La consécration de l'urbanisme de projet : de la police de l'occupation des sols au « droit souple », vecteur d'un urbanisme durable

La consécration de l'urbanisme de projet : de la police de l'occupation des sols au « droit souple », vecteur d'un urbanisme durable

– Les dérogations au service du droit de l'environnement. – Les modes constructifs, l'aménagement et le renouvellement urbains, l'accélération des énergies renouvelables ou encore la (ré)industrialisation verte de la France supposent des dérogations aux règles et servitudes d'urbanisme pour faire différemment et plus vite. Depuis 2015 avec la loi de transition énergétique pour la croissance verte, plusieurs textes se sont succédé pour permettre à certains projets, dans certains secteurs, et répondant à des objectifs plus ou moins précis, de déroger à la réglementation d'urbanisme. La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine de 2016, dite « LCAP », a quant à elle lancé le mouvement des innovations et expérimentations qui sont à l'initiative des opérateurs et de leurs architectes ayant donné lieu aux permis d'innover et d'expérimenter.

Des permis d'innover et expérimenter aux solutions d'effet équivalent

– La nécessité de sortir du cadre. – Allant plus loin encore dans la responsabilisation du maître d'ouvrage dans le choix des modes de construction et des matériaux permettant d'atteindre les objectifs définis par le Code de la construction et de l'habitation, une loi relative à l'architecture, modifiée par une ordonnance du 30 octobre 2018 puis par la loi ELAN, a instauré un nouvel outil permettant de faciliter la réalisation de projets de construction et de favoriser l'innovation, de déroger à certaines règles de construction et de mettre en œuvre une solution d'effet équivalent.
L'objectif est de favoriser l'innovation dans le bâtiment pour notamment permettre à ce secteur de s'adapter au réchauffement climatique et à la protection de la biodiversité, mais aussi pour remplir l'objectif de production de logements. La liberté accordée aux maîtres d'ouvrage dans le choix des moyens est aujourd'hui permise par l'évolution des procédés techniques qui permettent de mieux en contrôler les résultats.
Au fil des évolutions législatives et réglementaires, sont utilisés les termes de « permis d'innover », de « permis d'expérimenter », de « permis de faire », voire de « permis d'expérimenter loi ESSOC I » et de « permis d'expérimenter loi ESSOC II », et de « solutions d'effet équivalent » ; mettons un peu d'ordre dans tout cela…

Conseil

Le choix des moyens pour un résultat donné

À noter que la terminologie employée dans le cadre des permis d'innover et d'expérimenter ne doit pas être confondue avec la terminologie juridique. Dans le domaine des propositions innovantes en matière de construction et de rénovation, on parle en effet « d'obligation de moyens » et « d'obligation de résultat » qui ne doivent pas être entendues au sens que nous connaissons bien en tant que notaires, mais au sens du choix d'un moyen pour atteindre un résultat déterminé. La réécriture du Code de la construction et de l'habitation en 2020 a permis d'unifier et de clarifier le vocabulaire utilisé en recourant respectivement aux notions de « solutions de référence » et de « résultats minimaux ».

Le champ d'application du permis d'innover et du permis d'expérimenter

– Permis d'innover et permis d'expérimenter : champ d'application, règles visées et travaux concernés. –
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Document
Source : Fiche outil CEREMA, <em>Des dérogations en faveur de l'innovation en matière de construction – Permis d'innover et permis d'expérimenter</em>, oct. 2021.
– Les différences entre permis d'innover et permis d'expérimenter. – Alors que le permis d'innover permet de déroger à l'ensemble des règles de construction, voire des règles d'aménagement, le permis d'expérimenter ne peut être utilisé que pour déroger à certaines règles limitativement énumérées.
Surtout, outre le fait qu'il ne puisse être mis en œuvre pour déroger à des règles européennes, seules les règles qui fixent un moyen ou une technique spécifique pour atteindre un résultat déterminé peuvent être écartées au moyen du permis d'expérimenter. A contrario, il ne peut être dérogé, au moyen de cet outil, à une règle qui se contente de fixer un résultat à atteindre sans contraindre à l'utilisation de tel ou tel procédé technique.
Enfin, le permis d'expérimenter suppose d'utiliser non seulement un moyen différent de celui prévu par le Code de la construction et de l'habitation, mais également un moyen innovant. Mais, en définitive, cette précision n'ajoute rien car le décret d'application a précisé qu'un moyen est réputé innovant d'un point de vue technique et architectural dès lors qu'il n'est pas pris en compte dans les règles de construction en vigueur… Un moyen innovant est donc un moyen différent de celui prévu par la réglementation.

Comment déposer son dossier ?

– Permis d'innover et permis d'expérimenter : contrôle avant l'obtention de l'autorisation d'urbanisme. –
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Document
Source : Fiche outil CEREMA, <em>Des dérogations en faveur de l'innovation en matière de construction – Permis d'innover et permis d'expérimenter</em>, oct. 2021.

Quels contrôles de l'innovation sont effectués ?

– Contrôle : différences entre permis d'innover et permis d'expérimenter. – À noter qu'aucun contrôle n'est exigé par les textes en matière de permis d'innover autre que celui effectué en amont du projet avec l'étude et l'avis conforme déposés avec la demande de permis ; le contrôle de la bonne réalisation des travaux innovants passera donc par le droit commun de la conformité des travaux suite au dépôt par le maître d'ouvrage de la déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux (DAACT).
Un dispositif de contrôle par un organisme indépendant est en revanche prévu pour le permis d'expérimenter tant pendant la réalisation des travaux qu'à leur achèvement.
– Permis d'expérimenter : le contrôle pendant les travaux. – Un contrôleur technique agréé, assuré et indépendant du maître d'ouvrage doit contrôler la bonne mise en œuvre des moyens utilisés.
Cela suppose que le maître d'ouvrage ait anticipé les moyens qui seront mis en œuvre et ait été en capacité de décrire dès la demande d'attestation le protocole permettant de contrôler la bonne mise en œuvre de ces moyens par cet organisme tiers. Un retour d'expérience montre en effet qu'il est important d'associer le plus tôt possible l'organisme tiers et que le maître d'ouvrage soit suffisamment avancé sur son projet et suffisamment précis sur les moyens préconisés, dès le stade de la demande d'autorisation. Il ne doit pas attendre le début des travaux.
– Permis d'expérimenter : le contrôle postérieur aux travaux. – En fin de travaux, le contrôleur technique délivre une attestation dans laquelle il indique si, au cours des travaux, les moyens innovants ont été ou non correctement mis en œuvre = attestation de bonne mise en œuvre de la solution d'effet équivalent.
À ce stade, le contrôleur technique a un rôle de « vérificateur ».
Cette attestation est jointe à la DAACT et peut aboutir à un refus de conformité des travaux par l'autorité administrative, si l'attestation du vérificateur conclut à une mauvaise mise en œuvre des solutions innovantes.
Notons toutefois que cet organisme tiers n'a pas à vérifier l'atteinte des résultats, mais uniquement la bonne mise en œuvre des moyens innovants, ce qui peut paraître surprenant dans la mesure où l'une des raisons qui ont conduit à l'instauration de ce permis d'expérimenter est précisément l'évolution des procédés techniques permettant de vérifier si les résultats fixés par la loi ou les règlements sont atteints.

L'état des lieux de l'utilisation de ces permis : quels freins ?

Les limites des permis d'innover et d'expérimenter

– Un champ d'application trop restreint pour le permis d'expérimenter ? – Si le champ d'application territorial du permis d'expérimenter est beaucoup plus large que celui du permis d'innover qui ne peut être utilisé que dans certains secteurs (OIN, GOU et ORT), le champ d'application en termes de travaux et de règles de construction du permis d'expérimenter est inversement plus restrictif.
Alors que le permis d'innover permet de déroger à n'importe quelle règle de construction, voire d'aménagement, le permis d'expérimenter ne permet de déroger qu'à certaines règles limitativement énumérées par décret ; nous renvoyons à ce sujet au tableau des champs d'application ci-dessus (V. supra, n° ).
Surtout, il doit s'agit d'une opération de construction de bâtiments ou de travaux qui, par leur nature et leur ampleur, équivalent à une construction ou à un aménagement qui font l'objet d'un permis de construire ou d'une décision de non-opposition à déclaration préalable, d'un permis d'aménager, d'une autorisation au titre des établissements recevant du public ou d'une autorisation de travaux sur monuments historiques. Ne sont donc visés que les travaux d'une certaine ampleur, ce qui exclut les travaux de ravalement ou d'amélioration de la performance énergétique. Pour ces travaux, il conviendra de se référer aux dérogations spécifiques susvisées.
– La question des normes de contrôle. – Les deux outils font l'objet d'un contrôle a priori des moyens innovants qui seront mis en œuvre, grâce aux pièces exigées pour effectuer la demande de dérogation. Dès ce stade toutefois, les textes relatifs au permis d'expérimenter sont plus précis et exigeants concernant la qualification de l'organisme tiers qui délivrera l'attestation à joindre à la demande de permis.
La différence se fait ensuite plus prégnante puisqu'aucun contrôle spécifique n'est prévu pour le permis d'innover, que ce soit en cours de travaux ou à leur achèvement. L'autorité administrative qui devra délivrer ou refuser la conformité des travaux réalisés dans le cadre d'un permis d'innover se trouvera donc bien démunie sans l'appui du travail et de l'analyse d'un contrôleur technique…
– La question cruciale des délais. – L'intervention d'un organisme indépendant supplémentaire induit généralement des délais supplémentaires. Nous l'avons vu, le maître d'ouvrage devra anticiper et travailler en amont avec l'organisme tiers à un stade suffisamment précis et donc avancé de son projet pour espérer obtenir le feu vert sur sa demande de dérogation puis une conformité des travaux réalisés.
Il devra également anticiper l'hypothèse de refus de sa solution innovante et prévoir un plan B du projet intégrant alors la solution technique réglementaire classique.
Ces difficultés sont d'autant plus importantes qu'aucun délai n'est imposé à l'organisme tiers pour délivrer son attestation.

De la responsabilité aux risques… : le problème majeur de l'assurance et des coûts

– La responsabilité du maître d'ouvrage dans un projet innovant. – C'est au maître d'ouvrage que revient la décision de recourir à un procédé différent de celui écrit par la règle de droit et c'est à lui d'élaborer la norme constructive pour un projet donné, de prouver son efficacité pour aboutir à un résultat équivalent, et de l'inclure dans ses marchés de travaux conclus avec les entrepreneurs.
Il devient en quelque sorte son propre législateur et endosse par conséquent une nouvelle responsabilité. Alors que, dans un projet classique et malgré la souscription d'une assurance constructeur non réalisateur, le maître d'ouvrage appellera à la cause les entrepreneurs et leurs assureurs si sa responsabilité se trouve engagée à l'occasion d'un dommage relevant de la garantie décennale, le report de responsabilité sur ces derniers ne sera pas possible pour une solution d'effet équivalent qu'il aura élaborée et qui serait à l'origine d'un dommage de cette nature.
Il n'est pas non plus certain que le maître d'ouvrage puisse appeler à la cause le tiers attestateur dont la mission se limite à attester de la bonne mise en œuvre des moyens permettant d'atteindre le résultat, mais pas le résultat lui-même ni les incidences de la solution innovante sur le reste du bâtiment.
Et ce d'autant que si l'ordonnance du 30 octobre 2018 a pu faire penser que le tiers attestateur devait souscrire, outre une assurance de responsabilité professionnelle, une assurance décennale pour répondre des désordres qui seraient imputables à la solution d'effet équivalent mise en œuvre, le décret du 29 janvier 2020 a mis fin au doute en précisant que « pour l'exercice de cette mission spécifique, cet organisme tiers n'est pas considéré comme un constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil ».
Seule demeurerait la responsabilité du contrôleur technique qui est tenu de supporter la réparation des dommages à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions du contrat qui le lie au maître d'ouvrage.
– Les coûts induits par l'innovation. – Se pose également la question de l'incidence de ces innovations sur les coûts à l'heure où ceux-ci ne cessent de s'alourdir en raison de la hausse des coûts des matériaux et des normes de qualité énergétique et environnementale issues notamment de la RE 2020, lorsque la collectivité publique n'exige pas, à travers notamment les chartes promoteurs, d'anticiper les futurs référentiels.
En effet, le recours au contrôleur technique indépendant devra être intégré dans le bilan promoteur, ainsi que l'incidence de l'emploi de matériaux biosourcés, innovants et donc produits à petite échelle et, s'il s'agit d'un objectif de réduction des gaz à effet de serre, sans doute produits localement.
– Les coûts induits par l'assurance. – À ce coût de construction s'ajoutera celui de l'assurance. En cas de sinistre sur un bâtiment ayant fait l'objet d'un permis d'innover ou d'expérimenter, la question de la responsabilité juridique de l'architecte, du maître d'ouvrage, du contrôleur technique ou de l'entreprise ayant produit le matériau employé ou l'ayant installé se posera avec acuité.
Outre le fait que l'utilisation d'un matériau ou d'une technique innovante fera l'objet d'une attention particulière de la part des assureurs qui devront avoir les ressources techniques adéquates pour évaluer les solutions d'effet équivalent imaginées par leurs clients, le droit de la responsabilité décennale évolue actuellement vers la prise en compte de la destination, des objectifs à atteindre en matière environnementale et de performance énergétique.
Cette responsabilité accrue des maîtres d'ouvrage les oblige à se tourner vers des assurances plus coûteuses.

Les enjeux du patrimoine architectural

– Une exception française ? – Alors que certains spécialistes du réchauffement climatique préconisent de repeindre en blanc les toits de Paris, de favoriser l'isolation par l'extérieur des bâtiments et d'installer sur des bâtiments anciens des équipements d'énergies renouvelables, la conservation du patrimoine architectural de notre pays s'avère un frein important à l'adaptation des villes.
Le recours aux innovations dans le domaine du bâtiment dans les autres pays européens apparaît plus fréquent, plus simple.
Les enjeux patrimoniaux en termes d'architecture sont toutefois très importants pour la France qui reste la première destination touristique au monde (avec Paris en tête des villes les plus visitées), générant un chiffre d'affaires de l'ordre de 58 milliards d'euros en 2022 pour notre pays.
Le dialogue entre les ministères concernés doit néanmoins être renforcé, afin de pouvoir penser l'avenir des habitants et de leurs besoins et de ne pas rester bloqué sur le patrimoine existant, tout en tenant compte des spécificités du territoire.
S'il peut être intéressant de prendre exemple sur ce qui se fait dans d'autres pays européens comme la Belgique, tout n'est pas transposable d'un pays à l'autre car la façon d'habiter, les activités économiques et les cultures sont différentes.

Des permis d'innover et d'expérimenter, des solutions d'effet équivalent… encore en phase expérimentale

Bref historique et précision terminologique

– Le permis d'innover. – Il a pour origine la loi LCAP du 7 juillet 2016 avec deux processus visant à faciliter l'innovation dans la construction :
  • le I de l'article 88 permettait à certains maîtres d'ouvrage publics, pour des projets de construction d'équipements publics ou de logements sociaux, de déroger à des règles de construction dès lors que leur étaient substituées des solutions permettant d'atteindre les mêmes résultats ;
  • cette possibilité a été abrogée par l'ordonnance du 30 octobre 2018 qui lui a substitué le « permis d'expérimenter » qui le recouvre et va même au-delà ;
  • le II de l'article 88 vise le « permis d'innover » qui permet à l'État et aux collectivités publiques d'autoriser les maîtres d'ouvrage au sein de certains secteurs (tout d'abord les OIN, puis avec la loi ELAN, les GOU et les ORT) à proposer également des solutions alternatives aux règles de construction ou d'aménagement, à condition de démontrer que ces alternatives permettent d'atteindre des résultats satisfaisants par rapport aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé.
– Le permis d'expérimenter. – Il a pour origine l'article 49 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite « loi ESSOC », qui a habilité le gouvernement à procéder par ordonnance, en deux étapes :
  • ordonnance no 2018-937 du 30 octobre 2018 : directement inspirée du I de l'article 88 précité, elle consiste à faciliter, pour les maîtres d'ouvrage tant publics que privés, la mise en œuvre de solutions alternatives dans les projets de construction ;
  • c'est le « permis d'expérimenter » en tant que tel, dispositif transitoire abrogé par la seconde ordonnance ;
  • ordonnance no 2020-71 du 29 janvier 2020 qui a consisté en la réécriture des règles de la construction pour autoriser de manière pérenne les maîtres d'ouvrage à mettre en œuvre des solutions techniques ou architecturales innovantes et a abouti à ce que l'on appelle le « permis d'expérimenter loi ESSOC II » ou « solutions d'effet équivalent ».
Si les termes employés ont évolué, il s'agit néanmoins d'une recodification du Code de la construction et de l'habitation à droit constant, en vue d'identifier clairement les objectifs et de simplifier les règles.

Pourquoi deux permis, deux procédures ?

Droit positif

– Cumul des dispositifs ? – Le permis d'innover constitue une expérimentation prévue pour durer sept ans à compter de la promulgation de la loi ELAN, soit jusqu'au 22 novembre 2025.
Le permis d'expérimenter, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 29 janvier 2020, continue de régir les opérations ayant fait l'objet d'une attestation d'équivalence délivrée antérieurement à son entrée en vigueur, soit le 1er juillet 2021.
Depuis le 1er juillet 2021, s'applique le permis d'expérimenter dans sa version issue des articles L. 112-9 à L. 112-12 du Code de la construction et de l'habitation.
Aujourd'hui, coexistent donc le « permis d'innover » (jusqu'au 22 novembre 2025 sauf prorogation de l'expérimentation) dans les opérations et secteurs spécifiques que sont les OIN, les GOU et les ORT, et le « permis d'expérimenter » ou « solutions d'effet équivalent » sur l'ensemble du territoire et dans l'intégralité des opérations, qui est réglementé par le Code de la construction et de l'habitation.
S'agissant de la possibilité de cumuler les deux dispositifs pour, par exemple, proposer une solution d'effet équivalent dans une ORT, le doute est permis dans la mesure où les dispositions de la loi LCAP du 7 juillet 2016 relatives au permis d'innover, qui précisaient que ce permis d'innover ne pouvait pas être utilisé en même temps que le permis d'expérimenter, ont été partiellement abrogées par l'ordonnance du 30 octobre 2008.
Le cumul des deux outils ne présente dans tous les cas que peu d'intérêt dans la mesure où l'opérateur, dès lors qu'il interviendra dans une opération d'intérêt national (OIN), une grande opération d'urbanisme (GOU) ou une opération de revitalisation du territoire (ORT), pourra se prévaloir d'un permis d'innover moins contraignant en termes de contrôle pendant et à la fin des travaux et même en amont de la demande du fait de l'absence de certification exigée de l'auteur de l'étude démontrant l'équivalence des résultats malgré l'emploi d'un moyen différent.

Solutions d'effet équivalent

– La fin annoncée du permis d'innover. – C'est précisément ce manque de contrôle et d'exigence de l'intervention d'un organisme certificateur indépendant qui rend le « permis d'innover » plus fragile tant pour l'autorité administrative qui l'autorise que pour le maître d'ouvrage qui le met en œuvre. Or, si le manque de cadre précis favorise la liberté de création et l'innovation, il rend plus difficile l'accès à l'assurabilité du projet et son financement.
Il est probable que le « permis d'innover » s'éteigne de sa belle mort, laissant ainsi la place aux « solutions d'effet équivalent » désormais codifiées aux articles L. 112-9 à L. 112-12 du Code de la construction et de l'habitation.
– S'écarter des solutions de référence avec les solutions d'effet équivalent. – Dans le cadre de la réécriture des règles de construction, le législateur, après avoir défini les objectifs assignés aux maîtres d'ouvrage dans tel ou tel domaine technique, en leur assignant ou pas des résultats minimaux à atteindre, leur ouvre la voie de l'innovation en leur permettant de s'écarter de la solution technique ou de la solution de référence définie réglementairement.
  • Si la réglementation prévoit un résultat minimum à atteindre, le maître d'ouvrage doit apporter la preuve que la solution qu'il souhaite mettre en œuvre permet d'atteindre le résultat minimum en question.
  • Si la réglementation ne prévoit pas de résultat minimum, il doit apporter la preuve que la solution d'effet équivalent respecte les objectifs généraux et permet d'atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence à laquelle il est dérogé.
Le maître d'ouvrage devra à cet effet s'adjoindre les services d'un ingénieur d'étude ou concepteur qui définira les méthodes de construction permettant de respecter les objectifs généraux. À noter que celui-ci peut à cette occasion solliciter de l'autorité administrative la transformation de sa solution d'effet équivalent (SEE) en solution de référence.
Comme pour le permis d'expérimenter dans son ancienne version, le maître d'ouvrage doit démontrer que sa solution d'effet équivalent respecte les objectifs généraux et permet d'atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence à laquelle elle se substitue.
Cette démonstration, qui doit avoir lieu avant toute mise en œuvre de la solution d'effet équivalent, va résulter d'une attestation dite « de respect des objectifs » ou « attestation d'effet équivalent » délivrée par un organisme tiers qui sera transmise au ministre chargé de la construction, soit lors de la demande d'autorisation d'urbanisme si celle-ci relève de sa compétence, soit lors de l'achèvement des travaux avec « l'attestation de bonne mise en œuvre ».
Cet organisme tiers doit offrir des garanties de compétence et d'indépendance et être couvert par une assurance de responsabilité civile professionnelle ; il n'a toutefois pas à souscrire une assurance de responsabilité décennale, le législateur ne l'ayant pas qualifié de constructeur.
En cours de travaux, un contrôleur technique doit par ailleurs attester de la bonne mise en œuvre des moyens par le maître d'ouvrage.
Il n'a plus nécessairement à être indépendant de ce dernier, mais il doit l'être désormais avec l'organisme tiers qui a délivré, en amont du projet, l'attestation de respect des objectifs. Et à la différence de ce dernier, le contrôleur technique est assimilé par la loi à un constructeur, et doit obligatoirement à ce titre souscrire une assurance de responsabilité décennale.
En fin de travaux, ce même contrôleur technique va délivrer une attestation de bonne prise en compte par le maître d'ouvrage de ses avis sur la conformité de la mise en œuvre de la solution d'effet équivalent. Il n'atteste pas en revanche que les résultats sont atteints.
Le législateur n'a envisagé que l'hypothèse du respect des avis émis par le contrôleur ; si tel n'est pas le cas, le maître d'ouvrage ne se verra délivrer aucune attestation et il encourra une mise en demeure de respecter les avis du contrôleur, voire une amende d'au maximum 1 500 €.