porteurs de projet peuvent se trouver prisonniers. Au lieu de faciliter les opérations, l'unité foncière constituerait plutôt un carcan. Un projet a un périmètre d'influence à l'échelle d'un quartier, d'un arrondissement, d'un bassin versant, d'un territoire. Un périmètre d'influence est par définition variable en fonction de la topologie, de la géographie, de son accessibilité. De rares dispositifs dépassent l'unité foncière, comme celui lié au nombre de places de stationnement automobile permettant de répondre aux exigences réglementaires à l'extérieur de la parcelle, prévu à l'article L. 151-33 du Code de l'urbanisme.
Car le droit positif, s'il autorise la jonction d'unités foncières pour élargir l'assiette du projet à certaines conditions (A), interdit le dépôt d'un permis de construire sur une assiette réduite (B) sans justification convaincante.

La possibilité d'élargir l'assiette par la réunion d'unités foncières

Le prérequis : la contiguïté des unités foncières

– Une condition nécessaire. – Excepté le permis d'aménager multi-sites qui autorise la possibilité de déposer un permis d'aménager sur plusieurs unités foncières non contiguës pour les opérations d'aménagement prévues par un contrat de projet partenarial d'aménagement (PPA) (C. urb., art. L. 312-2-1) et dans les opérations de revitalisation du territoire (ORT) (CCH, art. L. 303-2), la conception traditionnelle de l'unité foncière rend indispensable la contiguïté des unités foncières pour constituer l'assiette d'une autorisation d'urbanisme. Certains opérateurs immobiliers ont pu, ainsi, envisager d'adjoindre plusieurs terrains en vue de gagner des « droits à construire », sans réelle volonté d'implantation sur l'un des d'eux. Ce choix relevait de l'intention du pétitionnaire de déposer une autorisation d'urbanisme sur deux parcelles contiguës dont l'une ne constituerait pas in fine l'assiette matérielle et juridique du projet.

De l'utilité de la contiguïté : le COS est mort, vive le CES !

La contiguïté des unités foncières offrait aux pétitionnaires de réelles opportunités sous l'empire de feu le coefficient d'occupation des sols (COS) par la fusion des droits à construire . Certes le COS a été supprimé de l'ordonnancement juridique par la loi ALUR, et l'attribution de droits à construire ne procède plus d'une application algébrique d'un coefficient sur une surface, mais lui a été substitué le coefficient d'emprise au sol (CES) applicable aujourd'hui afin de gérer les ratios de pleine terre et d'emprise au sol des bâtiments. Pour reprendre les conclusions de Charles Touboul à l'occasion de l'affaire Société Groupe Promomidi du 26 novembre 2018 : « Le COS n'est plus, par la volonté du législateur. Mais il était possible aux communes avant et il leur reste possible après, de fixer dans leur PLU des « coefficients d'emprise au sol » qui ne sont pas sans le rappeler ».
– Une condition suffisante ? – Si l'unité foncière semble aujourd'hui faire l'objet d'une certaine concorde quant à son acception et les modalités de sa détermination, elle se distingue de l'assiette de l'autorisation qu'il est possible de composer par la jonction d'unités foncières contiguës. L'application de la contiguïté aux principes régissant la propriété domaniale mérite toutefois d'être débattue.

Unité foncière et domanialité

Le Conseil d'État a jugé, dans un arrêt n<sup>o</sup> 329199 du 19 juillet 2010, <em>André A. </em>c/ <em>Commune de Mecleuves</em>, « qu'une unité foncière est un îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ; qu'ainsi, une parcelle relève d'un régime de domanialité unique applicable à l'ensemble de son emprise foncière ». Il s'agit d'un arrêt de sous-section jugeant seule, non publié au <em>Recueil des décisions du Conseil d'État</em>, pas même aux tables. Dans cette affaire se posait la question de l'identification du domaine public. Une bibliothèque municipale occupait une partie de la parcelle ; toute la parcelle a été reconnue comme relevant du domaine public. Le Conseil d'État semble être arrivé à cette analyse non pas en appliquant les critères habituels du domaine public, mais par référence à la notion d'unité foncière qui appartient par définition « à un même propriétaire ». C'est confondre de manière assez expéditive propriété et régime domanial.

La jurisprudence ultérieure, plus rigoureuse, permet de poser les bases suivantes.

La qualification domaniale porte sur un bien, par qualification directe de la loi ou application de critères législatifs. Quand un bien relève du domaine public, la jurisprudence invite à présumer que l'ensemble de la parcelle cadastrale entre dans le domaine public et donc l'unité foncière qu'elle constitue le cas échéant, alors même que l'ouvrage constituant l'aménagement indispensable (ou spécial antérieurement au Code général de la propriété des personnes publiques) n'en occupe qu'une faible partie et que l'autre n'en est pas un accessoire indissociable. C'est ce que le professeur Norbert Foulquier nomme « la domanialité publique par contagion ». En cas de contiguïté de deux parcelles appartenant à un même propriétaire public, l'unité foncière se trouve en principe aussi dans le domaine public. Les délimitations cadastrales n'entrent pas, en effet, dans la qualification domaniale. Seule compte la propriété publique, en plus des autres éléments de qualification. Mais cette présomption n'est pas absolue : « Des parties clairement délimitées et dissociables d'une même parcelle peuvent relever, par application des règles régissant la domanialité publique, de régimes de domanialité différents ».

Un arrêt de section n<sup>o</sup> 349420 du 28 avril 2014, <em>Commune de Val-d'Isère</em>, s'inscrit dans cette veine jurisprudentielle. Un permis de construire a été obtenu pour permettre la réalisation d'une boîte de nuit, le Doudoune Club, ensuite devenue le Cocorico, sur un terrain municipal constituant l'assiette d'un bail emphytéotique administratif. Ce terrain étant contigu à la piste de ski, le requérant a habilement soutenu qu'il relevait du domaine public pour contester la légalité du permis de construire. Mais le Conseil d'État n'en a pas jugé ainsi : « Cet espace, qui est en l'espèce clairement délimité et dissociable de la partie de la parcelle ayant fait l'objet d'aménagements indispensables, appartient au domaine privé de la commune de Val-d'Isère ». Un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 3 octobre 2023 reconnaît encore qu'il « est en principe possible qu'une même parcelle contienne des portions distinctes relevant pour certaines du domaine public ».

Ce raisonnement peut-il être repris à l'échelle d'une unité foncière ? Peut-on admettre qu'une unité foncière comporte des parties relevant de régimes domaniaux différents ? Rien ne s'y oppose sur le plan domanial. Mais au sens du droit de l'urbanisme, l'unité foncière constitue le cadre d'instruction de l'application des règles d'utilisation du sol à un projet de construction, d'aménagement ou de démolition. Au regard de sa fonctionnalité, on peut considérer qu'une unité foncière ne peut inclure des voies publiques contiguës à une parcelle appartenant à leur même propriétaire. Le régime de l'alignement nous paraît devoir y faire obstacle. Il en va de même des dépendances du domaine public naturel maritime et fluvial. Elles n'entrent pas dans les prévisions du Code de l'urbanisme et ne sauraient dès lors être incluses dans une unité foncière dont la fonction est définie par les règles d'utilisation du sol.

– Le remembrement d'unités foncières : un arrêt d'espèce critiquable et peu critiqué… – Indépendamment du permis conjoint qui suppose la jonction de plusieurs unités foncières par plusieurs pétitionnaires, plus fréquente est la situation du remembrement de plusieurs unités foncières appartenant à des propriétaires différents sous un unique pétitionnaire souhaitant développer un projet sur l'ensemble des fonciers. La position tenue par la cour administrative d'appel de Versailles dans une telle situation interroge singulièrement et bouleverse l'idée selon laquelle l'unité foncière peut s'apprécier de manière statique (à la date de la délivrance du permis de construire) ou dynamique (en fonction des circonstances de droit et de fait résultant de la réalisation du projet à son achèvement). Elle était appelée à se prononcer sur la détermination des prospects à respecter dans le cadre d'un projet pour lequel un permis de construire avait été déposé conjointement par deux sociétés propriétaires chacune d'un terrain constituant donc deux unités foncières. Il était prévu que le terrain appartenant à la seconde société soit rétrocédé à la première. L'assiette du permis conjoint était alors constituée de deux unités foncières contiguës qui, de surcroît, devaient être réunies après obtention de l'autorisation sur la tête d'une seule des sociétés pétitionnaires.
La situation est pour ainsi dire assez habituelle. Lorsqu'un opérateur procède à une opération de remembrement et dépose un permis de construire sur l'ensemble des terrains dont il a la maîtrise par des promesses de vente, l'instruction doit se faire tout naturellement en tenant compte de la réunion future sous une même propriété de l'ensemble des unités foncières. Il apparaît assez naturel de faire abstraction de la circonstance qu'à la date de la délivrance de l'autorisation il y ait plusieurs unités foncières, puisque précisément le permis de construire conditionne l'acquisition des différents terrains.
Rappelons à cet égard que le Conseil d'État a, le 12 février 2020, rendu un arrêt mentionné aux tables du Recueil des décisions du Conseil d'État, confirmant que la promesse de vente vaut titre pour construire.
La position de la cour fut tout autre. Elle a pu considérer que la circonstance qu'une cession entre les deux sociétés soit envisagée n'avait pas pour effet de permettre de considérer que ces deux terrains constituaient une seule et unique unité foncière. En effet selon la cour, dès lors qu'à la date de délivrance du permis de construire, ces terrains, bien que contigus, appartenaient à des sociétés différentes, les parcelles devaient être regardées comme constituant deux unités foncières distinctes.
– L'appréciation de circonstances futures et unité foncière. – La légalité d'un projet doit en principe être appréciée au regard des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle l'administration rend sa décision. Cette règle constitue d'ailleurs le fondement du principe selon lequel un permis modificatif doit être instruit en fonction des règles applicables à la date de sa délivrance et non à la date du permis initial. Ce principe trouvait cependant, dans un arrêt de section du 13 mars 1970, un tempérament selon lequel il ne fallait pas tenir compte des voies internes au projet (que celles-ci fussent privées ou publiques) pour en tirer des conséquences en termes de recul par rapport à ces voies. Le Conseil d'État, dans son arrêt Syndicat de la copropriété « Les Terrasses de l'Aqueduc » , suivant les conclusions du rapporteur public, a apporté un tempérament à cette position prétorienne en considérant que dans l'hypothèse d'un permis contenant une prescription relative à la cession d'une voie à la personne publique, il convenait d'apprécier les règles d'implantation en tenant compte de cette voie future, réfutant ainsi le principe ci-dessus énoncé.
Que retirer de cet arrêt ? Certainement qu'il appartiendra aux pétitionnaires de conduire une analyse précise de leur projet en tenant compte de la circonstance que des voies internes « en devenir » doivent et devront être prises en compte pour l'application des règles de prospect. Et assurément que l'assiette de l'autorisation doit être appréciée de manière dynamique et non statique, telle qu'elle se présentera une fois le projet réalisé.
Pour reprendre l'analyse de Pierre Soler-Couteaux dans ses commentaires de l'arrêt susvisé : « De fait et d'une manière générale, il est de bonne politique urbaine qu'un projet de construction soit instruit sur le terrain tel qu'il se présentera dans son état définitif. Pour autant il ne nous apparaît pas de bonne politique de poursuite de la voie de la sécurisation du droit de l'urbanisme que de fragiliser une autorisation en anticipant en fonction d'une circonstance technique dont l'appréciation au stade du permis de construire est fonction d'un trait dont la matérialité ne sera confirmée qu'à l'issue d'un long processus ».

Les moyens

Le dépassement de l'unité foncière pour favoriser la sortie des projets peut être à l'initiative du pétitionnaire, mais aussi encouragé par les documents de planification urbaine.

1999-2002 : la reconnaissance du permis conjoint (SA d'HLM Nouveau Logis Centre Limousin)

– Genèse et consécration du permis conjoint. – La possibilité de réunir plusieurs unités foncières a été tout d'abord autorisée par le Conseil d'État le 28 juillet 1999 dans son arrêt SA d'HLM Nouveau Logis Centre Limousin , affirmant qu'un seul permis de construire pouvait être demandé par plusieurs propriétaires sur des unités foncières contiguës. L'arrêt SA d'HLM de Lille du 30 décembre 2002 a confirmé la liberté de constitution de l'assiette d'une autorisation de construire, sous réserve d'un bénéficiaire unique et identifié (en l'occurrence un terrain détenu en propriété et les droits résultant d'un bail constitutif de droit réel emportant autorisation de construire). Confirmant la jurisprudence administrative, l'article R. 423-1, a) du Code de l'urbanisme prévoit expressément que l'ensemble des autorisations d'occuper le sol (ainsi que le précisent les articles R. 431-5, a et c et R. 441-1, a et b) peuvent être déposées par le ou les propriétaires des terrains. Cette possibilité de joindre des unités foncières constitue, sauf à constituer un artifice pour échapper à l'application des règles d'urbanisme, une première affirmation de la liberté offerte au(x) pétitionnaire(s) de constituer librement l'assiette de leur autorisation. Cette faculté est cependant subordonnée au respect de l'unité architecturale du projet qui suppose un certain nombre de prérequis non imposés par le législateur mais largement pratiqués pour d'évidentes raisons de sécurité juridique : la convention de cotitularité (V. supra, nos et s.).
– Une condition déterminante : l'unité architecturale et le respect de l'article R. 421-6 du Code de l'urbanisme. – Si la réalisation d'un programme immobilier conjoint témoignant d'une réelle unité architecturale déposé sur des unités foncières contiguës constitue la vérification indispensable, le service instructeur doit s'attacher à contrôler le respect de l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme aux termes duquel : « Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords ».
En effet, nonobstant le bénéfice recherché par la jonction d'unités foncières, l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme impose de porter une appréciation tenant à vérifier si l'objectif de la règle d'urbanisme et des intérêts qu'elle entend protéger est satisfait.
Aujourd'hui le permis conjoint continue de trouver toute sa justification lorsque les documents de planification d'urbaine n'envisagent pas expressément la possibilité de déposer des permis sur plusieurs unités foncières contiguës afin de permettre la mutualisation des contraintes d'urbanisme, voire d'obtenir des dérogations en faveur de l'urbanisation à l'îlot.

Jurisprudence

CE, 6 juill. 2016, n<sup>o</sup> 387814, concl. ArianeWeb : en l'espèce, la réglementation autorisait la réalisation d'une construction en limite de propriété dans une proportion maximum du tiers de celle-ci. Le pétitionnaire bénéficiait d'une assiette de permis présentant en limite Est une longueur de 67 m partagée avec deux propriétés riveraines ayant respectivement 33 m et 34 m. Alors que le pétitionnaire soutenait que son projet de 16 m implanté en limite séparative d'avec les propriétés voisines, ayant ainsi une conception de la limite interne de son assiette, l'un des riverains, plaignant, entendait que soit reconnue une conception extérieure de la notion de limite, limitant ainsi au droit de sa parcelle une implantation maximum d'un tiers, soit 11 m. C'est cette conception privilégiant les relations avec les propriétés voisines qui a été retenue par le Conseil d'État dans une décision antérieure publiée aux tables.

Force est ainsi de constater que l'appréciation des règles fixées par le règlement se fait en considération de l'incidence qu'aura le projet sur les propriétés riveraines.

Cette méthodologie est parfaitement conforme à l'esprit dans lequel le droit de l'urbanisme prescrit les règles d'implantation des constructions pour favoriser la réalisation d'opérations dans le respect des dispositions relatives à l'hygiène, la sécurité et la salubrité publiques dont le fondement et la justification sont identiques aux règles de prospects civils.

2007 : la facilitation des opérations groupées (C. urb., art. R. 123-10-1)

L'introduction de l'article R. 123-10-1 dans le Code de l'urbanisme par le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l'application de l'ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme constitue une première étape dans l'assouplissement de la rigidité induite par la référence à l'unité foncière.
Repris au 3e alinéa de l'article R. 151-21 du même code, il précise que sauf dispositions contraires des documents de planification urbaine, les règles d'urbanisme peuvent s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'origine indépendamment de la division opérée par le pétitionnaire.
– Attention au champ matériel de l'article R. 151-21, alinéa 3 du Code de l'urbanisme. – Son fondement participe de l'urbanisme de projet dont l'objectif est de s'affranchir, dans une certaine mesure, d'une lecture trop rigoriste de la règle en permettant au pétitionnaire une souplesse dans les opérations de division sans trop s'inquiéter des conséquences de ce découpage sur le respect des règles fixées par le PLU. S'agissant d'une disposition réglementaire favorisant la réalisation du projet en faisant sur le principe abstraction des divisions à intervenir, cet article présente dans le cadre de la détermination de l'assiette de l'autorisation un intérêt qui, à sa lecture, est certain.
Son appréciation doit toutefois se faire à la lumière de l'analyse qu'en fait la jurisprudence. Plus concrètement, l'article R. 151-21, alinéa 3, a-t-il un champ d'application matériel limité à certaines règles ? Son application est-elle effective pour l'ensemble des règles d'urbanisme applicables ou bien uniquement celles relatives « au droit à construire » ?
– Un principe. – Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose.
– Deux exceptions. – 1) – Le règlement d'urbanisme s'y oppose expressément.
L'article R. 151-21, alinéa 3 du Code de l'urbanisme permet au PLU de s'opposer à l'application du principe énoncé. Dans ce cas, le règlement peut prévoir que les règles d'urbanisme s'appliquent sur la parcelle telle qu'elle résulte de la division (et non sur l'unité foncière d'origine). C'est-à-dire qu'il est alors fait application, pour la détermination de l'ensemble des règles du PLU, à la projection de la division future. Chaque terrain issu de la division doit donc répondre en tous points aux règles du PLU.
Aussi singulière que cette possibilité puisse apparaître, il s'agit d'une disposition tendant expressément à tenir en échec la souplesse dans l'organisation future de l'ensemble immobilier qu'autorise l'article R. 151-21, alinéa 3.
2) Une règle, compte tenu de son objet même, permet de s'y opposer.
Certaines règles du PLU, même étrangères aux divisions, peuvent ainsi constituer un obstacle à l'application du principe.
Il s'agit très certainement du point le plus sensible. Autant la disposition du PLU dérogeant à l'article R. 151-21, alinéa 3 est lisible, autant le principe selon lequel, nonobstant l'application du texte, certaines règles ne peuvent en bénéficier peut être source d'insécurité juridique.
En la matière la jurisprudence n'est pas nécessairement prolixe et telle est bien la difficulté posée par à la pratique. Deux arrêts nous semblent devoir être en mesure d'éclairer le praticien.
Tout d'abord, en matière d'implantation des constructions, l'arrêt Tassin-la-Demi-Lune a pu fixer de façon non équivoque que l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives du terrain ne s'appréciait, faute de dispositions contraires du PLU qu'exclusivement dans les relations avec les confins. À cet égard le Conseil d'État, dans son arrêt Syndicat de la copropriété « Les Terrasses de l'Aqueduc » , suivant les conclusions du rapporteur public, a précisé qu'en cas de prescription relative à la cession d'une voie à la personne publique, il convenait d'apprécier les règles d'implantation en tenant compte de cette voie future. Mis en perspective de la technique du permis valant division parcellaire, cet arrêt interroge. Il procède en effet du fonctionnement même du permis valant division, ainsi que cela est prévu à l'article R. 431-24 du Code de l'urbanisme, que les espaces communs peuvent être rétrocédés à la collectivité. Cet arrêt ne viendrait-il pas percuter les principes fixés par l'arrêt Commune de Tassin-la-Demi-Lune qui fixe clairement le principe selon lequel les divisions opérées et envisagées dans la PC32 ne sont pas prises en considération pour le calcul des règles d'implantation des bâtiments ?
Il n'est pas rare en effet qu'un permis de construire valant division parcellaire envisage la réalisation de voies internes dont on sait (même s'il ne s'agit pas d'une réserve technique) qu'elles reviendront à terme à la collectivité. Or précisément, il arrive que la PC32 ne soit pas nécessairement figée et que les voies puissent à l'exécution des travaux avoir une implantation légèrement différente. L'appréciation dynamique de l'assiette, en anticipant sur des rétrocessions futures, emporte un risque certain de non-conformité.
Ensuite, et de façon bien naturelle, se pose la question de la surface minimum pour construire en cas de terrain non desservi par l'assainissement collectif. Le juge du Palais-Royal, par un arrêt du 9 mars 2016 Association des propriétaires riverains du chemin du Collet-Redon , fit montre d'une approche téléologique en recherchant l'objectif de la règle, en l'espèce permettre le bon fonctionnement du système d'assainissement non collectif. « L'objectif pouvait difficilement être atteint si la règle de la superficie minimum s'appréciait avant la division foncière du tènement ».
Une extension de cette jurisprudence pourrait être imaginée sous l'empire du zéro artificialisation nette (ZAN) aux espaces de pleine terre dès lors que leur sanctuarisation est indispensable pour répondre aux objectifs de développement durable.
Le fondement de cette position tient à ce qu'il n'existe pas à proprement parler de numerus clausus des règles susceptibles d'être écartées compte tenu de leur objet même, « qu'eu égard à son objet, une telle règle doit être regardée comme étant au nombre de celles qui s'opposent à l'appréciation d'ensemble prévue par les dispositions, (…) de l'article R. 123-10-1 du code de l'urbanisme ».
Ainsi son application serait limitée aux prescriptions d'urbanisme définissant ce qu'il est convenu d'appeler les « droits à construire », l'ensemble des autres règles et notamment de recul, de prospect, d'implantation par rapport aux voies, aux limites de propriété entre lots au sein de l'opération en seraient exclues.

Le jeu combiné des articles L. 442-1-2 et R. 151-21, alinéa 3

Le choix du périmètre du lotissement, qui permet d'inclure des lots bâtis voire des parcelles inconstructibles, autorise à l'aménageur une grande souplesse dont les conséquences doivent cependant être mesurées. Pour rappel l'alinéa 3 de l'article R. 151-21 du Code de l'urbanisme traite quant à lui de l'appréciation à l'échelle de l'assiette globale de l'ensemble des règles du document d'urbanisme dans les zones U et AU ; les effets de la combinaison de ces deux articles méritent d'être appréhendés à l'occasion du montage des opérations. Nous renvoyons à ce titre à un article de Béatrice Arnould et Emmanuel Wormser.

2015 : l'urbanisation à l'îlot (C. urb., art. R. 151-21)

– Dépasser l'unité foncière à la faveur des documents de planification urbaine. – Introduit dans l'ordonnancement juridique par le décret no 2015-1783 du 28 décembre 2015, l'article R. 151-21 du Code de l'urbanisme constitue un nouvel outil permettant aux règlements des PLU de prévoir des règles alternatives s'appliquant aux permis de construire ou d'aménager conjoints portant sur plusieurs unités foncières contiguës dans des secteurs identifiés des zones U et AU. Participant d'un véritable changement de paradigme dans la vision de l'urbanisation, cet article a pour vocation d'encourager l'urbanisation à une échelle dépassant l'unité foncière.
Ce régime reste toutefois relativement peu intégré dans les documents de planification urbaine, alors même que la définition du secteur concerné, à la différence de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP), n'impose pas nécessairement une jonction de la totalité des unités foncières dans la zone, et n'impose pas non plus l'instruction dans un rapport de compatibilité mais bien dans le respect des dispositions réglementaires du PLU sauf stipulations de règles alternatives généralement plus favorables.
Est-ce la méconnaissance des subtilités de ce régime qui prive les communes ou les EPCI compétents d'envisager l'urbanisme à une échelle macroscopique ?

Proposition : la liberté de composer librement l'assiette pour motif environnemental ? (la gestion des externalités positives)

La possibilité de composer librement l'assiette de son projet sur plusieurs unités foncières non contiguës nous paraît être la solution permettant la gestion et la sanctuarisation des espaces identifiés comme susceptibles de relever de l'intérêt collectif et d'intérêt commun pour relever les défis environnementaux. Un projet dont la densité induirait une disparition d'espaces verts et paysagers ou conduisant à une imperméabilisation du sol devrait pour son acceptabilité être associé à une opération de renaturation ou de pérennisation d'espaces naturels urbains qui, même non contigus, participent de l'équilibre environnemental assigné au projet.
De la même façon, un projet immobilier développé sur une friche requalifiée en écoquartier devrait voir sanctuarisés son assiette, son volet paysager et sa composante végétale. Car aujourd'hui rien n'interdit, dans le cadre d'un renouvellement urbain de type SRU, d'envisager un projet qui une fois réalisé pourrait être modifié dans sa composante paysagère, voire dans son périmètre pour recouvrer de nouveau la possibilité de densifier.
L'arrêt Association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte rendu par le Conseil d'État le 29 novembre 2023 en est la traduction ultime, l'instruction ne pouvant et ne devant être conduite qu'au regard du projet soumis à l'appréciation des services indépendamment de la circonstance que la construction dont est détachée la future assiette de la construction en devienne non conforme, la conformité du projet de division foncière aux règles d'urbanisme s'appréciant à l'aune du périmètre du lotissement tel que défini librement par le lotisseur, incluant ou non les parties déjà bâties du terrain objet de la division.
Bien entendu cet arrêt conserve son intérêt et toute sa justification dans le cadre des processus de densification de tissus urbains pavillonnaires (BIMBY), mais son application générale semble en dehors de ces cas à rebours de la volonté des collectivités de renaturer et pérenniser les îlots de fraîcheur, maintenir des espaces de lutte contre la chute de la biodiversité dans le cadre des externalités positives et de la satisfaction des objectifs de zéro artificialisation nette.
La sanctuarisation de ces espaces et la pérennité de l'assiette ne seraient ainsi prescrites que pour les programmes immobiliers à l'exception de l'habitat pavillonnaire. Ces espaces « réservés » pourraient alors valablement, et indépendamment de leur surface, rentrer dans la computation des terrains aujourd'hui exclus du décompte ZAN.

L'interdiction de déposer un permis de construire sur une partie d'unité foncière (assiette réduite)

Une interdiction faute de disposition l'autorisant

– Une assiette du permis de construire limitée à une ou plusieurs unités foncières. – S'agissant de l'assiette d'une construction, le Code de l'urbanisme n'autorise que peu de possibilités. Un permis ne peut être déposé sur plusieurs unités foncières que dans la mesure où l'ensemble des propriétaires déposent conjointement une demande sur l'ensemble des parcelles constituant l'assiette de l'opération.
– Seule une disposition expresse du Code de l'urbanisme peut autoriser le dépôt d'une autorisation sur une partie d'une unité foncière. – À l'inverse du permis d'aménager ou de la déclaration préalable qui peuvent librement être déposé sur une partie d'une unité foncière, le permis de construire ne peut être déposé sur une partie de l'unité foncière compte tenu du détournement de la réglementation du contrôle des divisions en vue de bâtir qu'une telle autorisation autoriserait. Aussi, et excepté la situation dans laquelle l'opération de division n'est pas susceptible de constituer une opération de division, le dépôt d'une autorisation de construire doit nécessairement porter sur la totalité d'une ou plusieurs unités foncières contiguës.
À cet égard, ce qu'il est communément appelé la « division primaire » dispense de tout contrôle l'opération de division consécutive à l'obtention d'un permis de construire sur une partie d'une unité foncière. Pour autant, la figuration de la future division n'est pas prescrite au titre des pièces à fournir dans le dossier de permis de construire, consacrant ainsi, en filigrane, le refus d'anticiper la division future. Cette restriction serait justifiée par la circonstance que les services instructeurs pourraient avoir les plus grandes difficultés à apprécier l'application à la partie de l'unité foncière identifiée des règles fixées par les documents de planification urbaine.
Après de nombreuses hésitations doctrinales et jurisprudentielles, ce principe semble définitivement consacré à la lecture de la jurisprudence rendue en la matière par le Conseil d'État. Position qui n'est pas sans générer, en définitive, plus de complications que de solutions.

Une interdiction consacrée par la jurisprudence

Jurisprudence CE, SCI 3 rue Jules Gautier

– Des contours discutés. – Les principales interrogations, partagées par la jurisprudence et la doctrine, tenaient à l'assiette du permis de construire et notamment à la question de savoir si l'instruction devait être opérée en anticipant la division et donc en appliquant les règles d'urbanisme à la projection de la division future ou si, au contraire, les règles devaient s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'origine. C'est cette dernière solution que retenait l'administration. Cette question présentait un véritable intérêt en ce sens qu'à la différence du permis valant division parcellaire (C. urb., art. R. 431-24 visé infra), la division intervient nécessairement au jour de la vente ou de la constitution de baux sur le terrain et donc a priori avant la mise en œuvre du permis de construire (sauf hypothèse peu vraisemblable de démarrage anticipé des travaux). Relevons à cet égard que la validité de l'opération recommandait sinon imposait que la vente, en tant qu'acte juridique formalisant la division à l'initiative du propriétaire, n'intervienne qu'après la purge de l'ensemble des recours et retrait. En effet, une division opérée alors même que le permis pouvait faire l'objet d'un recours en annulation encourait l'annulation de la vente outre une amende de 15 000 €.
– L'apport en demi-teinte de l'arrêt du – SCI 3 rue Jules Gautier . – « Quel est le terrain d'assiette qu'il convient de prendre en compte pour apprécier le respect des règles d'urbanisme dans le cas de projets qui reposent sur une division primaire de l'unité́ foncière ? » Telle est la question centrale posée par Olivier Fuchs, rapporteur public dans la décision du Conseil d'État qui génère plus de difficultés qu'elle n'en résout.
En l'absence d'une position commune de la doctrine et des juridictions du fond, l'arrêt du Conseil d'État du 12 novembre 2020 a reçu, dans un premier temps, un accueil enthousiaste de l'ensemble des professionnels pratiquant cette méthode. Las, au-delà d'avoir tranché temporairement un sujet pour lequel il devenait urgent de statuer en droit, pour d'évidentes questions de sécurité juridique, cet arrêt suscite néanmoins nombre d'interrogations et de craintes ayant conduit les auteurs les plus autorisés à porter un regard critique sur cette décision, tant au regard des conséquences insoupçonnées qu'elle emporte que du point de vue de l'un des visas sur le fondement duquel elle a été rendue.
Tel est le cas du visa de l'article R. 151-21, alinéa 3 du Code de l'urbanisme. Comme développé supra, cet article affirme le principe selon lequel, sauf dispositions contraires des documents de planification urbaine, les règles d'urbanisme peuvent s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'origine indépendamment de la division opérée par le pétitionnaire. Car c'est bien en cela que réside la différence fondamentale avec la division primaire. Dans la division primaire, la division, consécutive à l'instruction de l'autorisation d'urbanisme, est opérée par le propriétaire, vendeur de la partie du terrain qui constituera l'assiette physique de l'ensemble immobilier.
A contrario la division, dans les opérations de permis d'aménager ou de permis de construire valant division, est à la main du pétitionnaire. Et le fondement de l'article R. 151-21, alinéa 3 (C. urb., ancien art. R. 123-10-1) est bien de permettre au pétitionnaire une souplesse dans les opérations de division qu'il conduit.
– Une portée limitée pour les permis d'aménager ? – La division primaire n'est possible que pour les permis d'aménager ou les permis de construire à l'exception des divisions relevant de la simple déclaration préalable. L'arrêt SCI 3 rue Jules Gautier, du 12 novembre 2020, traite la question de l'appréciation des règles au regard de l'unité foncière d'origine, notamment au motif qu'à la différence d'un permis d'aménager, un permis de construire ne peut pas être déposé sur une partie d'une unité foncière. Est-ce à dire, comme le relève Laetitia Santoni, que : « La solution dégagée par le Conseil d'État dans la décision commentée ne devrait néanmoins pas s'appliquer dans le cas où un permis d'aménager est sollicité, puisqu'un permis d'aménager peut, en tout état de cause, à la différence d'un permis de construire, être délivré sur une partie de l'unité foncière seulement » ? Nous le défendons, au même titre qu'au regard des conséquences inattendues voire non envisagées par le Conseil d'État à l'occasion de cette décision, nous plaidons pour une évolution de la réglementation applicable afin d'imposer comme pièce du permis de construire la fixation d'une simili PC32, marquant la division envisagée à l'appui du dépôt de la demande de permis.
– La dimension téléologique de la décision. – L'arrêt du 12 novembre 2020 a le mérite de la simplicité quant à la détermination de l'assiette sur laquelle apprécier les règles d'urbanisme tant au niveau de l'instruction du permis de construire qu'au stade d'un éventuel modificatif et de la non-opposition à la conformité.
Est-il utile cependant de rappeler que cet arrêt a prononcé l'illégalité du permis de construire notamment au regard du non-respect des règles de densité maximum, puisque la propriété dont était distraite l'assiette de la future construction supportait déjà des bâtiments ? Car en réalité, ce que semble rechercher le Conseil d'État dans cette décision, c'est bien une lutte contre les effets d'une surdensification par le jeu de la division primaire, alors même que le règlement d'urbanisme ne dérogerait pas à l'application de l'article R. 151-1, alinéa 3.
Le juge du Palais-Royal avait déjà eu l'occasion, dans son arrêt précité du 9 mars 2016 Association des propriétaires riverains du chemin du Collet-Redon étudié supra, de privilégier une approche téléologique dans un contentieux en recherchant l'objectif de la règle, en l'espèce permettre le bon fonctionnement du système d'assainissement non collectif. Dans cette espèce, l'objectif assigné à cette règle était dicté par une considération de salubrité publique qui « pouvait difficilement être atteint si la règle de la superficie minimum s'appréciait avant la division foncière du tènement ».
Pour autant, et comme le relève Me Elsa Sacksick, « indépendamment de la question de l'applicabilité de l'article R. 151-21 et donc de la rédaction du document d'urbanisme en vigueur, nous pensons que certaines jurisprudences pourraient être invoquées par analogie en vue de faire échec à l'appréciation au moins de certaines règles du PLU à l'échelle de l'unité́ foncière initiale ».
– La fin justifie-t-elle les moyens ? – Cette position jurisprudentielle semble, au regard des problématiques environnementales, salutaire en ce sens qu'elle garantit et sécurise à l'échelle de l'unité foncière d'origine une cohérence dans la gestion du volet paysager, des espaces pleine terre et les objectifs de lutte contre l'imperméabilisation des sols et la formation d'îlots de chaleur. Mais le Conseil d'État ne semble pas avoir pris en compte un élément inhérent à la division primaire, comme le précise Me Elsa Sacksick : le pétitionnaire ne va pouvoir réaliser des travaux que sur le terrain d'assiette sur lequel il est titré. Le professeur Pierre Soler-Couteaux le résume ainsi : « La solution retenue par le Conseil d'État aboutit à ce que le service instructeur va instruire sur une unité foncière qui n'est pas le terrain d'assiette du projet ».
Mais comment concilier l'impérieuse nécessité du renouvellement urbain, de la reconversion des friches comme alternative à l'étalement urbain, et la protection des enjeux environnementaux ?
Car la décision emporte tout à la fois des conséquences au stade de l'instruction et sur le reliquat de la propriété du vendeur dont le notaire devra faire cas au stade de la promesse comme au stade de la réalisation de la vente. L'obtention d'une autorisation nouvelle sur le reliquat de la propriété avant achèvement serait-elle susceptible d'emporter de la part de l'administration une objection à la délivrance de la non-opposition à la conformité, voire à un permis modificatif ?
Par ailleurs, si la question de la ligne divisoire, qui n'est pas exigée et pas demandée au stade de l'instruction ne présente donc pas de difficulté pour le maître d'ouvrage dans son obligation de délivrance, l'application de la jurisprudence Sekler à la construction nouvellement édifiée interdit par conséquent toute évolution du projet après achèvement.
– Portée. – Cet arrêt a cependant un mérite autre que celui d'avoir mis un terme à des positions divergentes des juges du fond. Il permet de dévoiler le vice originel de l'unité foncière qui ne s'accommode pas systématiquement de l'assiette de l'autorisation et n'autorise pas la conduite d'un véritable urbanisme de projet.

Jurisprudence Ville de Strasbourg

– Les ensembles immobiliers complexes. – Sylvain Pérignon entamait sa contribution au colloque du 24 septembre 1999, « Les ouvrages immobiliers complexes (volumes et superpositions) », par une sentence qui traduit la singularité de la problématique de l'assiette des ensembles immobiliers complexes : « Malgré sa réputation de complexité, le droit de l'urbanisme est un droit fruste, un peu simpliste, qui ne connaît que le terrain, l'unité foncière sur laquelle un maître d'ouvrage demande un permis de construire pour édifier un cube de béton ».
« Confronté à une malfaçon législative, le juge est fréquemment face à un dilemme : doit-il paralyser l'application d'une mesure voulue par le législateur ou la permettre au prix d'une interprétation des textes qui sera forcément constructive ? ». Cette déclaration de Philippe Ranquet aurait presque force d'une maxime. Même si nous ne pouvons que saluer ce constat, la position jurisprudentielle ne permet pas aujourd'hui d'admettre le volume immobilier comme assiette d'une autorisation. Or la division en volumes est un sujet auquel est de plus en plus confronté le praticien. Si le législateur n'a que du bout des lèvres, ou de la plume, consacré sa réalité dans la loi de 1965, le juge administratif rechigne à reconnaître toute la souplesse que cette organisation autoriserait en matière d'urbanisme. Au-delà de la technique, une appréciation de l'assiette de l'autorisation dans sa composition tridimensionnelle devient à l'heure de l'appréciation de l'artificialisation du sol une indispensable nécessité.
– Messieurs les juges, levez les yeux au ciel ! Assiette de l'autorisation et volumétrie. – La question de la reconnaissance, ou plus précisément de la non-reconnaissance de la volumétrie comme opération de division et donc en corollaire la non-reconnaissance du volume comme assiette d'une autorisation d'urbanisme n'est pas récente. Dans son arrêt Ville de Strasbourg du 30 novembre 2007, le Conseil d'État, contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement, a refusé de considérer la volumétrie comme une opération de lotissement dès lors qu'aucune division en propriété ou en jouissance du sol n'était opérée. Si cet arrêt non publié au Recueil des décisions du Conseil d'État a pu être salué car étant d'opportunité, aucun contournement de la règle des lotissements n'ayant été décelé, la division en volumes consiste bien à découper dans l'espace un terrain d'assiette afin de pouvoir céder à différents maîtres d'ouvrage un droit de construire. De nombreux auteurs ont pu écrire sur le sujet.
Nos développements ne visent pas à traiter la question des ensembles immobiliers complexes et de la jurisprudence Ville de Grenoble traitée par ailleurs (V. infra, nos et s.). Plus modestement, et comme le soulève Nicolas Le Rudulier, un volume constitue pourtant une unité de propriété et de propriétaire et « la farouche volonté de maintenir le sol naturel comme référent indispensable apparaît pour le moins surannée ».
Selon nous, la véritable question est distincte de la dimension procédurale de l'acte de lotir. Il s'agit de tirer les conséquences de la décomposition tridimensionnelle de l'espace sous le prisme de l'identification de l'assiette du permis de construire. Nos propos s'attacheront à présenter les éventuelles difficultés à droit constant dans notre pratique professionnelle.

Projets dont l'assiette est mixte

– La détermination mal aisée de l'assiette. – Tout d'abord, si l'on refuse au volume la qualification « d'assiette », ou a minima de « composante de l'assiette » de l'autorisation d'urbanisme, une difficulté survient immédiatement.
Envisageons un opérateur propriétaire à la fois, savoir :
  • d'un terrain défini en deux dimensions dans l'espace ;
  • des droits réels attachés à un volume immobilier contigu à son terrain (volume dont la validité ne questionne pas pour les besoins de l'exercice).
Cet opérateur envisage le développement d'une opération venant s'inscrire dans l'ensemble des droits immobiliers dont il détient la maîtrise foncière (au sens courant du terme). Si l'assiette ne peut s'apprécier qu'en deux dimensions et que la division en volumes est inopérante à la qualifier, se pose alors la question de l'assiette de ce projet dans la mesure où seul l'article R. 151-21 du Code de l'urbanisme envisage la possibilité de déposer un permis de construire sur plusieurs unités foncières contiguës alors que le permis de construire ne peut pas être déposé aujourd'hui sur une partie seulement d'une unité foncière. Se pose également la question de la complétude de la demande de permis de construire, le formulaire CERFA n'envisageant pas d'indication sur la volumétrie comme assiette du permis de construire. La parcelle constituant l'assiette des volumes doit-elle ou non être mentionnée ?
Autant de sujets dont les conséquences pratiques seront exacerbées au stade du financement de l'opération.

Ensembles immobiliers indivisibles réalisés en volumes

– Permis de construire valant division et division en volumes ? – La question de la division en volumes dans le cadre d'un permis de construire valant division se pose de manière assez prégnante. S'il est aujourd'hui définitivement admis en droit positif que l'administration ne contrôle pas et n'entend pas contrôler les divisions intervenant dans le cadre d'une division en volumes (cf. arrêt Ville de Strasbourg, préc.), cette volonté n'est pas sans incidence dans le cadre d'un permis de construire valant division. En effet, un ensemble immobilier complexe peut faire l'objet d'une division en volumes alors même qu'il serait qualifié par le droit de l'urbanisme comme indivisible. Un permis déposé comme permis valant division parcellaire peut ainsi, du fait de l'imbrication des bâtiments (l'exemple d'un sous-sol commun à usage de stationnement avec des élévations en superstructure présentant des destinations et des usages différents), rendre la division en volumes à la fois utile et nécessaire. Dans une telle situation, et alors que la division en volumes s'impose, se présente le risque d'une inadéquation entre la division parcellaire envisagée dans la PC32 et la division volumétrique. La solution pourrait être, à la suite des développements ci-dessus, de modifier le permis de construire valant division en permis de construire de droit commun dont l'ouvrage, indivisible et imbriqué du fait du sous-sol commun, serait organisé en volumes. Rien ne semble l'interdire dès lors que la division en volumes procède d'un mode d'organisation de l'ensemble immobilier alternatif à la copropriété et, surtout, dès lors que la question des espaces et équipements communs est traitée par le truchement de la constitution d'une association foncière urbaine libre (AFUL) ou d'une association syndicale libre (ASL). Selon nous, dans une telle hypothèse, un projet de division en volumes devrait être joint à la demande de permis de construire.
– Une gageure ? – La question de l'unité foncière se pose avec une acuité particulière pour le notaire et le praticien comme pour l'ensemble des opérateurs et professionnels intéressés à la détermination et la fixation de l'assiette du projet d'un point de vue urbanistique. Dépasser l'unité foncière semble de prime abord relever de la gageure, tant ce concept imprègne le droit de l'urbanisme depuis près de quarante ans. L'objectif de ces travaux n'est toutefois ni de la nier ni même de la réfuter, mais de conduire une réflexion de sa pertinence dès lors que l'assiette en est nécessairement distincte même si elle peut souvent se superposer à son périmètre.
– Dépasser l'unité foncière pour sanctuariser le volet environnemental. – L'insuffisante liberté dans la constitution de l'assiette du projet a comme pendant l'excessive liberté dont dispose le maître d'ouvrage par rapport à la préservation de l'intégrité de l'assiette. L'un des principaux obstacles à la proclamation de la liberté de constitution de l'assiette du projet tient à ce que la réglementation comme la jurisprudence administrative sont aujourd'hui dans l'incapacité de cristalliser de façon efficace le volet environnemental et paysager des projets. L'évidente défiance des services instructeurs sur le devenir du périmètre du projet après obtention de la non-opposition à la conformité comme le refus de l'administration d'avoir à connaître lors de l'instruction de dispositions contractuelles de nature privée destinées à garantir et pérenniser l'assiette participent de cette difficulté.
Si le porteur de projet convainc les services instructeurs que les engagements pris ou prescrits seront sanctuarisés, rien ne s'opposerait alors à reconnaître la faculté pour ce maître d'ouvrage de constituer librement l'assiette de son projet.
L'unité foncière devrait alors être envisagée comme l'emprise future d'un projet dont l'organisation et la composition devraient tenir compte des contraintes urbanistiques et environnementales applicables à l'opération. Ainsi définie et consacrée dans le permis de construire, toute altération de son intégrité devrait donner lieu à une autorisation idoine rendue sur le fondement de l'atteinte des objectifs environnementaux que les documents de planification urbaine auront définis.