La participation du public hors cadre normatif

La participation du public hors cadre normatif

En marge de ces procédures réglementées, des formes alternatives et plus ou moins volontaires de participation du public se développent, avec notamment les chartes dont certaines villes s'emparent pour soumettre à la participation du public des projets qui n'entrent pas dans le champ des procédures (A), et avec la médiation en développement urbain (B).

Les formes alternatives de démocratie participative

– Au-delà de la protection de l'environnement. – Présentée comme un modèle de démocratie participative, la participation du public s'est peu à peu étendue à d'autres domaines que la protection de l'environnement.
Face à la défiance des citoyens vis-à-vis de leurs élus, de nouvelles procédures de légitimation de la décision politique ont été imaginées. Au-delà des sujets environnementaux pour lesquels divers outils ont été institués et réglementés (débat public, concertation, enquête publique, participation du public par voie électronique, consultation du public), de nouvelles formes de participation du public sont de plus en plus souvent mises en œuvre pour associer aux acteurs locaux publics ou même privés les habitants et usagers et ainsi, ensemble, créer un nouveau quartier, imaginer la reconversion d'un ancien hôpital en centre-ville, réfléchir au devenir d'un centre-bourg.
– De la maîtrise d'ouvrage à la maîtrise d'usage. – La démarche a notamment pour objectif de préciser et d'enrichir les projets d'aménagement en tenant compte de l'expérience d'usage et donc de terrain des habitants du quartier. En effet, la qualité d'un projet repose non seulement sur la technicité du maître d'ouvrage et de son bureau d'étude et sur la créativité de l'architecte, mais également sur cette maîtrise d'usage au quotidien par les habitants eux-mêmes qui seront les utilisateurs finaux de la nouvelle construction ou du quartier transformé.
– La maîtrise des conflits ? – Outre qu'elle renforce la démocratie locale et favorise le lien social, la participation du public permet de faciliter l'acceptation des projets. Associer les habitants et les usagers et leur permettre d'avoir une vision prospective sur leur quartier facilitent leur appropriation des projets futurs.
– Les différents degrés d'implication des citoyens dans la décision. – Une confusion est souvent faite entre les différentes terminologies (consultation, concertation, participation…). On distingue quatre degrés :
  • l'information : elle se caractérise par une relation à sens unique, dans un sens « descendant » de l'information. S'il s'agit du premier degré de la participation, la qualité et la sincérité de l'information transmise sont toutefois un préalable essentiel à toute participation du public quel que soit son degré ;
  • la consultation : elle est réalisée ponctuellement sur un projet précis et permet d'obtenir l'avis du public. L'enquête publique, la participation du public par voie électronique, et maintenant la consultation du public de l'article L. 181-10-1 du Code de l'environnement en sont des exemples ;
  • la concertation : par rapport à la consultation, le processus est élargi et itératif. La concertation comporte des moments de consultation du public à différentes étapes clés du projet ; et parce qu'elle doit permettre le cas échéant au maître d'ouvrage de modifier son projet, voire d'y renoncer, elle a lieu très en amont. Il s'agit notamment de la concertation réglementée par le Code de l'environnement ou le Code de l'urbanisme ;
  • la co-production ou co-construction : peu utilisée, il s'agit de la forme la plus aboutie de la participation du public. Dans ce processus, le citoyen participe activement à l'élaboration du projet ou de la décision. Ainsi en est-il des projets d'habitat participatif ou encore du budget participatif d'une collectivité locale.
– La charte de la participation du public. – Devant l'émergence de ces différentes formes et degrés de participation du public, le ministère de la Transition écologique a élaboré en 2016 une charte de la participation du public qui constitue un référentiel utile à la mise en œuvre d'un processus de participation efficace et vertueux. À côté des différentes procédures réglementées que nous venons d'étudier, cette charte répond à des démarches volontaires qui s'inscrivent dans une culture de la participation du public de plus en plus répandue, dans l'héritage de la Déclaration de Rio de 1992 et de la Charte de l'environnement de 2004 (intégrée au Préambule de la Constitution le 1er mars 2005) : « celle de l'engagement et de la volonté, gageant que l'on obtient mieux le changement par l'incitation et l'appropriation que par la contrainte ».
Cette charte s'articule autour de quatre principes directeurs :
  • la participation du public nécessite un cadre clair et partagé ;
  • la participation du public nécessite un état d'esprit constructif ;
  • la participation du public recherche et facilite la mobilisation de tous ;
  • la participation du public encourage le pouvoir d'initiative du citoyen.
Dans l'esprit du maître d'ouvrage, qu'il soit public ou privé, la participation du public ne doit pas être appréhendée (uniquement) sous le prisme de l'acceptabilité de son projet (alors le plus souvent déjà décidé), mais comme une véritable concertation voire une co-construction à l'occasion de laquelle les usagers travaillent avec lui pour enrichir le projet et l'adaptent au territoire et à ses usages futurs. En définitive, si le projet doit apporter aux avoisinants, les usagers doivent également apporter au projet. Cela ne signifie pas pour autant que le maître d'ouvrage se voit retirer son pouvoir de décision, mais il doit exposer au public les marges de manœuvre dont celui-ci dispose pour éventuellement faire évoluer le projet, tout en précisant les décisions déjà prises sur lesquelles il ne reviendra pas, ainsi que les contraintes techniques et/ou économiques.
Élaborée pour les décideurs publics, la charte de la participation du public peut tout autant être utilisée par des maîtres d'ouvrage privés dans leurs opérations d'aménagement ou de promotion immobilière que pour l'installation d'équipements d'énergies renouvelables comme les éoliennes qui sont confrontées à une opposition souvent forte des habitants.
– Les réticences et les lacunes de la participation du public. – Pour les élus, la principale crainte est celle de la perte de pouvoir dans la décision, même si participer n'est pas décider…
Pour le maître d'ouvrage, il s'agira surtout de l'allongement des délais, du renchérissement des coûts et des risques liés à la maîtrise complexe des procédures de participation du public qui sont parfois obligatoires, parfois facultatives, et de leur articulation avec les différentes autorisations que requiert son projet. La complexité, on le sait, est source d'insécurité juridique ; or, le décalage entre la participation du public qui est restée en mode procédure et l'évaluation environnementale qui, elle, est passée en mode projet ne fait que renforcer cette complexité.
Si certains opérateurs pensent encore qu'informer les habitants d'un futur projet, c'est leur donner des arguments pour leur permettre de faire ensuite un recours, les réticences à organiser une consultation voire une concertation ont tendance à faiblir devant les attentes des citoyens en termes de débat public pour les grandes questions sociétales, mais aussi, à l'échelle d'une ville ou d'un quartier, devant la volonté de certains élus locaux qui défendent la fabrique citoyenne de la ville et élaborent des chartes de la construction.
Certaines craintes légitimes pour organiser un débat ouvert doivent toutefois être dépassées. Tout d'abord celle de la confrontation directe avec les opposants.
Le bilan de la charte de la participation du public, réalisé en 2021, souligne ainsi certaines difficultés. Outre un public en nombre parfois trop restreint et pas suffisamment mobilisé sur toute la durée du dispositif, les échanges peuvent s'avérer peu constructifs face à une remise en question des expertises techniques et scientifiques, surtout celles des équipes du maître d'ouvrage. Les adhérents à la charte de la participation soulignent la montée significative de cette défiance, qui paraît contradictoire avec la volonté croissante des citoyens de participer aux décisions publiques qui les concernent ; et cette défiance génère une difficulté à mobiliser un public diversifié et donc représentatif dans le temps long du projet.
Une autre lacune, également soulignée dans ce bilan, doit être évitée : celle de la frustration des usagers. Le public ne doit pas se sentir instrumentalisé par un opérateur qui, en réalité, a déjà arrêté les grandes lignes de son projet et pris sa décision avant même l'ouverture d'une participation du public organisée dans le seul but de faire accepter le projet et d'éviter des recours. Dans une telle situation, l'avis du public n'est pas réellement pris en compte, et les moments d'échanges censés permettre une relation de confiance entre les élus, les techniciens, les opérateurs privés et les usagers aboutissent à un effet totalement inverse et génèrent des tensions importantes. Les adhérents à la charte soulignent la dichotomie entre maîtres d'ouvrage sincères et convaincus de l'utilité des échanges avec le public, et ceux qui sont davantage dans une posture de communication.
La mise en pratique du cadre et des valeurs de la charte de la participation rencontre également un certain nombre de difficultés. On peut citer le « phénomène NIMBY » qui empêche certains citoyens de dépasser leurs intérêts individuels pour aller vers l'intérêt général, la réticence de certains élus ou concepteurs/ingénieurs à confronter leurs propres certitudes, et le temps des projets. Le processus de participation du public s'adapte en effet difficilement au temps à la fois court de la conception du projet et long de sa réalisation.
En réalité, les intégrer dans une concertation élargie au plus grand nombre, menée de manière à permettre des échanges itératifs, permet de réduire la portée de leurs réticences.
Pour être réussi, le processus doit non seulement être mené dans un cadre précis, mais également reposer sur des valeurs d'écoute, de bienveillance et de compréhension, nécessitant une phase de sensibilisation aux enjeux du projet du point de vue sociétal, environnemental et économique, et à ses nombreuses contraintes juridiques. Le maître d'ouvrage doit faire preuve de pédagogie à l'égard du public qu'il rencontre, et il doit être convaincu de la nécessité et de l'utilité d'inclure les usagers qui seront impactés par son projet, dans son élaboration.
Dans tous les cas, au-delà du besoin de davantage de démocratie participative, la transformation de l'urbanisation et, partant, du cadre de vie des habitants usagers, que nécessite l'adaptation au changement climatique, ne pourra pas aller sans une participation du public effective à la décision, qu'elle soit imposée par les textes ou organisée volontairement. Il est donc de l'intérêt des opérateurs et des pouvoirs publics de s'en emparer sérieusement.

La Charte de la participation citoyenne de Rennes Métropole et sa déclinaison, la Charte construction et citoyenneté

La Charte construction et citoyenneté a principalement pour objet de soumettre à information du public et concertation les projets non soumis à concertation obligatoire du Code de l'environnement ou du Code de l'urbanisme. Il s'agit donc d'une démarche attendue de la part des adhérents à la charte d'associer les habitants et usagers en amont du projet et de tenir compte, autant que possible, de leurs observations pour le faire évoluer, afin d'éviter le sentiment d'être « mis devant le fait accompli », tout en s'appuyant sur les conseils de quartier qui deviennent le relais de la démocratie participative au-delà du seul périmètre du projet, et donc à l'échelle des quartiers. La charte adapte le degré de la participation du public en fonction de la taille du projet et en précise les étapes. Ainsi, pour les opérations créant 10 à 29 logements ou 600 à 1 800 m² de surface de plancher, il s'agira d'une simple information ; pour les opérations créant 30 à 50 logements ou 1 800 à 3 000 m² de surface de plancher, il s'agira d'une consultation, et au-delà, d'une concertation.

La charte impose ensuite aux pétitionnaires de faire état auprès des services instructeurs du permis de construire de la démarche de concertation menée en amont, d'informer le voisinage du déroulement du chantier eu égard aux nuisances induites et d'adopter la Charte de l'arbre (qui a elle-même fait l'objet d'une concertation).

L'ensemble de ces chartes ainsi que les projets soumis à participation obligatoire ou volontaire sont centralisés sur un site de la Métropole : https://fabriquecitoyenne.fr">Lien</a&gt;.

Si l'objectif est louable, la méthode pose question compte tenu de l'absence de base légale de ces chartes si ce n'est la volonté, plus ou moins libre, d'y adhérer.

La médiation en développement urbain

– Le besoin de médiation en développement urbain. – D'une dimension purement privée, basée sur un droit de propriété absolu, la construction de la ville a évolué vers une dimension plus collective.
Le Code civil a opté pour une propriété unitaire et exclusive, notamment du sol, en réaction à la propriété divisée de l'Ancien Régime. Rapidement, au cours du XX e siècle, les prérogatives absolues du propriétaire privé furent encadrées par la théorie de l'abus de droit, puis le propriétaire fut appelé à répondre des troubles anormaux du voisinage, y compris en l'absence de faute. Progressivement, comme l'indiquait Raymond Saleilles, le propriétaire « monarque absolu est devenu roi constitutionnel » sous le poids de l'intérêt général. Ses prérogatives ont ensuite été conditionnées à l'obtention d'autorisations d'urbanisme pour construire, aménager, diviser un terrain, ainsi, désormais, qu'au contrôle de l'impact de ses décisions sur l'environnement.
À l'aune du réchauffement climatique et des bouleversements induits dans les modes de vie et d'occupation des sols, l'urbanisation doit plus que jamais tenir compte de la dimension collective d'un projet de construction, d'aménagement ou de renouvellement urbain.
Les tiers souhaitent être davantage parties prenantes aux projets qui vont transformer leur environnement proche, et plus seulement se positionner en qualité de victimes d'un abus de droit, d'un préjudice ou de simples spectateurs de l'application des règles du PLU.
Une médiation met face à face les intérêts privés (du promoteur, du propriétaire du foncier) et les intérêts collectifs (des voisins et usagers, de la collectivité publique) pour dépasser cette dichotomie classique et éviter autant que faire se peut les situations de blocage. La médiation a donc toute sa place dans le processus d'évolution de la ville et des territoires.
Les efforts du législateur et des juges pour simplifier les normes, améliorer leur compréhension et limiter les recours contre les permis de construire ne sont pas suffisants. Malgré le mouvement de régularisation des autorisations d'urbanisme imparfaites et de sanction des recours abusifs, force est de constater une remise en cause quasi systématique des projets (surtout dans les grandes villes), généralement sans lien avec la réglementation mais sous-tendue par des motivations économiques, politiques, environnementales ou touchant à l'affect ou l'émotion.
Les opérateurs privés font face à un système très pernicieux dans lequel ils se retrouvent contraints à négocier généralement de fortes indemnités dans le cadre d'une transaction afin que les requérants se désistent d'une instance portée devant le juge administratif arguant d'une pseudo non-conformité réglementaire du permis, alors que leur motivation relève plutôt des troubles anormaux du voisinage qui devraient être portés devant le juge judiciaire. Mais celui-ci exige un niveau élevé d'anormalité dans le trouble pour le reconnaître. Les requérants jouent donc la montre, exposant les opérateurs à de lourds risques financiers, et contribuant par ailleurs au renchérissement du coût du foncier par le versement d'indemnités transactionnelles sans réel lien avec le trouble de jouissance potentiellement subi mais basées sur l'intensité du risque qui pèse sur le permis de construire.
Et ce phénomène s'installe naturellement dans la nécessaire reconstruction de la ville sur elle-même à l'aune du zéro artificialisation nette (ZAN), avec des projets de plus en plus denses, contraints et complexes.
Si la norme est nécessaire, elle ne suffit donc plus.
– Qu'est-ce que la médiation en développement urbain ? – On peut définir la médiation comme « un processus structuré dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l'aide d'un médiateur ».
Les grands principes de la médiation sont les suivants : une écoute active de la part du médiateur, une évaluation de la situation (forces, faiblesses, opportunités et risques de chacune des parties), la détermination du cadre organisationnel de la médiation, la définition des alternatives possibles et des zones de compromis.
Un élément fondamental est évidemment la neutralité et l'objectivité que doit avoir le médiateur dans son rôle d'accompagnateur des parties, à l'opposé de l'expert qui est tenu de rendre un avis qualifié, et du juge qui dit le droit.
La médiation en développement urbain présente en outre quelques spécificités :
  • des processus nécessairement variés : pour être efficace, une médiation doit être adaptée à la situation et aux enjeux en présence. Ainsi, une médiation portant sur un recours gracieux à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme sera très différente d'une discussion collective autour d'un projet de développement urbain qui, lui-même, va porter des sous-catégories de problématiques nécessitant leur propre processus de médiation : nuisances du chantier, perte de luminosité, conservation des arbres, etc. ;
  • une dimension multipartite : contrairement à la médiation traditionnelle où les parties sont bien identifiées, le développement urbain concerne non seulement les parties au projet mais aussi les voisins, les défenseurs de l'environnement, les élus politiques… lesquels seront des individus ou des groupes hétérogènes (associations de quartier, associations de protection de l'environnement, syndicats de copropriété, voire opposants politiques) ayant un lien plus ou moins important avec le projet ;
  • une dimension publique : ce type de projet fait l'objet de réunions publiques, assez largement ouvertes, où peut s'exprimer un public en colère voire agressif à l'encontre des opérateurs privés, et de plus en plus à l'encontre des représentants politiques.
Ces deux dernières spécificités appellent donc à s'interroger sur l'échelle de la médiation à mettre en œuvre pour un projet donné. Dépasser le foncier, support du projet de construction ou d'aménagement, pour étendre la discussion aux tiers le plus en amont possible, apparaît désormais comme un impératif pour prévenir les conflits et intégrer des externalités positives au projet.
– Dans quels domaines de l'urbanisme appliquer la médiation ? – Certains tribunaux proposent déjà des médiations lorsqu'ils sont saisis d'un recours contentieux à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme. Même si la matière, touchant à la police administrative, n'apparaît pas comme un terrain propice à la médiation, les exemples existent et les résultats sont encourageants.
Ainsi que nous l'avons dit, un recours contre un permis de construire ou une non-opposition à déclaration préalable est souvent un prétexte à un conflit de voisinage, qui devrait plutôt se placer sur le terrain des troubles anormaux du voisinage. La médiation a alors toute sa place pour régler ces « litiges du quotidien ».
Dans d'autres hypothèses, le service instructeur sera amené à appliquer des dispositions d'urbanisme dites « permissives » comme, par exemple, l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme qui prévoit que : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique (…) ». Ainsi, un projet de construction situé dans une zone d'aléa faible d'un plan de prévention du risque inondation (PPRI) peut évoluer grâce à une médiation, au moyen d'un permis de construire modificatif, vers un mode de construction sur pilotis afin de ne pas entraver l'écoulement des eaux.
La médiation s'avère également adaptée aux projets soumis à l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. Le tribunal administratif de Strasbourg a ainsi mené avec succès des médiations en 2018 et 2019 en l'y associant ; celui-ci a proposé des solutions alternatives qui ont été acceptées par les parties, notamment le maire et le pétitionnaire. Depuis un décret no 2019-624 du 21 juin 2019, pris en application de la loi ELAN, le pétitionnaire peut faire appel à un médiateur dans le cadre d'un refus de permis de construire ou d'opposition à une déclaration préalable, fondé sur un avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France pour un projet de construction ou de travaux situé dans un site patrimonial remarquable ou aux abords d'un monument historique.
À l'inverse, une démarche de médiation n'a pas sa place dans les projets où aucune marge de manœuvre, aucune zone de compromis ne peuvent être identifiées. Elle est également exclue dans le domaine réglementaire, comme l'adoption des PLU, ce qui est contrebalancé par la participation du public à son élaboration. En revanche les adaptations mineures, qui sont rendues nécessaires, en vertu de l'article L. 152-3 du Code de l'urbanisme, « par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes », peuvent être le terrain d'une médiation, d'autant que les services instructeurs n'ont pas forcément le réflexe d'y avoir recours. Nous renvoyons à ce sujet aux développements ultérieurs sur les dérogations en droit de l'urbanisme.
– Comment rendre plus efficiente la médiation en développement urbain ? – Dans le cadre d'un recours contentieux tout d'abord, force est de constater que les magistrats sont souvent réticents à faire appel à la médiation pour des raisons de délais. Le temps relativement long du processus est généralement incompatible avec le délai contraint, depuis le décret no 2018-617 du 17 juillet 2018, de juger l'affaire dans les dix mois.
Il conviendrait sans doute d'instaurer une exception à ce délai de jugement dans les dix mois, voire de suspendre ce délai dès lors que les parties sont entrées dans un processus de médiation.
Dans un arrêt du 13 novembre 2023, le Conseil d'État a toutefois refusé de conférer à une médiation un effet suspensif ou interruptif aux délais en phase d'instruction. La mise en place d'une médiation n'a d'incidence ni sur le délai de deux mois de cristallisation des moyens, ni sur celui de deux mois pour demander la suspension des effets de l'autorisation contestée. Seule une médiation lancée à l'initiative des parties, avant la phase contentieuse du litige, permet d'interrompre les délais de recours et suspend les prescriptions, ainsi que le prévoit le Code de justice administrative.
Mais le champ de développement de la médiation se trouve surtout dans le cadre du recours gracieux, qui précède généralement un contentieux, ne serait-ce qu'en raison du fait qu'une médiation est plus efficace lorsqu'elle est menée très en amont du projet, instaurant de fait un climat de confiance entre les parties opposées.
À l'instar de l'action pour troubles anormaux du voisinage qui peut donner lieu à une médiation ordonnée par le juge, depuis la réforme de 2022, la période de deux mois du recours gracieux à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme pourrait être utilisée pour mener une médiation de manière systématique. La médiation permet en effet une vision d'ensemble des intérêts en présence, de s'éloigner du droit sans l'ignorer puisqu'elle ne porte aucunement atteinte aux droits de l'auteur du recours.
La médiation pourrait aussi avoir sa place à l'endroit des discussions parfois empreintes de positions idéologiques de la part de certains élus, pendant la phase encore plus amont de la pré-instruction du permis de construire.
L'intérêt de la médiation en développement urbain est qu'elle ouvre un espace de dialogue permettant de générer du consensus entre des intérêts souvent divergents, sans porter atteinte aux droits légaux et réglementaires des parties, à une échelle souvent plus vaste que celle du projet.
Après une période d'expérimentation menée par le Conseil d'État, le dispositif de médiation préalable obligatoire (dit « MPO ») a été pérennisé depuis 2022 dans le domaine de la fonction publique et de Pôle emploi (devenu aujourd'hui France Travail). Ce dispositif pourrait être étendu au domaine de l'urbanisme et de l'environnement pour favoriser l'émergence des projets. La loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a instauré un nouveau « médiateur des énergies renouvelables » dont le rôle est de chercher des « solutions amiables »… « aux difficultés et désaccords rencontrés dans l'instruction ou la mise en œuvre des projets d'énergies renouvelables ».
Si, à l'image de certaines pratiques étrangères, la médiation peut apparaître comme un outil permettant d'améliorer l'acceptabilité des projets et donc de limiter les recours contentieux, elle n'est pas pour autant la panacée. La médiation doit être encadrée afin d'être réalisée dans des conditions assurant des garanties aux parties, et doit s'articuler avec le droit d'accès au juge, qu'elle ne remplace pas.

Urbanisme, contentieux et médiation en Allemagne et en Grande-Bretagne

Alors qu'en France les recours sont quasi systématiques, certains de nos voisins utilisent déjà largement la médiation et évitent beaucoup de contentieux.
En Allemagne, l'autorisation d'urbanisme n'est délivrée qu'après apurement des litiges qui sont déclarés à l'annonce du projet. L'autorité compétente pour délivrer le projet réalise généralement la médiation, qui permet de rapprocher les points de vue des voisins, des associations de protection de l'environnement, et qui peut aboutir à faire évoluer le projet. Nous sommes en réalité proches des dispositifs de participation du public que l'on connaît en droit interne, sauf qu'elle est ici menée par l'élu représentant la collectivité concernée.
En Grande-Bretagne, le rôle de médiateur est endossé par le juge qui, lorsqu'il est saisi d'un recours, engage presque systématiquement une médiation et ne rend sa décision qu'à défaut d'accord. Préférant un accord transactionnel sous l'égide du juge à un long et coûteux contentieux, les parties parviennent généralement à un accord.