Élaboration des mesures de compensation

Élaboration des mesures de compensation

– Plan. – L'élaboration des mesures de compensation implique d'examiner la phase préalable de l'analyse des impacts résiduels (I), d'identifier les différentes formes que peuvent représenter les mesures de compensation (II), d'expliciter la méthodologie permettant de les définir (III), de préciser où ces mesures peuvent être réalisées (IV), et de voir en quoi la pérennité de ces mesures est une nécessité (V). Enfin, nous exposerons la question de la garantie financière qui peut accompagner l'élaboration des mesures de compensation (VI).

Analyse des impacts résiduels

– Identifier les impacts. – Pour élaborer des mesures de compensation, il convient au préalable d'identifier les impacts résiduels du projet sur l'environnement. Comme nous l'avons en effet déjà précisé, une mesure de compensation ne s'envisage qu'à titre subsidiaire, après avoir constaté que les mesures d'évitement et de réduction mises en œuvre sont insuffisantes pour supprimer tous les impacts négatifs notables sur l'environnement.
Parmi ces impacts résiduels, si certains peuvent être considérés comme « notables », des mesures de compensation seront à élaborer.

Natures des mesures de compensation

– Diversité des mesures de compensation. – Les mesures de compensation peuvent être de natures très diverses. Les lignes directrices nationales en définissent trois grandes typologies :
  • la compensation par création, autrement dénommée « surfacique ». Cette méthode consiste à créer un espace qui n'existait pas initialement en compensation du site qui a été dégradé voire supprimé. Elle se pratique avec des ratios de surfaces différents selon la réglementation applicable (1 pour 1, 2 pour 1, etc.) ;
  • la compensation par restauration ou réhabilitation. Elle consiste à rétablir un écosystème qui a été affaibli par le projet ;
  • la compensation par des mesures de gestion. Elle consiste à assurer une gestion optimale d'un milieu, des espèces et de leurs habitats afin d'assurer la pérennité des mesures.
Comme pour les mesures de réduction et d'évitement, le Guide d'aide à la définition des mesures ERC de 2018 définit pour chaque type de mesure de compensation des catégories et sous-catégories. Nous renvoyons nos lecteurs vers ce guide très détaillé pour plus de précisions sur la méthode d'élaboration des mesures de compensation. Il convient par ailleurs de rappeler que les mesures de compensation doivent répondre à un certain nombre de principes qui ont été rappelés précédemment (pérennité, additionnalité, effectivité, etc.).
À cet égard, les précisions suivantes peuvent être apportées.
Tout d'abord la compensation par création, autrement dénommée « surfacique », si elle est très largement répandue n'est pas pour autant suffisante si elle ne permet pas d'assurer une équivalence écologique voire un gain de biodiversité. Pour y parvenir, le porteur de projet doit donc avoir réalisé une étude approfondie des qualités écosystémiques des espaces à compenser.
Ensuite, des actions de renforcement de populations d'espèces ne sont pas considérées comme suffisantes pour constituer, à elles seules, des mesures compensatoires. Elles peuvent cependant utilement accompagner des actions écologiques sur le site d'une mesure compensatoire.
Enfin, la préservation de milieux, consistant à assurer la maîtrise foncière d'un site et à le protéger réglementairement, n'est pas considérée comme une modalité de compensation. Dans certains cas exceptionnels toutefois, la préservation peut être proposée comme mesure compensatoire dans le cadre d'un panachage de mesures.

Méthodologie d'élaboration des mesures de compensation

– Lignes directrices. – Les lignes directrices nationales décrivent la démarche à suivre pour pouvoir élaborer des mesures de compensation. Nous en reprenons ici les étapes, étant précisé que les lecteurs pourront en trouver le détail dans ce document technique :
  • évaluer les impacts résiduels, y compris les impacts cumulés, pour dimensionner la mesure compensatoire ;
  • identifier une « zone naturelle » sur laquelle la compensation sera pertinente ;
  • identifier dans cette zone les sites qui pourraient être pertinents pour la compensation ;
  • mener une expertise pour la maîtrise de ces sites (par la propriété ou par contrat) avec l'appui de partenaires ;
  • retenir une action écologique ou une combinaison d'actions permettant d'atteindre les objectifs affichés ; rechercher la complémentarité des mesures compensatoires prises au titre de différentes procédures ;
  • définir les modalités de gestion permettant de garantir la pérennité de la mesure ;
  • évaluer les impacts environnementaux négatifs éventuels de la mesure compensatoire proposée et le cas échéant reconsidérer la mesure ;
  • s'assurer de la faisabilité de la mesure, y compris en prévoyant des modalités de gestion adaptative ;
  • renforcer au besoin la mesure compensatoire par des mesures d'accompagnement.

Exemple de mesure de compensation

L'exemple qui suit est un extrait des actions de compensation qui peuvent être entreprises sur un cours d'eau :

<strong>C22a Reprofilage, restauration de berges</strong>

<strong>C22b Amélioration / entretien d'annexes hydrauliques / décolmatage de fond et action sur la source du colmatage</strong>

Localisation des mesures de compensation

– Site et proximité fonctionnelle. – L'article L. 163-1 du Code de l'environnement prévoit que : « Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ».
À défaut de pouvoir être engagées in situ, les mesures de compensation devaient être réalisées dans un environnement proche du projet en application du principe de proximité.
Depuis la loi Industrie verte du 23 octobre 2023, le texte utilise le terme de « proximité fonctionnelle » dont il a déjà été question précédemment.
L'article L. 163-1, tel que modifié en 2021, précise que les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité au sein des zones de renaturation préférentielle identifiées par les schémas de cohérence territoriale et par les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) portant sur des secteurs à renaturer, lorsque les orientations de renaturation de ces zones ou secteurs et la nature de la compensation prévue pour le projet le permettent.
La « renaturation » est le fait de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé au moyen d'actions de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol. La volonté du législateur, par ce dispositif, est ainsi d'inciter à la « désartificialisation » du sol, ce qui va au-delà de la compensation qui consistait jusqu'à présent à entreprendre des actions sur des zones naturelles existantes. Cette méthode permet d'aller au-delà du principe de zéro perte nette, et participe à un objectif plus ambitieux de gain de biodiversité.

Dépasser les frontières

Compte tenu du fait que les enjeux de préservation de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique ne sont pas des préoccupations exclusives de la France, et dans la mesure où la réglementation emploie la notion de proximité fonctionnelle plus que de proximité géographique, il nous semblerait intéressant qu'une réflexion soit menée pour permettre que les mesures de compensation soient réalisées dans un autre pays, et qu'un système de compensation soit élaboré à l'échelle internationale.

Pérennité des mesures de compensation

– Obligation. – Le principe de pérennité est inscrit à l'article L. 163-1 du Code de l'environnement.
La durée d'une mesure de compensation est variable et imposée par l'autorité administrative en charge de délivrer l'autorisation de réaliser le projet. Le porteur de projet est tenu de s'y conformer.
Certains auteurs se sont étonnés du fait que cette obligation soit limitée dans le temps, alors que la mesure de compensation pourrait trouver sa traduction dans une modification du document d'urbanisme en vigueur et du classement de la zone de compensation en zone naturelle, afin d'entraîner une protection durable de la biodiversité.
Comme nous le verrons par la suite, les porteurs de projet peuvent déjà volontairement se soumettre à des contraintes supplémentaires et prévoir au travers d'un contrat, comme par exemple une obligation réelle environnementale, une durée d'exécution des mesures de compensation plus longue que celle prescrite par l'administration.
On peut cependant douter que ce caractère incitatif soit suffisant. Or, le principe de pérennité est selon nous central dans la séquence ERC et, même si les mesures de compensation peuvent être engagées sur de très longues durées, nous pensons qu'elles pourraient faire l'objet d'une protection renforcée dans le temps, sans laisser le choix au porteur de projet.

Un zonage spécifique ?

Le décret du 27 décembre 2022, qui prévoit que les mesures de compensation doivent être réalisées dans une zone de renaturation préférentielle identifiée au SCoT ou dans une OAP du PLU à défaut de pouvoir l'être sur le site endommagé, constitue certainement une première réponse.

Mais elle nous semble insuffisante puisque cela ne vise pas tous les sites sur lesquels peuvent être mises en œuvre des mesures de compensation. Mener une réflexion plus large nous paraîtrait utile afin d'harmoniser les règles et faciliter l'accès à l'information sur les zones de compensation. Ainsi les notaires seraient, nous semble-t-il, mieux à même de conseiller leurs clients sur les contraintes existantes sur un site donné à l'occasion d'une vente.

Garantie financière

– Garanties financières imposées par l'administration. – Rappelons que toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité peut être soumise par l'autorité administrative compétente à la constitution de garanties financières.
Cela peut prendre la forme d'une consignation des fonds, d'une garantie bancaire (caution ou garantie autonome à première demande). Rappelons que la Banque des Territoires a mis en place des dispositifs spécifiques de consignation des fonds dans le cadre de mesures de compensation.