– Le besoin de médiation en développement urbain. – D'une dimension purement privée, basée sur un droit de propriété absolu, la construction de la ville a évolué vers une dimension plus collective.
Le Code civil a opté pour une propriété unitaire et exclusive, notamment du sol, en réaction à la propriété divisée de l'Ancien Régime. Rapidement, au cours du XX
e siècle, les prérogatives absolues du propriétaire privé furent encadrées par la théorie de l'abus de droit, puis le propriétaire fut appelé à répondre des troubles anormaux du voisinage, y compris en l'absence de faute. Progressivement, comme l'indiquait Raymond Saleilles, le propriétaire « monarque absolu est devenu roi constitutionnel » sous le poids de l'intérêt général. Ses prérogatives ont ensuite été conditionnées à l'obtention d'autorisations d'urbanisme pour construire, aménager, diviser un terrain, ainsi, désormais, qu'au contrôle de l'impact de ses décisions sur l'environnement.
À l'aune du réchauffement climatique et des bouleversements induits dans les modes de vie et d'occupation des sols, l'urbanisation doit plus que jamais tenir compte de la dimension collective d'un projet de construction, d'aménagement ou de renouvellement urbain.
Les tiers souhaitent être davantage parties prenantes aux projets qui vont transformer leur environnement proche, et plus seulement se positionner en qualité de victimes d'un abus de droit, d'un préjudice ou de simples spectateurs de l'application des règles du PLU.
Une médiation met face à face les intérêts privés (du promoteur, du propriétaire du foncier) et les intérêts collectifs (des voisins et usagers, de la collectivité publique) pour dépasser cette dichotomie classique et éviter autant que faire se peut les situations de blocage. La médiation a donc toute sa place dans le processus d'évolution de la ville et des territoires.
Les efforts du législateur et des juges pour simplifier les normes, améliorer leur compréhension et limiter les recours contre les permis de construire ne sont pas suffisants. Malgré le mouvement de régularisation des autorisations d'urbanisme imparfaites et de sanction des recours abusifs, force est de constater une remise en cause quasi systématique des projets (surtout dans les grandes villes), généralement sans lien avec la réglementation mais sous-tendue par des motivations économiques, politiques, environnementales ou touchant à l'affect ou l'émotion.
Les opérateurs privés font face à un système très pernicieux dans lequel ils se retrouvent contraints à négocier généralement de fortes indemnités dans le cadre d'une transaction afin que les requérants se désistent d'une instance portée devant le juge administratif arguant d'une pseudo non-conformité réglementaire du permis, alors que leur motivation relève plutôt des troubles anormaux du voisinage qui devraient être portés devant le juge judiciaire. Mais celui-ci exige un niveau élevé d'anormalité dans le trouble pour le reconnaître. Les requérants jouent donc la montre, exposant les opérateurs à de lourds risques financiers, et contribuant par ailleurs au renchérissement du coût du foncier par le versement d'indemnités transactionnelles sans réel lien avec le trouble de jouissance potentiellement subi mais basées sur l'intensité du risque qui pèse sur le permis de construire.
Et ce phénomène s'installe naturellement dans la nécessaire reconstruction de la ville sur elle-même à l'aune du zéro artificialisation nette (ZAN), avec des projets de plus en plus denses, contraints et complexes.
Si la norme est nécessaire, elle ne suffit donc plus.