Des permis d'innover et expérimenter aux solutions d'effet équivalent

Des permis d'innover et expérimenter aux solutions d'effet équivalent

– La nécessité de sortir du cadre. – Allant plus loin encore dans la responsabilisation du maître d'ouvrage dans le choix des modes de construction et des matériaux permettant d'atteindre les objectifs définis par le Code de la construction et de l'habitation, une loi relative à l'architecture, modifiée par une ordonnance du 30 octobre 2018 puis par la loi ELAN, a instauré un nouvel outil permettant de faciliter la réalisation de projets de construction et de favoriser l'innovation, de déroger à certaines règles de construction et de mettre en œuvre une solution d'effet équivalent.
L'objectif est de favoriser l'innovation dans le bâtiment pour notamment permettre à ce secteur de s'adapter au réchauffement climatique et à la protection de la biodiversité, mais aussi pour remplir l'objectif de production de logements. La liberté accordée aux maîtres d'ouvrage dans le choix des moyens est aujourd'hui permise par l'évolution des procédés techniques qui permettent de mieux en contrôler les résultats.
Au fil des évolutions législatives et réglementaires, sont utilisés les termes de « permis d'innover », de « permis d'expérimenter », de « permis de faire », voire de « permis d'expérimenter loi ESSOC I » et de « permis d'expérimenter loi ESSOC II », et de « solutions d'effet équivalent » ; mettons un peu d'ordre dans tout cela…

Conseil

Le choix des moyens pour un résultat donné

À noter que la terminologie employée dans le cadre des permis d'innover et d'expérimenter ne doit pas être confondue avec la terminologie juridique. Dans le domaine des propositions innovantes en matière de construction et de rénovation, on parle en effet « d'obligation de moyens » et « d'obligation de résultat » qui ne doivent pas être entendues au sens que nous connaissons bien en tant que notaires, mais au sens du choix d'un moyen pour atteindre un résultat déterminé. La réécriture du Code de la construction et de l'habitation en 2020 a permis d'unifier et de clarifier le vocabulaire utilisé en recourant respectivement aux notions de « solutions de référence » et de « résultats minimaux ».

Le champ d'application du permis d'innover et du permis d'expérimenter

– Permis d'innover et permis d'expérimenter : champ d'application, règles visées et travaux concernés. –
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Document
Source : Fiche outil CEREMA, <em>Des dérogations en faveur de l'innovation en matière de construction – Permis d'innover et permis d'expérimenter</em>, oct. 2021.
– Les différences entre permis d'innover et permis d'expérimenter. – Alors que le permis d'innover permet de déroger à l'ensemble des règles de construction, voire des règles d'aménagement, le permis d'expérimenter ne peut être utilisé que pour déroger à certaines règles limitativement énumérées.
Surtout, outre le fait qu'il ne puisse être mis en œuvre pour déroger à des règles européennes, seules les règles qui fixent un moyen ou une technique spécifique pour atteindre un résultat déterminé peuvent être écartées au moyen du permis d'expérimenter. A contrario, il ne peut être dérogé, au moyen de cet outil, à une règle qui se contente de fixer un résultat à atteindre sans contraindre à l'utilisation de tel ou tel procédé technique.
Enfin, le permis d'expérimenter suppose d'utiliser non seulement un moyen différent de celui prévu par le Code de la construction et de l'habitation, mais également un moyen innovant. Mais, en définitive, cette précision n'ajoute rien car le décret d'application a précisé qu'un moyen est réputé innovant d'un point de vue technique et architectural dès lors qu'il n'est pas pris en compte dans les règles de construction en vigueur… Un moyen innovant est donc un moyen différent de celui prévu par la réglementation.

Comment déposer son dossier ?

– Permis d'innover et permis d'expérimenter : contrôle avant l'obtention de l'autorisation d'urbanisme. –
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Document
Source : Fiche outil CEREMA, <em>Des dérogations en faveur de l'innovation en matière de construction – Permis d'innover et permis d'expérimenter</em>, oct. 2021.

Quels contrôles de l'innovation sont effectués ?

– Contrôle : différences entre permis d'innover et permis d'expérimenter. – À noter qu'aucun contrôle n'est exigé par les textes en matière de permis d'innover autre que celui effectué en amont du projet avec l'étude et l'avis conforme déposés avec la demande de permis ; le contrôle de la bonne réalisation des travaux innovants passera donc par le droit commun de la conformité des travaux suite au dépôt par le maître d'ouvrage de la déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux (DAACT).
Un dispositif de contrôle par un organisme indépendant est en revanche prévu pour le permis d'expérimenter tant pendant la réalisation des travaux qu'à leur achèvement.
– Permis d'expérimenter : le contrôle pendant les travaux. – Un contrôleur technique agréé, assuré et indépendant du maître d'ouvrage doit contrôler la bonne mise en œuvre des moyens utilisés.
Cela suppose que le maître d'ouvrage ait anticipé les moyens qui seront mis en œuvre et ait été en capacité de décrire dès la demande d'attestation le protocole permettant de contrôler la bonne mise en œuvre de ces moyens par cet organisme tiers. Un retour d'expérience montre en effet qu'il est important d'associer le plus tôt possible l'organisme tiers et que le maître d'ouvrage soit suffisamment avancé sur son projet et suffisamment précis sur les moyens préconisés, dès le stade de la demande d'autorisation. Il ne doit pas attendre le début des travaux.
– Permis d'expérimenter : le contrôle postérieur aux travaux. – En fin de travaux, le contrôleur technique délivre une attestation dans laquelle il indique si, au cours des travaux, les moyens innovants ont été ou non correctement mis en œuvre = attestation de bonne mise en œuvre de la solution d'effet équivalent.
À ce stade, le contrôleur technique a un rôle de « vérificateur ».
Cette attestation est jointe à la DAACT et peut aboutir à un refus de conformité des travaux par l'autorité administrative, si l'attestation du vérificateur conclut à une mauvaise mise en œuvre des solutions innovantes.
Notons toutefois que cet organisme tiers n'a pas à vérifier l'atteinte des résultats, mais uniquement la bonne mise en œuvre des moyens innovants, ce qui peut paraître surprenant dans la mesure où l'une des raisons qui ont conduit à l'instauration de ce permis d'expérimenter est précisément l'évolution des procédés techniques permettant de vérifier si les résultats fixés par la loi ou les règlements sont atteints.